Extrait "L'Eglise comme lieu de concert "

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L’ÉGLISE COMME LIEU DE CONCERT

Si la musique a tendance à transformer l’espace ecclésial, les répertoires musicaux mis à l’honneur par les fêtes musicales des églises demandent à être envisagés à la lumière du cadre de leur exécution, dans la perspective d’une histoire “située” des œuvres musicales. Largement discréditées par une historiographie encline à prononcer des jugements de valeur qui reconduisent ceux des réformateurs de la musique d’église du xixe siècle, les œuvres envisagées dans ce livre couvrent un large spectre de la production musicale, des cantiques à destination des paroissiens d’églises modestes aux grandes messes en musique commandées aux compositeurs les plus en vue du temps. Exclues du canon musical, à l’exception des polyphonies anciennes remises à l’honneur par les réformateurs, et réputées brouiller la frontière entre sacré et profane, ces pièces revêtent au cours de la période envisagée ici une importance à la fois quantitative et symbolique que l’étude des lieux et des circonstances spécifiques auxquelles elles furent destinées permet de mettre en lumière. À une approche ontologique et univoque héritée d’observateurs intransigeants de la vie musicale des sanctuaires du xixe siècle, préoccupés de définir la musique d’église dans une perspective missionnaire, mon étude substitue une réflexion ouverte à la diversité des regards historiques sur cet objet, et attentive avant tout aux modalités pratiques de l’exécution de musique à l’église. Fondées sur une émancipation de la musique du cadre liturgique d’une part, sur des modèles hybrides qui combinent enjeux liturgiques, artistiques, commerciaux voire savants d’autre part, les solennités musicales organisées dans les églises participent de l’essor d’une vie de concert. Par rapport aux salles, salons et théâtres lyriques, les églises constituent toutefois des lieux spécifiques, dont les particularités donnent naissance à une diversification des usages du concert. Dans le même temps, parce que la musique est de plus en plus considérée comme intrinsèquement profane ou sacrée, elle apparaît comme une source de redéfinition du statut des lieux saints. La conjugaison de ces deux phénomènes – développement d’une vie musicale séculière et définition d’une nature, profane ou sacrée, de la musique – confère à l’art des sons de nouveaux pouvoirs de produire l’espace. “Penser par cas” Pour observer la manière dont les pratiques musicales transforment l’espace ecclésial, et celle dont, réciproquement, l’église diversifie les usages du concert, j’ai décidé de procéder par études de cas. Plusieurs 28

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