Nos voisins, les détenus

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La vie en détention affecte également la vision. En effet, les détenus n’ont pas la possibilité de voir au loin, car leur vision est arrêtée par les murs.

Le dernier point, et non des moindres, que nous abordons dans le processus de dégradation du moi est la perte d’identité individuelle. En effet, les centres de détention gèrent un grand nombre de détenus à moindre coût dans un espace restreint. IIs sont principalement désignés par et considérés comme des matricules. De plus, les témoignages d’anciens détenus sont symptomatiques de la perte d’identité du détenu. En effet, la plupart d’entre eux emploient le pronom personnel «on» pour témoigner de leur propre expérience carcérale. Heidegger, à ce propos, parle de la dictature du «on». Dans ce cas, le Moi appartient à autrui, personne nondéterminée, les autres. Le détenu lui-même ne se considère plus comme une identité unique26.

L’ensemble de ces ruptures et pertes contribue à la dénaturation du fait d’être. Le détenu perd ce qui le caractérise en tant qu’individu propre. Les détenus se retrouvent privés de leurs besoins naturels, ce qui engendre, entre autre, un sentiment de frustration qui cultive la tension et la violence omniprésente dans les milieux carcéraux.

26 DASTUR Françoise, L’universel et le singulier, Vrin | Revue des sciences philosophiques

et théologiques, n°95, mars 2011, p.586

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