Mémoire 2020

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Fédération Internationale Foi et Joie

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Federación Internacional de Fe y Alegría Fédération Internationale Foi et Joie Coordinateur général P. Carlos Fritzen, S.J. fi.coordinador@feyalegria.org Équipe du Secrétariat exécutif Gerardo Lombardi (Coordinateur) Somarick Roca Robby Ospina P. Marco Tulio Gómez, S.J. fi.secrejec@feyalegria.org Conseil d’administration 2020 - 2021 Fernando Anderlic – Argentine P. Daniel Villanueva, S.J. – Espagne P. Miquel Cortés, S.J. - Guatemala Sabrina Burgos - Colombie Remplaçant: Miguel Molina - Honduras Conseil d’administration 2021 - 2022 P. Daniel Villanueva, S.J. – Espagne P. Miquel Cortés, S.J. - Guatemala Sabrina Burgos – Colombie Miguel Molina - Honduras Remplaçant: P. Alfred Kiteso, S.J. – RD Congo Équipe de Coordination Exécutive Axe Éducation Populaire Gehiomara Cedeño fi.educacionpopular@feyalegria.org Axe Nouvelles Frontières P. Carlos Fritzen, S.J. fi.coordinador@feyalegria.org Axe Durabilité Gabriel Vélez fi.sostenibilidad@feyalegria.org Axe Action Publique Gerardo Lombardi fi.accionpublica@feyalegria.org Responsable de la publication Equipe de Communication et Technologie Gerardo Lombardi fi.coordcomunicacion@feyalegria.org María Paula Arango fi.comunicacion@feyalegria.org José Ignacio Peraza fi.coordtecnologia@feyalegria.org

Gestion et Production de Contenu Robby Ospina Pablo Ivorra Antonio Pérez-Esclarín Gerardo Lombardi Design et mise en page Natalia Hernández Sánchez behance.net/nataliahs Date de publication : octobre 2021

Publication numérique à Bogotá, Colombie Octobre 2021 Archive photographique Fédération Internationale Foi et Joie Foi et Joie dans les pays du monde


Fédération Internationale Foi et Joie

Mémoire 2020


Mémoire 2020

Sommaire

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Présentation

6

Foi et Joie déclare

8 10 14

2

32

Brésil

36

Tchad

40

Chili

44

Colombie

50

Équateur

56

El Salvador

62

Espagne

66

Guatemala

72

Haïti

76

Honduras

82

Italie

86

Madagascar

par le Père Carlos Fritzen, S.J.

l’éducation en état d’urgence

Mission, vision Décalogue

Plan mondial de priorités fédératives 2021- 2025

Une Foi et Joie pleine de vie et ouverte aux changements Témoignages, apprentissages et défis en ces temps de Covid-19

22

Argentine

28

Bolivie


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90

Nicaragua

94

Panama

98

Paraguay

102

Pérou

108

Rép. Démocratique du Congo

112

Rép. Dominicaine

118

Uruguay

122

Venezuela

128

Combien sommes-nous et où sommes-nous

132

Comment nous organisons-nous ?

133

Clairs et transparents

134 136

Rapport de l’avis de l’audit des États financiers année 2020

Répertoire 2020 – 2021

136

Conseil d’administration

136

Directions nationales

140 Bureau et équipe de soutien

130

pour la Coordination générale

Partenariats pour la mission

142

Équipe fédérative internationale 3


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Présentation par le Père Carlos Fritzen, S.J. Coordinateur général

L’année 2020 a été marquée par la douleur et l’espoir. La vie humaine sur la planète a été menacée par la pandémie de la Covid-19, qui a révélé des situations de vulnérabilité et d’exclusion, anciennes et nouvelles. Le modèle de développement prédateur, contre lequel le pape François nous a mis en garde, semble être l’une des causes susceptibles d’aggraver cette réalité. C’est dans le monde des pauvres que les effets sont les plus frappants. L’« éducation est en état d’urgence ». Les écoles fermées, les modèles d’enseignement en présentiel décontextualisés et la majorité de la population déconnectée, font que l’éducation et la communication restent un privilège et non un droit pour la majorité de la population. Les droits à la santé et à l’alimentation sont plus menacés que jamais. Les droits de la terre en tant que notre Maison Commune et le devoir d’en prendre soin restent des défis mondiaux majeurs. Un emploi et une vie dignes restent une aspiration majeure pour plus de la moitié de la population. Ces droits et bien d’autres sont de plus en plus contestés dans un champ 4


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miné par les inégalités. En définitive, ce qui est en jeu, c’est la conservation de la vie humaine sur terre. « Rester à la maison » est devenu impossible pour plus de la moitié de la population, qui doit sortir pour assurer son pain quotidien. Dans le monde, une personne sur quatre n’a pas accès à l’eau potable chez soi, ce qui fait du « lavage des mains » à la fois une nécessité et un luxe. « Rester à la maison » a également exacerbé les situations de vulnérabilité et de violence envers les filles, les garçons, les femmes et les personnes âgées, provoquant des blessures profondes et même la mort. Et lorsqu’il s’agit de migrer vers une autre maison dans un autre territoire, les conséquences sont encore plus marquées. Nous avons perdu de nombreuses vies humaines dans nos pays, nos familles et à Foi et Joie à cause des conséquences de la pandémie. Nous leurs adressons un message d’amour et d’espoir. Pour leurs familles, des mots de réconfort et de solidarité. Nous sommes sûrs qu’ils jouissent déjà de la chaleur et de la bénédiction de notre bon père Dieu. Au milieu de cette situation mondiale, Foi et Joie reste une bonne nouvelle pour les pauvres. Foi et Joie s’est réinventée pour apporter des réponses inédites à une réalité qui nous a pris d’assaut. Nous avons répondu à l’urgence humanitaire de diverses manières et dans des contextes très différents. Nos enseignants et enseignantes se sont mobilisés pour répondre à cette situation en distribuant de la nourriture, des kits de santé et en mettant à disposition nos centres éducatifs pour accompagner nos membres et leurs familles. Ils ont dû adapter sur le champ les modèles pédagogiques de notre Éducation populaire pour garantir

la qualité de l’enseignement qui nous caractérise. Ils ont dû surmonter la mauvaise connexion à l’internet dans leurs foyers et dans ceux de leurs élèves. Et ils ont dû accompagner de manière très particulière les familles, qui se sont davantage impliquées dans le processus éducatif de leurs enfants. En tant que Fédération internationale, nous avons suivi un processus de discernement et de planification à la fois riche et participatif, qui a abouti au Plan mondial de priorités fédératives 2021-2025 et au Plan de mise en œuvre 2021-2023. Nous avons ratifié et mis à jour notre mission et notre vision, les quatre axes de notre mission, nos douze initiatives fédératives de travail en commun et la manière de procéder pour rester « enRED-dados » (en-RÉSEAU) ; pour nous munir d’un Mouvement d’éducation populaire et de Promotion sociale géré en réseaux entre nous et en partenariat avec d’autres organisations liées à l’Église, à la Compagnie de Jésus, aux États et à la Société civile. Dans ce mémoire de la Fédération internationale, nous voulons rendre compte de ces processus et de bien d’autres que nous avons vécus en 2020. Nous partageons nos réflexions et actions autour de la déclaration « L’éducation en état d’urgence » comme source d’analyse et de perspective, pour faire face à la crise générée par la pandémie. Nous mettons à jour nos statistiques et nos données financières dans l’optique de la transparence de gestion qui nous caractérise. Nous recueillons les témoignages des personnes qui font de Foi et Joie un événement, une expérience de vie, dans laquelle les plus démunis deviennent les sujets de notre propre développement. Des personnes transformées par l’esprit et l’éducation pour changer le monde. Profitez-en et bon appétit !

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Foi et Joie déclare l’éducation en état d’urgence

Après plusieurs jours de réflexion au cours des huit premiers mois de la pandémie, le Conseil des Directions nationales de la Fédération internationale a produit cette déclaration, que nous partageons à titre de référence. Le texte intégral se trouve sur notre site web www.feyalegria.org et est également accessible via le code QR situé au bas de cette page. Foi et Joie déclare l’Éducation en État d’urgence Novembre 2020 “Foi et Joie déclare l’éducation en état d’urgence, vise à promouvoir la garantie du droit universel à une éducation de qualité dans la perspective de l’Éducation populaire, à l’heure des conséquences de la Covid-19.” ... “Nous avons la volonté politique de plaidoyer dans les processus de changement et de transformation sociale, qui est fondée sur les engagements historiques de Foi et Joie.” ... “Ce qui est en jeu, c’est la vie durable sur la planète. La vie sur la planète telle qu’elle est aujourd’hui est insoutenable .... La pandémie a dévoilé une crise sans précédent dans notre ‘civilisation’.” ... “Nous sommes contre le modèle de développement prédateur. Ce modèle qui exploite les biens de la nature sans respecter ses droits, qui l’expose et la sacrifie en faveur du profit économique... “. ... “Nous sommes scandalisés par le renforcement d’une culture patriarcale. Ce mode de développement et la crise qu’il génère sont porteurs d’inégalité et d’iniquité dans les relations humaines, ...”

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... “Le droit à une éducation de qualité est menacé. Nous constatons la diminution systématique des ressources publiques allouées à l’éducation en raison de l’absence de politiques publiques visant à garantir le droit...” ... “Face à cette réalité, Foi et Joie s’engage à provoquer des réponses et des propositions, des actions et des stratégies globales de transformation sociale à partir du “populaire”. ...” … “Foi et Joie s’engage à œuvrer pour l’éducation en tant que bien public dans le cadre des Objectifs du Développement Durable, en particulier l’Objectif 4 (ODD 4) qui vise à “ assurer à tous une éducation inclusive, équitable et de qualité et à promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous “ et de l’Agenda 2030. ...” … “Foi et Joie encourage l’éducation pour tous et partout. Favoriser la garantie du droit universel à une éducation de qualité lié au droit à la communication, qui garantit d’abord l’accès à l’éducation, mais pas n’importe quelle éducation, à une éducation de qualité. ...” … “Foi et Joie s’engage à favoriser les relations de travail avec les personnes de bonne volonté et les institutions aux mêmes objectifs éducatifs.(…) en tenant compte de la réalité locale, sans perdre de vue la vision globale et les possibilités de plaidoyer...” … “Nous nous engageons à mener à bien la conception et le développement d’un nouveau modèle éducatif, non pas à partir d’une épopée institutionnelle, mais à partir de la vulnérabilité personnelle et ins-

titutionnelle de ce que nous sommes et de ce que nous faisons face à la taille du défi. Nous nous engageons à : ” “Promouvoir “l’éducation en état d’urgence “ des personnes vulnérables en vue d’une citoyenneté mondiale. Développer des propositions d’éducation flexibles et mixtes qui combinent l’éducation formelle et non formelle, scolaire et non scolaire et l’éducation en présentiel et à distance grâce aux outils de communication disponibles. ...” … “Développer des processus de réflexion et de formation des enseignants et enseignantes dans le cadre de l’éducation populaire...” … “Ratifier l’importance des établissements d’enseignement en tant qu’espace nécessaire et indispensable aux processus de socialisation et de citoyenneté des personnes …” … “Soutenir le développement intégral des personnes, dans une perspective d’égalité et d’équité dans toutes ses dimensions, en veillant et en mettant l’accent sur l’égalité des sexes ; …” “Foi et Joie se met au service de la société... Ratifie une fois de plus son engagement à sauver la vie sur la planète, …”

Vous pouvez consulter ici la Déclaration du Conseil des Directions Nationales de la Fédération Internationale.

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Mission

Foi et Joie est un Mouvement international d’éducation populaire et de promotion sociale, organisé par la Compagnie de Jésus en collaboration avec diverses personnes et institutions engagées dans la construction d’un monde plus humain et plus juste ; ce Mouvement encourage depuis, avec et pour les communautés dans lesquelles il travaille, des processus éducatifs complets et inclusifs, favorisant et défendant l’universalité du droit à une éducation de qualité en tant que bien public. Foi et Joie est engagée dans la transformation des personnes et la promotion de la citoyenneté mondiale pour la construction de systèmes sociaux démocratiques.

Vision

Foi et Joie est une référence en matière d’éducation populaire intégrale, inclusive et de qualité, travaillant aux frontières de la plus grande exclusion ; Foi et Joie favorise et défend le droit universel à une éducation de qualité dans un contexte d’urgence éducative.


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Décalogue 1. 2. 3.

Notre projet naît de la Foi.

Avec la Joie pour attitude.

Toujours en Mouvement.

4.

Nous éduquons.

5.

Nous sommes Éducation Populaire.

6.

Nous sommes la Promotion Sociale.

7.

Nous nous engageons.

8.

Nous optons pour les Secteurs Exclus.

9.

Nous travaillons en faveur de la Justice et la Paix.

10.

Nous construisons une société Fraternelle et Démocratique.

Vous pouvez consulter ici notre Décalogue de l’Éducation

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Plan Mondial de Priorités Fédératives 2021- 2025 FE Y ALEGRIA

En 2020, la Fédération internationale de Foi et Joie a mis à jour son « Plan de mission », nous avons dressé le nouveau Plan mondial de priorités de la Fédération 2021 - 2025. Avec ce Plan mondial, nous renouvelons notre mission et notre vision, ainsi que la manière dont Foi et Joie envisage de répondre aux défis et aux opportunités posés par les différents contextes économiques, politiques et sociaux dans lesquels nous travaillons.

Plan Global de Prioridades Federativas

2021 2025 10

Il s’agissait d’un processus participatif de révision, de réflexion, de discernement et de planification. Dans ce processus, la Fédération internationale de Foi et Joie a déclaré « l’éducation en état d’urgence » comme cadre de référence. Son principal défi était la nécessité de rassembler les efforts pour continuer à contribuer au comblement des situations d’inégalité et d’injustice sociale dans un contexte caractérisé par la crise de la Covid-19, dans le cadre de laquelle nous avons constaté des formes nouvelles et anciennes de vulnérabilité et d’exclusion partout dans le monde. Surtout parmi les plus pauvres de nos pays.


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Au cours du processus de discernement pour la mise à jour du « Plan de mission », Foi et Joie a toujours été guidée par les Préférences Apostoliques Universelles de la Compagnie de Jésus (PAU). Ce dialogue avec les PAU nous a amené à réaffirmer notre engagement envers les jeunes, à accompagner la spiritualité des personnes qui composent Foi et Joie depuis notre identité d’Éducation Populaire et avec le soin de notre maison commune. Tout cela s’exprime dans les quatre axes de notre mission et les douze réseaux de travail fédératif, comme une contribution concrète à la promotion du droit universel à une éducation de qualité. Foi et Joie s’engage donc à faire preuve de projection et de coordination afin de poursuivre la construction d’un Mouvement Mondial ! Nous espérons renforcer la mission de fournir une éducation de qualité aux populations les plus vulnérables d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ! D’autre part, dans le nouveau Plan Mondial

de Priorités Fédératives 2021 - 2025, Foi et Joie a développé l’importance du travail en réseau comme une façon de procéder grâce à laquelle les personnes et les organisations liées au travail s’engagent à être co-responsables de la mission et à mettre leurs capacités et ressources particulières au service du travail. En définitive, Foi et Joie est de plus en plus consciente de l’importance d’entreprendre des actions globales qui transcendent les frontières territoriales et institutionnelles et qui portent en elles-mêmes les graines d’un monde plus inclusif où la pleine réalisation de chaque individu est l’objectif de toute transformation sociale. Dans le Plan Mondial de Priorités fédératives 2021 - 2025, Foi et Joie se projette comme un acteur mondial qui contribue, à travers l’éducation et la promotion sociale, à construire des sociétés plus justes et plus humaines ! Telle est notre mission. 11


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Axe prioritaire 1

Axe prioritaire 2

L’éducation populaire est notre voie

Notre travail est orienté vers les frontières de l’exclusion

a. Promouvoir le développement de pratiques pédagogiques innovantes, en considérant l’éducation populaire en tant qu’axe missionnaire, dans toutes les modalités et à tous les niveaux, sur la base de l’écoute, de la pensée critique et du dialogue interculturel et intergénérationnel. b. Renforcer les dimensions sociopolitiques et éthiques de l’éducation populaire avec une intention de transformation qui favorise le développement d’une culture démocratique dans le respect de la diversité, de l’égalité et de l’équité entre les sexes et à partir d’une spiritualité engagée dans la justice. c. Améliorer la qualité de l’éducation avec l’inclusion sociale en promouvant une culture institutionnelle à cet égard et en mettant en œuvre des initiatives d’innovation éducative qui considèrent la formation pour la vie à travers un travail décent. d. Développer des propositions d’accompagnement socio-affectif pour la recherche et la construction du sens de la vie personnelle et communautaire.

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a. Dans les pays où nous sommes présents, développer de nouvelles initiatives qui contribuent à l’insertion sociale, culturelle et professionnelle des personnes victimes de violence, de discrimination ou de nouvelles formes d’exclusion sociale, ainsi qu’à la migration, et consacrer une attention particulière à la protection des enfants. b. Étudier, encourager et accompagner la création et le renforcement de Foi et Joie dans de nouveaux pays, en Afrique, en Asie et sur d’autres continents, en enrichissant la proposition socio-éducative de Foi et Joie en fonction des textes et des cultures, en donnant la priorité aux endroits où il y a le plus de besoins ou d’exclusion. c. Dynamiser la mission institutionnelle en étant attentif au développement de nouveaux thèmes de réflexion et en répondant aux défis du contexte de l’action missionnaire et, dans cette période particulière, répondre à l’éducation en état d’urgence due à la crise sanitaire post-Covid-19, à l’aide humanitaire, à la spiritualité et à la protection de la maison commune.


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Axe prioritaire 3

Axe prioritaire 4

Le développement durable est notre engagement

Notre action publique a un impact sur les processus de transformation culturelle, sociale et politique

a. Veiller au renouvellement de l’identité institutionnelle, en renforçant sa dimension spirituelle et en comptant sur l’apport des charismes et des spiritualités de Foi et Joie. b. Mettre en œuvre une proposition de renforcement institutionnel et de gestion flexible et innovante, intégrant des aspects d’amélioration au niveau de la planification, de l’évaluation et de la gestion de l’information et des connaissances. c. Diversifier et élargir nos partenariats et nos sources de ressources au service de la mission, en développant des stratégies de collaboration nationales et régionales, et en maintenant et en renforçant celles qui existent déjà, en mettant l’accent sur la transparence.

a. Développer des propositions et promouvoir nos propres initiatives de plaidoyer, et/ ou participer dans des partenariats et des réseaux avec d’autres acteurs pour la transformation sociale et la défense du droit universel à une éducation de qualité en tant que bien public, dans les sphères de l’état, du privé et de la société civile. b. Construire et positionner de nouveaux récits de vie commune, en encourageant un changement de valeurs dans notre société sur la base de la proposition de Foi et Joie et en accompagnant les jeunes en tant que facteur central de renouvellement éthique et culturel, favorisant la citoyenneté mondiale. c. Dynamiser et renouveler les modalités de liens avec les communautés face aux changements des réalités locales et de la réalité institutionnelle de Foi et Joie.

Consultez ici notre Plan Mondial de Priorités Fédératives 2021-2025

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Une Foi et Joie vivante et ouverte au changement Témoignages, apprentissages et défis en temps de Covid-19

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La pandémie de la COVID-19 a aggravé les crises et les manques, déjà graves, des populations avec lesquelles Foi et Joie travaille et a entraîné davantage d’incertitude, de peur, de souffrance et de mort. C’est une grande erreur de dire, naïvement, que la pandémie traite tout le monde de la même manière, alors que la réalité est qu’elle frappe le plus durement les populations les plus vulnérables. Il est faux de dire que nous sommes tous - pendant cette crise dans le même bateau. Nous sommes, oui, sous la même tempête. Pour certains, il est très facile de se conformer à des recommandations telles que « rester à la maison », « se laver les mains », « porter un masque » et « garder une distance sociale ». Pour ceux qui n’ont pas d’eau, vivent dans des conditions de surpopulation, n’ont pas les moyens d’acheter des gels et des masques, et ne peuvent pas manger à moins qu’ils ne travaillent, ces simples recommandations sont irréalisables. Dans le domaine de l’éducation aussi, ce sont les pauvres qui subissent les pires conséquences. Étant donné la difficulté de mener un enseignement en présentiel, qui est ce qui rend possible un véritable enseignement, l’enseignement virtuel a été proposé. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que tout le monde n’a pas un accès égal à ce monde virtuel, de sorte qu’aux nouvelles discriminations et inégalités, il faut ajouter les discriminations numériques ; étant donné que les populations les plus vulnérables et les groupes appauvris et exclus ont peu accès au monde de l’internet. C’est pourquoi les termes « infopauvres « et « inforiches » ont été inventés depuis longtemps, pour souligner la fracture numérique. Et oui, pour beaucoup de gens, surfer sur l’internet est un acte quotidien, mais il ne faut pas oublier que, dans le monde, il y a encore plus de 4 milliards de personnes qui vivent sans accès à l’internet. Selon les données de l’Union internationale des télécommu-

nications (UIT), l’agence pour la communication et les nouvelles technologies, seulement 51% de la population mondiale est connectée à l’internet : plus de 85% dans les régions développées (Europe, Amérique du Nord), mais moins de 40% dans les régions plus pauvres comme l’Afrique et l’Amérique latine. En effet, bien que beaucoup pensent que les nouvelles technologies contribuent à une plus grande égalité dans l’éducation, la réalité est que, avec leur utilisation très inégale, au lieu de favoriser la démocratisation et une plus grande extension de l’éducation, elles conduisent à la discrimination de personnes qui, en raison de leurs ressources économiques ou de la région ou des pays où elles habitent, ne peuvent avoir accès à ces nouveaux outils. Le problème est que la fracture numérique devient une fracture sociale, de sorte que la technologie devient un élément d’exclusion et pas d’inclusion sociale. Cependant, malgré les pénuries et les bouleversements causés par la fermeture des écoles et le confinement forcé, Foi et Joie a réagi avec beaucoup d’audace, d’engagement et de créativité pour que l’éducation ne s’arrête pas et continue d’être garantie à ses élèves. L’urgence éducative nous a obligés à donner la priorité à l’enseignement à distance, ce qui signifie : assumer la virtualité sans y être préparés technologiquement ou pédagogiquement ; redécouvrir le potentiel éducatif des radios ; redimensionner la planification et les projets ; assumer de nouveaux rôles ; réorganiser les équipes ; promouvoir les articulations et les réseaux ; réinventer de nouvelles formes d’accompagnement et de rencontre ; et même accélérer le processus de communication et d’articulation internationale, que nous devons continuer à approfondir. Et parce que le confinement a approfondi la pauvreté et la faim, puisque la plupart des familles de Foi et Joie, travaillant dans l’éco15


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nomie informelle, ont été contraintes de rester chez elles et se sont retrouvées sans salaires, il a fallu multiplier l’aide humanitaire et distribuer des sacs alimentaires et des kits d’hygiène. Il est incroyable et digne d’admiration et de reconnaissance le travail de la plupart des membres de Foi et Joie qui, malgré le fait de subir directement les conséquences douloureuses du coronavirus et la précarité des ressources pour y faire face, ont fait et continuent de faire preuve d’un grand engagement et d’une extraordinaire créativité. Ils n’ont pas reculé devant les problèmes et les lacunes, mais les ont transformés en défis à relever. Ils ont dû se former de manière compulsive à l’utilisation des nouvelles technologies ; ils ont réussi à se procurer des smartphones et à payer pour les données ; ils ont passé la journée à envoyer et à recevoir des messages WhatsApp et des courriels ; ils ont enregistré des leçons à la radio et préparé des guides d’étude qu’ils ont eux-mêmes distribués ; et ils ont participé à de nombreuses réunions de formation virtuelles. Tous les directeurs reconnaissent et soulignent avec enthousiasme le dévouement de leur personnel. Cela confirme une fois de plus que le principal atout de Foi et Joie est son personnel, une garantie pour continuer de se renouveler et d’innover en permanence. Nous présentons à continuation, les accomplissements les plus significatifs dans chaque pays et nous les accompagnons de quelques témoignages qui illustrent nos propos et montrent la qualité humaine de notre peuple. Enfin, nous tentons une lecture transversale de ce qui a été dit afin de détecter les germes de ce nouveau Foi et Joie qui est déjà en train de naître, mais que nous devons continuer à renforcer pour qu’il réponde avec plus de cohérence, en tant que mouvement d’éducation populaire et de promotion sociale, aux exigences des nouveaux contextes et réalités. 16

Apprentissages et défis « Ne prétendons pas que les choses vont changer si nous continuons à faire la même chose. La crise est la plus grande bénédiction qui puisse arriver aux gens et les pays parce que la crise apporte des progrès. La créativité naît de l’angoisse comme le jour vient de la nuit noire. C’est dans la crise que l’invention est née, les découvertes et les grandes stratégies. Qui surmonte la crise, se surmonte, sans être surmontées. Celui qui attribue à la crise ses propres échecs, néglige son propre talent et est plus respectueux des problèmes que des solutions. La vraie crise est la crise de l’incompétence. Le problème des personnes et les pays sont la paresse pour trouver les sorties et les solutions. Sans crise il n’y a pas de défi, sans défis la vie est une routine, une lente agonie. Sans crise il n’y a pas de mérite. C’est dans la crise où chacun doit donner le meilleur de soi-même, parce que sans crise tout vent est caresse. Seulement discuter de la crise est la promouvoir et rester silencieux vis-à-vis de la crise est exalter le conformisme. Au lieu de cela travaillons fort. Finissons-en une fois avec les menaces vis-à-vis de la crise. C’est ces mêmes menaces qui forment la tragédie en empêchant les personnes de lutter et la surpasser par leur audace »

(Texte attribué à Albert Einstein).


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La pandémie de la COVID-19 a aggravé les pandémies de la faim, de la misère et des difficultés des populations les plus vulnérables, qui sont les sujets inaliénables du travail de Foi et Joie. C’est pourquoi nous devons ressortir de cette crise renforcés et renouvelés pour assumer avec plus de radicalité et de cohérence les principes fondamentaux de l’éducation populaire, qui sont plus que jamais pertinents aujourd’hui. Les différences sociales et économiques se sont accrues, ce qui montre la nécessité de changer les modèles politiques, économiques, sociaux et éducatifs. La COVID-19 a révélé de nombreux défauts de notre société et, en particulier, la crise de l’éducation que, depuis quelque temps, l’éducation populaire et les pédagogies critiques soulignent car, au lieu d’être orientée vers la transformation de la réalité et la création d’un monde plus juste et plus fraternel, elle contribuait à reproduire le monde injuste dans lequel nous vivons et à exacerber les inégalités. Une éducation où règne une pédagogie bancaire qui nie les sujets et privilégie les apprentissages décontextualisés, fragmentés, répétitifs, qui exilent les valeurs intrinsèques de l’être humain et

ne tiennent pas compte de son intégralité. En particulier, leur affectivité, leur identité, leur citoyenneté, leur spiritualité et leur sens de la vie. Par conséquent, les urgences humanitaires et éducatives nous crient - à nous aussi, à Foi et Joie - la nécessité de remettre en question, en profondeur, ce que nous faisons et de tenter un changement profond de notre vision, de notre organisation et de nos manières de procéder et de faire. Nous devons renforcer une vision épistémologique qui se fonde sur la reconnaissance de l’autre, battu et blessé, en voyant ses besoins et en apprenant à être comme le bon Samaritain (Lc 10, 25-37), en mettant en évidence la compassion, l’amour de notre prochain, l’humilité et l’humanité. La pandémie nous invite à repenser nos valeurs et nos principes humains dans une perspective de durabilité fondée sur l’écologie, la protection de la maison commune et la construction de la citoyenneté, afin d’évoluer vers une société participative, responsable, équitable, avec une économie solidaire, une formation et un travail productif au niveau local et mondial pour tous.

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Cela implique de repenser sérieusement les objectifs de l’éducation et les moyens que nous utilisons pour atteindre ces objectifs, en recherchant une plus grande cohérence entre les proclamations et les actes, entre les désirs et les réalités. Elle nous rappelle d’où nous venons, de nos racines ; elle exige de nous un engagement à mettre fin à toutes les formes d’exclusion et de discrimination et à rechercher des conditions de vie dignes pour toutes les personnes qui en sont privées et qui font l’objet de notre option.

