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ACTES SUD 26,50 € TTC France Dépôt légal : février 2024 www.actes-sud.fr
F U T U Mais ces visions, nourries díimages anachroniques, tÈmoignent avant tout díune forme de nostalgie pour un futur qui nía aucun sens. Futurs obsolËtes. Ce que la conquÍte de líespace nous dit de líavenir remonte aux sources de líimaginaire spatial pour interroger notre quÍte de libertÈ dans les espaces extraatmosphÈriques. Il confronte Ègalement les promesses de ces ìastropreneursî au droit, aux limites physiques imposÈes par líespace ou encore ‡ líabsurditÈ de leurs modËles Èconomiques censÈs faire de líexploitation des corps cÈlestes des gisements inÈpuisables de richesses pour nos sociÈtÈs.
R S O B S O L
FUTURS OBSOLÈTES Ce que la conquête d e l’ e s pa c e n o u s d i t d e l’av e n i r
È T E S
ACTES SUD
Líaventure spatiale, relancÈe par des milliardaires venus de la Tech, entend renouer avec les promesses díApollo : un jour, les humains pourront síÈtablir sur la Lune, Mars ou níimporte quel corps cÈleste. ¿ líheure du dÈrËglement climatique, ces nouveaux conquistadores nous vendent leur solution pour líavenir : pour sauver la Terre, il faut coloniser líespace. LíÈmergence de ce nouvel ‚ge spatial, avec la montÈe en puissance díentrepreneurs comme Jeff Bezos, Elon Musk ou Richard Branson, níest pas une bonne nouvelle. Ces derniers vantent les mÈrites díun avenir radieux o˘ líhumanitÈ, devenue interplanÈtaire, síest ÈmancipÈe de tout ce qui la menace.
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3 - CHRONIQUE 1
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FUTURS OBSOLÈTES Un rÈcit de Julien Le Bot Mise en images de Tom Haugomat
Ce que la conquête d e l’ e s pa c e n o u s d i t d e l’av e n i r
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avant-propos - p. 10 introduction - p. 22
p. 52 -
DE LA TERRE À L’ E S P A C E
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p. 54 - L I M AG I N AT I O N AU P O U VO I R
(pour cultiver le dÈsir d íespace)
, LE GRAND PIÉTINEMENT
p. 74 - A P R È S L A L U N E
C O L O N I S AT I O N : M O D E D ’E M P L O I p. 116 -
p. 94 - AC C É L É R AT I O N D E
L’ H I S T O I R E D U N E W S PAC E
p. 118 - J E F F B E Z O S : U N C Y LI N D R E E N L’A I R P O U R P RO T É G E R L A T E R R E p. 148 - E L O N M U S K À L A
R E C H E RC H E D ’ U N E P L A N È T E B
-TERMISME EN TOILE DE FOND p. 168 - L E L O N G
p. 184 -
L A S PAC E E C O N O M Y
p. 186 - L E D É B U T D E L A F I N D U D RO I T
D E L’ E S PAC E p. 202 - E X T E N S I O N S PAT I A L E D U
D O M A I N E D U M A RC H É
conclusion - p. 222 LA FIN DES CONFINS
remerciements - p. 226 biographie des auteurs - p. 229
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avant-propos
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ien ne ressemble plus ‡ une fusÈe quíune fusÈe. De Saturn V ‡ Soyouz en passant par Ariane, Longue Marche ou Falcon Heavy, toutes les fusÈes se ressemblent. Et toutes les images de lancement de fusÈes se ressemblent. Des annÈes 1960 au XXIe siËcle, un lanceur reste un lanceur : un engin longiligne et borgne, surmontÈ díun couvre-chef en ogive, dÈcollant puissamment dans un dÈluge de feu. Il reste des thurifÈraires de líespace pour aller voir ce spectacle de plus prËs. Ressentir le tremblement du sol, le soufˇe colossal du lanceur, le tintamarre hallucinant et la poussÈe hors norme qui arrachent toute fusÈe en partance pour líau-del‡ de líatmosphËre au sol terrestre. Que líon songe ‡ ces foules qui viennent patienter, des heures durant, ‡ quelques