A travers le monde - 1895

Page 244

mission espagnole. Déjà l'on se trouvait sur les premiers contreforts de la montagne. mai, écrit M. de Brettes dans son journal, « Le 3o je suis malade le premier. A i h. 35 de l'après-midi, deux évanouissements m'avertissent qu'il n'est pas bon de s'aventurer à 4 152 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le lendemain je vais mieux, mais c'est au tour de mon compagnon Nunez, qui a manqué mourir dans la nuit. Frantz, mon domestique noir, est exténué et incapable de tout service. Sur nos quatre Indiens, trois sont très malades cependant ils marchent encore, un peu contre leur gré, pour porter mes instruments. ,« A 4800 mètres nous atteiawons la limite inférieure'des neiges éternelles. La maigre végétation des plateaux supérieurs, graminées rachitiques, touffes de puna, etc., a disparu. C'est la solitude et le silence absolus; avec un froid de 6 degrés. Mes trois Arhouaques malades refusent d'aller plus loin, car la neige leur brûle les pieds. Seul Norberto, qui avait accompagné Simons en r875, nous suit, et nous montons encore, harassés, essoufflés, glacés, jusqu'à la dernière crête granitique, qui jaillit du sein des

d'un pantalon court et large et d'une tunique à larges manches en coton. Deux aniechil zs ou sacs ornés de dessins rouges et noirs l'accompagnent partout, contenant le ~:o~eaï, le poporo, une poignée de feuilles de coca et quelques ali-

ments. Le poporo tient dans la vie de l'Arhouaque la place importante de la tabatière de nos ancêtres ou de la boite à bétel de l'Asiatique. Ce poporo se compose d'une calebasse ou petite gourde (souglai), remplie de chaux, au milieu de laquelle pénètre une petite baguette (soukh~zla). A chaque instant l'Arhouaque tire cette baguette chargée de chaux, et la frotte sur ses gencives et sur ses dents pour faciliter la mastication de sa chique de coca. Puis, avant de la retremper dans la chaux en poudre, il la passe rapidement autour du bord de la calebasse,

pour l'essuyer.

Cette précaution de propreté accumule bientôt autour de l'orifice une véritable stratification calcaire, qui atteint la dureté du marbre. L'Indien appelle ce dépôt halxnaovtssa. Le mouvement de la baguette neiges et des glaces et couronne le est si rapide et si fréquent que ce massif de la Nevada, à 5887 mètres bourrelet de chaux: devient considéau-dessus du niveau de la mer. rable en même temps que très régulier. point culmiLe chiqueur de coca met tout son « J'ai atteint ce nant à 2 h. 25 de l'après,midi, le amour-propre à régulariser et à polir le kalamoutssa de son poporo. C'est, 3r mai i8gi. Le but de notre excursion était accompli. v pour employerunterme de fumeur, un « culottage » comme un autre. Au cours de cette exploration, Quant au ~aociaï, il se compose l'IL de Brettes ne se contentait pas de de deux moitiés de calebasse, rentrant recueillir un grand nombre d'observaFE~I"Œ D10TILONES. l'une dans l'autre et contenant un métions topographiques et météorologiD'après Il/te phat. com. par Jf..llallat de Bas.iltan. lange de tabac et de miel. Quand deux ques il étudiait en même temps les Indiens se rencontrent, ils se passent réciproquement tribus indiennes et notamment les Indiens Arhouaques, leurs nouaïs. Chacun y trempe son doigt et le suce, qu'il devait retrouver d'ans tous ses voyages. absolument comme chez nous on s'offrirait une prise. Ces Arhouaques sont les derniers descendants Après quoi ils se racontent les menus faits qui peuvent de tribus disparues, les Taïronas et les Chibchas, être venus à leur connaissance et sont susceptible's dont on a retrouvé quelques vestiges, indices d'une de les intéresser. C'est la gazette parlée. civilisation avancée. Dans leurs petits villages il y a une case spéAu point de vue linguistique, ils se divisent en ciale aux hommes, une case pour les femmes, et une quatre grandes familles les Kog-gabas au nord et à case commune. La case des femmes semble plus conl'ouest, les Bintoukouas au sud, les Chimilas et les fortable, à en juger par une lettre du voyageur. Il raGuamakas à l'est, dont les dialectes diffèrent complèconte en effet qu'arrivant à Makoua-Malakéka,glacé et tement. grelottant de fièvre, après neuf heures de marche sous Ses plutôt jaune. L'Indien Arhouaque a la peau la pluie, il ne put pénétrer dans une belle et grande de bisfendus d'un grands, coup comme yeux sont case ronde qu'il apercevait, parce qu'elle était réservée Il le touri,et relevés vers les tempes. a nez d'aigle des à la population féminine du village, et il dut se réfugier Incas. Sa bouche est bien faite et petite, le menton lécarrée, mal couverte avec des « dans une petite cabane gèrement fuyant. herbes sèches, et remplie de fumée », afin de conserver Ses longs cheveux lisses sont ordinairement son prestige aux yeux des Indiens. couverts d'un bonnet en fibre de palmier qui rappelle Après cette exploration du massif de la Sierra vaguement le heaume sans cimier des Croisés ou, plus Nevada de Santa Marta, qui lui valut les compliments vulgaire passe-montagne. simplement, notre les plus flatteurs des gouvernements français et colomL'Arhouaque est de taille moyenne, bien fait, bien et des sociétés savantes, M. de Brettes rentra en France, au mois d'août t8p. avec des attaches fines. Ses vêtements se composent A peine remis de ses fatigues, il était chargé 1- A. Simons, voyageur anglais. Voir les Proceedings (décret du 9 janvier 1892), par notre Ministère du de la Société de Géographie de Londres, de décembre ¡88r.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.