Puisqu’il est évident qu’à Foi et Joie le discours de l’éducation ignacienne gagne de plus en plus de terrain sur celui de l’éducation populaire, il est urgent d’engager un dialogue sincère, profond et sans préjugés pour analyser leurs similitudes, mettre en évidence les éventuelles différences et, surtout, enrichir mutuellement les deux propositions afin d’obtenir une plus grande cohérence entre les désirs et les pratiques, entre les proclamations et les réalités. Bien qu’il soit facile de s’entendre sur des intentions libératrices, nous avons l’obligation de discerner si notre façon de procéder et les valeurs qui sont ancrées dans nos structures et nos pratiques permettent d’atteindre les objectifs que nous proposons. Cela pourrait être une grave erreur de reproduire avec les pauvres, sans analyse préalable, les modèles éducatifs traditionnels des classes supérieures et moyennes. N’oublions pas que l’éducation populaire est une proposition éthique, politique, pédagogique et épistémologique, visant à transformer les personnes afin qu’elles deviennent des sujets de transformation des structures et des valeurs qui causent et maintiennent l’injustice et l’exclusion. Esto supone, sobre todo, en estos momenCela signifie, surtout à un moment où la pandémie a laissé des millions de personnes sans éducation et où le danger existe que les gouvernements, face à la crise économique, négligent de donner la priorité à l’éducation, de redoubler d’efforts pour garantir - pour tous - une éducation de qualité, qui est le moyen essentiel du développement personnel et social. Il faut pour cela défendre fermement une éducation publique de qualité en tant que droit fondamental et lutter contre la mentalité qui veut en faire une marchandise ou un privilège. Il s’agit également de faire prendre conscience que l’éducation est la responsabilité de tous. Si l’éducation est un droit es-

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sentiel - parce qu’elle permet la réalisation d’autres droits fondamentaux - elle est aussi un devoir de la société dans son ensemble. C’est pourquoi Foi et Joie doit s’articuler davantage en tant que mouvement mondial afin de se positionner en tant qu’acteur international et national et faire entendre sa voix avec plus de force dans toutes les sphères, instances, organisations et forums afin que les États et les organismes publics, les institutions, les églises, les médias et les syndicats soutiennent l’éducation en tant que moyen essentiel pour construire la citoyenneté et combattre les pandémies de faim, d’injustice et de misère. Cela implique que Foi et Joie assume son rôle d’acteur international et national pertinent dans le domaine de l’éducation populaire de qualité, afin d’influencer la formulation des politiques de coopération internationale et des politiques publiques d’éducation dans les États, en mettant l’accent sur l’augmentation du budget public de l’éducation. L’horizon est de développer un modèle éducatif propre, de Foi et Joie et de le présenter avec humilité et conviction comme une réponse à l’insatisfaction croissante des modèles éducatifs actuels et à la clameur généralisée de la nécessité de transformer l’éducation. Bien sûr, ce modèle doit être développé à partir des besoins des personnes démunies et marginalisées qui ont besoin d’une éducation qui les rende sujets de leur propre vie et de la construction d’un monde plus humain. Ce modèle doit abandonner, une fois pour toutes, cette éducation qui nous apprend à répondre à des questions sans importance et sans rapport avec la réalité et les préoccupations des élèves, pour œuvrer en faveur d’une éducation qui nous apprend à questionner en permanence la réalité de chaque jour pour découvrir les mécanismes de l’oppression et de la discrimination, et à

promouvoir la pensée critique et l’autocritique. Une éducation qui nous apprend non pas à répéter des informations, mais à les aborder et à les analyser. Une éducation visant à résoudre les problèmes, à savoir reconnaître et démystifier les propositions magiques de certitude qui nous parviennent des centres de pouvoir qui ne cherchent pas, précisément, à transformer le monde, mais à le maintenir dans son injustice et son inhumanité. Une éducation qui nous apprend à désapprendre, à apprendre et à réapprendre, en permanence, et qui favorise, plus que l’enseignement, l’apprentissage continu. Une éducation qui s’intègre et s’articule, toujours plus fermement, avec les familles et les communautés, ce qui implique, entre autres, des programmes d’études flexibles, pertinents et différents qui répondent à leurs propres réalités et besoins et contribuent à leur promotion sociale et communautaire. Une éducation qui se réapproprie la radio et valorise son énorme potentiel éducatif et qui s’attaque aux médias en tant qu’instances véritablement formatrices qui favorisent la pensée critique et autocritique et combattent la culture de la superficialité, de la trivialité, des fausses vérités, des rumeurs et des ragots, et deviennent la voix de tous ceux qui en sont privés. Une éducation qui contribue à surmonter l’écart numérique et à donner à tous l’accès à l’éducation virtuelle - car aujourd’hui le droit à l’éducation implique le droit à être connecté - mais qui maintient et encourage une attitude critique face à la mythification excessive des technologies et à leur utilisation possible pour imposer des modèles autoritaires qui restreignent les libertés. Une éducation qui permet également d’évoluer vers une utilisation plus pédagogique des technologies, qui risquent de favoriser et d’encourager une éducation bancaire et transmissive plutôt que de promouvoir la pensée cri-

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tique, l’apprentissage tout au long de la vie et le co-apprentissage, ainsi que le dialogue des connaissances. Aujourd’hui, en général, les technologies sont utilisées de manière transmissive, comme si elles remplaçaient les anciens tableaux ou les manuels scolaires par des écrans. Il est urgent de faire avancer l’utilisation plus appropriée des technologies pour permettre une plus grande autonomie dans l’apprentissage et la formation. C’est pourquoi la mise à disposition des technologies et les efforts en vue d’une meilleure connectivité doivent être accompagnés d’une formation pédagogique garantissant leur utilisation appropriée, ce qui nous permettra également d’établir de véritables réseaux favorisant les alliances entre nous et avec ceux qui poursuivent des objectifs similaires, une coordination plus étroite et l’échange formatif de pratiques qui contribuent à résoudre les problèmes collectivement et à favoriser la solidarité et l’engagement. Mais, au-delà de tout cela, l’éducation doit reprendre avec force son essence humaine et s’orienter vers la formation des valeurs humaines essentielles qui nous permettent de nous réaliser en tant que personnes authentiques, de vivre ensemble avec ceux qui sont différents et de défendre la vie humaine, animale et végétale là où elle est menacée, maltraitée et détruite. Une éducation qui considère la diversité comme une richesse, forge une culture démocratique et combat tout comportement raciste, discriminatoire et d’exclusion. D’où, en résumé, la nécessité d’un modèle éducatif qui favorise la pensée critique, le développement de compétences communicatives et créatives, la capacité de maintenir la discipline de l’apprentissage continu et du travail en équipe, la productivité et l’esprit du travail pour la promotion so-

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ciale et la durabilité, et, surtout, la formation humaine. Une éducation qui enseigne comment connecter le cœur, les mains et le cerveau et cultiver le monde intérieur ; qui développe l’intelligence émotionnelle et spirituelle, qui permette de comprendre, de moduler et de transformer les émotions et de comprendre les sentiments des gens et qui développe l’empathie, la compassion et la solidarité. Une éducation qui nous apprend à vivre pleinement, à coexister avec des personnes différentes et avec la nature, et qui nous ap-


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prend également à vivre pour les autres, à consacrer notre vie à un service efficace et affectueux envers les autres, afin de parvenir à un monde plus juste et plus fraternel.

l’engagement, répandent la vie et aident à poser, honnêtement, les questions les plus profondes de l’existence et à consacrer leur vie à la défense d’une vie digne pour tous.

Pour ce faire, nous devons donner aux processus éducatifs, sociaux, de gestion, pastoraux et communautaires un sens humain, spirituel, intégral, inclusif, transformateur, écologique, démocratique et flexible ; mettre l’accent sur ce qui est vraiment important ; mettre l’accent sur le développement des capacités, des aptitudes, des compétences et des attitudes pour la vie, en évitant de s’attacher à l’accumulation de contenus programmatiques ou d’activités et de pratiques qui ne nous aident pas à apprendre, à être, à vivre ensemble et à nous transformer.

La formation en tant que processus de transformation n’est possible que lorsque la personne sait et accepte le besoin qu’elle a de changer, de se convertir à une nouvelle conception et à un nouveau style d’assumer son rôle de formateur. Par conséquent, le processus de formation et de transformation doit être donné à tout le monde, y compris, et surtout, aux cadres, afin qu’ils puissent assumer, avec plus de force, un leadership serviteur. Comme l’affirme Xavier Marcet, « c’est dans l’adversité de la complexité, telle que celle produite par cette crise mondiale du coronavirus, que le véritable leadership est mis à l’épreuve. Nous avons besoin de leaders qui, en ce moment, plutôt que d’être « seuls face au danger », projettent leurs équipes et les incitent à offrir la meilleure version d’eux-mêmes. Ils devraient attirer des profils plus forts que les leurs, afin de pouvoir affronter les complexités avec un certain choix. Il est clair que nous préférons les leaders qui sont humbles et de bonnes personnes, mais nous avons également besoin qu’ils soient capables. Et quand je dis capable, je ne veux pas dire infaillible. J’entends par là la capacité à prendre des décisions dans le doute et à rectifier le tir sans aucune arrogance. Il y a des moments où seules la compétence et l’authenticité comptent. Nous devons apprendre à diriger à distance. Savoir aligner les équipes et reconnaître les personnes sans avoir besoin d’une présence physique. Les cadres sont là pour diriger. Leur travail consiste à prendre des décisions et à se multiplier en autonomisant les gens. S’ils ne donnent pas de pouvoir, ils ne multiplient pas, et les directeurs ne sont pas là pour ajouter... ils sont là pour multiplier ».

Cela nous pousse à insister sur la formation pédagogique, humaine et spirituelle permanente de chacun d’entre nous, afin de devenir de véritables enseignants populaires et des formateurs de vie, ce qui implique une conversion permanente et une révision continue non pas tant de nos paroles et de nos bonnes intentions, mais de nos actions et de nos façons de faire. Il est difficile de reconnaître que les nouvelles générations ne trouvent souvent pas de « maîtres de vie ». Quelle vie nos jeunes peuvent-ils trouver dans un enseignement mutilé, qui fournit des faits, des chiffres et des codes, mais n’offre aucune réponse aux questions les plus troublantes qui se nichent dans l’être humain ? Un enseignement réduit à l’information, dans lequel l’enseignant peut être remplacé par la vidéo ou le logiciel correspondant, n’aidera guère les élèves à grandir. Notre société a besoin de « formateurs en existence ». Des hommes et des femmes qui enseignent l’art d’ouvrir les yeux, de s’émerveiller de la vie et de s’interroger tout simplement sur le sens ultime de toute chose. Des enseignants qui, avec leur expérience de vie, sèment l’agitation et

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Argentine

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Témoignage

Candela Il est âgé de 18 ans. Elle est étudiante au Colegio Foi et Joie dans le quartier d’Ongay. Son rêve, une fois qu’elle aura terminé le lycée, est de faire des études de psychologie. Jusqu’ici, cela semble être l’histoire d’un adolescent normal qui, en temps de pandémie, raconte comment il poursuit sa vie scolaire, mais ce n’est pas le cas. Candela est apparue dans les médias nationaux comme un véritable exemple de lutte et de persévérance. Accompagnée de sa famille et de ses enseignants, elle fait face avec beaucoup de courage à la difficile tâche d’apprendre à distance, car elle souffre d’une infirmité motrice cérébrale spastique, qui l’empêche de contrôler ses articulations, et sa vision est déficiente. Cela a rendu sa continuité éducative plus compliquée. Grâce à l’aide de ses professeurs, elle a pu poursuivre sa quatrième année d’école secondaire par vidéoconférence, avec de très bons résultats jusqu’à présent. Elle a choisi d’étudier la psychologie car son grand désir est d’ « aider les gens comme elle ». Elle veut suivre les traces de la professionnelle du même métier qui l’a assistée lorsqu’elle était plus jeune et qui a éveillé en elle une grande admiration. Pour Candela, la pandémie de la COVID-19, et donc la fermeture des écoles, a changé sa vie. Non seulement parce qu’elle n’avait plus de contact avec ses amis et qu’elle n’allait plus à l’école, mais aussi parce que tout est devenu beaucoup plus difficile. Pour elle, contrairement à ses camarades de classe, le seul moyen de continuer à étudier est de passer des appels vidéo, car elle ne peut pas écrire et les enseignants ont be-

soin de savoir qu’elle comprend ce qu’on lui apprend. « Pour pouvoir enseigner à Candela, j’ai dû adapter une partie de ma maison, installer un tableau noir écologique, acheter un trépied pour le téléphone et même un casque professionnel pour pouvoir bien l’entendre », raconte Oscar Ayala, professeur de mathématiques.

Candela est apparue dans les médias nationaux comme un véritable exemple de lutte et de persévérance.

La différence avec les autres élèves est que le jeune homme de 18 ans - qui rêve de devenir psychologue - ne peut pas recevoir de devoirs, elle doit les faire avec les enseignants. Pour cela, chaque enseignant doit consacrer du temps supplémentaire exclusivement à l’élève, qu’ils accompagnent depuis le début de l’école secondaire. « Nous nous adaptons tous à cette nouvelle époque que nous vivons et nous le faisons avec beaucoup de sens de responsabilité. Le cas de Cande est plus visible en raison de tous les efforts qu’elle fait pour continuer à étudier, mais la vérité est que nous avons dû nous adapter à la réalité de tous nos étudiants », admet Ayala. L’école, où enseigne le professeur de mathématiques, est située dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale de Corrientes. C’est là que la différence de connectivité avec les autres quartiers de la

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ville ou de la province peut être constatée avec certitude. « Ce qui nous arrive, c’est que parfois nous avons plusieurs enfants en âge scolaire dans le même foyer et ils dépendent tous d’un seul téléphone, donc ils envoient leurs devoirs quand ils peuvent, quand leurs frères et sœurs leurs laissent ou quand ils ont des données, ce qui n’est pas toujours le cas. Certains le font même le samedi soir ou le dimanche et il faut donc être très attentif », explique l’enseignant.

“Ils sont très bons avec moi, ils me traitent comme une fille normale. Cela m’aide beaucoup.”

Sans aucun doute, des cas comme celui-ci constituent des véritables défis pour le système éducatif. « Cette pandémie a surpris tous les secteurs de la même manière et la vérité est que nous, les enseignants, n’étions pas préparés à faire face à plus d’une demi-année de classes à distance. C’est un changement radical qui a nécessité beaucoup de créativité, d’engagement et d’empathie », explique Oscar Ayala. Candela est la plus jeune de quatre frères et sœurs. Sa mère, Margarita, est émerveillée par la passion qu’elle met dans ses études : « Parfois, une de ses sœurs qui étudie l’éducation physique l’aide, mais son plus grand soutien sont ses professeurs et son professeur d’intégration », dit-elle, sans oublier de mentionner que le plus grand problème qu’ils rencontrent est souvent le manque d’une bonne connexion internet et même le manque de données. «Nous, l’école et les enfants de cette his-

Candela remercie ses enseignants et son professeur responsable de l’intégration pour la façon dont ils la traitent. « Ils sont très bons avec moi, ils me traitent comme une fille normale. Cela m’aide beaucoup. Certains de mes professeurs m’appellent, ils m’aident et j’étudie avec mon professeur d’intégration, qui s’appelle María José », explique-t-elle avec enthousiasme. La jeune femme est bien consciente de ses limites. Elle dit même qu’elle étudie avec un téléphone, avec tout ce que cela signifie. « La durée de vie de la batterie est très courte et mes cours sont parfois longs », expliquet-elle, car chaque professeur a besoin d’un peu plus d’une heure de connexion avec Candela.

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toire, faisons partie d’un quartier pauvre où la plupart d’entre eux n’ont pas de wifi, ils travaillent avec des données et n’ont parfois pas de crédit sur leur téléphone et, pourtant, nous devons les accompagner pour qu’ils puissent continuer à étudier et, surtout, maintenir le lien, le contact avec nos élèves», explique Vicente Ayala, vice-directeur de l’école Foi et Joie. Il s’agit de problèmes réels auxquels la famille éducative doit faire face quotidiennement, mais pour Candela, ce n’est pas le plus important car ils peuvent être résolus. Elle demande à la société de ne pas la discriminer : « La seule chose que je leur demande, quand ils me voient dans la rue, c’est de ne pas dire “la pauvre, la pauvre fille”, de ne pas me regarder bizarrement, mais de dire plutôt “Courage !”. Je ne veux pas qu’ils aient pitié de moi », dit-elle avec beaucoup d’émotion. Lorsqu’elle est entrée en première année,

c’était quelque chose de nouveau pour tout le monde, car elle était la première élève handicapée à fréquenter l’école. Aujourd’hui, elle est pleinement intégrée, elle apprend et est heureuse, même si les cours en présentiel lui manquent. Elle reçoit le soutien dont elle a besoin et, à la fin de ses études, elle obtiendra son diplôme sur un pied d’égalité avec le reste des étudiants. « Les gens comme moi souvent n’osent pas franchir le pas d’aller dans une école normale. Il y a beaucoup de peur du harcèlement et de la discrimination », dit-elle. Margarita, la mère de Candela, est reconnaissante que sa fille n’ait jamais été victime de discrimination à l’école, mais en tant que mère, elle a eu du mal à accepter qu’elle ne puisse pas marcher et reconnaît qu’il existe de nombreux préjugés sur le handicap. « Ma fille est née à 29 semaines de gestation d’une grossesse double, dont seule elle a vu le jour ».

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la contagion. Chaque semaine, les aliments étaient livrés aux écoles et des représentants allaient les chercher. Nous avons également profité de l’occasion pour leur donner des informations sur l’importance de la prévention des infections et sur la manière de le faire. Apprentissage et défis

Les enseignants sont le plus grand capital dont nous disposons. La pandémie nous a surpris sans aucune arme, sans ressources pour y faire face, et nous avons dû nous réinventer et changer complètement nos plans. Le 3 mars 2020, nous avons commencé la nouvelle année scolaire et le 8, nous avons été contraints de fermer les écoles. Certains enseignants n’ont même pas eu l’occasion de rencontrer leurs élèves. Si la perplexité était générale, une réponse collective et créative a rapidement suivi. Les enseignants se sont organisés en groupes et ont commencé à contacter et à organiser leurs élèves et leurs familles. Heureusement, comme nous sommes peu nombreux, nous disposons d’une structure technologique qui nous permet d’être en contact et d’assurer le suivi de chacun de nos élèves et de leurs familles. Alors que la pandémie et le confinement obligatoire aggravaient la misère des familles de nos étudiants, nous nous sommes organisés pour collecter de la nourriture et distribuer des sacs de nourriture et des kits d’hygiène pour soulager la faim et prévenir

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L’éducation ne s’est pas arrêtée. Nous avons improvisé des cours virtuels, nous avons formé des groupes sur WhatsApp, Facebook et d’autres plateformes numériques, et nous avons préparé du matériel et des guides d’étude pour les étudiants et les familles qui ne disposaient pas de ressources technologiques. Pour prévenir les dangers du confinement forcé, avec ses conséquences de violence domestique et ses problèmes de stress, d’angoisse et de peur, nous privilégions l’accompagnement émotionnel et spirituel, la pédagogie du soin et nous insistons beaucoup sur la coexistence, le respect et la solidarité. Fernando Anderlic, directeur de Foi et Joie Argentina, tient à souligner la réponse généreuse et créative du personnel : « L’enthousiasme avec lequel ils ont relevé les nouveaux défis est surprenant. Je suis très fier d’eux. J’irais même jusqu’à dire que la pandémie nous a rapprochés et a renforcé nos liens d’amitié. La pandémie a également été l’occasion de nous rapprocher des familles et de reconquérir leur rôle essentiel de premiers enseignants de leurs enfants. Il est évident que nous devons continuer à renforcer cette relation et commencer à construire une école-communauté où nous éduquons ensemble et nous réglons les problèmes de manière créative et solidaire ». Pendant la pandémie, nous avons également renforcé nos liens avec les organisa-


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tions proches de Foi et Joie, une dimension sur laquelle nous avions déjà travaillé auparavant, notamment avec les réseaux de jeunes, afin qu’ils puissent assumer leur rôle de leader dans la transformation du monde actuel, injuste et exclusif. Selon les mots d’une jeune participante, « avec la situation posée par la crise sanitaire, nous avons continué à travailler en virtuel et, cette année, dans la planification annuelle, nous avons décidé de nous endurcir face à toutes les situations qui entravent le droit à l’éducation. Le travail à distance a été basé sur trois axes : le droit à l’éducation, les soins et l’affectivité, et la violence de genre. Confronter les faits qui indignent, notamment le fossé de la connectivité et le manque de ressources... il y a beaucoup de garçons et de filles dans mon village qui ne peuvent pas accéder à l’éducation virtuelle parce qu’ils n’ont pas de téléphone portable ou d’ordinateur, ou parce qu’ils n’ont pas accès à l’internet. Par conséquent, je m’engage à continuer à travailler et à faire partie du groupe de Protagonisme des Jeunes pour, avec eux, trouver la solution que nous pourrions leur donner pour obtenir, de manière solidaire, les ressources dont ils ont besoin ». Les liens entre les pays voisins nous ont permis de célébrer ensemble certaines eucharisties et liturgies de la Parole, et d’organiser des journées de formation communes sur la spiritualité, l’appartenance et l’identité. Nous pensons que c’est l’une des dimensions que nous devons continuer à renforcer afin de créer une conscience d’appartenance à un mouvement éducatif multinational.

pour répondre de manière adéquate aux défis de l’éducation à distance, qui est là pour y rester et que nous ne pouvons ignorer si nous recherchons réellement une éducation de qualité. Fernando pense que l’un des défis les plus importants pour Foi et Joie, au niveau fédératif, est d’oser réaliser et proposer notre propre modèle pédagogique original d’éducation de qualité pour les pauvres, dans lequel nous concrétisons les principes théoriques basés sur les riches expériences qui sont réalisées dans différents pays. Il s’agit de mettre à disposition des personnes ayant une grande capacité de réflexion, de recherche, de systématisation et de proposition, capables de penser et de visualiser l’avenir de Foi et Joie. Cela contribuerait à renforcer notre identité et notre unité. De plus, de cette manière, nous pourrions avoir un impact beaucoup plus important sur le monde de l’éducation et contribuer à rendre réelle la proposition d’une éducation de qualité pour tous. Cela pourrait être notre principale contribution en ces temps où il existe un consensus croissant sur la nécessité de changer le modèle éducatif actuel.

Parmi les propositions à travailler, nous constatons qu’il est nécessaire de faire de gros efforts pour doter les établissements des ressources technologiques nécessaires

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Bolivie

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Témoignage

Julia Rocabado Mme Julia est professeur au Colegio América de Foi et Joie, qui fait partie du Plan 3 000 en Bolivie. Elle a 75 ans et possède une extraordinaire jeunesse d’esprit. Enseignante par vocation, elle a consacré toute sa vie à enseigner avec passion et dévouement, et elle entend continuer à le faire tant qu’elle en aura la force. Comme elle le dit ellemême avec conviction : « Je n’ai pas arrêté, j’ai continué parce que j’aime ma carrière. Les gens me demandent pourquoi je continue à travailler et je leur réponds que c’est parce que j’aime ça. On me dit de prendre ma retraite, mais je n’en ai pas envie ». Lorsque la pandémie a frappé et que les cours en présentiel ont été suspendus, elle a réussi à continuer à former ses élèves à distance. S’il fallait emprunter la voie - nouvelle pour elle - de la technologie, elle la prendrait, malgré son âge. Avec l’aide de sa petite-fille, elle a transformé un espace de sa maison en salle de classe virtuelle, installant un tableau noir, un écran, un ordinateur portable, une webcam et tous les accessoires nécessaires pour continuer à enseigner à ses élèves. « Nous essayons par nos propres moyens de faire du mieux que nous pouvons. La petite caméra est là pour que ça marche bien. Je paie moi-même l’internet ».

« S’il fallait emprunter la voie - nouvelle pour elle - de la technologie, elle la prendrait, malgré son âge »

Julia faisait partie des familles touchées par les inondations de Santa Cruz en 1983. Elle a dû quitter sa maison natale et s’est installée dans le quartier de Toro, où elle vit depuis lors, accomplissant sa mission éducative avec une profonde « Foi » et une grande « Joie ».

Prof. Julia enseigne six matières à ses élèves de quatrième année, dont les Maths, les Études sociales et les Valeurs. Sa petite-fille est toujours à ses côtés pour l’aider à utiliser la technologie.

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sible l’éducation à distance des filles et des garçons par radio.

Apprentissage et défis

Foi et Joie ne se laisse arrêter par personne La présence de la COVID-19 en Bolivie a été si soudaine et accélérée qu’il n’a même pas fallu sept jours après l’apparition du patient zéro pour que les autorités nationales décident de suspendre les activités scolaires et éducatives dans tout le pays. La décision a été si soudaine que personne n’était préparé à ce qui allait arriver. Cependant, Foi et Joie n’a jamais accepté que les étudiants soient laissés sans éducation et a décidé de lancer, presque immédiatement, avec beaucoup de courage et de créativité, une expérience d’éducation virtuelle appelée « Croisade éducative en ligne » afin que les étudiants de différentes modalités et niveaux éducatifs puissent exercer leur droit à une éducation de qualité en période de quarantaine à cause du coronavirus. Les enseignants ont fait preuve d’initiative et, avec beaucoup de dévouement et d’enthousiasme, ont travaillé à la préparation de matériel, d’unités didactiques ou de cours par radio pour atteindre les endroits où la connectivité était faible ou inexistante. En ce qui concerne l’éducation par la radio, il convient de noter la signature d’un accord entre la Fondation IRFA, le Conseil des Capitaines Guaranis de Santa Cruz et le ministère de l’Éducation pour rendre pos-

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En prenant les précautions sanitaires nécessaires, mais en surmontant la peur et l’insécurité, nous avons également distribué du matériel de maison en maison et, un jour par semaine, les enseignants rencontraient leurs élèves dans un terrain vague ou dans un petit coin de la place de la ville. Ainsi, alors que l’éducation en Bolivie était presque totalement paralysée - le ministère ayant suspendu l’année scolaire et les syndicats refusant de mettre en œuvre l’enseignement virtuel ou à distance, sous prétexte qu’il n’y avait pas de conditions pour cela - Foi et Joie a décidé de ne pas s’arrêter. Le Père Francisco Pifarré, S.J., Directeur national de Foi et Joie Bolivie, déclare avec une réelle fierté : « Personne n’arrête Foi et Joie ». Pour justifier leur attitude, qui aurait pu paraître rebelle, nous nous sommes appuyés sur la Constitution qui garantit le droit à l’éducation. La plupart des établissements scolaires religieux se sont ralliés à l’attitude de Foi et Joie et même certaines écoles publiques ont suivi son exemple. La décision et l’exemple de Foi et Joie d’éduquer en situation d’urgence et malgré les problèmes, a favorisé les partenariats avec le ministère de l’Éducation et a permis d’échanger des pratiques et des propositions. Les alliances avec d’autres organisations éducatives, sanitaires et humanitaires ont également été renforcées. Il convient de souligner le processus de formation qui a eu lieu parmi les enseignants eux-mêmes, en fonction des compétences de chacun, qu’ils ont mis à la disposition de leurs collègues. Ils ont été formés à l’utilisation des technologies et ont suivi des cours sur l’identité et diverses didactiques. La situation de précarité, d’incertitude et de difficultés a renforcé le travail pastoral,


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la formation aux valeurs et à la spiritualité, qui a été travaillée en tant qu’élément essentiel pour renforcer l’identité et la vocation de service. Comme un fait significatif qui renforce ce qui a été dit, plus de cent enseignants ont fait les Exercices Spirituels de Saint Ignace pendant quinze jours. Par ailleurs, les élèves ont également fait preuve d’un grand esprit d’initiative et se sont organisés, mobilisés et formés par le biais de diverses plateformes numériques. Outre la volonté et l’engagement des enseignants et du personnel administratif, il faut souligner l’attitude attentive et le soutien déterminé des parents et des représentants qui, avec les enseignants, ont assumé leur rôle de principaux formateurs de leurs enfants. Il convient également de souligner que la pandémie nous a permis d’être plus étroitement liés et articulés avec eux. Elle a également favorisé, comme jamais auparavant, le travail communautaire, un fait que nous devons continuer à renforcer au-delà de la pandémie. Chez Foi et Joie Bolivie, nous pensons que la pandémie a ravivé l’importance de l’école comme point d’articulation et de force sociale. Nous pensons également qu’il faut re-

penser l’Enseignement Technique Technologique Productif afin de le concevoir à partir des caractéristiques des communautés elles-mêmes, en tenant compte de ce que les gens savent faire, de leurs connaissances et techniques locales, du développement de leur capital humain, du développement de leur activité économique productive locale, selon leurs ressources, leurs besoins, leurs vocations et leur potentiel. L’enseignement technique technologique productif a été revitalisé en ces temps de crise sociale et économique que nous traversons à cause de la COVID-19, car il s’agit d’une formation plus courte et qui nécessite moins d’investissements. Nous devons donc digérer calmement les leçons apprises, qui nous a obligé à planifier et à affronter de manière créative de nombreuses situations inédites. Nous soulignons également la nécessité d’un plus grand renforcement des réseaux qui permettront une meilleure articulation entre les différentes organisations de Foi et Joie, ce qui nous permettra de grandir grâce à l’échange d’expériences, de bonnes pratiques et de ressources, tant économiques qu’humaines, et de repenser et construire ensemble l’avenir de Foi et Joie.

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Brésil

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Témoignage

José Alberto Romero Blanco Je suis José Romero, un migrant vénézuélien et comme des milliers d’autres, un jour je suis arrivé au Brésil fuyant la terrible crise économique, politique et surtout morale que subit notre pays, j’ai traversé la frontière avec ma femme et mes 3 enfants (11, 12 et 15 ans) chacun avec une valise qui essayait de condenser toute une vie dans les quelques éléments indispensables qu’elle contenait, en marchant je priais dans mon cœur : « Seigneur permets-nous d’entrer, pour mes enfants et si c’est possible que je sois utile à ton travail ». Dieu a répondu à ma prière et a non seulement pris soin de moi, mais m’a également permis de faire partie de l’équipe fondatrice du bureau de la Fondation Foi et Joie à Roraima - Brésil, que je coordonne depuis ce moment-là. Je suis convaincu qu’Il m’a placé à cet endroit et qu’en plus de pouvoir soutenir ma famille, Il m’a donné le privilège de faire partie de cette œuvre de la compagnie de Jésus qui aide des milliers de migrants avec une attention particulière aux familles, aux femmes et aux enfants. Pour cette raison, c’est à Lui que je rends gloire. Et un jour, la nouvelle est tombée, ce qui semblait lointain était là, frappant à notre porte en Amérique latine, une pandémie à l’échelle mondiale, mes premières réactions ont été l’incertitude et la peur, ce n’est pas facile d’être immigré, le sentiment de solitude est parfois présent, mais la famille Foi

et Joie s’est rassemblée, non seulement pour prendre des décisions pour sauver la vie de ses collaborateurs, mais aussi pour réfléchir à la façon dont nous pourrions aider dans cette situation profondément difficile. Au cours du premier mois et pendant une partie du deuxième mois, nous avons été très prudents dans nos actions, et avec les conseils de notre président-directeur, le P. Antonio Tabosa Gomes, nous avons décidé de nous concentrer sur la protection de la santé et la sauvegarde de la vie des familles les plus vulnérables, ce qui a impliqué de renégocier avec tous nos bailleurs de fonds pour lancer une grande campagne d’aide humanitaire afin de garantir l’alimentation et le soutien des familles de nos bénéficiaires. Nous avons commencé à aider en fournissant de la nourriture, un loyer solidaire, des recharges de gaz, des couches et des serviettes hygiéniques, des lingettes et des kits d’hygiène pour la prévention de la Covid-19. Aujourd’hui, nous nous adaptons à une réalité post-pandémique qui laisse les gens plus pauvres et plus marginalisés que jamais, mais nous avons appris à être plus solidaires, plus flexibles et plus adaptables (MAGIS). Je me souviens que dans les moments de grande peur, j’ai trouvé du réconfort dans les paroles que Dieu a prononcées dans le livre de Josué 1:9 « Voici mon commandement : sois brave et courageux, ne tremble pas et n’aie pas peur ; Yahvé ton Dieu est avec toi partout où tu vas ». Je trouve toujours du réconfort dans ces mots et j’espère que vous en trouverez aussi.

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Apprentissage et défis

Face à la pandémie, nous privilégions la pédagogie du soin Pendant la période difficile de distanciation sociale causée par la maladie COVID-19, les activités en présentiel ont été interrompues dans les établissements Foi et Joie au Brésil. Pour faire face à l’impact négatif de la pandémie - qui a entraîné une nouvelle aggravation de la pauvreté, car de nombreuses familles ont perdu leur travail informel lié au soutien du tourisme, qui est désormais paralysé - Foi et Joie a lancé la campagne « Nourrir une famille » dans les quatorze états où elle travaille. L’objectif était de fournir des paniers alimentaires de base, des kits d’hygiène et des masques à plus de 10 000 personnes. Elle visait également à sensibiliser le public sur la nécessité de prendre des mesures préventives pour éviter l’infection, car il a été constaté avec inquiétude que de nombreuses personnes ne prenaient pas la pandémie au sérieux.

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En plus de l’aide humanitaire, Foi et Joie a fourni à son personnel un cycle de formation virtuel gratuit sur l’éducation populaire et la pédagogie ignacienne, mettant l’accent sur la protection des droits des enfants et des adolescents, et sur la création d’environnements exempts de violence ou de tout type d’abus, étant donné que le confinement forcé peut exacerber la violence domestique. 130 professionnels ont été formés à la pédagogie de l’attention et de l’affection. Dans l’optique d’une meilleure prise en charge des enfants et des jeunes, leurs aspects psychologiques et sociaux ont été étudiés en profondeur. Pour ces cours, nous avons eu le soutien de certaines œuvres jésuites et aussi de la Fédération internationale de Foi et Joie. Avec le soutien de Manos Unidas, nous travaillons dans le nord du pays, à la frontière avec le Venezuela, pour prendre en charge les enfants et adolescents vénézuéliens âgés de 6 à 12 ans qui ont quitté leur pays et vivent dans la rue ou dans des refuges. Depuis 2017, le Centro Social Libertad de Foi et Joie à Boavista soutient les migrants, en leur fournissant de la nourriture et des activités socio-éducatives. Bien que Foi et Joie Brésil ne dispose pas d’une plateforme virtuelle pour travailler avec les enfants et les adolescents, au centre Foi et Joie Frei Antonio, situé à Tocantínia (nord du Brésil) - où la moitié de la population est aborigène - un groupe WhatsApp a été créé, avec la participation des parents et des élèves, pour envoyer des activités didactiques, développer des contenus scolaires, suggérer des livres, des films et promouvoir des outils d’apprentissage par le biais du projet de lecture et d’écriture INDITEX, « Enfants libres ».