encablures díun des centres de lancement de la Nasa, quíun engin ˇliforme et immobile soit autorisÈ, au terme díun dÈcompte mÈticuleux, ‡ síextraire díun pas de tir du cap Canaveral dans un grand panache blanc (Kourou ou BaÔkonour sont bien moins accessibles pour le curieux de passage en campingcar, et le climat níest pas le mÍme). Mais sur un Ècran, Áa ne change pas grand-chose. Cíest toujours la mÍme scËne. Le mÍme ballet pyrotechnique. Et toujours la mÍme histoire, ˇnalement. Sauf peutÍtre pour Starship, un lanceur spatial superpuissant en cours de
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dÈveloppement chez SpaceX, dont les images circulent abondamment sur nos Ècrans et qui, avec son design singulier, ses ailerons minuscules et proˇlÈs, mais surtout son fuselage en mÈtal brossÈ, veut nous faire croire que nous sommes au seuil díune nouvelle saison ó pour líaventure de la conquÍte spatiale en gÈnÈral, mais aussi et surtout pour líhumanitÈ. Si Ètrange que cela puisse paraÓtre, cette histoire a un lien avec Internet. Et inversement, líhistoire díInternet conduit au ˇrmament. ¿ la vo˚te qui nous surplombe, et ‡ cet univers insondable qui nous regarde ou nous ignore. En retour, ce grand rÈcit qui part díInternet et se diffracte dans líespace nous offre une perspective claire et distincte sur líavenir. Líespace est un miroir. Ce níest pas a priori Èvident, mais cíest ce que jíai compris ‡ force de lire des ouvrages sur la Silicon Valley, díobserver la trajectoire de ses acteurs, et de questionner des historiens, chercheurs, connaisseurs et autres Tech Reporters. Cela peut sembler improbable, mais la prochaine frontiËre du code, cíest líespace. Ni Internet ni líinformatique, ici, níy sont pour rien. Ce dont il síagit, cíest une certaine vision de líinteraction entre le monde et la technologie. Mais Ègalement entre líhumanitÈ et le vivant.
Le XXI e siËcle est en surchauffe climatique caractÈrisÈe, et les barons de la Tech nous vendent un mirage qui nous vient en grande partie du XXe siËcle. Le futur nous demande de nous rÈinventer, de repenser notre relation au monde et ‡ líavenir, et ces magnats nous expliquent quíil faut les suivre, comme on lía dÈj‡ fait sur les grandes plateformes, avec les excËs que líon sait. Pour eux, il faut y aller pied au plancher. Intensiˇer. Encoder. ConquÈrir. Exploiter. Coloniser. Líespace est la prochaine frontiËre ó celle díun accomplissement nÈcessaire ou díune destinÈe manifeste, comme on veut. Ils en sont les pionniers. Mais aussi les hÈritiers. Des hÈritiers qui
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entendent bien rÈactiver líhistoire. Renouer avec un songe, mais aussi avec une prouesse et une promesse. En 1969, líhumanitÈ a marchÈ sur la Lune. Mais depuis lors, il ne síest presque rien passÈ, ‡ leurs yeux. Le disque síest enrayÈ. Y retourner dare-dare, y aller plus vite encore, plus loin, mais surtout, síy installer durablement pour b‚tir : on ne peut pas se contenter de frÈquenter les orbites terrestres. Grandir. Vivre et survivre. LíhumanitÈ peut et doit maintenant considÈrer líespace comme son futur milieu. Son environnement ‡ venir. ¿ les entendre, cíest une Èvidence et une prioritÈ, quoi quíon leur oppose, et quoi quíen disent le droit, la science, ou les populations de notre bonne vieille planËte. Líespace est un rÈtroviseur penchÈ audessus du vide. Cíest pour cela que jíai Ècrit ce livre : pour tenter de voir ce que líespace nous dit de líavenir. Cela fait longtemps que jíai cette intuition. Quand jíai commencÈ ‡ sÈrieusement míintÈresser ‡ la vie et ‡ líúuvre de Mark Zuckerberg (cíÈtait autour de 2016), je líai fait sans prÈjugÈ : jíai voulu comprendre comment cet entrepreneur amÈricain, passionnÈ par líinformatique, Star Wars et líEmpire romain, avait rÈussi ‡ embarquer la moitiÈ de líhumanitÈ sur son trombinoscope en ligne, Facebook. Le projet de Mark Zuckerberg, qui est ‡ prÈsent ‡ la tÍte de Meta, ne síest pas fait sans un certain sens de la dÈmesure, puisquíil se rÍve, depuis le dÈbut de son aventure entrepreneuriale au tout dÈbut du XXIe siËcle, en b‚tisseur. Mark Zuckerberg est pourtant un architecte paradoxal : Internet est nÈ quelques dÈcennies plus tÙt pour dÈcentraliser les communications, faciliter le partage et la circulation des connaissances, voire in ˇne permettre ‡ chacun de cultiver sa voie sur le rÈseau. Cíest pourtant líinverse qui fut fait ‡ partir de fÈvrier 2004. Connecter les individus du monde entier en centralisant líensemble des communications en ligne, ce fut díabord une trËs (trËs) bonne affaire du point de vue ˇnancier pour le fondateur de Facebook, mais ce fut bien plus pour lui. Il y a depuis toujours chez Mark
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Zuckerberg une intime conviction, fondÈe sur une vision de la technologie : Èdiˇer une infrastructure mondiale permettant ‡ líhumanitÈ de se connecter, cíest lui permettre de se surpasser. Líentrelacs inˇni des discours sur les rÈseaux, líentrecroisement des images sur les mobiles et la convergence des ˇux de donnÈes sont une mÈtamorphose qui síimpose ‡ líhumanitÈ tout entiËre parce quíelle nous rend meilleurs. Cíest le sens de líHistoire, pense Mark Zuckerberg. Líintensiˇcation des connexions, le dÈploiement des intelligences artiˇcielles ou la construction díunivers virtuels persistants o˘ le rÈel se trouve sublimÈ par son double numÈrique seront, toutes choses Ègales par ailleurs, bons pour líhumanitÈ. Cíest pour cela quíil parle toujours avec ce langage de pionnier, il considËre que son entreprise est aussi une mission. Et son ambition, cíest le ìtemps longî, quoi quíen disent les soubresauts de la Bourse. Dans le monde de la Tech, il níest pas le seul ‡ penser cela. Le technoptimisme, comme on dit parfois, est presque une religion. Cíest mÍme le sous-texte permanent des grands rÈcits des chantres de líaccÈlÈration technologique : on ne se dÈtourne pas de la prochaine frontiËre. On y va, un point cíest tout. La Tech níest pas un outil, cíest un destin. Vous verrez, nous y serons trËs bien. Au cours de líÈtÈ 2021, trois images míont sautÈ aux yeux parce quíelles traduisaient ‡ merveille cette question de la posture des entrepreneurs de la Tech, faite díune forme de nÈopositivisme et díarrogance ‡ la fois. Ces images míont Ègalement permis de comprendre comment mon travail sur líhistoire díInternet et sur la constitution de ces empires numÈriques Ètait intimement liÈ ‡ la transformation de notre regard sur líespace, sur la trajectoire au long cours de notre monde, et ‡ la question Ècologique. Mark Zuckerberg, díabord, mÍme síil nía rien ‡ voir avec líespace. Pour cÈlÈbrer la fÍte de líindÈpendance amÈricaine de 2021, il publie une
