Psychologie collective et Analyse du Moi

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Sigmund Freud, “ Psychologie collective et analyse du moi ” (1921)

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dans le moi. La distinction suivante porterait peut-être sur des points plus essentiels : dans le cas de l'identification, l'objet se volatilise et disparaît, pour reparaître dans le moi, lequel subit une transformation partielle, d'après le modèle de l'objet disparu; dans l'autre cas, l'objet subsiste, mais se trouve doté de toutes les qualités par le moi et à ses dépens. Mais cette distinction, à son tour, soulève une objection. Est-il bien certain que l'identification comporte une négation des qualités de l'objet? Ne peut-il y avoir identification, sans disparition de l'objet? Mais, avant de nous engager dans la discussion de ces arides questions, nous pressentons déjà vaguement que la nature de la situation comporte une autre alternative, selon que l'objet est mis à la place du moi ou de ce qui constitue l'idéal du moi. De l'état amoureux à l'hypnose la distance n'est pas grande. Les points de ressemblance entre les deux sont évidents. On fait preuve à l'égard de l'hypnotiseur de la même humilité dans la soumission, du même abandon, de la même absence de critique qu'à l'égard de la personne aimée. On constate le même renoncement à toute l'initiative personnelle; nul doute que l'hypnotiseur n'ait pris la place de l'idéal du moi. Seulement, dans l'hypnose toutes ces particularités apparaissent avec plus de netteté et de relief, de sorte qu'il semblerait plus indiqué d'expliquer l'état amoureux par l'hypnose que de suivre la voie inverse. L'hypnotiseur est pour l'hypnotisé le seul objet digne d'attention ; tout le reste ne compte pas. Le fait que le moi éprouve, comme dans un rêve, tout ce que l'hypnotiseur exige et affirme, nous rappelle que nous avons omis de mentionner, parmi les fonctions dévolues à l'idéal du moi, l'exercice de l'épreuve de la réalité 1. Rien d'étonnant si le moi considère une perception comme réelle, lorsque l'instance psychique, chargée de soumettre les événements à l'épreuve de la réalité, se prononce pour la réalité de cette perception. L'absence complète de tendances orientées vers des buts sexuels libres contribue à assurer l'extrême pureté des phénomènes. Le rapport hypnotique consiste dans un abandon amoureux total, à l'exclusion de toute satisfaction sexuelle, alors que dans l'état amoureux cette satisfaction ne se trouve refoulée que momentanément et figure toujours à l'arrière-plan, à titre de but possible. Mais nous pouvons dire, d'autre part, que le rapport hypnotique représente, s'il est permis de se servir de cette expression, une formation collective à deux. L'hypnose se prête mal à la comparaison avec la formation collective, car elle est plutôt identique à celle-ci. De la structure compliquée d'une foule, elle présente à l'état isolé un élément : l'attitude de l'individu, faisant partie de la foule, à l'égard du meneur. Par cette limitation du nombre, l'hypnose se distingue de la formation collective, de même qu'elle se distingue de l'état amoureux par l'absence de tendances sexuelles directes. Elle occupe ainsi une place intermédiaire entre l'une et l'autre.

1

Voir Metapsychologische Ergänzung zur Traumlehre, in Sammlung Kleiner Schriften zur Neurosenlehre, 46 Série, 1918.


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