Fédération internationale Foi et Joie

La pandémie oblige Foi et Joie Brésil à repenser son travail en profondeur, ce qui nécessite, entre autres, la mise à disposition d’outils technologiques permettant une prise en charge non présentielle des populations les plus vulnérables. Foi et Joie Brasil considère également qu’il est très nécessaire d’en savoir plus sur les expériences

et les défis des autres organisations Foi et Joie afin d’en tirer des enseignements, de répondre de manière plus appropriée à leur spécificité, de repenser leurs défis pour l’avenir et dans le but de commencer à se développer plus fermement en tant que mouvement éducatif mondial.

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Mémoire 2020

Tchad

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Témoignage

Minitaknde Casimir Ralongar Au Tchad, j’ai été terrifié, comme tout le monde ici, lorsque le gouvernement a annoncé le premier cas de COVID-19 début mars 2020. Compte tenu du contexte sanitaire précaire du pays, je pensais que cette pandémie allait avoir des conséquences désastreuses, mais, grâce à Dieu et au plan d’endiguement organisé par l’État, la propagation de la maladie a été stoppée. Dans la province de Guéra, où Foi et Joie est présente, la situation était très alarmante, principalement en raison de l’ignorance de la population quant à l’existence de la pandémie. Afin de limiter la propagation du virus, l’État a décrété la fermeture des écoles dans tout le pays. Face à ce constat, Foi et Joie réfléchit à la manière de garantir l’éducation des élèves, malgré la crise. Nous avons commencé par la protection du personnel contre le virus et la fourniture de kits d’hygiène.

déployés et, surtout, de me sentir très utile, en apportant des solutions innovantes dans cette période de crise sanitaire qui a aggravé la situation de vulnérabilité des populations locales.

« Ce fut une si belle expérience qui m’a montré l’impact du travail de Foi et Joie auprès des populations les plus pauvres »

Ce fut une si belle expérience qui m’a montré l’impact du travail de Foi et Joie auprès des populations les plus pauvres. Grâce à nos actions, un grand nombre de personnes ont pu faire face et survivre à la pandémie.

Nous avons mis en place des cours par radio, en collaboration avec la Délégation provinciale à l’enseignement. De même, grâce à une collaboration avec la Délégation provinciale à la santé, Foi et Joie a pu réaliser des journées de prévention et de lutte contre la pandémie dans ses zones. En plus de ces actions, Foi et Joie a distribué des sacs de nourriture et des kits d’hygiène aux familles les plus vulnérables dans les zones où elle opère. J’ai été très heureux de voir les efforts que nous avons

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Mémoire 2020

Apprentissages et défis

Assurer l’enseignement à travers la radio En réponse à la fermeture des écoles - décrétée par l’État tchadien à la mi-mars - dans le but de stopper la propagation du coronavirus, Foi et Joie a signé un accord avec la Radio communautaire de Mongo (MCR) afin de diffuser des cours pendant la période de confinement. Cela nous a permis de réaliser le droit essentiel à l’éducation, y compris, en période de pandémie, en sensibilisant à la nécessité de prendre des mesures pour prévenir la contagion et en aidant les communautés à résoudre leurs problèmes économiques les plus urgents grâce au microcrédit. Le Père Djimasra Aimé, S.J., directeur du centre communautaire de Mongo l’explique: « La situation de COVID-19 est très pénible et désastreuse pour l’éducation et exige le courage de proposer quelque chose de différent de ce qui se fait habituellement. L’expérience des cours radiophoniques, en collaboration avec la Radio communautaire de Mongo et organisés par Foi et Joie, est un soula-

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gement pour moi en tant qu’enseignant et aussi une aide précieuse qui a permis aux élèves d’étudier sans sortir de chez eux - car les écoles sont fermées - et de sensibiliser les communautés sur le besoin de prévenir la contagion et de se soutenir mutuellement dans l’urgence. Nous avons constaté que malgré des ressources très limitées, il était possible de poursuivre la formation dans les écoles rurales et, malgré les difficultés, il était possible de remplir notre mission de transformer la vie des gens. Nous avons également accordé des crédits aux mères des élèves pour des initiatives génératrices de revenus afin de les aider à faire face à leur situation économique difficile et de garantir leur droit à l’éducation ». Parmi les activités formatrices mises en œuvre par Foi et Joie au Tchad figure l’Arbre à Palabres - un symbole ancestral dans le pays - un espace clé où se prennent les décisions communautaires et qui est devenu un espace d’écoute, de participation et de protection des filles. Chaque week-end, les filles se réunissent sous l’arbre pour partager leurs expériences et discuter de questions importantes telles que le mariage des enfants - forcé par certains parents - l’interdiction faite par les maris aux filles mariées d’aller à l’école, l’éducation et les droits des filles et des femmes.

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Mémoire 2020

Chili

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Témoignage

Cynthia Osorio Depuis le début de la pandémie et pendant cette période, la réalité a dépassé la fiction - de très loin - et nous a mis dans une situation que personne ne pensait pouvoir vivre jamais. Cela m’a prise par surprise, nous tous, non préparés et, inutile de le dire, trop occupés pour prêter attention à ce qui se passait initialement au loin, mais qui a rapidement commencé à se rapprocher de nos pays, de nos communautés, de nos familles. Quelque chose d’invisible a frappé à notre porte et a changé nos vies ; nous ne pouvions pas le voir, mais nous avons senti sa présence dans toutes les dimensions de notre vie quotidienne. D’après mon expérience, les défis de la pandémie ont été nombreux et variés. Qu’il s’agisse de canaliser l’affection et le besoin d’être avec les miens ou de réinventer complètement la façon dont je mène mon travail professionnel. Les communicateurs des bureaux de Foi et Joie ont eu un rôle très important à jouer dans le rapprochement des personnes et des institutions, ce qui a impliqué un nouvel apprentissage des plateformes, des systèmes, des programmes, etc. J’ai l’impression que nous sommes devenus des travailleurs « frontaliers » avec la grande mission de construire des ponts et de maintenir des liens malgré la complexité de la virtualité. Un monde certainement peu exploré par beaucoup d’entre nous. Avions-nous besoin d’une pause ? ... Je pense que oui. Nous, le monde, la terre. Aujourd’hui, je me rends compte qu’il y a

des choses qui peuvent attendre, que ce qui est urgent n’est pas forcément ce qui est important et que nous avons toujours la possibilité de réorienter nos efforts personnels, de corriger notre itinéraire. La pandémie m’a obligé à repenser toute ma vie, de la routine quotidienne au véritable horizon de sens, l’invitation est maintenant de réfléchir à notre chemin à partir de cet apprentissage.

« Aucun de nous ne sera le même après ce que nous avons affronté en tant qu’humanité »

Petit à petit, nous allons retrouver la vie quotidienne avec plus de liberté, mais plus comme avant. Aucun de nous ne sera le même après ce que nous avons affronté en tant qu’humanité ; ce que nous étions est derrière nous. L’espoir sera placé dans l’avenir des personnes qui ont appris à valoriser leur propre vie et celle des autres, qui ont compris que la force réelle se fait ensemble lorsque nous nous organisons et nous unissons, qui ont ressenti un amour profond pour leur famille et qui considèrent aujourd’hui la vie comme une seconde chance de faire mieux. Ironiquement, cette menace invisible m’a ouvert les yeux pour voir tout ce qui passait si vite ; tout comme un phénix, nous devons renaître à une société affective et qui se lève pour et par tous.

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Mémoire 2020

Apprentissages et défis

Approfondir notre identité et notre spiritualité En 2020, marquée par une pandémie qui a fermé nos écoles et lycées, Foi et Joie est restée active et présente, se réinventant pour continuer à être et à travailler en réseau, malgré tout. Non seulement nous avons affronté ensemble des problèmes communs, mais nous avons également profité de l’occasion pour approfondir notre identité et construire plus fermement les rêves de la Foi et Joie que nous voulons. Nous insistons sur la sensibilisation au fait que nous sommes un réseau éducatif ignatien - avec notre propre style pédagogique qui nous unit et nous distingue - et nous fournissons aux enseignants du matériel pour approfondir et renforcer les éléments clés de notre spiritualité et le sens de notre mission éducative. C’est pourquoi nous privilégions la formation en réseau et l’échange d’expériences dans le cadre du programme « Aimer, c’est servir », en mettant l’accent sur le discernement afin de trouver la volonté de Dieu en toutes choses. L’accueil des nouveaux enseignants, malgré le fait qu’il n’a pas pu se faire en présentiel, a été très riche et très apprécié par les participants qui ont compris qu’ils sont des instruments de Dieu pour transformer le monde. L’initiation des nouveaux éducateurs, même si elle n’a pas pu se faire en face à face, a été très riche et très appréciée par les participants qui ont compris qu’ils sont les instruments de Dieu pour transfor42

mer le monde, sur le modèle du projet du Christ. Cela implique, entre autres, la nécessité d’assumer la pédagogie de l’écoute, de l’empathie et du service, en donnant la priorité aux plus démunis et aux plus vulnérables. Dans le domaine académique, nous avons organisé des réunions et des dialogues parmi nous et avec d’autres écoles en dehors du réseau, avec lesquelles nous avons partagé les innovations pendant la pandémie, ce qui a renforcé la conviction que nous devons continuer à innover pendant et après la pandémie pour renforcer l’autonomie, la personnalisation et l’autogestion des étudiants. Conscients de l’importance de la lecture indépendante en tant qu’outil essentiel de l’apprentissage tout au long de la vie, nous l’avons encouragée par le biais d’ateliers, de lectures en groupe, de recommandations de livres et de sites web et d’activités virtuelles. Les enseignants de la bibliothèque ont également organisé deux concours. Le premier, qui invitait les élèves à écrire un microrécit lié aux expériences de quarantaine, a reçu plus de cinquante textes d’enseignants et d’élèves de différentes écoles du réseau. Dans le cadre du deuxième concours, les élèves ont participé en réalisant une vidéo, qu’ils ont téléchargée sur les réseaux sociaux, sur un livre qu’ils avaient lu pendant cette période ; avec ce concours, ils ont cherché à tirer parti de l’utilisation des réseaux sociaux comme outil de promotion de la lecture. Nous avons également profité de la pandémie pour examiner les défis de la formation des techniciens dans le contexte de COVID-19. À cette fin, nous avons invité des représentants du ministère de l’Éducation et


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le directeur chargé de la formation professionnelle au Centro Padre Piquer de Madrid. Pour la culture de la spiritualité, nous avons organisé des exercices spirituels pour les cadres et nous avons célébré la Semaine Sainte en communauté avec la participation des enseignants, des familles et des jeunes. Nous avons également célébré la Saint Ignace en tant que réseau, avec l’intention d’approfondir la spiritualité ignacienne. La célébration de la vigile de Pentecôte avec des membres de Foi et Joie d’Argentine et d’Uruguay a été très enrichissante, ce qui nous ouvre à la nécessité de nous articuler plus étroitement avec les différents Foi et Joie et même à la possibilité de nous organiser en tant que sous-région.

Et avec la campagne #EnRedDarnos, nous avons obtenu le soutien économique de la société chilienne pour mettre en œuvre nos projets.

En ce qui concerne les jeunes, nous continuons à insister sur la formation d’un leadership ignatien afin qu’ils s’engagent dans la construction d’une société juste et fraternelle. Le message de la jeunesse chilienne, en ces temps de crise, est de continuer à s’organiser. Aujourd’hui, plus que jamais, dans la « nouvelle réalité », le leadership étudiant sera déterminant et les jeunes seront les protagonistes de nombreuses questions très nécessaires à l’avenir, telles que la protection de l’environnement, l’inégalité entre les sexes et les problématiques locales, comme le plébiscite chilien pour le changement de la constitution. Ce sont les jeunes Chiliens qui ont encouragé cette initiative. En fin de compte, nous devons faire face et nous préparer, de manière organisée, à ce qui va arriver. Avec la campagne #Enredarte, nous avons proposé des exemples créatifs de participation autour de l’art et de la musique, en encourageant et en rapprochant ces dimensions auprès des élèves et de leurs familles.

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Mémoire 2020

Colombie

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Témoignage

Claudia Marcela Vega González La vie comporte des changements parfois abrupts qui nous obligent à lâcher prise et j’ai l’impression que c’est la leçon que j’ai tirée de toutes ces situations incertaines. Habitué à l’esprit pratique qui me caractérise pour trouver des moyens immédiats de résoudre une situation, ma première leçon a été de prendre une pause. Prendre une pause pour examiner de près mon être et les sentiments des personnes qui m’entourent ; prendre une pause pour me réorganiser et comprendre que je ne peux pas continuer à faire la même chose, car la réalité est différente ; et prendre une pause pour décider, ensemble, le domaine de travail autour duquel nous allons nous concentrer. Dans mon travail d’accompagnante d’enseignants, et pendant ces presque dix mois de marche à leurs côtés, j’ai vu leurs tensions, leurs douleurs, leur fatigue et, bien sûr, leur créativité pour répondre à cette nouvelle réalité au milieu de leur manque de connaissances. J’ai été témoin de la façon dont d’excellents enseignants, maîtrisant bien les mécanismes technologiques de l’enseignement à distance, ont préféré démissionner parce qu’ils ne supportaient pas la pression. Mais j’ai également vu des enseignants ayant peu de capacités techniques qui se sont mis à apprendre et qui, aujourd’hui, gèrent des plateformes, réalisent des guides et aménagent même le salon ou la cuisine de leur maison en espaces pour donner des cours. Cela me conduit à identifier ma deuxième leçon apprise : la volonté d’apprendre.

Personnellement, je considère que cette disposition se reflète dans la persistance que j’ai maintenue dans mon travail, malgré la fatigue, malgré le fait de ne pas savoir quoi faire à certaines occasions ou de ne pas savoir comment guider les personnes que j’accompagne. Mais, avec l’humilité de reconnaître que je n’avais pas les bonnes réponses, j’ai osé en construire, opter pour ce qui était fondamental et mettre de côté ce que nous devions reporter.

« C’est ainsi que j’ai migré vers le monde du travail à distance qui me permet de “voyager” d’une ville à l’autre en quelques minutes, ou de rencontrer des personnes de différentes géographies »

Après avoir cru naïvement que le confinement ne durerait que quelques semaines ou qu’il s’agissait d’une situation temporaire, j’ai commencé à m’approprier les ressources qui étaient à ma portée, à chercher, par intuition ou sur les conseils d’experts, comment elles fonctionnaient et quel était leur potentiel. C’est ainsi que j’ai migré vers le monde du travail à distance qui me permet de « voyager » d’une ville à l’autre en quelques minutes, ou de rencontrer des personnes de différentes géographies et qui, apparemment, sont plus connectées pendant de plus longues périodes. Je dis « apparemment » car pour moi, communiquer toute la journée à travers un écran devient épuisant. 45


Mémoire 2020

Le contact humain, les rencontres, les espaces scolaires, les rires des enfants, le café du matin et les réunions avec les familles me manquent. Personnellement, les échanges avec mes collègues de bureau me manquent, les conversations intimes sur les événements de nos vies, les regards, l’affection, les expressions d’amour. Ainsi, ma troisième leçon est liée à l’entretien de meilleures relations interpersonnelles.

« La COVID-19 m’a poussé à reconnaître que je n’ai que le moment présent… »

Le monde est fait de rencontres humaines et l’enfermement nous a montré que l’essence de l’école de la vie, ce sont les relations, les interactions, l’affection, le contact physique, les conversations, les discussions, l’étonnement, la connexion avec la passion, l’amitié, la complicité, le questionnement de la vie, entre autres. Le monde de la connaissance se construit d’une manière différente et exige de nous, ceux d’entre nous qui travaillent dans le domaine de l’éducation, que nous fassions un meilleur usage des ressources technologiques pour faciliter l’apprentissage qui est nécessaire à l’heure actuelle. Mais n’oublions pas que la plus grande demande des étudiants concerne le domaine de la cohabitation sociale.

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Si le confinement se prolonge comme prévu dans mon pays, les communautés les plus pauvres continueront sans aucun doute à être les plus touchées. Un grand nombre d’enfants sont privés de la possibilité d’accéder au système d’enseignement collectif, garanti par l’État en vertu de leurs droits les plus fondamentaux. Parallèlement, ils perdent les réseaux de soutien, d’échange et de protection dans lesquels ils étaient immergés. C’est ainsi que ma quatrième leçon réaffirme l’engagement de Foi et Joie envers l’école en tant que garante des droits et des possibilités, et minimisant les écarts d’inégalité. La pandémie de COVID-19 nous pousse à construire une autre école, une autre société, un autre monde, et je me demande si je suis ou si nous sommes dans la meilleure position pour en faire une réalité. En conclusion, la leçon la plus importante a été de reconnaître que vivre est un miracle riche en conscience et en amour. La COVID-19 m’a poussé à reconnaître que je n’ai que le moment présent et que je vis souvent dans l’angoisse d’un avenir de plus en plus incertain, voire complexe. Ce fut un moment où j’ai regardé à l’intérieur de moi, où je me suis réjouie de la simplicité de la connexion avec ma respiration, où j’ai ressenti de la confusion et de la tristesse, mais aussi une profonde gratitude pour la femme que je suis, pour la professionnelle qui s’engage avec une force totale à relever les défis, de façon conjointe avec Foi et Joie ; mais aussi pour être une amie, une oreille attentive et une créatrice de possibilités. Bien que ces périodes n’aient pas été faciles, du moins pour moi, elles ont été riches d’enseignements et ont permis de reconnaître, dans notre fragilité, la grandeur de ce que nous sommes en tant qu’humanité.


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Apprentissages et défis

Les nouvelles réalités exigent des propositions innovantes

Comme le dit avec conviction Victor Murillo, directeur de Foi et Joie Colombie, la crise du coronavirus a radicalement changé notre agenda. Travailler de chez soi, l’enfermement et l’enseignement à distance n’étaient pas à notre horizon, et nous avons été pris « sur le mauvais pied ». Notre préoccupation était triple : d’une part, les personnes, d’autre part, les résultats d’apprentissage et, par-dessus le marché, la trésorerie qui nous permet de respirer. Chez Foi et Joie, les personnes sont la source de la valeur. Nous croyons en eux et nous savons qu’ils ont la capacité et le talent nécessaires pour continuer à faire le bien et à le faire bien. Le leadership est essentiel pour diriger, inspirer, prendre soin et donner envie à chacun de faire ce qu’il a à faire. Les résultats dépendent des équipes de direction et des enseignants qui sont appelés à connecter et à maintenir connectés à distance des enfants, des adolescents, des jeunes et des familles de cultures diverses et parfois adverses pour travailler « à distance » et dans des circonstances défavorables, générées par une quarantaine qui met en évidence la pauvreté, l’exclusion et même la faim. La trésorerie est notre air, ce qui nous permet de respirer, et cela va dépendre de la valeur que les gens ajoutent pour connecter et faire en sorte que ceux qui nous sont confiés par l’État apprennent, apprennent vraiment, tous. Cela dépendra également de l’engagement de l’État lui-même à répondre à ses obligations dans les délais prévus.

Conscients que la situation de crise générée par COVID-19 a compromis notre avenir, nous avons décidé de la gérer à partir de notre mission, qui s’appuie sur l’objectif fondamental de Foi et Joie : la transformation sociale à travers l’éducation. À partir de la mission, nous avons défini la stratégie - ou les stratégies - que nous allons privilégier, sans nous arrêter à une planification large et rigoureuse qui nous ferait perdre du temps et nous éloignerait de la stratégie. Nous avons adopté la devise de Xavier Marcet : « Plus de stratégie, moins de planification ». Nous étions conscients qu’à cette époque, moins était plus. Plus que jamais, nous devions tirer le meilleur de chacun. Nous avons dû utiliser les talents des gens pour établir un lien avec les étudiants et nourrir leur désir d’apprendre. Dans notre agenda, nous avons trois axes, légèrement différenciés selon les domaines d’attention:

Éducation Formelle

Éducation de la petite enfance

1. Veiller à la prise en charge des personnes et encourager la bonne coexistence dans les familles. 2. Augmenter le niveau d’apprentissage des élèves. Produire un apprentissage par le biais de l’enseignement à distance.

2. Accroître les niveaux d’apprentissage des enfants pour le développement d’aptitudes et de compétences, grâce à une prise en charge globale à distance.

3. Connecter et encourager tous les élèves à l’apprentissage. Nous ne pouvons pas “perdre” aucun par désengagement (abandon) ou parce qu’ils n’apprennent pas.

3. Relier et préserver toutes les familles des enfants impliqués et en lien avec le Centre pour enfants. Nous ne pouvons “perdre” aucune famille.

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Stratégies développées à partir de la gestion administrative Stratégies développées à partir de la gestion pédagogique L’axe numéro 1 a été abordé par l’équipe d’orientation nationale, les coordinateurs de la pastorale et les coordinateurs des ressources humaines. Les axes numéro 2 et 3, dans l’éducation formelle, ont été pris en charge par le domaine pédagogique. Nous avons considéré que le travail pédagogique était responsable des résultats d’apprentissage. Nous avons accepté que, pendant la crise, plus que jamais, nous devions être capables de passer de « tout faire » à « faire ce qui est important » et que « moins, c’est plus » ; nous devions nous concentrer sur l’apprentissage essentiel dont nos élèves avaient besoin pour continuer à se développer. Nous avions besoin que tous les étudiants apprennent, que tous les enseignants enseignent et soient les médiateurs des processus d’apprentissage, que tout le personnel de soutien accompagne les stratégies définies autour des trois axes de notre programme. Afin d’atteindre l’objectif de l’axe numéro 1, différentes stratégies ont été mises en œuvre : « Prendre soin des soignants », « Réflexions pour nourrir l’âme », « Parler de la vie », « Conseils pour les soins familiaux à travers des infographies », « Mieux connaître la santé holistique ». 48

Les directeurs régionaux et la Direction nationale, avec leurs équipes de soutien administratif, ont dû concentrer leur travail et leurs décisions sur la sauvegarde de la bonne santé de la trésorerie pour assurer la respiration de l’organisation/du mouvement. Nous avons pris des décisions qui ont simplifié la gestion, en déchargeant les responsabilités vers les directions régionales et nationales, tout en autonomisant les personnes dans les équipes que nous avions à tous les niveaux. Que veut dire sauvegarder le bon état de la trésorerie ? Il s’agit principalement de fournir des raisons et des preuves pour démontrer que le service de la petite enfance et de l’éducation formelle a été fourni conformément aux exigences des contrats dans les nouvelles circonstances et que les étudiants ont été effectivement servis. Parmi les preuves, il y avait la vérification des étudiants inscrits effectivement scolarisés, du personnel sous contrat, de l’entretien et de la conservation de l’infrastructure physique et des équipements fournis. Dans le domaine de la petite enfance, tout ce qui concerne l’achat et la livraison des « Raciones para Preparar » (Repas à préparer) (RPP) et des kits pédagogiques aux familles a été directement pris en charge. Afin de pouvoir mener à bien toutes ces activités, nous nous sommes organisés en de multiples réseaux en état d’échange et de communication permanents. Réseaux auxquels participent les membres de la hiérarchie, sans avoir de rôle particulier et sur un pied d’égalité avec les autres membres du réseau.


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Trois leçons apprises qui demeurent incontournables et renforcent les éléments non négociables de Foi et Joie

1. Nous réaffirmons la nécessité d’installer la spirale apprendre-désapprendre-réapprendre pour sortir de la médiocrité et chercher des réponses pertinentes aux nouvelles questions posées par la nouvelle réalité. Changer de façon de procéder, de penser, d’agir et d’être - par conviction ou par nécessité - implique, comme nous l’affirmons depuis des années, d’entrer dans une dynamique constante d’écriture, d’effacement, de réécriture - peut-être pour effacer à nouveau -, d’ordonner et de désordonner pour ordonner à nouveau. 2. Le capital le plus précieux de Foi et Joie est constitué par les personnes qui la composent. Croire en l’homme, en ses capacités et en son engagement, exigeait de distribuer le leadership et de démocratiser la gestion. Changer nos modes de gestion et d’organisation nous a demandé de faire confiance aux autres et d’avoir l’humilité de faire des concessions et de leur transférer ses propres responsabilités. 3. Notre rêve était de faire coexister des structures stables (hiérarchie) et des structures dynamiques (réseaurchie) pour le déploiement de cette nouvelle partition. Les nouvelles réalités apportées par la COVID-19 et la nécessité de répondre avec agilité et flexibilité à ces nouvelles réalités, ont définitivement établi la réseaurchie dans Foi

et Joie. Des actions telles que l’élaboration de lignes directrices et de protocoles pour l’alternance (travail à distance et en présentiel) et l’élaboration de stratégies pour l’éducation en état d’urgence, ont trouvé dans la réseaurchie la manière précise de produire les résultats souhaités. Victor Murillo insiste sur le fait que ce serait une grave et impardonnable erreur de revenir à l’éducation du passé, c’est-à-dire à la normalité anormale que nous avons vécue, ce qui contredit l’essence de l’éducation populaire, qui cherche à transformer la réalité dans la recherche d’une plus grande justice et humanisation. Foi et Joie doit émerger de la pandémie plus fort en tant que mouvement éducatif mondial, ce qui nécessitera une relecture des autonomies, une révision du leadership et une plus grande ouverture à la conscience d’appartenir à un mouvement mondial, en évitant l’isolement, en renforçant les partenariats, les processus de formation, le soutien aux pays plus faibles et le travail en réseau, tant au niveau interne que par rapport aux organisations et institutions soucieuses de garantir une éducation de qualité pour tous. Cela exige de l’humilité en reconnaissant que nous n’avons pas toutes les réponses et que nous sommes prêts à apprendre des autres. Les réseaux ont un sens s’ils encouragent la réflexion et l’innovation, s’ils suscitent des projets communs, s’ils sont orientés vers la résolution de problèmes, ce qui implique, entre autres, une redistribution du pouvoir. En tant que mouvement mondial, Foi et Joie doit se prononcer de manière permanente et courageuse auprès des gouvernements et des organismes multinationaux pour défendre l’éducation en tant que droit essentiel, car la pandémie a montré que les États n’ont pas suffisamment investi dans l’éducation des pauvres et l’ont en fait abandonnée.

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Mémoire 2020

Équateur

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Témoignages

Erick Vimos Pendant cette période de pandémie, je me suis senti heureux parce que j’étais avec toute ma famille, mais aussi triste parce que je ne pouvais pas aller à l’école. Nous avons été heureux avec ma famille car avant j’étais tout seul avec mes grands-parents. Ma mère travaillait sur la côte dans un marché aux légumes et on ne se voyait pas beaucoup, car elle ne venait que tous les quinze jours, mais pendant ces semaines, nous avons pu partager encore plus. Le professeur chargé de nous, me manque, aller à l’école et tous mes amis me manquent. Nous n’étions que douze, mais nous étions très proches tous les douze. J’ai seulement pu leur parler un peu via WhatsApp, lorsque je recharge mon crédit. Ahora, estamos sembrando cebolla, remoEn ce moment, nous plantons des oignons, des betteraves et des herbes sur le terrain. Ma grand-mère va vendre ce que nous avons semé et récolté à Guamote. J’aide aussi à la plantation et à garder les animaux, c’est-à-dire les vaches, les cochons et les cochons d’Inde. De tous ces animaux, mon préféré est le cochon d’Inde. J’aide, avec ma sœur, à couper l’herbe pour nourrir les cochons d’Inde, à sortir les cochons tous les matins et à les garder dans le corral. J’aide aussi à donner de l’herbe aux vaches trois fois par jour, à leur donner de l’eau et du lait.

ciles, d’autres difficiles. Les maths étaient vraiment bien pour moi. J’ai aimé parce que c’était intéressant et amusant. J’aimais aussi faire du bricolage. J’ai fabriqué une guitare, des maracas, j’ai fait toute sorte de choses.

« Le professeur chargé de nous, me manque, aller à l’école et tous mes amis me manquent aussi »

Maintenant, je fais un baby-foot en carton. Depuis toujours j’aime les chiffres et j’aime aussi dessiner. J’aimerais avoir plus de ces activités, mais il a été difficile d’étudier parce que nous n’avons pas l’argent pour imprimer les feuilles qu’ils envoient le mardi de chaque semaine, ni pour aller dans un centre Internet pour faire les devoirs. Je voudrais que nous puissions apprendre l’anglais à l’école. Nous n’avons pas de professeur pour nous enseigner. J’aimerais donc que nous ayons un professeur au moins un jour par semaine. Pendant ce temps, j’ai lu la Bible pour apprendre la parole de Dieu, je lui ai prié que toute cette pandémie passe pour que nous puissions nous revoir avec mes camarades de classe, avec mes amis.

À la maison, j’ai fait des activités éducatives, j’ai appris à mieux lire et à cohabiter avec toute la famille. Certaines tâches étaient fa-

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Catalina Cartagena Mon fils était à l’école Foi et Joie à Cuenca. Il vient de terminer la troisième année de lycée et aujourd’hui c’était le jour de la cérémonie de clôture. Je suis heureuse et triste à la fois car il a terminé ses études. C’est un peu triste car je ne pourrai plus voir les institutrices et discuter avec elles. Je suis triste car ils ont été de très bonnes personnes. Il était le dernier à être diplômé.... J’ai deux autres enfants. L’un est déjà professionnel, l’autre est à l’université et mon autre fils, si Dieu le veut, ira aussi à l’université. Vraiment, je ne peux pas le croire ! Cette période a été très difficile pour nous car nous avons perdu mon frère à cause de cette maladie. Il était aux États-Unis. C’était tout triste, vraiment très triste jusqu’à maintenant... Je veux dire, on ne peut pas s’en remettre. La situation a été très dure, stressante. J’étais en quarantaine, incapable de travailler. Quand le feu est devenu jaune, c’est là que j’ai commencé à ouvrir mon salon de coiffure, mais la situation est vraiment mauvaise, vraiment mauvaise, mauvaise. D’un point de vue économique, c’est morose. Au milieu de cette mauvaise situation, pendant le temps où nous avons été confinés, nous avons pu voir l’unité de la famille être tous ensemble - et le soutien que nous avons les uns pour les autres. Nous avons été plus proches, plus attentifs. Comme je travaillais, je ne suis pas resté à la maison. Mes enfants ont été livrés à eux-mêmes et, disons-le, ils ont fait leurs propres choses. Mon mari aussi, comme moi, il travaille et nous rentrions tard.

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Quand je rentrais du travail, ils m’expliquaient : « Maman, j’ai fait ça, maman ça ». Moi aussi, je les interrogeais sur les devoirs et ils me répondaient: « Oui, maman, j’ai déjà envoyé les devoirs ». Pour être honnête, je n’ai pas eu de problèmes, mais maintenant nous sommes plus accompagnés. Je me sens également plus calme en sachant qu’ils sont là avec moi. Bien que nous nous soyons soutenus mutuellement, ils se sont parfois sentis désemparés. Le fait de ne pas pouvoir sortir les fait s’ennuyer. Moi aussi, j’ai parfois le blues, mais dans ce moment-là, ils sont là à me regarder, à me soutenir, à me supporter. Leur compagnie nous a été très utile. En ce qui concerne l’école, les enseignants ont toujours été attentifs à l’éducation de mon fils et lui aussi a été réceptif. Il est maintenant plus responsable et fait ses propres activités, ses propres devoirs. C’est pourquoi je remercie beaucoup les enseignants. Tout le monde, tout le monde a été très bien et je pense que l’éducation a été bonne. Je ressens de l’espoir et de la joie en sachant que mon fils termine ses études, qu’il fait ses devoirs. Il est plus attentif... c’est la chose la plus importante. Mes enfants aiment dessiner. C’est ce qu’ils passent leur après-midi à faire, quand ils sont libres. Ils aiment tous les deux dessiner. Ils y sont toujours... ils font une activité ou une autre sur l’ordinateur, comme écouter de la musique ou regarder un film. En ce moment, ils sont engagés dans des activités ludiques depuis l’école. Aussi avec l’art… ça m’a beaucoup aidé. Ils faisaient également des activités de cuisine. On les a chargés de faire des biscuits. Ils les ont faits eux-mêmes... J’ai assisté un peu. Ensuite, nous avons tous goûté et, pour être honnête, les biscuits étaient bons... ha, ha, ha, ha.