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vidÈo1 díune trentaine de secondes sur ses comptes Facebook et Instagram. On y voit ìZuckî parader sur un hydrofoil Èlectrique ó une planche de surf permettant de survoler les eaux ó, arborant ˇËrement le drapeau amÈricain. Il a líair heureux, pas complËtement s˚r de son coup, on discerne sur son visage un moment de trouille quand une onde surgit, mais il repart, et tout se passe bien ; il se joue des vagues et son engin avance, puissant et dÈterminÈ, sur les eaux douces díun grand lac bordÈ díimmenses villas. Cette sÈquence mía fait penser ‡ ce que líon a tant entendu ces vingt derniËres annÈes : quoi quíil arrive, il faut se dÈployer le plus vite possible sur le numÈrique. Go Big. Move Fast. Et síil le faut, Break Things. On a beaucoup Ècrit, moi le premier, sur cet ethos de la Silicon Valley des annÈes 2000. Vingt ans plus tard, les rÈgulateurs du monde entier se sont rÈveillÈs, mais cela ne veut pas dire que ces entrepreneurs de la Big Tech et leurs cohortes díinvestisseurs en capital-risque ont renoncÈ, ni mÍme quíils sont sortis de leur approche dogmatique. ¿ leurs yeux, la Tech est toujours la solution, quoi quíen dise la science, et quoi quíen pensent les nations. Mais cette sÈquence nous dit une autre chose : Mark Zuckerberg est ˇdËle ‡ líhistoire des …tats-Unis, cíest un grand patron et un immense entrepreneur, oublions le zonzon de líactualitÈ, les mauvaises presses et les scandales ‡ rÈpÈtition. LíHistoire est en marche, cheveux au vent. Et cíest Áa, le rÈcit qui compte. Líaccumulation de richesses extraordinaires acquises en une vingtaine díannÈes par les barons de la Tech, qui ont dÈveloppÈ des services numÈriques de dimension mondiale jusquí‡ construire une forme díoligopole indÈboulonnable (Chine exceptÈe), a en quelque sorte confortÈ leur capacitÈ ‡ imposer leur vision de líavenir. LíaccÈlÈration technologique, líencodage du genre humain, et la quÍte de nouvelles frontiËres au-del‡ de líatmosphËre : voil‡ le cap !
1- www.instagram.com/tv/CQ6u_nFnGmR.
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En juillet 2021 toujours, Jeff Bezos nía pas dit autre chose quand, ‡ peine rentrÈ de son voyage díune dizaine de minutes ‡ la frontiËre de líatmosphËre terrestre avec sa fusÈe New Shepard, il síest exclamÈ lors díune confÈrence de presse organisÈe nuitamment non loin du pas de tir de son entreprise aÈrospatiale, Blue Origin : ìJe tiens ‡ remercier chaque employÈ díAmazon et chaque client díAmazon2.î VÍtu díune combinaison bleue faÁon Nasa, Ècusson amÈricain ‡ líÈpaule, et díun chapeau de cow-boy un peu grand lui cachant la moitiÈ du visage, Bezos nía pas hÈsitÈ ‡ partager sa joie, entourÈ de son frËre et de deux autres apprentis astronautes, devant une nuÈe de journalistes venus ˇlmer, photographier, documenter cette nouvelle Ètape dans le dÈveloppement des activitÈs spatiales made in USA . Et comme il lía bien dit, au milieu de la nuit, tout sourire, toute cette expÈdition níaurait pas ÈtÈ possible sans nous : ìYou guys paid for all this3 !î Est-il nÈcessaire de traduire ? Sur le plateau, cíest líeuphorie. On rejoue la scËne des premiers vols habitÈs dans líespace. La prÈsentatrice, ce jour-l‡, est la premiËre ‡ jouer le jeu : ‡ líentendre, efˇeurer dix minutes durant la frontiËre sÈparant líatmosphËre terrestre de líespace, líhumanitÈ níavait jamais fait Áa. Quand elle passe la parole ‡ Jeff Bezos, ce dernier a des trÈmolos dans la voix. Il est Èmu, il est en communion avec líHistoire. Cíest surtout le chef. Le capitaine. Celui qui, ‡ peine líexploit rÈalisÈ, sait aussitÙt prendre du recul pour remercier les ingÈnieurs, la petite ville de Van Horn, au Texas, o˘ se situe la base de lancement de vols suborbitaux Blue Origin, mais aussi celles et ceux qui, en achetant sur Amazon, ont participÈ ‡ líÈdiˇcation díune aventure qui va les dÈpasser. Il níy a pas de petits achats. Pas de petits proˇts non plus. Amazon níÈtait quíune Ètape dans la construction díun futur dÈsirable. Et interplanÈtaire.
