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Audace pour temps libre
patrimoine
Début septembre, l’automne s’invite.
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Un programme pour le week-end ? Une rapide recherche nous a amenés à feuilleter les animations suggérées en Anniviers, liées au thème du temps libre proposé par les Journées Européennes du patrimoine. Eh bien ! Nous n’avons pas été déçus : à St-Luc nous avons cheminé d’un hôtel historique à l’autre, à Ayer, nous avons participé à une veillée, à mille lieues de nos habitudes, et à Zinal, nous avons passé sans entraves d’une période ancienne à la modernité d’aujourd’hui.
L’automne pointait le bout de son nez, les feuilles de myrtilles rougissaient sans vergogne en altitude, l’herbage prenait une teinte fauve d’après la désalpe et les sommets tout juste saupoudrés d’une mince couche de première neige ont réjoui notre regard. Il suffisait de joindre l’envie à l’agréable, aucun doute n’a entravé nos pensées et nous voilà partis, quittant la ville en train, puis la plaine en car, pour rejoindre le village. Cinq minutes, le car avait cinq minutes de retard ! Petit coup de stress : arriverions-nous à rattraper le groupe à l’heure prévue ? Mais ouf, nous avons rejoint la trentaine de personnes déjà prêtes, devant l’office du tourisme. Nous voilà partis, titillés par la curiosité.
« De sa bibliothèque à sa douce terrasse »
Ainsi annonçait le programme pour la visite de l’hôtel Bella-Tola. Angélique, la jeune tenancière responsable de la bonne marche de ce magnifique lieu d’accueil, nous a transmis un morceau de cette histoire. Né en 1859 au milieu du village, en face de l’église, lors de la reconstruction du village après le deuxième incendie, l’hôtel a reçu là ses premiers visiteurs, en été, jusqu’en 1883. A cette date, la renommée de l’hébergement prenant de l’ampleur, une nouvelle bâtisse a émergé à l’entrée du village, agrandie quelques années plus tard. Il en fallait de l’audace pour faire vivre un si grand hôtel, à cette époque, pour seulement trois à quatre mois par an! Et pourtant, le temps a donné raison aux pionniers, dont la confiance en l’avenir aidait à trouver des solutions à tout. La famille Buchs, dont Angélique est l’une des filles, a repris ce joyau il y a vingt-cinq ans et, sans relâche, chaque année, fait rénover, réparer, améliorer tout ce qui est possible, dans cette maison au si grand âge pour répondre aux normes et aux désirs actuels de la clientèle. Transiter d’un étage à l’autre, de la salle à manger avec son merveilleux plafond au petit salon où se retrouvaient les fumeurs de cigare, de la bibliothèque au spa, tout silencieux, dont le charme s’harmonise parfaitement aux autres pièces richement garnies d’œuvres d’art. Sur la douce terrasse, on reprend son souffle, on se remet de ses émotions et on continue nos pérégrinations par les ruelles du village pour l’étape suivante.
Angélique Buchs, Hôtel Bella Tola
De l’antique salle de bal aux bains modernes de l’hôtel du Cervin
Ici, les travaux sont toujours en cours : la façade est garnie d’échafaudages pour se faire repeindre aux teintes d’autrefois exigées par les responsables cantonaux des bâtiments historiques. L’hôtel est affilié
Veillée à Ayer, Bernard Crettaz et Clément Epiney
aux Auberges de Jeunesse, ce qui permet de louer un lit sans savoir avec qui on partagera la chambre ou alors, une chambre à deux, quatre ou six lits, comme dans un hôtel classique. Les chambres sont vastes et claires, le concept des salles de bain rappelle les malles d’autrefois, en accord parfait avec ces lieux, riche idée !
Au bel étage, la salle à manger, qui servait aussi parfois de salle de bal, dont certains habitants se souviennent encore avec émotion, a pu être remise en état avec la tapisserie d’autrefois. De là, on pouvait admirer, en hiver, les hôtes et jeunes du village qui s’ébrouaient joyeusement sur la première patinoire naturelle du village. Car dès le milieu des années 1960 et grâce à l’avènement des remontées mécaniques, les hôtels ont accueilli des visiteurs en hiver aussi. Benoît Antille, le propriétaire -constructeur s’est lancé dans l’aventure en 1893, probablement titillé par le succès que connaissait Pierre Pont au Bella-Tola. Eh oui, il semble que la concurrence stimule, aujourd’hui encore. C’est Dominique Balmer, présidente des Amis du Cervin qui nous a entretenus sur l’histoire de ce lieu emblématique. Nous avons été invités à ôter chaussettes et souliers pour faire le tour des Bains comprenant piscine, parcours de douches sensorielles, sauna, hammam et salle de massage. Le panorama, la douceur du temps, tout s’est ligué pour nous détourner de la suite du parcours prévu… Mais nous avons résisté, loin d’imaginer que la suite serait… sportive.
Apéro et montée sur l’alpe
Ouf, on nous propose enfin un apéro à la maison bourgeoisiale, dans la chambre du pain où, chaque année en janvier, les familles du village fabriquent le pain traditionnel. Du pain de seigle ? Que nenni, du pain de St-Luc, nous dit-on. Un peu de vin de la bourgeoisie, un peu d’eau de la montagne, quelques petits délices locaux et il est déjà temps de prendre le funiculaire pour se rapprocher du troisième hébergement qui marque l’histoire, là-haut, l’hôtel Weisshorn.
Pourquoi si haut ?
Eh bien, il semblerait que le fameux Pierre Pont du Bella-Tola, aurait encouragé les frères Francesco et Pietro Mosoni, désireux eux aussi de participer au succès de l’hôtellerie de cette époque, à construire leur hôtel « là-haut, car les Anglais adorent la montagne » ! Tout cela pour ne pas les avoir dans les parages, sachant que les Anglais formaient une bonne partie de la clientèle d’autrefois. Et il a été très surpris de constater le cœur mis à l’ouvrage par ces deux frères, de père italien et de mère valaisanne, pour se lancer dans l’aventure à cette altitude, 2337m. En 1882, l’hôtel a débuté sa vie, puis a été lui aussi victime d’un incendie quelques années plus tard, mais reconstruit plus beau qu’avant, p o u r connaître un fort retentissement auprès d’une clientèle aisée. Peut-on imagi ner, aujourd’hui, u n e colonne constituée de mulets chargés de bagages, de dames en belles tenues montées en amazone, de guides, du personnel privé de ces visiteurs, partant de Vissoie pour atteindre, en un peu plus de deux heures, ce fameux hôtel Weisshorn. La clientèle y séjournait au moins un mois, parfois plus, se paraît d’habits de qualité pour le dîner, se régalait des bons produits frais de l’alpage, se baladait sur les crêtes et les sommets alentours et appréciait à sa juste valeur l’excellente cuisine proposée par les tenanciers. Un peu désappointé Pierre Pont, qui supposait que sa proposition découragerait les frères Mosoni ? Apparemment pas, car les touristes étaient assez nombreux pour occuper tous les hébergements de la région !
Nous avons bien fait de nous laisser entraîner dans cette marche soutenue, car, làhaut, tout est beau ! L’environnement se laisse admirer autant de la terrasse que de la salle à manger ou des chambres boisées d’arolle. Les planchers craquent, l’escalier se fait guingois, le piano d’origine trône toujours dans le petit salon. Il a fallu trois jours à six hommes pour l’amener à bon port ! La douche chauffée au feu de bois décore la pièce et d’autres trésors se laissent contempler. Le jardin alpin, remis en valeur ces dernières années, mérite la visite. L’hôtel Weisshorn a été relié au réseau électrique et à la centrale téléphonique d’Anniviers dès la fin du XIXème siècle. Fabuleux, non ?