Tout le monde utilise l’ordinateur. Bon, pas en même temps, car nous n’avons qu’un seul... chacun a son temps. Le premier était déjà à la musique, l’autre à l’ordinateur, l’un faisait ses devoirs, tandis que l’autre dessinait. C’est pourquoi il n’y a pas eu de bagarres ni de rires. Dans l’après-midi, nous avons parlé un moment. Au goûter, c’est la même chose... on discute un peu entre nous. L’enseignante a toujours été attentive et n’a pas laissé tomber les enfants. Elle a toujours dit : « Allez, tu peux le faire ! Nous allons nous en sortir ! » Elle a toujours été, constamment, en train d’appeler, de parler aux enfants... et en fait, elle ne les a pas vraiment quittés. Aujourd’hui, c’était la cérémonie de clôture... c’était par Zoom. Ils ont fait l’investiture. Je n’ai pas ouvert aujourd’hui pour être présent à la remise des diplômes. C’était triste... ils étaient tristes parce que ce n’est pas la même chose qu’être présent. Parfois, la mauvaise connexion a été coupée, mais bon... en tout cas, nous étions heureux car notre petit garçon a terminé ses études. Ce fut un plaisir d’appartenir à la famille Foi et Joie. Vraiment, de tout ce temps que nous avons vécu, je pense que nous avons appris qu’il est important de profiter au maximum de chaque jour car nous ne savons pas si nous serons vraiment là le lendemain... ça, plus que tout. En d’autres termes, il faut en profiter au maximum, être avec ses enfants à la maison, partager les bons et les mauvais moments aussi, car, après, nous aurons vraiment besoin de tout cela. En vérité, j’espère que bientôt cette situation va changer, parce que cela nous tue, cela nous fait du mal.

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Mémoire 2020

Apprentissages et défis

La pandémie nous oblige à réfléchir sérieusement au sujet de notre éducation Le 16 mars 2020, le gouvernement a décrété l’état d’urgence pour calamité publique sur l’ensemble du territoire national, qui a instauré la suspension des cours dans les écoles, lycées et universités, la suspension de la journée de travail, la limitation de la mobilité et l’instauration d’un couvre-feu général le soir et la nuit. Cela nous a obligés à commencer le télétravail et la télé-étude dès le mois de mars, dans un contexte de grande incertitude et de précarité quant à l’accès à l’internet et au manque d’équipement de base pour la communication à distance pour tous nos éducateurs, étudiants et familles, en particulier dans les endroits dans les montagnes où il n’y avait pas d’accès même à WhatsApp. Incertitude, aussi, sur la manière de faire avancer l’année scolaire, brutalement interrompue, ou sur la manière dont les familles qui vivaient du travail quotidien, interdit par le confinement décrété pour des raisons sanitaires, allaient subvenir à leurs besoins.

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Nous nous sommes vite rendu compte que la situation n’allait pas être temporaire et que nous devions changer complètement nos plans et nos routines afin de répondre rapidement à l’urgence qui nous tombait dessus comme une avalanche. Nous nous sommes ainsi engagés sur cette voie, en mettant en œuvre des stratégies de communication avec les familles et les élèves ; des formations émergentes pour les enseignants, les directeurs et les familles ; des dialogues de réflexion ouverts à la communauté ; des réunions de réflexion permanentes pour les directeurs nationaux, régionaux, locaux et de chaque établissement ; des réunions de soutien émotionnel avec les enseignants, les élèves et les familles ; soutien à l’alimentation et aux médicaments pour les familles vulnérables ; production de ressources pédagogiques pour réaliser des cours, aussi bien virtuels qu’à distance ; parmi d’autres initiatives qui ont été produites, la construction d’un mur solide fait avec de grandes et petites mains, de différents morceaux tissés contre le désarroi, la tristesse, la solitude, les peurs et l’angoisse causés par la pandémie. Contre vents et marées, IRFEYAL a préparé 383 leçons radiophoniques pour assurer l’enseignement à distance du lycée, notamment dans les régions où l’enseignement virtuel n’était pas possible. Chaque leçon radiophonique dure sept minutes afin de maintenir l’attention et la concentration de l’élève. La production a été diffusée par Radio Irfeyal à Quito (1 090 A.M.) - et sa radio en ligne (www.irfeyal. org) - et par Radio Católica Nacional et Radio María dans tout le pays. Carlos Vargas, Directeur national de Foi et Joie Équateur, insiste sur la nécessité de repenser notre éducation, en écoutant les signaux d’alarme et les leçons que nous


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donne la COVID-19. « La pandémie nous ramène à notre place épistémologique : la place des pauvres et des exclus de la société. Il nous rappelle d’où nous venons, nos racines : une expérience d’engagement de foi pour rechercher de meilleures conditions de vie pour les secteurs et les personnes en situation de pauvreté. L’éducation de Foi et Joie se déclare transformatrice et, à partir de là, l’accent doit être mis sur la formation de sujets capables de transformer leur vie et leur contexte. Nous devons donner aux processus éducatifs, sociaux, managériaux et pastoraux un sens humain, spirituel, intégral, inclusif, transformateur, écologique, démocratique et flexible ; mettre l’accent sur ce qui est vraiment important ; mettre l’accent sur le développement des aptitudes, des capacités, des compétences et des attitudes pour la vie, en évitant de se focaliser sur l’accumulation de contenus programmatiques ou d’activités et de pratiques qui ne nous aident pas à apprendre, à être et à vivre ensemble. En particulier, dans le domaine de l’éducation, nous avons un besoin impératif de construire la cohérence qui manque démesurément, entre le sens décrit et dessiné dans nos horizons institutionnels et dans les cadres philosophiques des programmes officiels, et ce que nous faisons réellement dans les salles de classe. Si nous défendons vraiment l’éducation pour tous, nous devons oser aller là où les autres n’arrivent pas, aller dans les campagnes où il n’y a pas d’éducation ou où il y a beaucoup de pauvreté. Nous devons également être plus proactifs et négocier avec l’État sur la nécessité d’une éducation différenciée, avec un programme d’études qui répond à des réalités et des besoins différents. Nous ne devons pas homogénéiser les projets éducatifs, mais ouvrir les portes et les fenêtres à la diversité et à l’autonomie, aller

là où l’éducation n’arrive pas et négocier un programme alternatif avec l’État. » Foi et Joie doit se préparer, dans une vision humaine et chrétienne, à une situation d’extrême vulnérabilité après la COVID-19. La force de la Fédération doit se concentrer sur les actions publiques qui contribuent à garantir le droit à une éducation de qualité pour tous. Cela nécessitera la formation des enseignants en matière d’éducation populaire, ce qui implique un choix de vie et des pratiques différentes de celles couramment utilisées. Mais nous ne pouvons pas non plus oublier la symbiose nécessaire entre globalité et qualité. Nous ne pouvons pas parler de globalité si nous ne mettons pas l’accent sur la résolution de nos problèmes locaux. C’est au niveau local que nous devons mettre l’accent et, à partir de là, exiger et proposer une éducation globale pour tous.

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El Salvador

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Témoignages

Karen Abigail Cruz Navas Je suis instructeur au Centro de Educación para Todos, Foi et Joie Zacamil, dans le domaine du Service des Boissons et de table, avec les cours de Serveur, Barman et Services de Banquets ; et dans le domaine de l’Alimentation avec les cours de Pâtisserie et de Pain sucré. J’ai 31 ans, je suis mère célibataire d’un enfant de 6 ans et je réside à San Marcos, San Salvador. Je voudrais partager avec vous mon expérience pendant la quarantaine due à la pandémie de la COVID-19. Lorsque les autorités ont annoncé la suspension des activités en présentiel et la fermeture des établissements d’enseignement et de formation, j’ai ressenti de la peur, de l’angoisse et de l’incertitude, mais j’avais l’espoir que ce ne serait que pour un mois, deux mois tout au plus. Cependant, au fur et à mesure que les jours passaient et que la quarantaine devenait de plus en plus longue et stricte, je suis devenue beaucoup plus anxieuse. Financièrement, parce que mon contrat au Centre est un contrat de services professionnels - c’est-à-dire que je suis payée à l’heure travaillée - et si je n’enseigne pas, je ne reçois aucun paiement ; et personnellement, parce que je suivais un traitement de santé pour les cellules cancéreuses, qui a été suspendu parce que les hôpitaux ne traitaient plus ce type de cas, la priorité étant les patients atteints de COVID-19. De plus, comme je vis avec ma mère - une femme âgée -, une sœur et un frère - tous deux mineurs - et mon fils, ma peur de les infecter et de l’attraper était forte, car je devais sor-

tir pour acheter des provisions ou tout ce que je pouvais. Afin de ne pas ressentir trop de stress et de ne pas démotiver les jeunes de mon cours dans leur formation, j’ai commencé à préparer des vidéos et à envoyer des informations au groupe WhatsApp, expliquant le contenu pratique des sujets que nous avions déjà vus. Petit à petit, nous avons commencé à discuter de plus en plus par le biais de messages et d’appels vidéo. Je soupçonnais que j’avais attrapé le virus et j’avais très peur de le propager chez moi, mais Dieu merci, cela n’a pas été le cas.

« J’ai ressenti de la peur, de l’angoisse et de l’incertitude, mais j’avais l’espoir que ce ne serait que pour un mois »

À la crise de la pandémie s’est ajoutée la tempête Amanda, qui a durement frappé ma famille et ma maison. Le 3 juin 2020, aux premières heures du matin, je suis sorti dans la cour de ma maison et, après quelques minutes, j’ai décidé de retourner me coucher avec mon fils. À ce moment-là, il y a eu un grand bruit et une détonation qui a résonné dans la maison. Mes frères ont crié pour moi et, dans l’obscurité et la tempête, nous avons vu comment le mur arrière de la maison s’était effondré et une inondation est survenue au milieu de notre maison. Nous avons essayé de récupérer certaines choses pour éviter de les endommager, nous avons appelé la protection civile et les urgences, qui nous ont dit que nous devions évacuer pour éviter une 57


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tragédie majeure. Ce jour-là, j’ai ressenti un grand vide. Mes frères et sœurs et moi avons pleuré en voyant le travail que ma mère avait accompli pendant des années disparaître, et le nôtre aussi. Nous avons prié à Dieu et à la Vierge pour avoir la force d’affronter toutes les épreuves que nous traversions. L’amour et la miséricorde de Dieu étaient toujours avec nous, car nous avons reçu le soutien de nombreuses personnes. La famille Foi et Joie a immédiatement pris contact avec moi lorsqu’elle a appris ma situation : ils nous ont donné de l’argent, de la nourriture et des vêtements, ainsi que des mots d’encouragement et de réconfort. Nous nous sommes séparés en tant que famille et, dans mon cas, je suis restée deux mois avec mon fils chez une amie - à Zacatecoluca - qui m’a donné un abri, de la nourriture et plus encore pendant cette période. Ma sœur était à l’endroit où elle travaille et mon frère se relayait entre le travail et la maison pour garder un œil sur les affaires que nous avions ou ce qui restait. Malgré cette situation, je n’ai pas négligé mon travail, car pendant cette période, j’ai également participé à l’élaboration du contenu du cours de barman à l’aide d’outils virtuels... un véritable défi. D’abord, parce que je n’avais pas l’équipement technologique pour élaborer la proposition et que je n’avais pas non plus Internet chez mon amie. Dieu merci, j’ai pu réussir à ce qu’ils nous louent un ordinateur portable et à prendre un forfait internet pour pouvoir faire la proposition, même si c’était compliqué de transmettre les connaissances à travers un outil virtuel. Cependant, les coordinateurs de Foi et Joie, préoccupés par cette situation, ont réussi à créer un cours sur l’utilisation des outils numériques pour les instructeurs peu expérimentés, ce qui m’a donné beaucoup d’idées pour développer les thèmes et les utiliser dans des environ-

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nements virtuels. Mais je n’ai pas pu rester longtemps au cours, faute d’argent pour acheter des cartes de recharge. La COVID-19 a coûté la vie à un membre de la famille. Nous avons renforcé, en fonction de nos moyens, les protocoles de biosécurité et nous nous efforçons de suivre scrupuleusement les directives de Foi et Joie pour prendre soin de nous. Lorsque j’ai ressenti le besoin de rentrer chez moi et de pouvoir gagner un peu d’argent, j’ai décidé de créer une entreprise, qui consiste à préparer des desserts et des pâtisseries sur commande. Mais, en l’absence de transports publics pour effectuer mes livraisons et acheter le matériel, j’ai choisi de me rendre à pied à toutes mes destinations de livraison. De retour chez moi et avec le soutien du directeur du centre de formation, j’ai repris le cours virtuel que j’avais quitté. Lorsque j’ai appris que nous allions pouvoir commencer les cours en présentiel, j’ai été ravie, car j’étais de retour à ce que j’aime le plus et, de ce fait, j’avais un revenu plus stable, car il était frustrant de ne pas travailler et de rester à la maison. À ce jour, Dieu ne m’a jamais abandonné. J’ai appris à demander de l’aide, ce qui était presque impossible pour moi, j’ai quitté ma zone de confort, j’apprécie chaque moment avec mon fils et je suis fière d’appartenir à Foi et Joie, une famille confortable, toujours unie dans les bons et les mauvais moments.


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Hugo Eduardo Gutiérrez

Je vis avec ma famille, ma fille Alessandra, âgée de 6 ans, et ma femme Gabriela Morales de Gutiérrez. Je travaille actuellement à Foi et Joie El Salvador. Ces deux dernières années, j’ai travaillé comme technicien pédagogique, en accompagnant et en contrôlant les établissements d’enseignement du réseau Foi et Joie El Salvador. Avec l’arrivée de la COVID-19 dans notre pays, le gouvernement, à titre préventif, a établi une quarantaine obligatoire à domicile pour toutes les personnes qui ne travaillent pas dans la première ligne de soins contre cette maladie. Au début, chez moi, tout était incertitude quant au nouveau mode de télétravail, car nous ne savions pas combien de temps ce mode allait durer et comment nous allions y faire face. Avec la fermeture des écoles, des universités, des centres commerciaux et des entreprises informelles, la vie serait différente. La modalité de télétravail nous a conduit à nous immerger dans l’utilisation des outils technologiques. Chez moi, nous n’avions qu’un vieil ordinateur qui ne nous permettait pas de développer certaines des modalités de l’éducation virtuelle, mais nous avons dû faire l’effort. Le premier coup dur que nous a donné la période de quarantaine à domicile a été le licenciement de ma femme, qui travaillait dans une clinique et un laboratoire clinique en tant qu’infirmière administratrice. La clinique a dû fermer en raison de la situation qui se produisait à cause de la COVID-19. Ma femme était sur le point d’obtenir un diplôme d’infirmière, mais le processus a été interrompu parce que l’université n’avait pas mis en place de stratégies pour faire face à la situation de quarantaine obligatoire à domi-

cile. Cela a réduit le revenu de notre ménage et je suis resté le seul soutien de famille. L’adaptation au nouveau mode a été difficile en raison de l’horaire. Les demandes d’attention de ma fille étaient immenses, car elle était également affectée par le fait de ne plus aller à l’école. Les journées étaient longues et il semblait que je ne cessais jamais de travailler, car je passais mon temps devant l’ordinateur à travailler, à résoudre des tâches en suspens et même à prendre mes repas tout en travaillant. Ces mois ont été difficiles en raison du ralentissement économique, car bien que de nombreuses dépenses aient été réduites en ne quittant pas notre maison, d’autres ont été augmentées en ce qui concerne la nourriture et les services publics.

« Avec la fermeture des écoles, des universités, des centres commerciaux et des entreprises informelles, la vie serait différente. »

Profitant du confinement, ma femme a décidé d’étudier une spécialité en soins de santé pour les patients souffrant du COVID-19, ce qui lui a permis d’opter pour un emploi en première ligne de la lutte contre le virus dans une clinique corporative. Bien que cette opportunité nous ait aidés financièrement, il était émotionnellement dévastateur de savoir qu’elle courait un plus grand risque d’infection. Il était difficile de

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s’isoler de ma femme, car nous vivions avec l’angoisse quotidienne d’une éventuelle infection. Pour moi, le tableau a changé, car j’ai dû jouer le rôle de maman, papa et technicien. À la maison, je devais préparer les repas pour toute la famille, m’occuper de ma fille, travailler, entretenir la maison et faire la lessive de toute la famille. J’ai passé des journées agréables à jouer avec ma fille, tout en étant occupée à organiser des réunions, à élaborer des stratégies sur la manière d’aborder mon travail et à passer des appels téléphoniques. Il était très difficile pour ma femme de rentrer à la maison en craignant de ne pas attraper le virus et de pouvoir pleinement partager avec nous.

« J’étais angoissé à l’époque par la peur de sortir et d’attraper le virus ou de contaminer quelqu’un de ma famille… »

Au fil des mois, en juillet, la quarantaine est passée du statut de mesure obligatoire à celui de mesure volontaire. Certaines entreprises ont commencé à travailler en présentiel, tandis que dans le secteur de l’éducation, nous étions encore en télétravail. Cela a poussé les gens à sortir après une longue période et a été un élément déclencheur de contagion dans notre région. En fait, mon père était l’une des personnes touchées par la COVID-19. Mon père, une

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personne âgée de 70 ans, qui vit avec ma sœur aînée et mon cousin, qui sont mes voisins, s’est battu depuis chez lui contre le virus, car il a refusé d’aller à l’hôpital de peur de ne jamais revenir. Donc, avec toute ma famille, nous avons fait des efforts pour nous occuper de lui. Ma femme lui rendait visite quotidiennement pour vérifier ses signes vitaux ; ma sœur et moi le nourrissions, le soignions et le déplacions, car il était très gravement atteint et avait perdu la mobilité de ses membres inférieurs. Il a perdu sa voix, ce qui a rendu la communication avec lui très difficile. C’était une période d’incertitude, nous ne savions pas s’il survivrait ou si l’un de nous, qui prenait soin de lui, risquait d’être infecté à son tour. Les jours ont passé et il a évolué de la meilleure façon possible, en surmontant la maladie et, petit à petit, en retrouvant ses forces et sa voix. Ce furent des moments de soulagement et de bénédiction, car aucun autre membre de la famille n’a été infecté. Le télétravail s’est poursuivi les mois suivants et c’est au mois de septembre que nous avons été rappelés, progressivement, à notre travail au siège. J’étais angoissé à l’époque par la peur de sortir et d’attraper le virus ou de contaminer quelqu’un de ma famille, mais c’est ma confiance en Dieu qui m’a donné la force de continuer. Il a été difficile de s’adapter à cette nouvelle réalité, mais grâce à Dieu et au fait que nous n’avons pas baissé la garde sur les mesures de prévention, nous continuons à combattre le virus ensemble.


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Apprentissages et défis

La distanciation physique a renforcé notre intégration À Foi et Joie El Salvador, nous avons clôturé l’année 2019 renforcés et pleins d’espoir pour continuer à approfondir notre service éducatif auprès des populations les plus démunies du pays, grâce à une éducation de qualité qui leur permettra de trouver un emploi digne. Le COVID-19 a bouleversé nos projets et notre planification, et nous a obligés à nous attaquer à l’enseignement virtuel et à distance, pour lequel nous n’avions pas les ressources nécessaires et n’étions pas préparés pédagogiquement. Cependant, nous n’avons pas baissé les bras et nous avons affronté les nouvelles difficultés et les nouveaux défis dans la bonne humeur. Pour que l’éloignement physique ne conduise pas à un éloignement émotionnel, nous avons beaucoup travaillé sur la dimension émotionnelle, le travail psycho-émotionnel, les relations intrafamiliales et la culture de l’intériorité et de la spiritualité. En fait, nous pensons que la distance physique a conduit à une plus grande intégration entre les enseignants, les familles et les élèves eux-mêmes. La réalité nous a forcé à redimensionner la proposition éducative, en particulier dans les établissements de formation professionnelle, où l’on nous empêchait de réaliser les travaux pratiques si essentiels à une formation professionnelle adéquate. Cela

nous a conduit à redimensionner certaines propositions et à réorienter les centres vers la résolution de problèmes spécifiques dans les communautés. C’est pourquoi, en collaboration avec les familles, et afin d’atténuer le problème alimentaire, nous avons encouragé le développement de jardins scolaires. Nous pensons que ceux-ci peuvent nous amener à prendre une dimension plus ambitieuse de production communautaire significative. Pour faire face aux urgences sanitaires et soulager la misère causée par la pandémie parmi les populations les plus vulnérables, nous avons également lancé la campagne « Espoir pour la vie » afin de sensibiliser les gens à la nécessité de faire preuve de solidarité et d’obtenir des dons de nourriture et de matériel d’hygiène pour faire face aux assauts de la pandémie et des tempêtes tropicales Amanda et Cristobal, qui ont ravagé de nombreux secteurs les plus vulnérables du pays. Dans ce but, nous avons lancé le projet « Retour digne à la maison », grâce auquel nous avons pu aider plus de mille familles touchées par la tempête tropicale Amanda. Aujourd’hui, le plus grand défi de Foi et Joie El Salvador est la viabilité financière et la garantie de la continuité éducative. Aussi, la nécessité d’approfondir la formation des enseignants dans la perspective de l’éducation populaire, qui exige un grand choix de vie et une sorte de militance pour transformer les structures injustes qui provoquent la misère et l’exclusion. Pour ce faire, nous devons nous transformer et, par extension, transformer nos pratiques. Nous sommes également mis au défi d’aborder l’éducation virtuelle de manière plus créative, afin qu’elle puisse nous aider à construire une pédagogie plus créative et critique, ce qui nécessite également de préparer les parents à ces nouvelles réalités.

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Espagne

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Témoignage

Ángeles Palacios J’ai 40 ans et je suis professeur de religion ; je suis également coordinatrice du Réseau de solidarité des jeunes à l’école secondaire Virgen de Gracia à Oliva de la Frontera (Badajoz, Extremadura). Tout au long de ma vie, j’ai toujours aimé m’impliquer dans des initiatives pour un monde meilleur. Bien que la zone rurale où je vis n’ait pas été tellement touchée par la COVID-19, la pandémie a ravivé ma conscience de la globalité, de la solidarité avec les problèmes de nos semblables, évoquée si récemment lors du Rassemblement mondial de février 2020. Je regrette que pour d’autres personnes, notamment celles qui sont au pouvoir, cette prise de conscience ait dû se faire à cause d’une tragédie de cette ampleur. En tant qu’enseignante, mon principal défi est de continuer à transmettre l’humanité et l’accompagnement dans le processus éducatif. Les médias numériques sont nos alliés dans ce défi, mais ils ne pourront jamais remplacer totalement la dimension humaine et la proximité du processus. C’est pourquoi un effort important est nécessaire. Nous avons un grand défi à relever, car l’éducation est laissée de côté dans les axes que les gouvernements qualifient d’essentiels pour la “reconstruction” après la pandémie. Plus que jamais, nous devons faire entendre notre voix.

s’éteindre trop vite. Il faudra donc un travail constant et tenace de la part de ceux d’entre nous qui sont réellement conscients de la nécessité de ce changement.

« Mon principal défi est de continuer à transmettre l’humanité et l’accompagnement dans le processus éducatif. »

Malgré toutes les difficultés, y compris tout ce que nous avons vécu ces derniers mois et ce à quoi nous sommes exposés à cause de cette pandémie, au final, cela en vaudra la peine si nous en sortons plus forts et plus conscients de ce qui est bon pour notre monde, et si nous sommes réellement capables de promouvoir un changement de mentalité à travers l’éducation.

Toutefois, je pense que, d’une manière générale, il fera une différence positive pour les jeunes, même si, souvent dans les sociétés, tout ce qui se passe a la tendance de

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éducatifs, en particulier dans les contextes les plus défavorisés, avec des mesures de protection pour les enfants à risque. Par conséquent, nous avons déployé beaucoup d’efforts et lancé plusieurs campagnes pour assurer la continuité du système éducatif basé sur l’inclusion et l’équité puisque, selon l’UNESCO, vingt-quatre millions d’élèves ne retourneront pas à l’école d’ici 2020, dont onze millions de filles. Apprentissages et défis

La solidarité mondiale doit être redoublée pour relever les défis Conscient des conséquences désastreuses de la pandémie sur l’éducation des populations les plus vulnérables, Entreculturas redimensionne sa planification et ses projets pour répondre à l’urgence éducative et s’assurer que l’éducation ne s’arrête pas. Nous sommes bien conscients que si les pays ne se préparent pas de manière adéquate, si la priorité n’est pas donnée aux groupes les plus défavorisés et si la communauté internationale n’améliore pas la coopération avec les pays fragiles ou appauvris, la crise sanitaire creusera le fossé éducatif déjà existant et les engagements en faveur du droit à l’éducation pour tous ne seront pas respectés et, avec cela, un nouveau fossé d’injustice se creusera sans remède. C’est pourquoi, à Entreculturas, nous pensons qu’il est essentiel de redoubler la solidarité mondiale pour relever ce défi et exiger que la politique de coopération internationale donne la priorité aux besoins

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Assurer la continuité de l’éducation pendant les situations d’urgence - et plus particulièrement pendant la pandémie de COVID-19 - n’est pas seulement un devoir, mais aussi un moyen idéal d’atténuer l’impact psychosocial de la crise, en donnant un sentiment de normalité, de stabilité, de structure et d’espoir à la population, et pas seulement aux étudiants. Les équipes d’enseignants, par exemple, constituent un soutien essentiel aux familles en cas d’urgence. Grâce à eux, non seulement le droit des enfants à l’éducation est garanti, mais les familles peuvent recevoir des conseils concrets et simples sur des activités qui contribuent à réduire les niveaux de stress, de souffrance et de violence. Il est donc crucial de maintenir la stabilité de leur emploi et de leur fournir les outils nécessaires à l’accomplissement de leur travail. En outre, le maintien de l’éducation en situation d’urgence permet de réduire le niveau de traumatisme et d’instabilité émotionnelle chez de grands groupes d’enfants et d’adolescents, et est essentiel pour construire des messages et des attitudes de confiance et d’optimisme, qui englobent les familles et les communautés plus larges. Enfin, en maintenant le fonctionnement des processus éducatifs, la dynamique communautaire préserve le sentiment partagé d’appartenance, de connexion et d’intégration des personnes, soulageant ainsi les sentiments de désespoir, d’absence ou d’abandon.


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Depuis le début de la pandémie, pour mettre en place un enseignement à distance, nous avons apporté un soutien humanitaire aux enseignants, aux étudiants et aux familles afin de garantir l’éducation, même dans les contextes les plus difficiles, comme au Venezuela et en Haïti. Pour permettre la transition vers l’enseignement virtuel, nous avons fourni des outils technologiques à de nombreux enseignants dans plusieurs pays. Ici, en Espagne, nous apportons également un soutien technologique, pédagogique et émotionnel aux 758 enseignants des écoles que nous avons accompagnées. Parallèlement, nous avons renforcé l’éducation aux valeurs, à la citoyenneté, à la coexistence, au respect, à la culture de la paix et à l’attention, car la pandémie et les problèmes faisaient augmenter la xénophobie et la violence. Les jeunes du Réseau Génération 21 ont fait preuve d’un grand esprit de solidarité et ont participé à plusieurs projets pour aider les personnes particulièrement touchées par la pandémie. Nous avons été en contact permanent avec nos 28 délégations en Espagne et avons pu constater l’esprit de générosité, de dévouement et de serviabilité de nombreux délégués qui se sont consacrés à soutenir les personnes les plus démunies et à leur offrir encouragement et espoir afin de surmonter la culture de la résignation et de la peur. Le Père Dani Villanueava, S.J., a résumé le travail et l’esprit d’Entreculturas au cours de cette année d’incertitude et, par conséquent, d’opportunités: « L’année 2020 a été une année difficile qui nous a forcé à réinventer de nouvelles façons d’accompagner, d’être proches, de continuer à grandir, et aussi un moment pour se rappeler que, malgré tout, l’espoir renaît, transformant notre vision de la réalité. Un point de vue qui non seulement

nous donne une légitimité, mais aussi nous encourage et nous donne la force de continuer à travailler sur notre mission jour après jour. Un regard qui ne se cache pas, qui nous pousse à continuer à offrir des opportunités face à cette urgence éducative mondiale. Dans des programmes qui démontrent l’énorme résilience de nos réseaux éducatifs, comme au Liban, en République démocratique du Congo, en Amazonie ou dans notre cher Venezuela, où, grâce à la radio, à WhatsApp et aux technologies les plus simples, nous parvenons à ce que l’éducation ne s’arrête pas, à ce que l’accompagnement des populations réfugiées et des milliers de filles menacées par la violence continue, à ce que les droits fondamentaux ne s’arrêtent pas, à ce que l’accès à l’éducation ne diminue pas et, avec lui, les années de réussite et d’effort dans la lutte contre l’inégalité. Un regard avec lequel montrer notre solidarité, également, envers notre environnement le plus proche, comme nous l’avons fait dans la précieuse collaboration avec Rozalén et le réseau d’appartements du Service Jésuite des Migrants de Valence. Ou encore le soutien au projet de prise en charge et d’accueil de la population migrante et réfugiée à Nador, un exemple de notre engagement pour la justice aux frontières. C’est aussi une vision qui nous soutient et nous permet de continuer à travailler pour accompagner plus de 230 000 personnes en situation de pauvreté et d’exclusion, et qui nous pousse à encourager, plus que jamais, une culture de l’accueil qui, contrairement à la culture du rejet, reconstruit les relations et favorise l’inclusion. En bref, une vision qui transforme la réalité, qui ne peut pas être arrêtée et qui nous pousse à continuer dans la construction d’un meilleur avenir».

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Guatemala

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Témoignages

Gilmer Aldana Pendant la crise de la COVID-19, je me suis davantage impliqué dans la communauté, dans la coexistence et j’ai renforcé la communication avec les parents et les élèves. J’ai visité des foyers pour guider les parents à soutenir leurs enfants dans le développement des activités qui renforceront leurs compétences. J’ai pu utiliser toutes les ressources dont dispose l’école, comme la banque téléphonique pour les parents et les élèves, les groupes WhatsApp pour clarifier les doutes, et les appels personnels pour expliquer et guider les activités proposées dans les guides d’apprentissage. La réussite de mes élèves est de les conduire à la résilience, de me plonger dans leurs pensées, de les encourager à surmonter leurs désirs frustrés qui les empêchent de faire leurs devoirs à la maison. J’ai réussi à faire en sorte que mes élèves soient capables de réfléchir, de se motiver et de les amener à cette volonté de changer cette éducation dont ils ont besoin. Il s’agit d’une éducation commune. Le désir de mes élèves de grandir, tant sur le plan intellectuel que spirituel, nous a amenés à explorer et à expérimenter les différents projets présentés, afin de concrétiser leur volonté d’auto-apprentissage. Aujourd’hui, nous continuons avec ces mêmes groupes d’étudiants pour perpétuer cette ligne d’accompagnement. Personnellement, j’ai visité des familles pauvres, je leur ai apporté de la nourriture, des médicaments et, surtout, un peu de mon service et de mon écoute. Dans mon expérience, j’ai ressenti une conscience empathique car dans les foyers que j’ai visités, j’ai constaté que, à cause de la pandémie, ils avaient perdu leurs sources de revenus.