2- https://mashable.com/article/jeff-bezos-blue-origin-amazon-customers-paid-for-ˇight. 3- https://youtu.be/NvvVm375daA.
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Quelques jours plus tard, on est en ao˚t 2021, ‡ Boca Chica, au Texas Ègalement, mais bien plus prËs de la frontiËre avec le Mexique, qui se trouve ‡ quelques kilomËtres ‡ vol díoiseau. Dans cette modeste bourgade se trouve líun des sites clÈs de SpaceX, líentreprise spatiale fondÈe en 2002 par Elon Musk. ìSalut, cíest moi, Tim Dodd, welcome to Starbaseî : ce vidÈaste, plus connu sur Internet sous le nom díEveryday Astronaut, est líun des plus grands fans du renouveau de la conquÍte de líespace incarnÈ par ces entrepreneurs venus de la Tech. Dans une sÈrie de trois vidÈos4 díune cinquantaine de minutes chacune (vues plusieurs millions de fois !), on peut suivre le fondateur de SpaceX, Èbloui et heureux, vÍtu díun tee-shirt noir o˘ líon distingue une image de la Terre vue de líespace environnÈe díune myriade de satellites en orbite, circuler au milieu des entrepÙts et installations de son site de production de fusÈes. Sur le parking, des vÈhicules Èlectriques Tesla partout (une entreprise quíil dirige depuis 2008), des grues, des pick-up de chantier, mais surtout, en toile de fond, dans le soleil dÈclinant, des fusÈes. Les fameuses Starship, ces lanceurs spatiaux díun nouveau genre censÈs convoyer, dans les annÈes qui viennent, les premiers colons humains vers la planËte Mars. En attendant de pouvoir conquÈrir la planËte rouge, SpaceX a des clients terriens, ‡ commencer par la Nasa, comme le rappelle notamment une coiffe en forme díogive blanche signÈe du logo rouge de líagence spatiale amÈricaine qui apparaÓt ‡ líarriËre-plan. Dans ce long plan-sÈquence itinÈrant au milieu des installations, Elon Musk est ‡ son aise et il est bluffant : il semble maÓtriser líingÈnierie aÈrospatiale sur le bout des doigts. ¿ líÈcouter, tout est affaire díexcellence dans líanalyse des obstacles techniques ‡ surmonter, et dans líexÈcution de la mise en production ensuite. AprËs tout, quelques annÈes plus tÙt, nul ne croyait ‡
4- www.youtube.com/watch?v=t705r8ICkRw.