Mais il nous faut redescendre, atterrir, et se poser la question : les habitants alors, comment occupaient-ils leur peu de temps libre ?
Aperçu d’une veillée
Le co-voiturage entre St-Luc et Ayer nous a permi de rejoindre la veillée proposée par Bernard Crettaz à la salle bourgeoisiale d’Ayer, où nous arrivons avec… cinq minutes de retard. Décidément !
Suspendus aux histoires d’autrefois et à la manière dont les habitants partageaient leurs rares moments de loisirs, nous passons un excellent moment, autour du conteur en chef. Il en rajouterait un peu sur certains aspects de ses histoires, que nous n’en serions pas autrement étonnés. Mais tout cela est passionnant, la façon dont cette époque révolue nous est retracée nous donne de l’émotion, ce monde paraît proche et lointain à la fois, des instants qui nous vont droit au cœur.
Le temps libre pour tous
Le lendemain matin, direction Zinal pour passer de l’un des symboles de l’histoire de l’hôtellerie d’Anniviers, l’hôtel des Diablons où nous accueille la responsable d’Intersoc, aux explications de Régis Theytaz sur le tourisme d’hiver, du premier téléski de 1961 à la dernière télécabine de 2020. Un technicien nous montre la complexité de la machinerie, qui nous permet de rejoindre les hauteurs, en toute confiance et dans un grand confort. Quelle épopée avons-nous vécue en deux jours ! Un riche voyage dans le temps, des échanges étonnants, des découvertes surprenantes. Nous en ressortons un peu plus amoureux de cette vallée. Merci aux Journées Européennes du Patrimoine, section Anniviers, de nous avoir proposé ce programme 2022 sur le thème du temps libre. Nous attendons impatiemment celui de l’an prochain. Emplis de souvenirs aux teintes automnales, nous rejoignons le car postal qui nous ramène en plaine et espérons arriver à l’heure pour monter dans le train qui nous reconduira chez nous.

Hôtel du Cervin à St-Luc
Propos recueillis par Simone Salamin

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