En conséquence, les étudiants ont dû chercher un emploi pour contribuer à l’économie familiale.

« Mon défi a été de connaître et de soutenir chacun de mes élèves »

Parmi les principaux problèmes que j’ai rencontrés, citons : la distance entre le centre éducatif et leurs communautés ; le manque d’internet dans les communautés ; et le manque de soutien pour leur fournir du matériel didactique afin que les étudiants puissent mener à bien leurs activités. Mon défi a été de connaître et de soutenir chacun de mes élèves dans leurs différentes situations. Par exemple, pour les étudiants qui manquent de matériel pédagogique, j’achetais le matériel et l’envoyais à leur communauté. Dans d’autres cas, avec les étudiants qui travaillaient, nous avons organisé le temps de 17h00 à 19h00 pour passer des appels et envoyer des messages pour clarifier des doutes et expliquer. De cette façon, il pourrait être fait en dehors de l’horaire de travail. Je savais que cela allait être un peu fatigant, mais je comptais sur l’intérêt de l’élève à apprendre. Il est facile de se plaindre - comme certains le font - que les élèves ne savent rien, ne comprennent rien, ne s’intéressent à rien, mais je dois me mettre à leur place et savoir qu’il est de ma responsabilité en tant qu’enseignant de leur offrir des possibilités d’amélioration. Aujourd’hui, je veux partager qu’en tant qu’enseignant, je n’avais pas de temps déterminés, je n’avais pas un horaire, parce que mon objectif était de faire avancer ces jeunes, qui sont l’avenir de notre Guatemala. 67


Mémoire 2020

Gabriela Rodríguez

ont imprimé quelques guides et nous ont toujours dit que si nous avions des doutes, nous pouvions les contacter par écrit.

Au début, je n’avais pas la possibilité d’avoir un téléphone - bien que j’aie eu internet - mais la caméra de celui-ci n’était pas en bon état. Cependant, j’ai dû apprendre à me contenter de ce téléphone car tout le monde n’a pas la possibilité d’en avoir un. Au moins, j’avais un moyen de rejoindre les classes. Nous avons dû nous adapter à cela. Lorsque tout a commencé, nous nous sommes sentis soutenus par les guides d’apprentissage. Nous pensions qu’ils n’allaient pas nous donner l’éducation que nous avions quand nous allions aux cours en présentiel, mais les enseignants nous accompagnaient avec les guides, ils nous donnaient du soutien à travers un groupe créé sur Facebook. Maintenant, nous étudions sur Classroom. Nous y envoyons nos devoirs, Classroom est une autre plateforme où nous avons la possibilité d’apprendre. Pour ceux qui n’ont pas ces possibilités, ils nous accordent une journée pour visiter l’école et, ainsi, rendre les guides en personne et répondre aux doutes, mais nous avons toujours eu quelque chose à apprendre.

Je me sens très privilégiée dans ce sens car Foi et Joie nous a soutenus dans notre éducation, ils étaient très attentifs à nous, nous demandant si nous avions la possibilité de nous connecter. Lorsque tout le pays était fermé, ils nous ont toujours dit qu’ils allaient être près de nous et ils ne nous ont jamais quittés. Ils nous ont toujours encouragés, ils nous ont donné des tâches pour apprendre de nouvelles choses.

Les enseignants sont toujours là, ils vérifient notre apprentissage, ils s’assurent que nous rendons nos devoirs, ils se soutiennent mutuellement, ils nous disent que nous pouvons tous réussir, car c’est la dernière année du lycée. Certains enseignants nous ont demandé si nous avions la possibilité de nous connecter pour savoir comment nous organiser. Dans mon cas, comme je travaillais, la prof se connectait le dimanche pour que nous puissions être tous ensemble. Malgré les difficultés, les professeurs étaient à notre écoute afin de recevoir nos cours et de poursuivre notre éducation. De plus, les enseignants ont enregistré les cours pour ceux qui ne pouvaient pas se connecter, ils 68

Byron Jiménez Étudier pendant la crise pandémique COVID-19 a été une expérience qu’aucun d’entre nous en tant qu’étudiants, ni aucun des professeurs, n’avait imaginé. C’était une nouvelle expérience et un apprentissage. Nous avons réalisé que l’éducation, comme on nous l’a toujours dit, commence à la maison et aujourd’hui, nous nous sommes formés à partir des valeurs de notre maison, de notre famille, et Foi et Joie a été là pour nous soutenir et nous aider. L’une des difficultés que nous avons rencontrées avec cette pandémie est que souvent nous n’avons pas les ressources nécessaires pour recevoir une éducation à domicile. De nombreuses personnes ne disposent pas d’un appareil intelligent leur permettant de se connecter ou de poser des questions à leurs enseignants. De même, il y a des gens qui ont perdu leur emploi, qui ont manqué d’argent dans leur foyer et qui n’ont pas eu ce soutien. Pour ma part, j’ai été affecté par le fait que j’avais souvent un accès limité à l’internet pour faire mes devoirs, et que


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je devais donc recourir à d’autres sources pour pouvoir étudier. Pendant la situation d’urgence, Foi et Joie a été impliqué. Depuis que nous avons reçu le premier guide dans nos foyers, les enseignants ont toujours été disponibles pour répondre à toutes les questions et à toutes les situations qui peuvent se présenter dans nos foyers. Ils ont également effectué des visites à domicile pour voir comment nous nous portons. Ils nous rendent visite avec beaucoup de précautions pour accéder à nos maisons. Ils nous ont également envoyé des guides de soins personnels qui nous ont aidés à prendre conscience de ce que nous devons faire et éviter dans cette pandémie. Foi et Joie a été avec nous, main dans la main.

Saralin de María Pérez J’ai 16 ans et je suis étudiante en cinquième année d’éducation bilingue interculturelle à Foi et Joie Guatemala. Je me consacre à mes études et à aider ma mère autant que je le peux. Je fais partie du réseau Génération 21+ et, ici au Guatemala, nous l’appelons Protagonismo juvenil organizado (Réseau de la jeunesse organisée) (PJO). La crise que nous traversons a bouleversé notre quotidien et a également touché les personnes les plus vulnérables. Par rapport à ce que j’ai vécu en février de cette année lors de la VIIe Réunion mondiale du Réseau de solidarité de la jeunesse à Madrid, la COVID-19 me fait penser un besoin d’être préparés, et par là je veux dire le peu d’importance accordée ici à la santé, à l’emploi et à tant d’autres problèmes qui sont apparus.

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En tant que PJO, nous nous sommes organisés par le biais de réunions virtuelles où nous participons et apportons des idées sur la manière de transmettre des messages positifs et de les partager sur les médias, afin de continuer à avoir un impact et à sensibiliser le public. Nous mettons en avant notre point de vue et notre expérience issus de notre environnement, car, faisant partie d’une communauté rurale proche de la ville, mon opinion est totalement différente de celle d’une fille originaire d’une zone urbaine.

« Nous avons des pouvoirs incommensurables... nous avons les capacités. »

Aux jeunes, je dis que nous devrions commencer à nous remettre en question, à nous connaître et à connaître la réalité qui nous frappe, et que nous devrions voir cela comme une opportunité de changement. Soyons les protagonistes de notre propre histoire. Nous avons des pouvoirs incommensurables... nous avons les capacités. Il s’agit juste de mettre tout cela en pratique et de montrer ce que nous pouvons faire. Nous devons utiliser notre jeunesse pour quelque chose de productif. Il y a une phrase de Paulo Coelho que je garde toujours avec moi : « Luttez pour vos rêves ou les autres vous imposeront les leurs ».

Apprentissages et défis

La pandémie a renforcé l’innovation, la communication et la créativité 2020 a été une année difficile pour nous tous, en raison de la pandémie provoquée par le nouveau coronavirus. La réalité de Foi et Joie n’était pas différente : toutes nos communautés éducatives ont dû fermer leurs portes et poursuivre leurs processus d’enseignement et d’apprentissage en restant à la maison afin de garantir le droit à une éducation de qualité. Cependant, bien que l’apprentissage à domicile soit, et continue d’être, un défi sans précédent, le travail de Foi et Joie ne s’est pas arrêté et a continué à servir 16 124 étudiants à tous les niveaux d’enseignement et à former tout le personnel enseignant, administratif, de soutien et de service pendant le cycle 2020, aux aspects pédagogiques et à la croissance personnelle, dans le but de les maintenir à jour en tant qu’enseignants. En fait, le père Miquel Cortés, S.J., directeur de Foi et Joie Guatemala, estime que la pan-

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démie a renforcé l’innovation, la communication, la créativité et l’optimisation des faibles ressources. Le programme d’alimentation scolaire, financé par l’État, a été un vecteur très important non seulement pour le travail pédagogique, mais aussi pour une plus grande articulation avec les familles, ce qui nous a permis de favoriser leur autoformation et la nécessité de soins personnels et sanitaires. De même, la prévention de la violence domestique, si menaçante en ces temps de confinement obligatoire. La pandémie nous a obligé à approfondir notre mise en réseau, parmi nous et avec d’autres institutions, ce qui implique d’assumer sans crainte, tant au niveau institutionnel que personnel, le nouvel apprentissage qu’elle a exigé. De nombreux groupes WhatsApp ont été créés, même par classe, et des communautés d’apprentissage ont été mises en place par e-mail ou sur Facebook. Pour renforcer la résilience, nous avons également insisté sur la prise en charge des soignants, en renforçant leur formation émotionnelle et spirituelle. Nous encourageons le rôle de protagoniste et de leader des jeunes et, dans la pastorale, nous approfondissons la promotion des valeurs de solidarité et de résilience. Nous insistons sur le fait que “l’union fait la force”. Cela a également conduit à un travail humanitaire auprès des populations migrantes et des personnes touchées par les tempêtes tropicales. Nous avons également commencé à préparer des protocoles pour assurer une rentrée scolaire dans les meilleures conditions.

l’éducation hybride - l’union de l’enseignement présentiel et de l’enseignement virtuel - ce qui implique non seulement la fourniture d’une connectivité adéquate, mais aussi une formation pédagogique, essentielle pour s’approprier les nouvelles technologies qui doivent devenir une ressource nécessaire à l’apprentissage créatif et critique, tant au niveau personnel qu’en équipe. Au niveau de la fédération, nous devons : approfondir les liens pour avancer dans “l’union des esprits” des Foi et Joie de chaque pays, dans la perspective de construire des réseaux d’espoir ; communiquer et partager les expériences réussies ; assumer ensemble, et comme un tout, les problèmes et les urgences ; soutenir, de manière solidaire, les pays les plus faibles et réfléchir ensemble aux exigences de la durabilité ; le porte-parole des pauvres et des marginaux au sujet de la nécessité d’investir davantage dans l’éducation afin que chacun y ait accès ; et les nouvelles exigences en matière d’éducation, y compris la formation professionnelle, insistant sur l’intégration, sinon la formation n’a guère de sens. À cette fin, nous devons commencer par reconnaître que nous ne sommes pas des pionniers ici et que nous devons apprendre de ceux qui ont une grande avance sur nous.

En tant qu’apprentissage et défis, nous estimons que nous devons continuer à approfondir la formation complète des enseignants afin qu’ils puissent relever les défis de cette nouvelle époque. Nous devons également aborder de manière plus créative

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Mémoire 2020

Haïti

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Témoignage

Sœur Matilde Moreno, rscj. Sans vouloir me vanter, nous avons connu en Haïti la plus longue “pandémie” de tous les temps, et ça continue ! L’année scolaire 2019-20 a commencé comme d’habitude la première semaine de septembre, mais à la moitié du mois, une vague de violence a éclaté dans le pays, si forte que toutes les écoles de Port-au-Prince et des villes et villages voisins ont dû fermer. À Balan, où je vis avec ma communauté du Sacré-Cœur, assistant à un centre de santé intégrale et à une école Foi et Joie, nous n’avons pas souffert directement de la violence, mais nous ne pouvions même pas sortir sur la route pour acheter du pain. Ce fut notre première “pandémie” qui a duré jusqu’en décembre, lorsque les cours ont repris. C’était une période d’incertitude, de souffrance et de faim car les paysans ne pouvaient pas sortir pour vendre leurs produits ou acheter notre riz quotidien. À Noël, les premières infos du Corona, comme on l’appelle ici, sont arrivées, mais elles semblaient très lointaines et étrangères. Juste au moment où il semblait que tout rentrait dans l’ordre, le grand coup est arrivé. Le président s’est adressé à la nation : tout le monde rentre chez soi, tout est fermé... et à partir du 20 mars, notre calvaire a recommencé. Les églises, les centres publics et les écoles sont fermés jusqu’au 31 juillet. Peur, insécurité et faim à nouveau. Que devons-nous faire ? À Foi et Joie, nous nous sommes organisés pour chercher des

ressources et pouvoir offrir aux familles beaucoup de riz, de haricots et d’huile, ainsi que des masques, du savon et de l’eau de Javel. Un certain soulagement, mais pas suffisant, loin de là. A Balan, nous avons des amis qui nous ont aidés pendant toute la période de confinement et nous avons pu répéter chaque mois la distribution de nourriture aux familles de nos élèves. Ce qui semble tiré d’un film de science-fiction, c’est d’imaginer que, lors d’une pandémie, des familles vivant dans nos campagnes puissent être enfermées chez elles. La plupart des maisons ici, à l’exception de quelques-unes qui sont en blocs, sont construites en palmes, en boue et en tôle. Ils servent à dormir et à stocker les quelques biens que possède la famille. La vie se déroule à l’extérieur de la maison, en étroite coexistence avec les voisins, et si quelqu’un tombe malade, ils se soignent et se contaminent entre eux. Les conséquences de notre « pandémie » particulière sont désastreuses. Le Corona n’a pas frappé trop fort, Dieu merci, mais les conséquences d’une année scolaire perdue, les emplois partis en fumée et la violence qui augmente à une vitesse galopante - plus de 70 bandes armées qui contrôlent de plus en plus de quartiers et de zones du pays de manière très violente - rendent la vie dans ce pays de plus en plus difficile. Mais ne vous trompez pas et n’oubliez pas! C’est un peuple merveilleux qui sait vivre et espérer contre toute attente. Un peuple doté d’une foi inébranlable et d’une joie inexplicable au milieu de tant de souffrances. Un peuple dont nous avons beaucoup à apprendre et qui ne devrait jamais être oublié. Que Dieu ne cesse de partager nos vies et de nous bénir.

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Mémoire 2020

Apprentissages et défis

Sensibilisation et soutien humanitaire 2020 a été une année très difficile pour Foi et Joie Haïti. Outre les problèmes structurels, l’instabilité politique, l’insécurité sociale et les faiblesses du système éducatif et de Foi et Joie lui-même, il faut ajouter l’énorme effort que nous avons dû fournir pour continuer à dispenser l’enseignement dans le confinement forcé qu’exigeait la pandémie. Il nous a fallu non seulement réadapter nos pratiques aux exigences de l’enseignement à distance, mais aussi travailler très dur pour sensibiliser la population afin qu’elle prenne la pandémie au sérieux, et pour encourager et rendre possibles les mesures sanitaires nécessaires, car beaucoup ne les respectaient pas, soit parce qu’ils ne croyaient pas aux conséquences de la COVID-19, soit parce qu’ils n’avaient pas les ressources pour le faire, soit parce qu’ils devaient sortir dans la rue pour se nourrir. C’est pourquoi, en plus de nos efforts pour maintenir notre travail éducatif, nous avons dû entreprendre un travail humanitaire en distribuant des sacs de nourriture et des kits d’hygiène aux populations les plus vul-

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nérables, ce qui nous a permis de sensibiliser et d’éduquer les familles. Cependant, la COVID-19, qui nous a obligés à nous confiner chez nous, et l’insécurité dans les lieux où se trouvent les centres Foi et Joie, ne nous ont pas permis de communiquer autant que nous l’aurions souhaité avec les familles, car nous pensons qu’il s’agit d’une dimension essentielle que nous


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devons renforcer. Nous constatons également un besoin urgent de formation professionnelle et de développement de projets productifs qui contribuent à améliorer les conditions de vie des personnes traditionnellement touchées non seulement par cette pandémie, mais aussi par la pauvreté et la faim. Nous tenons à souligner que, malgré les

difficultés, nos étudiants ont obtenu de bonnes notes aux examens nationaux organisés par le gouvernement, ce qui nous encourage à poursuivre avec plus d’engagement notre travail de promotion des personnes les plus vulnérables par le biais d’une éducation de qualité. Nous demandons également le soutien de la Fédération pour renforcer Foi et Joie Haïti, qui est dans une situation très faible.

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Honduras

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Témoignage

Belkis Avilés Je m’appelle Belkis Avilés et je fais partie de l’équipe de travail du centre technique Nazareth de Foi et Joie Honduras, situé dans la communauté d’Urraco Norte (El Progreso, Yoro). Je suis née et j’ai grandi à Urraco Pueblo, où nous disposons de sols riches pour les cultures en raison de leur proximité avec la rive droite de l’une des rivières les plus abondantes et les plus sinueuses du pays : la rivière Ulúa. La zone est divisée en 35 communautés réparties dans des zones totalement rurales, avec un accès difficile à la ville d’El Progreso. Nous vivons abandonnés et ignorés par le gouvernement et nous n’avons pratiquement aucun service essentiel. 2020 a été une année très difficile qui nous a apporté peur, angoisse et douleur. C’était une année sans corps ni âme. Nous avons commencé par la funeste nouvelle de l’imminence d’un confinement local et mondial à cause d’un virus, nous obligeant à un confinement total dans nos maisons et nos corps. Nous avons dû abandonner nos objectifs familiaux, personnels, professionnels et les rêves de nos jeunes étudiants ont été brisés parce que Nazareth, pour la première fois de son histoire, fermait ses portes. Nous avons ensuite essayé de communiquer à travers un écran flou et, dans de nombreux cas, sans avoir accès à un signal internet, sans oublier que 38 % de nos jeunes ne disposent pas d’un téléphone intelligent ou d’une connexion internet, à cause du facteur économique. Pendant la pandémie, il a été douloureux

de voir combien de familles se sont désintégrées, incapables de coexister dans un contexte de confinement ou de faire face à l’absence des services les plus élémentaires. Le désespoir des têtes de famille, lorsqu’elles ont appris qu’elles avaient perdu leur emploi parce que leur entreprise avait suspendu leur contrat de travail sans aucune explication, était affligeant. Certains jeunes ont pris la décision de migrer portant un masque et ont rejoint les caravanes parce qu’il était devenu difficile de vivre chez eux. La consommation de drogues et d’alcool a augmenté, tout comme la violence à l’égard des femmes, y compris les féminicides. D’autres, cependant, ont continué à lutter, s’accrochant à la terre, plantant leurs cultures de rente - maïs, manioc, piment, tomates, oignons, oranges - ou entretenant leurs élevages de poulets pour survivre et surmonter le mauvais temps.

« 2020 a été une année très difficile qui nous a apporté peur, angoisse et douleur »

Nous, les enseignants, avons fait de grands efforts pour communiquer avec les familles et les élèves afin de les rencontrer par le biais de plateformes virtuelles. Nous nous sommes tenus informés, nous avons communiqué et nous nous sommes soutenus mutuellement par des mots d’encouragement. D’autres, en revanche, ont dû supporter le confinement, seuls et isolés, mais le pire restait à venir. Les vents de novembre sont arrivés... cela semblait être un 77


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mois tranquille, avec des jours d’espoir qui rétabliraient la paix et la tranquillité, mais ce ne fut pas le cas. Deux visiteurs inattendus sont passés dans notre village : les ouragans Eta et Iota, qui ont ravagé le peu qu’il nous restait. Il est scandaleux de voir que les autorités d’urgence n’ont pas averti le pays de l’impact élevé de ces phénomènes naturels, alors qu’elles connaissent le niveau de vulnérabilité dans lequel nous vivons en raison du manque d’entretien des rives droite et gauche de la rivière Ulúa. Un jour, soudainement, nous nous sommes réveillés avec de l’eau aux pieds. Il était 4h50 du matin. Je me souviens avoir été réveillée par le bruit dans la rue.

« Je pense que l’adversité nous laisse toujours de nombreuses leçons à apprendre afin de devenir plus proches avec nos frères et sœur, et plus humains »

Je suis sortie pour voir ce qui se passait et la première chose que j’ai vue, c’est un petit garçon d’environ huit mois qui pleurait nu sur un vieux matelas devant ma maison. Puis j’ai vu une dame âgée portant une lourde cuisinière. J’ai couru pour l’aider, elle m’a souri d’effroi et est rentrée chez elle pour continuer. C’était très dur de voir tous mes voisins sortir leurs biens, matelas, tables, outils, poulets, cochons, canards et tout ce qu’ils pouvaient porter sans savoir où aller.

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Quand je suis rentrée chez moi, j’avais déjà de l’eau jusqu’aux genoux. J’ai regardé les visages de mes proches et ils étaient hors d’eux, se bousculant pour sortir leurs affaires. Je me souviens être allée dans ma chambre pour prendre des vêtements et mon sac à dos avec l’ordinateur devant lequel j’écris encore aujourd’hui. J’ai pris deux sacs en toile de jute, j’en ai rempli un de vêtements et dans l’autre j’ai mis la nourriture que nous avions achetée pour le mois. Je suis sortie dans la rue et c’était le chaos. Nous étions entourés par les courants de la rivière. J’ai appelé mon frère sur mon téléphone portable pour qu’il nous emmène sur l’une des collines de la communauté, comme nous en avions parlé la veille, en cas d’urgence, mais il n’y avait pas de signal sur les téléphones portables. Il n’y avait pas non plus de moyen sûr de passer à travers. Miraculeusement, mon frère est apparu, fendant l’eau avec son tri-moto cargo. Quelle joie ! Nous sommes tous partis en un seul voyage avec seulement ce que nous avions sur nous. En chemin, nous avons assisté à des épisodes très douloureux : des gens qui criaient, d’autres qui pleuraient, des enfants désorientés, des personnes âgées assises sur leurs fauteuils, des gens qui sortaient leurs affaires... c’était comme assister au naufrage d’un bateau. Nous circulons tous en silence, nous accrochant du mieux que nous pouvons aux barres métalliques du tri-moto. En chemin, nous sommes passés devant le centre Nazareth, ma deuxième maison, où j’ai vécu pendant dix-huit ans. Elle était devenue un bras de la rivière Ulúa. J’ai fermé les yeux et des images me sont venues à l’esprit de tous les efforts et sacrifices que nous avions faits pour assurer un apprentissage efficace à nos jeunes. « Nous avons tout perdu », me suis-je dit, et à ce moment-là, j’ai craqué. Nous sommes


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arrivés au refuge et avons été isolés et sans communication pendant plusieurs jours. Dans le refuge, nous avons survécu à la tempête de vents violents, à la destruction des routes, aux gens qui s’abritaient dans les rues dans des tentes improvisées faites de draps, préparant leurs derniers aliments à l’air libre. Quelques mois plus tard, les eaux sont retournées à leurs berges et nous avons nous aussi regagné nos maisons, presque ensevelies par la boue. C’était comme repartir à zéro... l’eau avait emporté tout ce que nous étions censés avoir sauvé. Nous ne pouvions pas aller en ville car les routes étaient complètement détruites. Nous avons partagé et échangé ce qui nous restait de nourriture avec nos voisins et nos proches. Finalement, un bateau avec de la nourriture et de l’eau, que nous avons dû rationner, est arrivé dans ce qui était autrefois la rue. Un mois plus tard, les routes ont été ouvertes

et l’aide solidaire de personnes d’autres pays est arrivée juste à temps avec de la nourriture, de l’eau et des vêtements. Nous sommes également retournés au centre de Nazareth pour unir nos forces à celles de Foi et Joie afin de soutenir les familles touchées. Nous avons fait le tour des communautés, rendu visite aux familles qui ne s’étaient pas encore remises des pertes matérielles et nous les avons aidées en leur fournissant de la nourriture, de l’eau, des couvertures et des vêtements. Nous continuons à le faire car les besoins sont nombreux. Je pense que l’adversité nous laisse toujours de nombreuses leçons à apprendre afin de devenir plus proches et plus humains, et c’est le plus important dans la vie. Nous sommes reconnaissants d’être en vie et nous en sortons plus forts pour remplir la mission que Dieu et nos ancêtres nous ont confiée, à savoir nous entraider. Nazareth est vivant... nous continuerons à être une lumière pour les familles démunies et à œuvrer pour la transformation sociale.

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Mémoire 2020

Apprentissages et défis

La pandémie et les ouragans nous ont obligés à changer radicalement La pandémie de COVID-19, qui nous a confinés chez nous, nous a obligés à nous lancer dans l’enseignement virtuel et à distance, sans y être préparés technologiquement ou pédagogiquement. Cependant, nous avons fait de grands efforts pour continuer à garantir, de la manière la plus adéquate possible, le droit à l’éducation de nos étudiants, y compris les indigènes Garifuna avec lesquels nous travaillons depuis sept ans maintenant, avec une éducation qui favorise leur identité et respecte et favorise leur culture. La pandémie a également aggravé la misère et la faim, ce qui nous a obligés à prendre en charge l’aide humanitaire en distribuant des sacs alimentaires et des kits d’hygiène et de prévention du virus. Elle a également multiplié les migrations, et des familles entières ont commencé à migrer, et cela nous a obligés à intervenir de manière plus décisive sur cette frontière, et à nous organiser en réseaux avec les institutions qui ont travaillé 80

sur le problème des migrations. Nous avons dû mettre en œuvre des programmes d’éducation et de formation avec les rapatriés afin qu’ils puissent améliorer leurs conditions de vie dans l’idée d’arrêter leur migration, ou affronter l’avenir en dehors du pays en étant mieux préparés, car nous savions que beaucoup d’entre eux repartiraient. Comme si cela ne suffisait pas, le 3 novembre 2020, l’ouragan Eta est entré sur le territoire hondurien, avec des pluies très abondantes qui ont fait déborder les rivières, provoqué des glissements de terrain et la destruction de nombreux villages. Après l’ouragan, et sans avoir eu le temps de nous en remettre, un autre ouragan aux proportions immenses s’est formé - Iota qui a ravagé les cultures, noyé le bétail et détruit des municipalités entières avec un nombre important de morts et des populations entières qui ont tout perdu, y compris, bien sûr, leurs maisons et tous leurs biens.


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Les ouragans nous ont obligés à faire un changement complet. Il ne s’agissait plus seulement d’assurer l’éducation, mais de sauver et de protéger des vies. Nous avons pris en charge les trois R comme une évidence : réorganiser, reconvertir et répondre aux urgences. Nous avons formé des groupes de travail, nous avons changé nos rôles, nous nous sommes consacrés à ce qui était le plus urgent : distribuer de la nourriture, de l’eau, des vêtements, des couvertures... tout ce qui pouvait contribuer à sauver des vies. Nous avons atteint 122 refuges où, en plus de répondre aux besoins les plus urgents, nous avons donné des ateliers sur la gestion du stress, la solidarité et les compétences de vie. Comme le dit avec conviction Miguel Molina, directeur national de Foi et Joie Honduras, « la pandémie et les ouragans nous aident à repenser notre travail en profondeur. Plutôt que de reconstruire nos centres dé-

truits, nous devons les relancer dans une dimension plus communautaire, en répondant plus directement aux besoins extrêmes des plus pauvres, qui sont toujours frappés par toutes sortes de pandémies et de catastrophes. Nous devons renforcer notre mise en réseau avec d’autres institutions et entre les différents Foi et Joie. C’est là que se joue notre identité et notre avenir en tant qu’enseignants populaires. Une Foi et Joie retranchée dans ses propres tranchées, où chaque pays ne se préoccupe que de ses propres intérêts, n’a pas de sens aujourd’hui. Nous sommes très forts quand nous sommes tous unis, nous avons une force que nous devons utiliser de manière plus décisive avec les gouvernements, les organisations et les institutions à la recherche des ressources nécessaires pour que chacun puisse exercer son droit à une vie digne et à une éducation de qualité, surtout en ces temps où la pandémie a laissé des millions de personnes sans école ».

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Mémoire 2020

Italie

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Témoignages

María Elena Guevara Elle a 61 ans, est veuve, équatorienne, mère de trois garçons, grand-mère de trois petits-enfants, diplômée en sciences de l’éducation avec une spécialisation en physique et en mathématiques, et enseignante à l’IRFEYAL de Foi et Joie Milan et à l’université de Loja. Sa vocation est née pendant ses études, grâce à quelques remplacements et à l’exemple qu’elle donnait à la maison. « J’ai toujours vu ma mère enseigner aux enfants du quartier. J’aurais aimé être médecin, ma famille me soutenait, mais j’ai fini par abandonner l’idée à cause des coûts que cela impliquait ». Et, ajoute-t-il en riant, « mettre mon masque maintenant est ce qui se rapproche le plus de ce que je voulais être, alors je suis contente ! » Elle est une personne forte et déterminée. « En 1999, l’instabilité économique dont nous, enseignants, avons souffert, m’a conduit à quitter ma famille, mon foyer et la profession d’enseignante que j’exerçais depuis dix-neuf ans, mais pour une bonne raison : mes enfants. L’idée était de venir pour deux ans. Peu importe si je devais cuisiner, nettoyer, m’occuper des personnes âgées ou des enfants, c’était très dur. Au début, c’était très difficile. Les deux années se sont transformées en vingt. Mon mari a continué à travailler en tant qu’enseignant en Équateur et, après sa mort à un jeune âge, j’ai amené mon fils de seize ans en Italie ». Elle se souvient encore des mots de son mari alors qu’ils se disaient au revoir à l’aéroport : « Maria Elena, tu vas dans un

autre pays, mais n’oublie jamais que tu es une enseignante et que, en tant que telle, tu devras guider les gens. Les compétences que tu as, montre-les et tu seras aimée dans n’importe quel emploi ».