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ses fusÈes rÈutilisables. En 2021, plus personne ne remet en doute sa stratÈgie aÈrospatiale et sa capacitÈ ‡ innover dans ce secteur jusquíici rÈservÈ aux agences spatiales des nations les plus avancÈes sur le plan technologique et ‡ leurs partenaires industriels, issus de líaÈronautique et du XXe siËcle. Depuis cet ÈtÈ 2021, le mouvement síest encore accÈlÈrÈ. Au-dessus de nous, la gÈopolitique se transforme ‡ la vitesse grand V, les rapports de force Èvoluent, mais surtout, ces nouveaux acteurs imposent peu ‡ peu leurs rÈcits. Comme si le temps long, dÈsormais, celui de líHistoire et des grands projets, Ètait de leur cÙtÈ. Comme si leurs rÈussites entrepreneuriales inouÔes, en partie fondÈes sur des rÈgulations t‚tonnantes et timides ainsi que sur des pratiques commerciales et managÈriales particuliËrement agressives (ìextremely hardcore5î, dirait Musk), validaient en quelque sorte leur capacitÈ ‡ cadrer les enjeux ‡ venir dans notre relation ‡ líespace. Pis encore, quand on se plonge dans cette histoire, on se rend compte díune chose : ces gÈnies autoproclamÈs sont en rÈalitÈ des ‚mes nostalgiques et des visionnaires anachroniques. Pour eux, nous pouvons et nous devons combattre le rÈchauffement climatique, líeffondrement de la biodiversitÈ et líensemble des menaces nÈes du franchissement des limites planÈtaires en les suivant les yeux bandÈs. Il faut mÍme accÈlÈrer le mouvement. Nos sociÈtÈs ont trop tardÈ ‡ repartir dans líespace. En allant sur la Lune en 1969, les AmÈricains Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins avaient fait rÍver des gÈnÈrations entiËres ó ‡ commencer par la leur. Mais depuis lors, que de piÈtinements. DíhÈsitations. De sous-investissements. Il est trËs bien díenvoyer des sondes au ˇn fond du cosmos pour en savoir plus sur la naissance de la vie ou la formation de líunivers,
5- www.wsj.com/articles/elon-musk-leadership-analysis-extremelyhardcore-11671832630.
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mais cíest líhumain quíil faut renvoyer díurgence dans líespace. Et il faut le faire ‡ leur maniËre. Avec leur vision. Et leur modËle Èconomique, aussi. Líavenir est ‡ ce prix, nous disent-ils. Líespace níest peut-Ítre quíun espace de plus dans leur logique díexpansion de leurs services. Mais ils nous vendent un grand rÈcit. Et la plupart du temps, on y croit. On ne sait pas trop pourquoi. Ce qui míest apparu, en travaillant sur cette renaissance supposÈe du spatial, cíest líÈmergence díun paradoxe que líon peine ‡ identiˇer comme tel et qui pourtant nous Èloigne du chemin que nous devons trouver pour renouveler notre rapport ‡ la Terre et ‡ líHistoire : si líon peut comprendre la nostalgie de líenfance ó qui, un jour ou líautre, ne lía pas ressentie ? ó qui semble irriguer les imaginaires de ces nouveaux conquistadores de líespace, il faut se mÈˇer de ses projections et de ses effets sur líavenir. Il a sans doute fallu une part díaudace, de courage et de persÈvÈrance pour rÈussir ‡ construire des lanceurs rÈutilisables, mais líingÈnierie ne peut pas tout. Et quand on se penche sur les rÈcits et fantasmes qui portent ces aspirants voyageurs de líespace, tout indique que líon est face ‡ une impasse. Ce quíils envisagent pour le futur, cíest une rÈpÈtition du mÍme. La perpÈtuation díune mythologie qui nous envoie dans le mur. Pour le dire autrement, nous sommes confrontÈs ‡ des rÈcits du futur qui sont obsolËtes. Qui ne rÈpondent en rien ‡ líurgence du moment. Nous nous sommes en partie fait avoir sur Internet, qui nía plus grand-chose ‡ voir avec une utopie. Il serait bien de ne pas rejouer la mÍme scËne au-dessus de nos tÍtes.
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FUTURS OBSOLÈTES Ce que la conquête d e l’ e s pa c e n o u s d i t d e l’av e n i r
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Líaventure spatiale, relancÈe par des milliardaires venus de la Tech, entend renouer avec les promesses díApollo : un jour, les humains pourront síÈtablir sur la Lune, Mars ou níimporte quel corps cÈleste. ¿ líheure du dÈrËglement climatique, ces nouveaux conquistadores nous vendent leur solution pour líavenir : pour sauver la Terre, il faut coloniser líespace. LíÈmergence de ce nouvel ‚ge spatial, avec la montÈe en puissance díentrepreneurs comme Jeff Bezos, Elon Musk ou Richard Branson, níest pas une bonne nouvelle. Ces derniers vantent les mÈrites díun avenir radieux o˘ líhumanitÈ, devenue interplanÈtaire, síest ÈmancipÈe de tout ce qui la menace.
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