les Nantais partis ailleurs
Marc Rioufol Son parcours de rédemption fut extraordinaire. Avec un livreconfession à la clef. Il avait parfaitement analysé son addiction et il avait réussi à la dompter durant près de vingt ans, Il consacrait son temps (en dehors de son métier d’acteur) à aider les toxicomanes et les alcooliques à se sortir d’un piège qu’il connaissait bien. Très sensible, le décès de sa maman l’avait énormément affecté et la mort est venue le surprendre trois mois plus tard dans un rare moment d’abandon… TEXTE OLIVIER D’ARGOL
Marc Rioufol, qui était né à Nantes le 7 février 1962, s’est éteint à Paris le 13 juillet 2011, victime sans doute de tous ses excès.
Il meurt à 38 ans, le 3 septembre 1989. C’est l’une des toutes premières victimes du Sida. Deux enterrements. L’un, à Paris. L’autre, près de Mauves. Entre les deux, une vie fauchée de tant d’excès conjugués. Marc Rioufol n’a sans doute pas médité suffisamment longtemps la courte vie de son ami perdu. En 1989, il avait 27 ans. Et il raconte dans son livre, cette année-là, son premier coma éthylique doublé d’une overdose… Pourtant, il y eut quelques répits. Grâce à Gabriella et au cinéma (Rapt ou Les Seigneurs, pour ne parler que des derniers films). Jacques, d’abord. Marc, ensuite. Deux Nantais, border line, morts trop jeunes. Intoxiqués à des poisons insupportables. Dédié à sa chère maman qui est partie peu de temps avant lui, Marc Rioufol confessait une dernière addiction : les médailles de la Vierge, rue du Bac, à Paris, qu’il achetait par centaines et offrait tout autant… « J’en ai toujours une dans ma poche. Au cas où. Leur caractère sacré vient d’en haut. Elle me préserve de l’orgueil du thérapeute », expliquait-il dans les dernières pages de son livre. Comme murmurait Sainte Thaïs avant de mourir et comme chacun pourrait le dire : « Vous qui m’avez créée, ayez pitié de moi ! » Marc s’estimait « mort et ressucité ». Deux vies à la fois. Trop courtes pour n’en faire qu’une seule…
Dans Tox, sa biographie, parue chez Robert Laffont, en février 2011, il nous racontait sa descente aux enfers sans rien nous cacher, avec des addictions multiples (alcool, drogue et sexe) qui devaient le terrasser… Dix-sept cures, sept psys et un coma : avec entre-temps un vrai amour (avec la styliste Gabriella Cortese) qui lui donna un petit garçon, Nicola, son cher enfant. Très attaché à la maison de ses parents à Mauves, en bord de Loire, le jeune Marc a connu une jeunesse turbulente. Et la suite idoine. Avec les nuits parisiennes branchées. Et le mélange de la coke et de l’alcool sur fond de sexe débridé. Comme lui disait alors un journaliste de Libé, chargé des people, « une ligne contre une ligne ». Un peu de poudre pour faire parler de soi…
« J’étais un enfant gâté. Avec mes souliers dorés et ma cuillère Christofle dans le bec, je regardais la jet-set avec des yeux de midinette et je suis tombé dans le quart-monde »
Un personnage suffit à comprendre ce milieu très spécial. Il s’appelait Jacques de Bacher et était le petit ami de Karl Lagerfeld. Originaire de Mauves également, il rencontra Marc chez ses parents, autour de la piscine : « De douze ans mon aîné, Jacques se présente comme un gentilhomme de fortune. Je suis baba. Il me pilote dans la “vraie vie” avec voiture, poker, château et dope de bonne qualité. De la cocaïne… Le hasch, c’est fait pour les pauvres ! » Jacques de Bascher est cité dans deux livres intéressants consacrés à Yves Saint Laurent et à Karl Lagerfeld, publiés en septembre 2008 (Beautiful People d’Alicia Drake aux éditions Denoël et Saint Laurent, mauvais garçon, de Marie-Dominique Lelièvre, paru en janvier 2010 chez Flammarion). Jacques de Bascher (de Beaumarchais) fut la muse de Karl Lagerfeld et d’Yves Saint Laurent. Beau, jeune, énigmatique et ambitieux, il incarne une génération ivre de tout (celle du « Do it »).
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