« Grâce à ses efforts, tous ses enfants ont pu terminer leurs études, et ont atteint le niveau des diplômés. »

Quant à sa vie professionnelle, elle explique: « Ma priorité était d’envoyer de l’argent chez moi, mais avec mon seul diplôme, je ne pouvais pas me consacrer à l’enseignement dans les écoles italiennes. Cependant, avec une grande satisfaction, j’ai pu continuer à enseigner les mathématiques à l’IRFEYAL de Foi et Joie Milan et à l’Université de Loja, ainsi qu’à donner des cours particuliers. Mais ma principale source de revenus a été, tout d’abord, de m’occuper d’une vieille dame et, depuis de nombreuses années maintenant, au sein d’une famille, en m’occupant des enfants ». Grâce à ses efforts, tous ses enfants ont pu terminer leurs études, et ont atteint le niveau des diplômés. L’aîné a obtenu un diplôme en sciences de l’éducation, spécialisé en physique et en mathématiques, à l’université de Loja, extension de Milan ; le deuxième, en ingénierie électronique et télécommunications, à l’université polytechnique de Quito ; et enfin, le troisième a étudié l’ingénierie aéronautique en Italie, réalisant ainsi le rêve de son père d’avoir un de ses enfants formé à l’étranger. 83


Mémoire 2020

La première fois que j’ai vu Maria Elena, c’était à l’école, elle dansait et riait lors d’une fête au milieu de ses élèves. Lorsque je lui demande ce que doit être un bon enseignant, elle répond : « Gentil et affectueux, capable de transmettre ses connaissances, de se mettre au service de ses élèves, de maîtriser le sujet, mais toujours prêt à s’améliorer ». Elle se souvient en détail des élèves qui ont croisé sa vie et comment, parfois, un simple geste ou un mot pouvait aider. « Récemment, l’un d’eux m’a dit : « Prof, vous me ramenez à la vie »... c’est ça qui me fait vivre. A l’Institut IRFEYAL, il y a tant d’enfants en difficulté, de femmes qui subissent de la violence, d’autres qui regrettent d’avoir abandonné l’école ou qui doivent reconstruire leur vie avec une mère qu’ils connaissent à peine ou avec le nouveau compagnon de la mère. Je ne veux pas m’immiscer dans leur vie, je veux juste en savoir assez pour les motiver de la meilleure façon possible ». Une de ses camarades de classe déclare à son sujet : « Je reconnais et admire beaucoup la capacité d’apprentissage, de développement, de créativité et d’engagement de María Elena Guevara ». Et Julio, l’un de ses élèves, âgé de 51 ans, témoigne : « Je remercie tout particulièrement María Elena, pour sa disponibilité, son affection et sa patience».

Apprentissages et défis

La pandémie a favorisé l’intégration avec les familles Depuis vingt ans, Foi et Joie Italie, en collaboration avec IRFEYAL Équateur, offre aux étudiants latino-américains en Italie la possibilité de terminer leurs études avec un diplôme valable pour être admis à l’université. La pandémie nous a obligés à insister davantage sur l’enseignement à distance en mode virtuel, ce qui signifie que nous avons entrepris des campagnes pour obtenir des ordinateurs pour les étudiants qui n’en avaient pas. Comme notre campagne pour obtenir des ordinateurs d’occasion n’a pas été très fructueuse, nous les avons achetés nous-mêmes et les avons prêtés aux étudiants avec la promesse qu’ils les rendraient. Pour d’autres, nous leur avons accordé des réductions sur leurs frais de scolarité afin qu’ils puissent s’en acheter. Malgré les difficultés, il faut souligner que les enseignants ont assumé leurs tâches avec beaucoup de responsabilité et d’engagement.

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Ils ont rendu visite aux élèves à leur domicile, ce qui les a amenés à s’intégrer plus étroitement avec eux et à connaître leurs familles et leur mode de vie. Les étudiants, à leur tour, ont également fait preuve de service et de solidarité, certains d’entre eux servant de traducteurs aux médecins cubains venus participer à la lutte contre la pandémie. Étant donné qu’au début de la crise sanitaire, plusieurs étudiants, qui travaillaient dans des hôpitaux et des maisons de retraite, présentaient des signes de forte crise émotionnelle, nous leur avons fourni une attention personnalisée pour les aider à faire face à la situation et à gérer leurs émotions. Les étudiants se sont dits très satisfaits et reconnaissants de cet accompagnement.

passer, avec plus d’insistance, la pédagogie de la transmission et s’ouvrir à la pédagogie critique et créative pour que les élèves puissent apprendre de manière permanente. Ils craignent de devenir une ONG qui délivre des diplômes et de ne pas prendre au sérieux la conception et la mission éducative de Foi et Joie, qui vise à la transformation personnelle et sociale, car ils savent bien que notre défi et notre objectif sont de changer des vies, d’aider les étudiants à devenir forts dans leur propre identité et à s’ouvrir de manière créative à d’autres cultures et à la citoyenneté universelle. Cela les obligera à travailler davantage sur l’identité et la spiritualité et à insister fortement sur la prise en charge de soi.

Lors de la cérémonie de remise des diplômes de quarante nouveaux diplômés à Milan, en présence des consuls de l’Équateur et du Pérou, le père Florin Silaghi, S.J., directeur national de Foi et Joie Italie, a félicité les étudiants avec les mots suivants : « Cette année a été très difficile. Sans l’altruisme, l’engagement constant, la confiance, la passion, la créativité, la prière, le dialogue et le sacrifice, nous n’aurions pas pu atteindre ce moment de réalisation et de célébration. Pour cela, je remercie Dieu, leurs familles, leurs enseignants et tous ceux qui les ont soutenus. Être rempli de gratitude pour les autres et pour soi-même est toujours le fruit d’une éducation qui n’est jamais une fin en ellemême, une éducation qui nous rend sages, qui transforme les cœurs, qui dissout les peurs, qui nous rend plus sincères et plus créatifs, donc plus capables d’être responsables non seulement de nos rêves personnels, mais aussi de nos désirs communs ». Selon la coordinatrice pédagogique, Olga Pérez Sastre, l’un des principaux défis de Foi et Joie Italie est d’approfondir la formation des enseignants afin qu’ils puissent dé-

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Madagascar

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Père Jean Guy Tahina, S.J.

écoles et les familles, comme la plantation d’oranges et d’avocats. Nous avons commencé à travailler avec des personnes qui ne savent ni lire ni écrire. Il s’agit d’une initiative récente.

Je suis le père Tahina Jean Guy, jésuite, directeur exécutif de Foi et Joie à Madagascar. Je travaille avec le père Emile Ranaivoarisoa, également jésuite, qui est le directeur général, et avec de nombreux enseignants qui sont dans la campagne et qui permettent à Foi et Joie d’être un service éducatif pour les plus pauvres et les plus exclus de notre pays.

« Au milieu de la pandémie, nous avons eu une très bonne nouvelle, l’État a reconnu l’existence de Foi et Joie en tant qu’ONG dédiée à l’éducation »

Témoignages

Lorsque la pandémie est arrivée, elle a ajouté aux nombreuses conditions précaires de notre peuple, notamment le manque de nourriture et d’eau. Nous avons pris soin des étudiants de Joakim à Fianarantsoa de la manière la plus sûre possible. Il en va de même pour les étudiants que nous avons depuis 2015 dans le centre du district d’Ikalamavony, à 100 kilomètres de Fianarantsoa, au centre de l’ouest. Nous avons de sérieux problèmes pour nous déplacer dans le pays. D’une part, l’insécurité causée par les groupes armés et d’autre part, les distances. Il peut sembler que les distances ne sont pas si grandes, mais en raison de l’état des routes, 100 kilomètres peuvent être parcourus en véhicules tout-terrain en 9 à 12 heures. Nous sommes très heureux car, malgré les conditions, nous avons fourni aux enseignants des zones isolées une formation pédagogique pour relever notre défi éducatif. Nous avons également encouragé les activités génératrices de revenus pour les

Avec les élèves et leurs familles, nous avons entrepris des travaux de construction à Fitampito, car nous avons besoin d’infrastructures pour garantir une éducation de qualité. Nous avons réalisé ce travail en collaboration avec les jésuites de Madagascar, qui célèbrent leur 50e anniversaire en tant que province jésuite en 2020. Au milieu de la pandémie, nous avons eu une très bonne nouvelle, l’État a reconnu l’existence de Foi et Joie en tant qu’ONG dédiée à l’éducation, enregistrée sous le numéro 02/2020 BIM/ONG/PREF/Ftsoa. En malgache, la langue officielle de Madagascar, Foi et Joie se traduit par FIHAM. FInoana HAravoan’ny Malgache, FIHAM. Avec FIHAM, nous poursuivons avec Foi et Joie.

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Apprentissages et défis

Nous insistons sur la sensibilisation de la population à l’importance de l’éducation A Madagascar, la situation pendant la pandémie est similaire à celle de nombreux autres pays : les écoles ont été fermées et les personnes de Foi et Joie se sont organisées en équipes et ont collaboré avec le diocèse catholique de Fianarantsoa pour contribuer à la livraison d’aide humanitaire (nourriture, masques, savons et désinfectants) aux familles de la communauté éducative. Le confinement forcé a laissé la plupart des parents, qui sont engagés dans l’économie informelle, sans travail et donc sans revenu. Nous avons également profité des livraisons pour organiser des journées de sensibilisation et d’information pour les parents et les familles appartenant à notre mouvement sur la COVID-19 et la nécessité de suivre des mesures préventives. Cela nous a permis d’établir des liens plus étroits avec les communautés, qui nous apprécient et nous valorisent beaucoup. C’est peut-être la plus grande force de Foi

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et Joie Madagascar et nous devons continuer à aspirer à faire de nos écoles de véritables centres communautaires. Les parents sont très coopératifs et contribuent au paiement de l’éducation de leurs enfants à travers leur travail ou les produits de leurs cultures. Nous avons également dû apporter un soutien financier à des enseignants très mal payés, mais qui, malgré les difficultés, ont su faire preuve de créativité pour assurer la continuité de l’éducation de leurs élèves. Madagascar est un pays avec peu d’infrastructures et nous avons de nombreux besoins de toutes sortes. Nos 42 écoles sont petites et très pauvres, éloignées des villes et très difficiles à atteindre par des chemins de terre, surtout en hiver où c’est presque impossible. Les bâtiments sont très rustiques - avec des murs et des toits en feuilles de palmier - et l’équipement est pratiquement inexistant, puisque nous n’avons même pas de pupitres. Les enseignants ont besoin de beaucoup de formation, tant en matière de pédagogie que d’éducation populaire et d’identité de Foi et Joie. Leurs connaissances sont très rudimentaires, la plupart d’entre eux n’ayant suivi qu’une scolarité élémentaire. C’est pourquoi nous avons besoin de beaucoup de soutien de la part de la Fédération. Malgré cela, ils sont très volontaires et désireux de poursuivre leur formation. Certains, comme l’enseignante Rassoa, sont aussi extrêmement généreux : pendant son temps libre, elle élève des poules pour acheter des cahiers et des stylos pour ses élèves. Le défi éducatif le plus important à Madagascar est de continuer à faire la promotion de l’importance de l’éducation, car ni l’État ni les familles n’y attachent d’importance. Les familles ne le considèrent pas comme un moyen essentiel de progresser


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et de sortir de la pauvreté, car elles n’ont aucune référence de personne ayant quitté leur communauté et progressé dans ses études. C’est pourquoi, lorsque les enfants grandissent, ils les emmènent à la campagne pour les aider à semer le riz ou à s’occuper des vaches. C’est pourquoi, contrairement à d’autres pays africains, à Madagascar, les filles sont plus scolarisées que les garçons.

Nous insistons également sur la nécessité de prendre soin de la nature, car de nombreuses personnes brûlent les forêts pour faire des pâturages pour leur bétail, ce qui entraîne une désertification rapide du pays. C’est pourquoi nous lançons, dans les écoles et avec les familles, des projets de plantation, de préservation des arbres et des jardins scolaires pour les aider à mieux se nourrir.

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Nicaragua

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Témoignages

rer pour qu’ensemble nous puissions transformer notre réalité.

Hasly Medelid Méndez Montoya

Les échanges d’expériences virtuelles, encouragées par le Réseau Génération 21+ - une initiative de la Fédération Internationale Foi et Joie - m’ont permis de connaître les expériences d’autres filles et garçons d’autres pays, qui ont définitivement enrichi mon apprentissage. Ensemble, nous avons vu le côté positif des différentes situations auxquelles nous sommes appelés et appelées dans le monde, pour influencer et transformer ce qui nous cause tant de mal et d’indignation.

Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, j’ai été très triste, effrayée, terrifiée et inquiète, car au cours de mes 14 années d’existence, c’était une situation nouvelle et jamais vue auparavant. J’ai été très choquée par le fait que, en si peu de temps, tout ce que nous connaissions avait soudainement changé. Les activités les plus simples étaient devenues des actes à haut risque et à grand danger. Si tout a changé pour moi, que ce soit mon foyer, mon école ou mes activités communautaires, il y a surtout eu un changement personnel, car en 2020, j’ai eu l’occasion de réfléchir à ces choses que je considérais auparavant comme très importantes et qui, à l’époque de l’isolement social, ne l’étaient plus. J’ai compris que je devais apprécier, aimer et protéger les personnes qui étaient et sont toujours là pour moi, valoriser notre santé et notre vie, ainsi que celles des autres. Malgré le contexte, j’ai continué avec beaucoup d’enthousiasme et de dévouement. J’ai décidé que cette situation n’allait pas m’arrêter. En 2019, j’ai entamé un processus de formation en identité sociopolitique, où j’ai élargi mes connaissances et développé des compétences de leadership. L’année dernière, j’ai commencé un programme virtuel de formation en Participation sociopolitique des jeunes dans une culture de la paix, qui m’a appris qu’il est nécessaire de savoir travailler en équipe - ce qui est une grande vertu - car, connaissant les opinions des autres, nous sommes prêts à collabo-

« Ensemble, nous avons vu le côté positif des différentes situations auxquelles nous sommes appelés et appelées dans le monde »

Je pense que pour être un bon leader, il est important de maîtriser ces compétences. Mes plus grandes réussites ont été de transmettre une énergie positive, de l’enthousiasme, ainsi que de développer ma créativité et mon leadership en tant qu’agent du changement. J’ai beaucoup appris : savoir ce que je ressens, comment je peux changer les choses, l’importance de la construction de la paix, la réflexion de chaque conflit et, surtout, découvrir le pouvoir qui est en moi. Les compétences que j’ai développées au cours de cette formation ont été très perceptibles, car j’étais auparavant très timide et je n’aimais pas parler en public. Maintenant, je suis en mesure de le faire, en facilitant les formations qui ont lieu avec les jeunes dans 91


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mon établissement d’enseignement. Tout cela m’a aidé à l’école, à la maison et dans la communauté, car j’ai établi une meilleure communication et une meilleure confiance en tout ce qui m’entoure et je me sens plus sûre de moi. Chaque formation qui m’a été donnée m’a été d’une grande aide car j’ai pu créer, socialiser, renforcer, intérioriser, développer et grandir en tant que personne. J’aimerais que vous continuiez à encourager ces activités afin que, tout comme moi, d’autres jeunes puissent voir que nous avons cette lumière de changement et que nous pouvons faire la différence.

Johana Espinal Zepeda Le contexte de la COVID-19 a créé chez moi un état émotionnel de peur, car j’ai été victime de cette pandémie à l’âge de 51 ans. Je l’ai contracté et, par conséquent, j’ai infecté ma famille. Au début, l’aspect médiatique a joué un rôle dans ma vie, car il s’agissait d’une nouvelle maladie et j’en savais très peu. À la suite de cette maladie, le changement le plus important que j’ai connu a été dans mes habitudes d’hygiène, que j’ai beaucoup plus intégrées. D’un autre côté, je me suis habituée à vivre avec cette maladie comme avec n’importe quelle autre maladie. La pandémie n’a pas seulement modifié le système de santé et la coexistence sociale à laquelle nous étions communément habitués. Pendant la pandémie, l’attention des apprenants a également été modifiée, en 92

travaillant en ligne par le biais de la stratégie de l’attention à distance - et maintenant de l’apprentissage mixte - qui a impliqué un plus grand renforcement des contenus complexes et, dans des cas particuliers, un plus grand temps consacré à l’utilisation d’outils technologiques tels que la vidéo et les supports audiovisuels. Cela a impliqué un renforcement des contenus complexes et, dans certains cas, l’utilisation d’outils technologiques tels que des vidéos éducatives. Mon groupe d’étudiants assignés a été un grand défi pour moi, car la plupart d’entre eux n’avaient pas d’internet ou des photocopies pour faire les guides hebdomadaires. Je devais innover et motiver les autres à partager avec ceux qui n’en avaient pas. C’était beaucoup plus de travail, beaucoup plus fatigant, mais avec la satisfaction qu’aucun d’entre eux n’était infecté par cette maladie. Ils travaillaient chez eux et ont réussi à apprendre. Il y a beaucoup d’anecdotes à raconter, mais les visages heureux de chacun d’entre eux sont ce qui me motive toujours à offrir toujours plus.


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Apprentissages et défis La pandémie nous a obligés à modifier nos plans et nos projets, et nous avons dû innover en permanence Bien qu’au Nicaragua nous n’ayons jamais eu de données fiables sur la propagation et l’impact de la COVID-19, nous avons subi ses conséquences de très près, avec des cas d’enseignants, d’étudiants et même de personnel de bureau infectés. La situation nous a obligés à changer de plans et de projets, à innover à la volée pour répondre aux besoins les plus urgents, allant de la fourniture de nourriture et de kits d’hygiène pour protéger la santé, au soutien émotionnel et psychologique pour le personnel affecté ou craintif. Nous avons également mis l’accent sur le développement humain, la coexistence harmonieuse et la spiritualité, afin de prévenir tout type de violence, qui tend à se multiplier dans les situations de confinement. Les recherches et les efforts ont pris la forme du “Plan d’attention et d’accompagnement pédagogique en temps d’urgence”, qui impliquait l’utilisation des possibilités offertes par l’enseignement virtuel et à distance. Ainsi, de nombreux groupes WhatsApp et Facebook ont été créés, et les appels vidéo et les classes virtuelles se sont multipliés partout où cela était possible, ce qui a nécessité une grande formation technologique à la volée. Pour répondre aux besoins des élèves des zones les plus marginalisées et des zones rurales, où l’enseignement virtuel n’est pas possible, les enseignants ont préparé des guides d’étude que les parents devaient aller chercher chaque semaine à l’école. Ils en ont également profité pour insister pour qu’ils prennent des mesures sanitaires et vivent dans un climat d’harmonie et de col-

laboration dans leurs maisons. Avec les enseignants, nous avons privilégié les discussions et les processus de formation sur la culture de la paix, l’intelligence émotionnelle, les modèles pédagogiques axés sur le dialogue, la formation spirituelle et la culture de l’identité. Malgré la situation, nous avons tout de même réussi à organiser plusieurs retraites spirituelles qui ont grandement stimulé l’engagement et la résilience. Malgré les situations difficiles vécues avec la pandémie et les ouragans qui ont aggravé les pénuries et les problèmes, les jeunes de Foi et Joie Nicaragua ne se sont pas arrêtés, car, depuis leurs espaces, ils ont continué à développer des processus de réflexion et des actions concrètes pour influencer des questions telles que la culture de la paix, la violence de genre, le droit à une éducation de qualité, la santé mentale, l’éducation sexuelle, l’environnement, entre autres. En outre, avec d’autres étudiants de l’université, ils ont organisé des ateliers d’art, de théâtre et de peinture murale. Il reste à relever le défi de continuer à renforcer la formation virtuelle, ce qui implique des équipements plus nombreux et de meilleure qualité, ainsi que la formation à l’identité et à l’éducation populaire afin de pouvoir utiliser les technologies en tant que ressources pour parvenir à un apprentissage et à une connaissance engagée dans la transformation de la réalité. Nous pensons qu’au niveau fédératif, il faut renforcer les réseaux et cultiver la conscience d’un mouvement mondial en faveur d’une éducation de qualité pour tous. Nous constatons également la nécessité d’un plus grand échange de propositions et d’une réflexion plus collective sur les enjeux essentiels et la mise en œuvre de la nouvelle éducation populaire après la pandémie.

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Panama

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Témoignages

Melbin Emigdio Herrera J’ai passé la plus grande partie de la pandémie seul avec le directeur national. Au début, nous pensions que cela allait passer rapidement, mais petit à petit, les jours, les semaines, les mois ont commencé à passer. Ici, au Panama, la quarantaine a existé presque dès le début et elle dure toujours. Fermetures d’entreprises, d’hôtels, de casinos, de cinémas... tout. Et au même moment, dans les bureaux, les appels ont commencé, puis le pèlerinage de personnes - surtout des migrants - qui racontent toutes la même histoire :

Et je le crois parce que la COVID-19, à mon avis, a emporté une bataille, mais pas nos vies.

« Nous nous sommes levés tôt et couchés tard, mais nous n’avons jamais perdu la foi et la joie...»

“Nous avons perdu nos emplois, nous n’avons pas pu manger, je dois payer mon loyer, ils vont me mettre dehors”. C’est difficile, camarade, de vouloir aider tout le monde et d’être limité, mais avec le directeur nous nous sommes bien organisés et nous avons mis en place deux espaces pour nous occuper des gens. Nous avons contacté les ambassades, nous avons frappé aux portes, les jésuites nous ont soutenus depuis le collège et le noviciat. Nous avons également reçu l’aide de particuliers et nous avons mis à disposition nos rares ressources institutionnelles. C’était une tâche énorme. Nous nous sommes levés tôt et couchés tard, mais nous n’avons jamais perdu la foi et la joie... voir la gratitude, les mots et la générosité des gens, même au milieu de leur vulnérabilité, m’a fait du bien car, comme le dit le directeur, « nous ne résolvons pas les problèmes, mais nous atténuons les peines ».

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», la création et la gestion de potagers scolaires, entre autres.

Apprentissages et défis

Éduquer est une vocation qui nous pousse à être des témoins joyeux de la foi Comme tous les pays, le Panama a été touché par la pandémie mondiale causée par la COVID-19, ce qui nous a obligés à transformer radicalement le travail que nous faisions. L’enfermement nous a incités à multiplier les communications et les processus de formation par le biais des réseaux sociaux, du téléphone, du courrier électronique, de la diffusion de communiqués et de l’élaboration de matériel de formation, notamment dans la région de Ngäbe-Buglé, où nous avons distribué du matériel didactique pour contribuer à l’élaboration des guides envoyés par le ministère de l’éducation et garantir ainsi un meilleur apprentissage à la population indigène. En coordination avec la Dirección Nacional de Formación y Perfeccionamiento Profesional (DNFPP), nous avons dispensé des formations sur des sujets tels que : la médiation des conflits en classe, les stratégies de motivation en classe, la didactique active et participative, l’art comme outil d’apprentissage, la méthodologie « jouer et apprendre

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En réponse à une augmentation de la pauvreté causée par la pandémie, nous avons fourni une aide humanitaire pour la nourriture (bons d’alimentation) et l’hygiène, et nous avons guidé les bénéficiaires pour qu’ils accèdent aux autres services sociaux fournis par le gouvernement national. Tout au long du processus, nous avons insisté sur la nécessité de prendre soin de soi-même pour prévenir les infections et nous avons lancé des appels continus à la responsabilité et à la solidarité avec le lancement de la campagne « Solidarité qui transforme ». Dans notre prise en charge, nous donnons la priorité aux jeunes, aux parents, aux tuteurs, aux mères célibataires, aux mères responsables de ménages avec des enfants mineurs et aux femmes en danger (traite des êtres humains). En outre, nous encourageons les activités de formation sur les soins psychologiques, l’estime de soi et la maîtrise du stress. Nous avons également organisé des ateliers sur les potagers scolaires afin que les familles et les communautés puissent augmenter leur productivité et répondre en partie aux pénuries alimentaires. Pendant la pandémie, nous avons approfondi le travail que nous effectuons depuis des années avec les migrants, les personnes déplacées et les réfugiés, en leur fournissant de la nourriture, des médicaments et des logements. Nous leur avons également fourni des soins psycho-émotionnels en vue de renforcer leur résilience, de promouvoir une meilleure coexistence et de prévenir la violence. Nous travaillons également main dans la main avec les consulats du Canada, du Pérou, du Chili, de la Colombie et du Salvador pour répondre aux migrants qui ne peuvent pas quitter le pays et qui ont besoin


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d’un abri. Nous avons également contribué à faciliter le rapatriement de cinq ressortissants colombiens par vol humanitaire. En outre, nous avons collaboré avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour gérer les logements destinés aux victimes de la traite des êtres humains. En bref, la pandémie a ravivé notre créativité, nous obligeant à nous repenser au milieu d’une réalité pour laquelle personne n’était préparé. Fidèle à la mission institutionnelle et en accord avec la manière jésuite de procéder, Foi et Joie Panama a relevé les défis avec courage, en conservant l’esprit d’être là où la technologie (le nouvel asphalte) s’arrête. Grâce à notre proximité, notre humanité et notre dévouement, nous avons pu créer de nouvelles façons d’être et de faire de l’éducation populaire aux frontières où d’autres ne sont pas allés. Nous sommes attachés à la qualité, conscients qu’au-delà de la virtualité, l’éducation est une action humaine née de la rencontre et de la conviction profonde que, si elle ne suffit pas pour changer le monde, elle doit contribuer à changer les personnes qui vont le faire. C’est pourquoi le travail doit

être créatif et critique, ce qui place les enseignants et les élèves face à la réalité, et favorise la solidarité dans toutes les activités éducatives. Nous sommes donc fiers de dire que nous n’avons pas fait ce que nous pouvions, mais que nous avons fait ce que nous avions à faire. Nous avons appris à maximiser les ressources, à éduquer et à apprendre sans salles de classe. Nous avons même, d’une certaine manière, dé-formalisé l’informel, car l’éducation non formelle risque aussi de se formaliser. Nous avons constaté, comme jamais auparavant, que, comme l’a dit un collègue, « éduquer c’est une vocation » qui nous pousse à être des témoins de la foi avec joie. Au-delà des programmes, il y a la réalité d’un peuple appauvri qui nous pousse à continuer, nous évangélise, nous forme avec la qualité que seulement eux peuvent donner. L’engagement ne se limite pas au « faire », car il exige la radicalité... sans se limiter à être des « contrôleurs de réussites » ou des « remplisseurs de formulaires et de fiches », mais il nous pousse à la rencontre de la vie avec ceux qui sont au-delà de l’asphalte.

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Paraguay

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Témoignage

Selva La dernière fois que j’ai vu Selva, c’était dans un canoë au Bañado Norte en mai 2019. L’inondation avait fait des ravages dans la région et, en tant que directrice de l’école Caacupemí de Foi et Joie, elle était déterminée à ce qu’aucun enfant ne soit laissé de côté par l’inondation. Puis, presque chaque jour, elle se déplaçait en canoë pour apporter les cahiers de devoirs au domicile de ceux qui ne pouvaient pas se rendre à l’école. Je me souviens du bruit de l’eau dans le canoë, du voyage partagé et de la profonde admiration que j’ai ressentie lorsque j’ai réalisé l’ampleur de son immense vocation: Selva, avec ses pieds mouillés et un sourire déterminé, dépassant l’espace physique de l’école pour devenir un leader communautaire. Un leader dans tous les sens du terme. Il est difficile d’oublier l’étreinte des enfants et la joie qu’ils éprouvaient en la voyant. Dans la dernière frontière de l’oubli. Dans le dernier coin de la pauvreté. Et ça ne risquait pas de l’arrêter, maintenant, une pandémie. Aussi, lorsque la quarantaine a commencé, elle s’est à nouveau jurée qu’aucun enfant ne serait laissé de côté. À Bañado, on s’est très vite rendu compte que l’enseignement à distance ne fonctionnerait pas et, parmi les directeurs et les coordinateurs du réseau Foi et Joie, on a procédé à une analyse du contexte, en essayant de résoudre le problème du fossé technologique. Et, soudain, l’idée leur est venue d’utiliser un outil qu’ils possédaient déjà : Frecuencia 1.300 A. M. Radio Foi et Joie.

Avec cette idée en tête, ils ont adapté les guides déjà utilisés par PREBIR (Programme rural d’éducation bilingue interculturelle par radio) - destinés aux jeunes et aux adultes et les ont appliqués à un programme pour les enfants et les jeunes. Depuis lors, un engrenage silencieux permet au miracle de se produire: différents groupes élaborent des programmes d’études qui sont convertis en scripts radiophoniques, lesquels sont ensuite enregistrés pour être diffusés sur la station de radio ou le téléphone portable.

«Puis, presque chaque jour, elle se déplaçait en canoë pour apporter les cahiers de devoirs au domicile de ceux qui ne pouvaient pas se rendre à l’école.»

Le programmateur fait les arrangements et comprime les audio pour éviter qu’ils ne soient trop lourds à diffuser. Lorsqu’il n’y a pas d’accès à la radio, ils sont envoyés par WhatsApp en tant que message audio. De cette manière, ils surmontent l’isolement de la vie quotidienne, luttant chaque jour pour continuer. Les lundis et mercredis, ils sont à l’école, afin que les parents et les frères et sœurs plus grandes, puissent venir éclaircir tout doute éventuel. Ceux qui ont un rythme d’apprentissage différent ne sont pas non plus laissés de côté. Dans ces cas, le programme d’études est adapté pour tenir compte de chaque élève. Selva est fière quand elle me dit que son école 99


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n’a pas eu d’abandons jusqu’à présent. Au contraire, il y a des étudiants qui, grâce à ce système, ont rejoint l’institution. “La distance est physique, pas émotionnelle ni de mission”, conclut Selva. Lorsqu’elle le dit à nouveau, l’image du canoë et la dimension héroïque de sa vocation reviennent, la mission qui fait bouger son monde. Celle qui, chaque jour, se bat, en silence, pour le droit digne à l’éducation. Aujourd’hui, Foi et Joie répond aux besoins d’environ 9 600 élèves, avec une portée de 7 000 familles et 570 enseignants et éducateurs impliqués dans le processus. Dans cet effort commun, il y a des enseignants, des directeurs d’école, des agents de liaison du bureau national et des responsables de la radio qui travaillent jusqu’aux petites heures du matin pour préparer les audio et faire tourner la machine. Pour que, dans cette pandémie, personne ne soit laissé de côté.

Apprentissage et défis

La radio : une ressource éducative essentielle Pour mitiger la pauvreté et la faim causées par la pandémie, Foi et Joie Paraguay, avec d’autres organisations sociales de la Compagnie de Jésus, a lancé une campagne de collecte de nourriture et de kits d’hygiène pour les populations les plus vulnérables qui ne reçoivent pas de soutien de l’État. Il convient de noter que plus tard, lorsque nous avons réalisé que la situation s’allongeait, les programmes d’entrepreneuriat et de productivité ont été orientés vers la production de savons, de gels nettoyants et de masques. Lorsque nous avons réalisé qu’il n’était pas possible de généraliser l’enseignement virtuel en raison des grandes lacunes en matière de connectivité et du manque de ressources économiques et technologiques des étudiants et de leurs familles, nous avons opté pour la promotion et l’extension de l’enseignement par radio. Pour ce faire, nous avons utilisé la riche et longue expérience accumulée avec le Programa Rural de Educación Bilingüe Intercultural (PREBIR), un programme éducatif pour les jeunes et les adultes approuvé par le ministère paraguayen de l’éducation et des sciences, que, dans ce cas, Foi et Joie et ses enseignants ont adapté aux enfants. Il y a trois clés pour mener à bien ce programme éducatif à travers la radio. Premièrement, l’établissement d’un horaire spécifique pour chaque année ; deuxièmement, la préparation par les équipes et la remise d’un livret hebdomadaire pour pouvoir suivre les cours préalablement enregistrés, faire les devoirs et réaliser une auto-évalua-

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tion ; et troisièmement, le soutien familial que les élèves reçoivent à la maison. En ce sens, il convient de souligner la grande collaboration des parents, qui nous ont conduits à nous intégrer davantage et nous ont montré les voies à suivre pour continuer à approfondir cette dimension essentielle et incontournable de l’éducation populaire. Afin d’accroître la couverture, nous avons établi des partenariats avec des stations de radio communautaires. Le ministère de l’Éducation a également rejoint le projet radiophonique de Foi et Joie, et nous avons réussi à obtenir que le réseau de radios éducatives - y compris la Radio nationale du pays - diffuse les cours que nous proposions. L’éducation s’étant largement déplacée vers le foyer, nous proposons également aux familles une formation pédagogique et humaine, car elles assument de nombreuses tâches pour lesquelles elles ne sont pas préparées. Et avec eux, nous encourageons la productivité, en favorisant la préparation de jardins, de potagers mobiles et de terreaux, grâce auxquels nous parvenons non seulement à transférer les connaissances théoriques dans la pratique, mais aussi à encourager les rencontres familiales. En novembre 2020, nous avons célébré la semaine Foi et Joie, où ont été présentés les principaux apprentissages et expériences dans la poursuite d’une éducation de qualité axée sur l’équité et l’égalité pour tous les enfants et adolescents en période de pandémie. On y a pu constater le dévouement, l’enthousiasme, la collaboration et la créativité de l’ensemble du personnel, qui n’a pas reculé devant les problèmes, mais les a affrontés avec courage et créativité. La première journée a été consacrée au renforcement de l’identité, la deuxième à la présentation de l’expérience de l’enseignement à distance par radio, et la troisième au travail avec les jeunes pour cultiver leur leadership dans leur engagement pour une société plus juste et plus fraternelle. Le quatrième

jour, nous avons présenté les travaux et activités réalisés en matière de promotion sociale et d’amélioration des conditions de vie des populations les plus vulnérables. Nous avons clôturé la semaine avec un débat sur l’Éducation en état d’urgence. Compte tenu des succès de l’expérience, le père Ricardo Jacquet, S.J., directeur national de Foi et Joie Paraguay, souligne l’importance de la radio en tant que plateforme éducative pour atteindre tous les coins du pays et propose que Foi et Joie dispose d’une banque de cours radiophoniques pour tous les niveaux et envisage même sérieusement de développer son propre programme avec des matériaux de qualité - négociés avec le ministère de l’Éducation - pour répondre aux exigences du nouveau système éducatif. Il estime que l’un des besoins identifiés, qui devrait être poursuivi, est la formation continue des enseignants en matière d’identité et d’aspects pédagogiques et humains. Il a proposé qu’au niveau fédératif, Foi et Joie insiste sur la nécessité de positionner le message suivant : la COVID-19 a conduit à une urgence éducative et il est nécessaire que l’éducation ne soit pas écartée des priorités stratégiques des bailleurs de fonds et des gouvernements. L’éducation est une urgence et doit être assurée pour tous, en tant que base essentielle de la coexistence et du développement. Il convient de noter que, malgré les difficultés, nous avons organisé la traditionnelle tombola pour laquelle nous avons dû recourir aux paiements numériques et à la vente de billets virtuels. La réponse du public a dépassé toutes les attentes, puisque nous avons réussi à vendre 23 000 billets alors que nous avions fixé un objectif de 20 000. Cela montre que Foi et Joie est ancrée dans le cœur de la population paraguayenne, qui apprécie grandement son service éducatif auprès des populations les plus défavorisées.

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Pérou

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Nous avons réussi à nous rendre compte que la peur n’était pas plus grande que l’espoir, que la solidarité deviendrait notre principale “arme” et la discipline notre plus grand bouclier protecteur.

Témoignage

César Stalyn Castañeda Tang “La joie ne vient pas seulement avec la rencontre de ce qui a été trouvé, mais fait partie du processus de la quête” Paulo Freire Je suis convaincu que, comme à ses origines, c’est cette quête qui nourrit notre mouvement éducatif et qui, en même temps, devient le combustible qui anime le travail de tous ceux qui font partie d’une école de Foi et Joie. Certains disent que nous n’étions pas préparés à faire face à une pandémie telle que celle que nous vivons... rien n’est plus faux. Ceux d’entre nous qui sont impliqués dans l’éducation populaire connaissent le combat quotidien de chaque famille et la valeur de la communauté pour surmonter l’adversité. Avoir une vision prospective de la réalité, encourager le leadership participatif, cultiver une mystique du travail passionné et maintenir un lien étroit avec la communauté ont été déterminants pour faire face à l’incertitude croissante générée depuis le 6 mars 2021, date à laquelle le premier cas de coronavirus a été annoncé au Pérou. Bien que la rentrée scolaire ait été retardée d’un mois, nous étions convaincus que nos élèves avaient besoin de nous et, à partir de l’isolement social obligatoire, nous avons commencé par des activités de diagnostic, de sensibilisation et de soutien. Je considère ce temps comme un temps de bénédiction.

« Ceux d’entre nous qui sont impliqués dans l’éducation populaire connaissent le combat quotidien de chaque famille et la valeur de la communauté pour surmonter l’adversité » « Mademoiselle, je retourne à Arequipa pour faire mes devoirs. Mademoiselle, ce que je vous ai dit, vous me manquez... Mademoiselle, vous me manquez beaucoup, je veux voir votre visage, je veux vous parler ». Ce message, envoyé par un élève à son enseignante, a ébranlé toutes les fibres de notre vocation. Nous avons dû nous organiser et sortir pour répondre aux besoins : ils n’avaient pas de téléphones portables, nous avons dû en obtenir ; ils n’avaient pas de connexion internet, nous avons dû mettre en place le projet Cœurs solidaires ; si les familles n’avaient pas de connexion, nous avons dû nous rendre chez elles ; s’il fallait de la nourriture, nous pouvions tous aider. Ce temps ne devait pas être du temps perdu pour l’éducation. Au contraire : il y a des apprentissages au sein de la famille et de la communauté que nous avions tous négligés. Souvent, dans des situations extrêmes comme celles que nous vivons, l’être humain fait ressortir tout son potentiel, son

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humanité, son être transcendant. Comme les médecins, les infirmières, les gardes de l’ordre et tous ceux qui ont été en première ligne, nous, enseignants, avons dû, en très peu de temps, reconvertir notre pratique, adapter les ressources et le matériel, accompagner le processus d’apprentissage dans des journées épuisantes mais très enrichissantes. Ainsi, cherchant à générer des conditions favorables au travail à distance et à la réalisation de l’apprentissage, sous la houlette de l’équipe technologique, nous avons réussi, avec le parrainage de Google for Education, à mettre en place la plateforme Classroom, ce qui a exigé des journées inlassables de formation, de travail entre collègues et d’entraide.

« Je vous invite à enseigner en ayant les yeux fixés sur Jésus-Christ, source inépuisable de vie, d’espérance et d’amour miséricordieux »

Petit à petit, nous avons vu qu’il était possible d’entreprendre des projets tels que: le parrainage de cent lignes pour les élèves qui n’avaient pas de connexion ; la promotion d’ateliers virtuels de danse, de cosmétologie et de couture pour les parents; la promotion du tutorat pour les élèves qui en avaient besoin; la mise en œuvre d’ateliers virtuels d’échecs, de football, de théâtre, de chant, de musique, d’anglais et de programmation Python pour les élèves; la mise en place d’ateliers de soutien émotionnel pour

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les élèves, les parents et les enseignants ; des conférences pédagogiques pour les enseignants; des concerts virtuels, entre autres. C’est ce processus de recherche de réponses pertinentes qui nourrit notre foi et notre joie. Sans aucun doute, le lien avec la communauté et le leadership participatif renforcent la gestion de chacune de nos écoles. Faire le bien et le faire bien implique engagement, créativité et passion. En cette année où nous célébrons notre jubilé d’or, je vous invite à enseigner en ayant les yeux fixés sur Jésus-Christ, source inépuisable de vie, d’espérance et d’amour miséricordieux. Comme nous le demande le pape François, affrontons les défis de l’éducation avec « courage et ténacité2, dans la certitude que « nous sommes tous un ». Avec Sainte Paola Frassinetti, patronne de notre institution, je prie pour que le Père nous bénisse de sa toute-puissance, le Fils de sa sagesse et l’Esprit Saint de son unité. Amen. Au cours de l’année 2020, diverses stratégies créatives ont été appliquées pour ren-


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Apprentissages et défis

Innover pour faire face à l’avenir forcer et faciliter l’apprentissage, telles que : la fabrication de modèles, de tableaux périodiques, de laboratoires simples et le recyclage (des choses qu’ils avaient à la maison) ; des vidéos ont été enregistrées et échangées pour se motiver mutuellement. En ce qui concerne ma famille, nous avons amélioré l’hygiène, l’utilisation de masques, le protocole de cuisine, le nettoyage et l’utilisation de matériel spécifique pour la prévention et le contrôle du virus, comme la trousse de premiers soins, les nouveaux produits de nettoyage, les provisions alimentaires et l’utilisation préventive de la médecine naturelle comme les tisanes, le thé, entre autres. Durant cette période de pandémie, les tâches fixées pour l’année scolaire 2020 ont été accomplies. Je considère que c’est une satisfaction d’avoir acquis des engagements et des défis plus importants pour développer des compétences et des stratégies pédagogiques innovantes dans des moments difficiles comme lors de la COVID-19.

Consciente des graves conséquences de la COVID-19 sur l’éducation, Foi et Joie Pérou a conçu un plan de travail sur cinq ans. Pendant les deux premières années, nous ferons face à l’urgence dans le but de garantir les apprentissages essentiels et d’empêcher les élèves d’abandonner leurs études. Par la suite, nous nous consacrerons à la récupération des processus d’apprentissage et continuerons à progresser vers une éducation complète de qualité. Cela inclut la nécessité d’une stratégie intersectorielle avec la santé et d’autres secteurs. Il s’agit de faire de l’école un nœud d’articulation entre les soins de santé, l’aide humanitaire et les services éducatifs. Tout cela doit s’accompagner du renforcement des enseignants avec des ressources pédagogiques et une formation humaine et spirituelle, comme ils le font déjà avec le cycle #JuevesDigital - un ensemble de séminaires virtuels transmis chaque semaine depuis la page Facebook de l’institution -, qui est devenu un espace de dialogue sur l’utilisation pédagogique des TIC en réponse au besoin en enseignement à distance. 105


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Parmi les sujets abordés, figurent l’utilisation de plateformes éducatives, les avantages des outils Google dans le domaine de l’éducation, les ressources créatives pour les enseignants, les systèmes virtuels de gestion de l’apprentissage, les tableaux numériques, le soutien scolaire virtuel, l’apprentissage basé sur des projets intégrés et les expériences d’utilisation des TIC dans les contextes ruraux. Foi et Joie se joint ainsi à l’échange et au dialogue des enseignants péruviens qui cherchent à générer des propositions créatives répondant à la nécessité de l’enseignement à distance. Parallèlement, avec l’émission de radio Capsulitas de Opinión, nous cherchons à encourager la lecture, la recherche et l’esprit critique chez les enfants grâce à l’utilisation des TIC, au cours desquelles des questions de la vie quotidienne sont analysées avec les élèves, les enseignants et les parents. Le projet a été l’un des lauréats du concours national de projets d’innovation éducative “Des idées qui transforment”, organisé par le Fonds national pour le développement de l’éducation péruvienne (FONDEP). Parfaitement conscient que la pandémie a frappé le plus durement les populations les plus vulnérables, Foi et Joie Pérou s’est concentrée pendant la crise sur les zones rurales et la région amazonienne... deux des zones les plus durement touchées et qui ont reçu le moins de soutien de l’État. Pour lutter contre le fossé numérique, nous avons distribué des tablettes aux élèves des zones rurales ou isolées. Nous avons également multiplié nos efforts pour nous occuper des migrants, qu’il s’agisse des migrants internes - qui retournent à la campagne parce qu’ils ne peuvent pas survivre en ville, le confinement les ayant laissés sans travail - ou des migrants externes, notamment les vénézuéliens.

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À la suite de toutes nos recherches et réalisations, et afin de communiquer et de partager notre expérience et nos connaissances, Foi et Joie Peru a lancé la “Proposition pour garantir l’apprentissage en temps d’urgence”. Nous y présentons une vaste et originale proposition visant à garantir à tous les élèves le droit à une éducation publique de qualité qui leur permette d’acquérir les compétences nécessaires à la vie et au travail. La proposition se compose de six éléments différents mais bien articulés: 1. L’apprentissage est la chose la plus importante à garantir et, à cette fin, nous donnons la priorité aux compétences essentielles grâce à un plan flexible. 2. Les compétences sélectionnées et priorisées qui répondent à ce contexte spécifique sont travaillées dans le cadre de projets intégrés, évitant ainsi les activités isolées. 3. Pour intervenir avec cette proposition, nous avons deux scénarios : celui des étudiants qui ont accès à Internet, à la télévision ou à la radio ; et celui de ceux qui n’ont aucun accès parce qu’ils se trouvent dans des zones très éloignées et n’ont aucune possibilité de poursuivre leurs études de cette manière. C’est spécialement pour ces étudiants que nous produisons du matériel d’auto-apprentissage. 4. Tout ce qui est présenté exige des conditions pour assurer sa mise en œuvre. Un acteur fondamental dans ce scénario est l’enseignant. Dans le contexte actuel, et afin de mettre en œuvre cette proposition, nous avons besoin d’enseignants qui ont compris que leur rôle a changé et qui


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se remettent en question, en développant de nouvelles compétences personnelles et professionnelles pour assurer l’apprentissage de leurs élèves dans de nouveaux scénarios. 5. Nous avons besoin d’enseignants qui reconnaissent qu’ils ne peuvent pas aller très loin par eux-mêmes. Le travail en équipe est donc une réponse de la communauté éducative à cette situation d’urgence : nous nous organisons pour comprendre la situation, tenter de l’expliquer, fixer des buts et des objectifs concrets et continuer à avancer. 6. Enfin, il faut un système d’accompagnement pour que toutes les équipes et toute la communauté éducative se reconnaissent

dans un collectif qui les soutient et les accompagne. Pour faire face aux défis de l’avenir qui se sont déjà manifestés avec la pandémie, le P. Ernesto Cavassa, S.J., directeur de Foi et Joie Pérou, insiste sur la nécessité d’établir des alliances avec différents acteurs (État, société civile, réseaux de la Compagnie de Jésus et de l’Église catholique) pour garantir le droit de tous à une éducation de qualité. Nous devons insister sur le message que Foi et Joie apporte aux États-nations : une école publique de qualité. Il appartient à la Fédération de fournir les nouvelles ressources de qualité qui sont publiées par les universités, les groupes de réflexion, entre autres, afin de ne pas prendre de retard en termes d’acquis d’apprentissage.

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République Démocratique du Congo

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Témoignage

Delphin Kangu Tundenge Je voudrais partager avec vous, en quelques lignes, mon engagement, mon courage et ma bravoure en cette période de crise sanitaire mondiale causée par la COVID-19. Nous devons commencer par reconnaître que cette maladie a largement contribué et contribue encore - à aggraver la misère des populations les plus vulnérables. Les conditions de vie pendant cette période de pandémie ne pouvaient être propices à la paix et à la sécurité des familles, à commencer par la mienne. Tout le monde avait peur d’attraper la maladie et même de mourir. Et moi, en tant que parent, je n’ai pas fait exception. Je vis à Kisantu avec ma femme et tous mes enfants vivent à Kinshasa, la capitale, qui est considérée comme l’épicentre de la maladie. La fermeture de la frontière et l’état d’urgence ont tout paralysé au niveau interne. Je ne pouvais pas déménager pour aller à Kinshaha pour aider au soutien de mes enfants. Comme tout le monde le sait, cette pandémie a paralysé de nombreuses activités. Nous-mêmes, en tant qu’enseignants, avons eu de très grandes difficultés à survivre avec le salaire dérisoire que l’État nous donne à la fin de chaque mois. Nous avons dû vivre des moments très difficiles. Il a fallu se battre pour survivre et il a fallu aussi réfléchir ensemble avec Foi et Joie pour ne pas perdre notre dynamisme. Pour surmonter les difficultés et survivre, j’ai dû faire preuve de beaucoup de courage et de bravoure. Je devais surmonter la peur

de la contagion. Je me suis engagé à aider mes frères et sœurs à comprendre que la maladie existait et que nous ne devions pas nous laisser emporter par les fausses rumeurs selon lesquelles la maladie ne s’attaquait qu’aux riches. Nous avions besoin de perdre notre peur et de prendre la vie de manière positive. Il a fallu se battre comme un lion et poursuivre notre travail sur le terrain pour assurer notre survie. En tant que coordinateur du réseau Foi

« Pour surmonter les difficultés et survivre, j’ai dû faire preuve de beaucoup de courage et de bravoure »

et Joie à Kisantu, nous sommes restés en contact avec nos partenaires éducatifs. Lors de la première vague, j’avais ressenti le besoin de les écouter, de leur parler et de leur transmettre le message officiel sur les conséquences de la pandémie. En accord avec l’équipe nationale, j’ai organisé des séances de sensibilisation aux mesures de prévention des infections avec les parents, les enseignants et les directeurs d’école. J’ai également profité de l’occasion pour sensibiliser la communauté à travers divers programmes radio Foi et Joie sur la radio du diocèse de Kisantu. Notre équipe locale, sous ma direction, a permis, dans une large mesure, de surmonter les fermetures d’écoles lors de la première vague et le confinement qui a duré cinq mois - de mars à août 2020.

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Apprentissages et défis

Éduquer pour mettre fin à toutes les pandémies Foi et Joie est très attaché à une éducation de qualité pour tous. Il est vrai que cette tâche exige l’engagement responsable des enseignants, qui sont les principaux acteurs de l’éducation des enfants, mais ils accomplissent leur travail dans des conditions salariales très médiocres. À la situation salariale difficile, due au fait que l’enseignement de Foi et Joie est gratuit, s’est ajoutée la pandémie. Depuis mars 2020, tous les enseignants du pays, comme le reste des citoyens, sont contraints de rester confinés chez eux sans avoir une activité qui leur permette de survivre et de soutenir leurs familles et sans l’aide nécessaire de l’État, ce qui a aggravé les niveaux de faim et de misère. En conséquence, tous les enseignants ont cessé d’aller à l’école, ouvrant ainsi la voie au chômage forcé, dont les conséquences sociales sont encore plus complexes et très difficiles à supporter.

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Dans l’ensemble, le temps de confinement, bien que douloureux, a également apporté des avantages, car il a permis aux enseignants de se former et de renforcer les relations familiales. Le fait de rester ensemble tout le temps leur a permis de développer d’autres façons utiles de vivre ensemble. En outre, ce temps a permis de regarder l’autre personne d’une manière différente. C’était aussi l’occasion de penser encore plus aux étudiants et de faire plus d’efforts pour leur garantir le droit à l’éducation, en tenant compte des mesures de prévention sanitaire. Cela nous a motivés à utiliser la radio comme un moyen d’alphabétisation et d’éducation, de sensibilisation et nous a également aidés à passer le confinement d’une manière plus agréable. La plupart des programmes ont démarré dans le but de sensibiliser les gens afin qu’ils prennent au sérieux les mesures de prévention. Puis nous avons vu et utilisé leur potentiel de


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formation, tant pour les étudiants que pour les enseignants, formation que nous devons approfondir, car nous avons de nombreuses lacunes pédagogiques. Dans notre pays, l’importance de l’éducation comme moyen d’améliorer la qualité de vie doit être fortement soulignée, car de nombreux élèves - surtout des filles - ne vont pas à l’école. Cela implique de travailler systématiquement avec les familles pour les convaincre de l’importance de l’éducation. En plus de garantir le droit à l’éducation pour tous, et afin d’améliorer la qualité de l’éducation, nous avons le défi d’améliorer les infrastructures, car nos écoles sont très pauvres... elles n’ont même pas de bancs. Nous devons également orienter l’éducation vers la formation au travail et à la productivité afin qu’ils puissent améliorer leur vie et sortir de l’extrême pauvreté.

Le directeur national de Foi et Joie Congo, le père Alfred Kiteso, S.J., insiste sur le fait que la Fédération doit mener une campagne mondiale vigoureuse sur la nécessité de garantir l’éducation pour tous, en tant que base d’un développement humain durable qui combat la pauvreté, car certains pays africains sont habitués à vivre avec diverses pandémies, maintenant celle de la COVID-19, mais aussi celle du paludisme et du virus Ebola, entre autres.

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République Dominicaine

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Témoignages

Ana Digna Je m’appelle Ana Digna Castillo. J’ai 15 ans, je suis originaire de la République dominicaine et je suis actuellement leader du réseau de la jeunesse dominicaine Foi et Joie. Lorsque j’ai rejoint le centre éducatif où je suis actuellement -Foi et Joie-, ils m’ont proposé de faire partie de ce réseau. Ils m’en ont parlé et j’ai adoré l’idée qu’un jeune puisse décider des questions qui touchent sa communauté. Une autre chose qui m’a motivée à m’inscrire était l’idée que je pouvais, en tant que jeune, changer mon contexte. Faire partie du réseau m’a surtout aidé sur le plan personnel, car cela m’a permis de me développer en tant que personne et, plus encore, d’être un leader et une référence pour motiver d’autres jeunes et contribuer à influencer les questions qui les concernent.

comme eux, il y a d’autres jeunes qui vivent des situations similaires et qui se mobilisent pour faire ce qu’ils font. Avec le temps, ils commenceront à en voir les résultats.

« … me développer en tant que personne et, plus encore, d’être un leader et une référence pour motiver d’autres jeunes et contribuer à influencer les questions qui les concernent »

Les principaux problèmes qui touchent actuellement ma communauté sont l’inégalité entre les sexes et la protection et le respect de l’environnement. En tant que jeune, je me trouve dans une situation vulnérable, car il y a beaucoup de féminicides dans mon pays. Et c’est à cela que nous travaillons, à la sensibilisation des jeunes. De tout ce processus, j’ai appris que nous pouvons transformer nos réalités grâce au réseau. D’abord, en nous éduquant, en nous mobilisant, et ensuite en sensibilisant la communauté. Je recommande aux autres jeunes que, même s’ils ont l’impression que ce qu’ils font ne fonctionne pas, ils ne doivent pas se décourager car, tout

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Luz del Alba de la Cruz

L’école Santo Niño Jesús est située à Batey Lechería, une communauté de descendants haïtiens, qui compte aujourd’hui aussi des populations très pauvres en République dominicaine. Avant l’arrivée des sœurs, la communauté manquait de biens et de services de base tels que la nourriture, un logement adéquat, l’eau potable, la santé et l’éducation. Il était très difficile pour les membres de la communauté de coexister. Les sœurs, ainsi que le reste du personnel du centre éducatif, se consacraient à la promotion du bon traitement entre les personnes, de l’égalité des droits, de la création d’opportunités d’emploi, de l’amélioration de la santé, de la bonne nutrition, de la garde des enfants, de la promotion des valeurs et d’une éducation intégrale de qualité pour les exclus, basée sur les valeurs 114

chrétiennes et les droits de l’homme. Nous avons toujours été guidés par les mots du Père José María Vélaz, S.J. : «L’éducation des pauvres ne peut pas être une éducation pauvre» ; et ceux de Cornelia Conelly, fondatrice de la Congrégation Santo Niño de Jesús, qui répétait : « Des actions, pas des mots ». Dans le domaine de l’éducation, nous avons utilisé différentes stratégies pour faire en sorte que nos enfants apprennent et que le pain de l’apprentissage leur parvienne de manière créative et très humaine, malgré les très faibles niveaux de connectivité. Bien que l’école soit fermée depuis mars 2020, l’équipe de direction, ainsi que le personnel, ont réussi à maintenir le processus éducatif. Ils ont créé du matériel de renforcement scolaire, des groupes WhatsApp


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pour assurer le suivi des familles, fourni des fournitures scolaires aux familles pour soutenir l’éducation, ainsi que des podcasts qui ont été partagés chaque semaine dans les groupes de parents et d’autres médias comme YouTube. Avec la collaboration de la Société des parents et tuteurs, l’idée de l’école à l’épicerie a été conçue, une activité qui consistait à utiliser les commerces locaux pour placer les podcasts enregistrés sur des clés USB, avec l’objectif que tous les élèves et les familles aient accès à la formation offerte par la radio, sans avoir besoin d’internet. Au milieu de la pandémie, notre centre a continué à accompagner les familles, à les motiver et à croire en les enfants. À leur tour, ils croient dans le personnel de l’école qui travaille avec cœur, en donnant le meilleur

de lui-même dans chaque tâche. En conclusion, cette pandémie nous a appris à progresser chaque jour en tant que centre, à donner le meilleur de nousmêmes aux autres, à rechercher des stratégies qui aident nos élèves à apprendre, à être, à faire et à vivre ensemble au milieu des difficultés. Cela nous remplit de joie de servir et d’aider à améliorer la vie des gens dans la communauté. Nous croyons, fidèlement, que toute personne a droit à une éducation intégrale de qualité et pour cette raison nous travaillons avec courage et enthousiasme.

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engagées, malgré leurs grandes limitations et faiblesses. De nombreux parents se sont autonomisés dans le processus éducatif et dans l’utilisation des TIC.

Apprentissages et défis

Zéro mauvais traitement, soins infinis Foi et Joie Dominicana a réagi depuis l’urgence, et ne s’est pas contenté de s’inquiéter, mais a également pris soin de poursuivre les différents processus, en répondant aux appels de soins et de prévention pendant la période de quarantaine. Afin de garantir l’éducation en temps de pandémie et de combattre ses conséquences, les enseignants de Foi et Joie ont fait de grands efforts pour continuer à enseigner et à s’occuper des élèves à distance, bien que nous ayons dû faire face aux conséquences du fossé numérique et du manque de formation technologique. Cela nous a obligés à apprendre au fur et à mesure et nous avons dû faire preuve de dynamisme et de créativité pour surmonter, par d’autres moyens, les problèmes et les déficiences. WhatsApp a été le principal moyen de communication et de mise en réseau. La stratégie de communication a été une clé fondamentale, puisque des groupes d’étudiants, d’enseignants, de personnel administratif et de soutien ont été créés. Les familles ont également été activement impliquées et

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En ce qui concerne la motivation et les performances, certains élèves sont très motivés par la virtualité ; même des élèves qui avaient de mauvais résultats obtiennent maintenant de très bons résultats. Il y a aussi des étudiants qui gardent un rythme faible et d’autres dont les performances ont été affectées par le passage à la virtualité. L’école doit tenir compte de cette diversité afin de pouvoir répondre à l’avenir aux différents processus d’apprentissage de ces élèves. Mais nous pouvons affirmer que Foi et Joie Dominicana, aujourd’hui plus que jamais, et même plus que lorsque nous l’avions proposé, est un authentique réseau de réseaux -surtout à travers WhatsApp-, ce qui nous donne une véritable opportunité de promouvoir l’édu-communication et l’éducation virtuelle, bien que nous ayons besoin d’une véritable formation pédagogique pour garantir une utilisation plus formative des technologies qui sont aujourd’hui utilisées tout simplement pour transmettre des connaissances et non pour promouvoir un auto-apprentissage permanent et critique. Face à l’aggravation de la pauvreté causée par la pandémie chez les familles les plus vulnérables qui dépendent principalement du travail informel - nécessairement suspendu - nous avons collaboré à la distribution de sacs alimentaires et de kits d’hygiène aux populations les plus défavorisées, qu’elles soient ou non membres de Foi et Joie. En plus des fournitures offertes par le gouvernement, Foi et Joie a reçu une aide importante de la part d’entreprises, de groupes et d’organisations de soutien.


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Conscients des conséquences personnelles, familiales, sociales et éducatives de la pandémie, nous avons dû tracer une nouvelle voie qui nous permettrait de poursuivre nos études et de retrouver la confiance nécessaire pour vivre dans la foi et la joie. Pour ce faire, nous avons mis en place différentes dynamiques que nous partageons à travers les réseaux sociaux et les plateformes technologiques, avec lesquelles nous visons à développer les compétences émotionnelles, psychosociales et spirituelles nécessaires pour nous aider à faire face, à surmonter, à guérir et à apprendre en période de COVID-19. En tant que mouvement d’éducation populaire intégrale et de promotion sociale qui travaille dans les secteurs les plus pauvres et vulnérables du pays, nous nous engageons à continuer d’approfondir le sujet de la prise en charge comme axe principal de notre travail, à travers la « Proposition sur les compétences socio-émotionnelles et spirituelles ». La proposition comprend de nombreuses dimensions, comme le soin de l’environnement, le soin des autres, et surtout le soin contre la violence sexiste et le soin de soi dans le contexte de la pandémie à laquelle nous sommes confrontés depuis le début de 2020. Foi et Joie a assumé, avec une grande responsabilité, la formation à la coexistence et au respect, l’incorporation de la perspective de genre dans toute sa gestion pédagogique et institutionnelle, dans ses programmes scolaires et dans la vie quotidienne afin de renforcer une éducation de qualité, la promotion sociale et le développement communautaire avec une approche réflexive.

de 16 provinces du pays, à laquelle se sont joints virtuellement des centaines d’enfants, de filles et de garçons, d’adolescents et d’adolescentes, d’enseignants et d’enseignantes, d’hommes et de femmes en ligne. De cette manière, et avec l’aide des réseaux et de diverses technologies, les plus de 35 000 étudiants sensibilisent leurs communautés aux problèmes d’inégalité, d’abus et de violence, et encouragent les soins. Ces actions ont grandement contribué à l’autonomisation et au leadership de tous les étudiants. En conclusion, Foi et Joie Dominicana a développé quatre grandes actions pendant la pandémie: 1. Distribution de denrées alimentaires aux familles les plus démunies; 2. Conception et mise en œuvre d’une stratégie de prise en charge personnelle pour l’ensemble de la communauté éducative; 3. Formation des enseignants aux environnements virtuels; 4. Et la conception, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’année scolaire complémentaire afin que l’éducation puisse atteindre les enfants “là où l’asphalte se termine”. Ce dernier dispositif est encore en cours jusqu’à la fin de l’année scolaire en août 2021.

À cette fin, entre autres activités, nous avons lancé la campagne “Zéro mauvais traitement, soins infinis” dans 63 centres éducatifs et les communautés respectives

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Uruguay

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Témoignage

lions nous accompagner les uns les autres pour traverser cette épreuve.

Alejandra Gutiérrez

Ici, les centres n’ont jamais fermé. L’urgence alimentaire était à l’ordre du jour de tous et a marqué le travail de ces premiers mois, mais nous étions convaincus que notre action devait aller beaucoup plus loin. Les livraisons hebdomadaires de nourriture à plusieurs des familles ont été l’occasion pour nous de nous rencontrer, de voir comment elles allaient. Avec ceux que nous ne voyions pas, nous avons cherché des moyens de communiquer périodiquement.

Le club d’enfants Nuestro Lugar est un projet d’éducation non formelle, auquel les enfants participent quatre heures par jour après l’école. Le 13 mars 2020, nous avons fait une promenade avec les enfants, comme nous avions l’habitude de le faire tous les vendredis. Lorsque nous leur avons dit au revoir ce jour-là, nous n’avions pas imaginé tout ce qui allait changer à partir de ce moment-là. Le mot qui nous a frappé en premier est celui d’incertitude. Ce week-end-là, nous ne savions pas ce que les jours suivants nous réservaient. Il a été officiellement décidé que les enfants n’iraient pas à l’école ou dans des centres comme le nôtre. Ce lundi-là, nous nous sommes rendus au travail et nous nous sommes retrouvés dans un état d’incertitude, indéfinissable. Cet état a été de courte durée. En équipe, nous avons partagé ce sentiment et fait un pacte, non explicite, pour nous accompagner mutuellement dans ce qui nous arrivait. C’est à ce moment-là que les certitudes ont commencé : nous étions ensemble et nous allions affronter tout ce qui se présenterait à nous. Nous nous sommes débarrassés de l’incertitude et avons choisi de faire confiance. Il y avait beaucoup de choses qui ne dépendaient pas de nous, mais les choses qui dépendaient de nous, nous les vivions de cette façon. À un niveau plus macro, avec les autres centres Foi et Joie en Uruguay et avec le bureau national, nous avons vécu quelque chose de similaire : personne ne savait ce qui allait se passer, mais nous étions sûrs que nous al-

Bien que l’incertitude soit encore présente, elle a progressivement laissé place à l’accompagnement. Il s’agissait d’écouter les familles et les enfants, ainsi que ce qui nous arrivait en tant qu’équipe et réseau. Nous nous sommes donnés de la place pour la réflexion, pour ne pas tomber dans un militantisme vidé de son sens, pour ne pas cesser de nous demander le pourquoi du comment. Lorsque, à la fin du mois de juin, nous avons accueilli notre premier enfant, l’expérience a pris une dimension qu’il est difficile de traduire en mots. Nous avons été émus par la joie que nous avons ressentie à leur retour. Nous nous sommes permis de ressentir tout ce que cela a généré en nous, pour pouvoir les écouter et aussi comprendre tout ce qu’ils ont vécu pendant ces mois où nous ne les avons pas vus. Nous sommes sortis plus forts, sans aucun doute. Nous avons choisi de faire confiance, d’accompagner, d’écouter, non sans moments de chutes et de tentatives ratées. Nous avons fait de notre mieux, et ce que nous ne pouvions pas faire, nous l’avons confié à Dieu. « Lequel d’entre vous, aussi préoccupé qu’il soit, peut ajouter une seule heure au cours de sa vie ? ». Mt. 6, 27.

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Apprentissage et défis

Les enseignants ont travaillé beaucoup plus dur et avec enthousiasme

Lorsque la pandémie est arrivée et que l’on a ordonné la fermeture des écoles, nous avons dû consacrer les trois premiers mois à fournir de la nourriture et des kits d’hygiène aux familles de nos étudiants qui, obligées de rester à la maison, n’ont pas pu poursuivre leurs emplois informels et se sont donc retrouvées sans revenus. Des milliers de sacs ont été distribués avec des produits donnés par l’État et aussi par des entreprises privées. Et bien que la mission de Foi et Joie soit d’éduquer, nous avons été obligés de fournir une aide humanitaire pour rendre l’éducation possible, étant donné les difficultés économiques causées par la pandémie parmi la population la plus démunie. Bien que les enseignants se soient montrés très coopératifs dès le début, ils ont rapidement commencé à soulever la nécessité d’une formation continue, car ils étaient très vexés que les élèves de Foi et Joie soient laissés pour compte, alors que ceux

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des écoles privées continuaient à bénéficier de cet avantage. Cela nous a obligés à travailler dur pour assurer un enseignement virtuel et à distance, et à surmonter les nombreux problèmes existants. Comme beaucoup de gens n’avaient pas d’ordinateurs, nous avons lancé une campagne pour que les entreprises donnent ceux qu’elles n’utilisaient pas parce qu’elles les avaient remplacés par des appareils plus modernes - ce qui nous a permis de fournir ces instruments à de nombreuses familles qui n’en avaient pas. En plus de l’équipement, nous avons dû surmonter le problème de la connectivité faible ou inexistante, ce qui nous a obligés à recourir à d’autres types d’instruments permettant de poursuivre les processus éducatifs interrompus et d’éviter le taux d’abandon scolaire, que nous estimions très élevé. En plus de tout cela, nous avons également dû entreprendre un processus de forma-


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tion précipité, tant auprès des enseignants que des familles, pour la bonne utilisation de ces nouvelles technologies.

plateformes ou des appareils, des facilités pour l’incorporation des TIC pour l’apprentissage ou de la résistance à les utiliser ».

Il convient de noter que, malgré les difficultés, les enseignants de Foi et Joie Uruguay ont fait preuve d’un travail remarquable, forgeant avec vocation et dévouement l’éducation dont nous rêvons. Le père Martín Haretche, directeur de Foi et Joie Uruguay, le souligne avec une profonde émotion et gratitude : « Les enseignants ont fait preuve de beaucoup d’enthousiasme et de dévouement. Ils ont travaillé plus dur que jamais... Je pense qu’ils ont travaillé trois fois plus dur. Ils ont fait un effort véritablement courageux pour relever les nouveaux défis et ont affronté, avec hardiesse, les changements précipités dans les méthodes et les styles d’éducation, en partant des conditions au foyer, de la faible connectivité à l’internet, des difficultés à maintenir la motivation des parents, de la disponibilité des

La pandémie nous a également permis d’établir des liens plus étroits avec les organisations voisines de Foi et Joie, notamment avec l’Argentine. Des réseaux d’enseignants ont été constitués pour favoriser la formation pédagogique, émotionnelle et spirituelle, et des forums et des réunions virtuelles ont été organisés, qui ont été très appréciés et valorisés par les participants. Nous avons même organisé des messes virtuelles ; celle que nous avons célébrée à la Pentecôte a été suivie par des enseignants de Foi et Joie du Chili et du Paraguay. Ce type d’activité ouvre la voie à une plus grande coordination entre les différentes organisations de Foi et Joie, ce qui pourrait nous amener à établir une plateforme fédérative régionale entre les pays du Sud.

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Venezuela

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Témoignages

Belkis Belkis est aujourd’hui coordinatrice pédagogique dans un centre rural de Foi et Joie qui compte trois écoles unitaires. Elle a commencé à travailler en tant qu’enseignante unitaire - une de celles qui enseignent à plusieurs niveaux en même temps - et a également été coordinatrice pastorale. Mais elle est toujours « la maîtresse Belkis ». Son cœur se gonfle de joie lorsque les enfants et les représentants crient joyeusement en la voyant passer : « Voilà la maîtresse Belkis ». Cela fait maintenant dix-neuf ans qu’elle éduque dans ces terres de plus en plus dangereuses, où l’exploitation minière irrégulière fait son entrée avec toutes ses conséquences de marginalisation et de violence. Belkis est émue par la tristesse lorsqu’elle dit : « Parfois, les enfants ne terminent pas l’école primaire parce qu’ils vont à la mine avec leurs parents. C’est difficile. Et même s’ils disent qu’il y a de l’or, les enfants ont faim ». Belkis se souvient que peu après avoir commencé à travailler dans ce centre rural, une épidémie de paludisme s’est déclarée entre 2002 et 2003. “Nous avions un brancard dans le centre et les enfants tombaient à cause des frissons. Le paludisme sévit toujours dans la région, mais Belkis n’a pas envisagé de déménager ailleurs. Il n’y a pas de librairie ou de papeterie à proximité, juste quelques épiceries avec quelques produits. Afin de pouvoir mener à bien leurs tâches lors de cette pandémie, ils ont organisé un atelier pour fabriquer des cahiers à partir de papier brouillon et de ce qu’ils ont pu récupérer des cahiers des années précédentes. La pâte a été faite avec

du manioc, qui est cultivé par les familles. Les parents et les élèves étaient très heureux d’aider et ont fièrement montré leurs cahiers.

« Afin de pouvoir mener à bien leurs tâches lors de cette pandémie, ils ont organisé un atelier pour fabriquer des cahiers à partir de papier brouillon et de ce qu’ils ont pu récupérer des cahiers des années précédentes »

Belkis fait beaucoup d’exercice car, bien qu’elle habite dans la région, elle doit se rendre à pied à chacun des sites. L’un d’entre eux est à trente minutes, mais un autre à deux heures de route - et elle ne se plaint pas. Après presque deux décennies passées à accueillir et à donner de l’amour aux enfants, elle pense qu’il lui reste encore beaucoup à faire. Les gens ne comprennent pas pourquoi elle continue à occuper cet emploi avec un salaire qui ne lui rapporte rien, alors qu’elle a un diplôme. Elle affirme que l’effort pour aider les autres en vaut la peine. Elle complète ses revenus en préparant des bonbons et des gâteaux avec des ingrédients qu’elle récolte dans la région et, au passage, elle apprend ces recettes aux mères et aux élèves.

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Mémoire 2020

Milber Milber vit à Pedregal, une ville de la municipalité de Marcano, dans l’État de Nueva Esparta. Elle est titulaire d’une licence en éducation et d’une maîtrise. Elle travaille depuis huit ans à l’école María Luisa Tubores de Foi et Joie, dans la même municipalité. Elle vit dans une zone éloignée de l’école. Elle n’aime pas les transports publics, elle n’aime pas aller dans cette zone, alors elle doit marcher. Pour raccourcir le trajet, il traverse les pâturages et, entre les vaches et les autres enseignants, ils courent à travers les terres.

« La chose la plus belle est quand, lorsque je traverse la communauté, ils me saluent : « Au revoir, maîtresse ! ». »

Elle marche quarante minutes à l’aller et quarante minutes au retour. Elle ne se plaint pas, elle ne manque jamais. « Je suis très satisfaite de mon travail. J’aime ce que je fais. J’ai commencé à l’école en tant que titulaire de classe. J’aime les enfants, mais il y a trois ans, la directrice m’a demandé de prendre le poste de coordinatrice de la pastorale et de la citoyenneté. Je n’étais pas vraiment d’accord, mais ensuite j’en ai vu l’importance ». Le plus difficile est de voir le besoin que les familles éprouvent. Il y a beaucoup de faim... c’est très dur. La chose la plus belle

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est quand, lorsque je traverse la communauté, ils me saluent : « Au revoir, maîtresse ! ». C’est gratifiant : voir leurs visages heureux, savoir que vous pouvez mettre un petit grain de sucre dans leur vie. Belkis, la directrice de l’école, loue l’esprit de solidarité de Milber : “ Elle est attentive à tout et à tous. Plus d’une fois, elle s’est présentée avec un camion-citerne pour aider les enseignants à résoudre le problème de l’eau. L’école est située dans un quartier très pauvre, avec un camp de squatters à côté. L’établissement ne dispose que d’une école primaire. Les enfants, et la plupart des enseignants, vivent tous dans la région. L’internet est presque inexistant et seuls deux enseignants en disposent. La plupart des familles ne disposent pas de téléphones intelligents permettant l’apprentissage à distance, mais le personnel est très attaché à l’école et a réussi à maintenir l’enseignement. Ils se réunissent chaque semaine au domicile de l’un des enseignants qui dispose d’internet. Ils téléchargent le matériel envoyé par l’équipe nationale de Programa Escuela, des guides pédagogiques, puis copient ces guides à la main pour chaque élève, quitte à y passer tout l’après-midi. Le personnel d’entretien participe également à cette tâche. Une des employées, qui a une très bonne écriture, leur donne un coup de main. Puis ils distribuent ces petites feuilles de papier aux élèves. Certains parents vont chez les enseignants pour les récupérer. L’un des travailleurs, qui a un vélo, aide également en livrant les feuilles au domicile des élèves. La directrice, Belkis Valencia, est une femme extraordinaire et une grande animatrice. Elle apprécie énormément son personnel et collabore même à la formation de la communauté en envoyant du matériel de formation Foi et Joie à la station de radio communautaire.


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Apprentissages et défis

Audace et créativité dans la crise La pandémie a aggravé les difficultés et les problèmes dont nous souffrons depuis des années : les pénuries alimentaires, les déficiences de notre système de santé, le coût élevé de tout médicament, le manque de transports publics, le manque d’eau, de gaz et d’essence, les fréquentes coupures de courant et l’impossibilité de maintenir l’isolement social parce que nous devons sortir pour pouvoir ramener de la nourriture à la maison chaque jour. Au niveau national, le problème de l’éducation s’est aggravé parce que nous n’étions pas préparés à y faire face et que nous ne disposions pas des infrastructures nécessaires pour l’éducation à distance.

Nous avons formé des équipes qui ont emprunté de nouvelles voies pour répondre à l’engagement d’éduquer. Ils ont tiré la force de la faiblesse et ont semé l’espoir et la force spirituelle pour que les étudiants, main dans la main avec leurs familles, puissent relever le défi de leur éducation. Le personnel de soutien, le personnel administratif et les travailleurs ont été fidèles et héroïques, s’occupant des représentants, prenant en charge les centres avec les voisins et les communautés organisées. La générosité d’amis, de bienfaiteurs et d’organisations internationales a permis à un grand nombre de nos étudiants et de notre personnel d’avoir accès à la nourriture, aux transports et aux médicaments. Nous avons également pu fournir à de nombreuses personnes des téléphones intelligents pour qu’elles puissent effectuer leur travail de formation.

Selon le père Jaime Aristorena, S.J., directeur national de Foi et Joie, « 2020 a été une année difficile, atypique, où nous avons créé et innové, nous avons répondu à une réalité changeante et difficile, nous l’avons affrontée et nous avons fait de notre mieux. La très grave crise humanitaire nous a frappés de plein fouet bien avant la pandémie. Le personnel, en particulier les enseignants et les communicateurs, ne se sont pas laissés intimider. 125


Mémoire 2020

Nous avons dû réorganiser les temps, les espaces et les environnements. Nous avons identifié les connaissances essentielles et donné la priorité aux compétences cognitives et sociales. Nous avons soutenu les aspects spirituels, socio-émotionnels et cognitifs des enseignants et des élèves. Nous avons mis en place des campagnes sur la continuité de la scolarité, la valorisation de l’éducation et de la coexistence, la pédagogie de l’amour, la résilience et l’engagement social. Grâce au soutien de nombreuses personnes, nous avons fourni de la nourriture à 48 079 étudiants et 4 123 travailleurs dans 85 écoles. Nous avons mis en œuvre le programme « Todos y todas a la escuela », en créant des environnements sûrs et agréables, et en fournissant des fournitures scolaires. Nous l’avons fait dans 96 écoles pour 59 253 élèves et 2 310 enseignants. Puisque nous nous considérons comme étant plus qu’une école, nous encourageons la reconstruction du tissu social, le renforcement de la communauté, nous éduquons à l’esprit d’entreprise, nous organisons des mères qui favorisent la paix, des groupes de jeunes par le biais du mouvement de jeunesse Huellas, nous formons des jeunes leaders universitaires, nous prenons soin de nos 7 450 enfants laissés pour compte et nous promouvons des environnements de paix et de citoyenneté, entre autres. Pendant la pandémie, il a été crucial de protéger les étudiants et le personnel contre la contamination par le virus. Le défi a été de s’occuper d’eux à distance. Et nous avons travaillé dur pour y parvenir. Nous avons constitué des équipes mixtes et appris à éduquer dans les situations d’urgence et de diverses manières. Nous avons produit une grande variété de matériel éducatif : guides pédagogiques, infographies, publications pour les réseaux sociaux, bonnes habitudes, prévention du COVID-19, vidéos, cours

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de radio et micros pour la culture de l’intériorité et de la spiritualité, la prévention de la violence, la culture de la paix et l’accompagnement de la famille. Dans les instituts universitaires, nous avons adopté l’approche de l’apprentissage par projet, les communautés d’apprentissage, l’utilisation de la radio et les stratégies numériques. Afin de former les enseignants à l’enseignement multimodal, nous avons produit quinze guides de formation, obtenu des aides pour l’achat et la fourniture de matériel et le crédit de leurs téléphones. Nous avons promu la campagne “Les enseignants au téléphone”, dans le but de collecter des fonds pour acheter un millier de téléphones. Nos radios éducatives, avec leurs microphones ouverts, mettent l’accent sur la communication pour sauver des vies, avec des services d’information utiles pour les familles et des campagnes de prévention de la contagion.


Fédération internationale Foi et Joie

Nous avons appris de nos succès et de nos erreurs, et nous sommes très heureux de ce que nous avons réalisé, même si nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire. Nous avons appris à prendre soin de nous, à planifier les urgences, à tenir compte du contexte, à éduquer et à gérer à distance avec peu de ressources, avec des équipes de suivi virtuelles - et à accompagner les enseignants et les familles. Nous avons combiné créativité et engagement pour atteindre nos élèves et participants, en utilisant l’internet, les réseaux sociaux, WhatsApp, les smartphones, la radio, les SMS, les panneaux d’affichage et même les visites à domicile avec le soutien d’organisations communautaires - avec des ressources limitées, un manque d’équipement et des services de connectivité médiocres. Nous avons fait des parents des partenaires responsables de l’éducation de leurs enfants. Tous ces éléments nous fournissent des lignes directrices pour renforcer l’éducation à l’avenir. À cette fin, comme condition in-

dispensable, nous devons continuer à exiger de l’État et de la société un salaire digne pour les enseignants, car les conditions salariales misérables du personnel (moins de cinq dollars par mois), à tout moment, pourraient effondrer tout le système éducatif si les mesures appropriées ne sont pas prises. Nous allons manquer d’enseignants et, par conséquent, d’écoles, car « sans enseignants, il n’y a pas d’écoles ». Nous considérons également qu’il est très important et nécessaire que la Fédération soit une plateforme d’échange de bonnes pratiques et d’expériences pour faire face à la crise, et aussi de soutien solidaire. Foi et Joie, en tant que mouvement mondial d’éducation populaire pour tous, doit renforcer sa présence et élever la voix dans les espaces publics afin que le droit proclamé à une éducation de qualité devienne une réalité pour tous.

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Mémoire 2020

Combien sommes-nous et où sommes-nous

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Fédération internationale Foi et Joie

+ 935.844 Participants

+ 40 mille

Employés

+ 1.5 mille

Points Géographiques

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Mémoire 2020

Partenariats pour la mission

La Compagnie de Jésus

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JRS: Service Jésuite des Réfugiés www.sjrlac.org

CPAL: Conférence des Provinciaux d’Amérique latine et des Caraïbes www.jesuitas.lat/es

JRM: Service Jésuite des Migrants www.sjme.org

FLACSI: Fédération latinoaméricaine des écoles de la Compagnie de Jésus wwwwww.flacsi.net

Secrétariat jésuite pour la justice sociale et l’écologie www.sjcuria.global/es/secretariados-y-redes

AUSJAL: Association des universités confiées à la Compagnie de Jésus www.ausjal.org

Red Xavier www.xavier.network

ICAJE: Commission internationale pour l’apostolat de l’éducation jésuite www.sjweb.infoeducation/icaje. cfm?LangTop=1&Publang=1

Alboan www.alboan.org/es

IAJU : Association internationale des universités jésuites www.iaju.org

Red Claver www.jesuitas.lat/es/hacemos/ red-claver

EDUCATE MAGIS www.educatemagis.org

Magis Americas www.magisamericas.org


Fédération internationale Foi et Joie

Union internationale des femmes religieuses www.internationalunionsuperiorsgeneral.org/es

IBM www.ibm.org/initiatives/p-tech

Ole Comunications www.olecommunications.com

Organisations liées

CLADE www.redclade.org ACCENTURE www.accenture.com/es-es OIJ www.oij.org AECID www.aecid.es/ES UNESCO www.es.unesco.org INDITEX www.inditex.com/es/comprometidos-con-las-personas/ apoyo-a-la-comunidad/programas-educativos-de-entreculturas

PORTICUS www.porticus.com/en/home

ADVENIAT www.adveniat.org

ALER www.aler.org

CME www.campaignforeducation.org

CELAM www.celam.org

Diocèse de Rottenburg – Stuttgart www.drs.de

Nations Unies www.un.org

SEDATEX

CIEC www.ciec.edu.co

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Mémoire 2020

Note: Les équipes, commissions et réseaux, ont un groupe de personnes qui sont des référents internationaux.

Comment nous organisons-nous ? Assemblée C.DD.NN

Conseil d’administration CA

Équipes et travaux de soutien

Coordinateur général CG

Comités consultatifs

Internaciolización

Stratégie globale

Formation au leadership

Éducation Populaire

Protection de l’enfance

Équipe du secrétariat exécutif SE

Durabilité Action Publique

Communication et technologie Administration, Planification et Projets

Protection de l’enfance

Conseils économiques Équipe de coordination exécutive ECE

Axe Nouvelles Frontières Axe Éducation Populaire

Axe Durabilité Axe Action Publique

École Virtuelle

Équipe de direction des initiatives

Formation pédagogique Qualité de l’enseignement Éducation inclusive Jeunesse L’écologie intégrale et la Pan Amazonie

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Évaluation et mesure de l’impact Genre

Réseaux Initiatives fédératives Migration Citoyenneté

Identité et spiritualité

Formation pour le travail Protection de la petite enfance


Fédération internationale Foi et Joie

Clairs et transparents 62,56%

18,68%

Individuelles

Fonds propres

16,57%

Fondations/ Sociétés

2,25%

Gouvernement

Sources de financement et dépenses du FIFYA 2020

48,89%

Formation pour le travail

56,65%

Programmes

27,03% Promotion Sociale

19,53% Évaluation de l’impact

4,7%

Éducation en valeurs

7,09% Autres

36,26%

Administration

0,38%

Pan Amazonie

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Mémoire 2020

Rapport de l’avis de l’audit des États financiers année 2020

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Fédération internationale Foi et Joie

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Mémoire 2020

Répertoire 2020 – 2021 Conseil d’administration P. Carlos Fritzen, S.J. Coordinateur général Fédération internationale de Foi et Joie fi.coordinador@feyalegria.org P. Miquel Cortés Bofill, S.J. Directeur Foi et Joie au Guatemala gt.director@feyalegria.org P. Daniel Villanueva, S.J. Vice-président Entreculturas - Foi et Joie en Espagne d.villanueva@entreculturas.org Sabrina Burgos Directrice Nouvelles frontières et Action publique - Foi et Joie en Colombie nuevasfronteras@feyalegria.org.co Miguel Molina Escalante Director Foi et Joie au Honduras m.molina@feyalegria.org.hn P. Alfred Kiteso, S.J. Directeur Foi et Joie en République Démocratique du Congo talk.be08@yahoo.fr 136

Directions nationales Fernando Anderlic Directeur de Foi et Joie en Argentine anderlic@feyalegria.org.ar Callao 542, C1022AAS -CABA, Buenos Aires Téléphone: (5411) 52352281 www.feyalegria.org.ar

P. Francisco Pifarré, S.J. Directeur de Foi et Joie en Bolivie direccionp@feyalegria.edu.bo Av. Arce N° 2519 esquina Plaza Isabel la Católica Zona San Jorge La Paz – Bolivie Téléphones :(591) 2 – 2444134 / 2444136 / 2444139 www.feyalegria.edu.bo

P. Antonio Tabosa, S.J. Directeur de Foi et Joie au Brésil antonio.tabosa@fealegria.org.br Rúa Rodrigo Lobato 141, Sumaré, Sao Paulo, SP, Brésil CEP 05030-130 Téléphone: (55) 61 9944 9124 www.fealegria.org.br


Fédération internationale Foi et Joie

P. Tsayem Dongmo Saturnin, S.J. Directeur de Foi et Joie en République du Tchad

J. Alejandro Calderón Tobar Directeur de Foi et Joie au Salvador

dir.foijoietchad@gmail.com B.P. 8, Mongo, Tchad Téléphone: (235) 6776829 www.foietjoie-tchad.org

a.calderon@feyalegria.org.sv Calle del Mediterráneo, S/N, entre Av. Río Amazonas y Av. Antiguo Cuscatlán, Col. Jardines de Guadalupe, Antiguo Cuscatlán, La Libertad, El Salvador. Apdo. Postal 662 Téléphones: (503) 22431282 / 22439738

P. Juan Cristóbal García Huidobro, S.J. Responsable temporaire de Foi et Joie au Chili jgarciah@jesuits.net Lord Cochrane 110, Piso 3. Santiago, Chili Téléphone: (56) 9 9757 2174 www.feyalegria.cl

Víctor Murillo Directeur de Foi et Joie en Colombie victormurillo@feyalegria.org.co Carrera 5 No. 34-39. Bogotá, Colombie. Téléphone: (57) 1-3209360 www.feyalegria.org.co

Carlos Vargas Directeur de Foi et Joie en Équateur c.vargas@feyalegria.org.ec Calle Asunción OE 238 y Manuel Larrea (esquina) sector El Ejido, Apartado 17-08-8623. Quito – Équateur Téléphone: (593 2) 321 44 55 www.feyalegria.org.ec

P. Daniel Villanueva, S.J. Vice-président d’Entreculturas Foi et Joie en Espagne d.villanueva@entreculturas.org Calle Maldonado, 1A, 28006 Madrid – Espagne Téléphone: (34) 91-5902672 www.entreculturas.org

P. Francisco Iznardo, S.J. Directeur de Foi et Joie en Guatemala francisco.iznardo@feyalegria.org.gt 12 Avenida 2-07, Zona 1. Guatemala –Guatemala Téléphone: (502) 2324-0000 www.feyalegria.org.gt P. Paul-Fils Belotte, S.J. Directeur de Foi et Joie en Haïti ht.directeur@foietjoie.org Communauté jésuite 95, Route du Canape Vert, Port-au-Prince, Haïti, W.I. Téléphone: (509)409-5623 www.foietjoie-haiti.org

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Mémoire 2020

Miguel Molina Escalante Directeur de Foi et Joie au Honduras

P. Marco Tulio Gómez, S.J. Directeur de Foi et Joie au Panama

m.molina@feyalegria.org.hn Zone de la Compañía,à l’intérieur du centre technique de Loyola. Yoro – Honduras Téléphones: (504) 26473516/2647-4741 www.feyalegria.org/honduras

pa.director@feyalegria.org Parque Alicante, au bout de la Calle Principal. Las Mañanitas, Panama. République du Panama. Téléphone: (507) 66074757 www.feyalegria.org.pa

P. Florin Silaghi, S.J. Directeur de Foi et Joie en Italie direzione@feyalegria.it Piazza San Fedele 4. Milan Téléphones: 0286352305 www.feyalegria.org/italia P. Emile Ranaivoarisoa, S.J. Directeur de Foi et Joie à Madagascar Mahamanina - B.P. 1200 Fianarantsoa 301 Madagascar Téléphones: +261 344893643 eranaivoarisoa@yahoo.com P. Everardo Víctor, S.J. Directeur de Foi et Joie au Nicaragua ni.director@feyalegria.org Walmart 1 c. sud 3 1/2 c. bas. Reparto San Martín, n° 36. Managua, Nicaragua Téléphone : (505) 2266-4994 www.feyalegria.org.ni

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Nancy Raquel Fretes, odn Directeur de Foi et Joie au Paraguay director@feyalegria.org.py Juan E. O’Leary N° 1.847 e/6a y 7a Proyectadas. Asunción – Paraguay Téléphone: (595) 9826 22257 www.feyalegria.org.py P. Ernesto Cavassa, S.J. Directeur de Foi et Joie au Pérou ecavassa@feyalegria.org.pe Cahuide 884 Jesús María Lima 11 – Pérou Téléphone: +51 1 471-3428 www.feyalegria.org.pe P. Alfred Kiteso, S.J. Directeur de Foi et Joie en République Démocratique du Congo talk.be08@yahoo.fr Communauté du Collège Boboto 7, Avenue Père Boka. B.P. 7245, Kinshasa I. République Démocratique du Congo


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P. José Ramón López, S.J. Directeur de Foi et Joie en République Dominicaine direccion@feyalegria.org.do Calle Cayetano Rodríguez 114, Gazcue, Santo Domingo. Dto. Nacional, République Dominicaine. Apartado Postal: 25310 Téléphone: +1 (829) 259 8430 www.feyalegria.org.do Martín Haretche Directeur de Foi et Joie en Uruguay mharetche@feyalegria.org.uy Calle 8 de octubre No. 2738. Montevideo, Uruguay. Téléphone: (598-2) 4872717 Poste. 356 www.feyalegria.org.uy P. Manuel Jaime Aristorena, S.J. Directeur de Foi et Joie au Venezuela ve.director@feyalegria.org Edif. Centro Valores, 7ème étage, esq. Luneta, Altagracia. Caracas – Venezuela. Téléphone: (58) 212–5647423 / 5631776 / 5645013 www.feyalegria.edu.ve

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Mémoire 2020

Bureau et équipe de soutien pour la Coordination Générale Carrera 5 N° 34-39 Bogotá, Colombie. (57) 314 868 4603 www.feyalegria.org

Formation au Leadership Miguel Cruzado fi.formacion@feyalegria.org Wendy Pérez wendy.perez@feyalegria.org.gt École virtuelle Nancy Montero Olmos | fi.coordescuelavirtual@feyalegria.org

Coordinateur général P. Carlos Fritzen, S.J. fi.coordinador@feyalegria.org Équipe du Secrétariat exécutif Somarick Roca Robby Ospina P. Marco Tulio Gómez, S.J. Gerardo Lombardi (C) fi.secrejec@feyalegria.org Équipe de coordination exécutive Axe Éducation Populaire Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org Axe Nouvelles Frontières P. Carlos Fritzen, S.J. | fi.coordinador@feyalegria.org Axe Durabilité Gabriel Vélez | fi.sostenibilidad@feyalegria.org Axe Action Publique Gerardo Lombardi | fi.accionpublica@feyalegria.org

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Janeth Angarita Cisneros | fi.adminescuelavirtual@feyalegria.org Administration, Planification et Projets Administration Somarick Roca | fi.administracion@feyalegria.org Planification Robby Ospina | fi.planificacion@feyalegria.org Projets Gabriel Vélez | fi.proyectos@feyalegria.org Services Aleida Betancurt | fi.servicios@feyalegria.org Communication et technologie Coordination de la communication Gerardo Lombardi | fi.coordcomunicacion@feyalegria.org


Fédération internationale Foi et Joie

Gestion du contenu María Paula Arango | fi.comunicacion@feyalegria.org Support de communication Erika Briceño | fi.soportecomunicacion@feyalegria.org Communication numérique Daniela Londoño | fi.comunicaciondigital@feyalegria.org Design Pablo Ivorra | fi.imagengrafica@feyalegria.org Coordination de technologie José Ignacio Peraza | fi.coordtecnologia@feyalegria.org Soutien technologique Maximiliano Burgos | fi.soportetecnologia@feyalegria.org Internationalisation P. Carlos Fritzen, S.J. | fi.coordinador@feyalegria.org P. Daniel Villanueva, S.J. | d.villanueva@entreculturas.org María Luisa Berzosa | mlberzosa@gmail.com Pablo Funes | p.funes@entreculturas.org Luca Fabris | l.fabris@entreculturas.org Robby Ospina | fi.planificacion@feyalegria.org

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Mémoire 2020

Équipe Fédérative Internationale

Références Gabriel Vélez | fi.sostenibilidad@feyalegria.org Somarick Roca | fi.administracion@feyalegria.org

Formation pédagogique

Écologie intégrale et Pan Amazoniea

Leader Venezuela: Beatriz Borjas | beatrizborjasb@gmail.com Co-leader Équateur: Beatriz García | beatriz.garcia@feyalegria.org.ec Référence Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org

Leader Pérou: Irma Mariño| imarino@feyalegria.org.pe Co-leader Brésil: José Blanco jose.blanco@fealegria.org.br Références P. Carlos Fritzen, S.J.| fi.coordinador@feyalegria.org P. Marco T. Gómez, S.J.| pa.director@feyalegria.org Robby Ospina| fi.planificacion@feyalegria.org

Qualité de l’enseignement Leader Équateur: Marlene Villegas| m.villegas@feyalegria.org.ec Colíderes Guatemala: Wendy Pérez | wendy.perez@feyalegria.org.gt Espagne: Yenifer López| y.lopez@entreculturas.org Référence Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org Évaluation et mesure de l’impact Leader Espagne: Lucila Rodríguez| l.rodriguez@entreculturas.org Co-leader Équipe de coordination exécutive fi.secrejec@feyalegria.org

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Formation au travail Leader Bolivia: Adela Colque| a.colque@formacionparaeltrabajo.org Co-leader Honduras: Óscar Cáceres o.caceres@feyalegria.org.hn Référence Gabriel Vélez| fi.sostenibilidad@feyalegria.org Jeunesse Leader Colombie: Juan Pablo Rayo | fi.jovenes-ciudadania@feyalegria.org Co-leader Espagne: Jessica García | j.garcia@entreculturas.org


Fédération internationale Foi et Joie

Argentine: Yanina Garbesi | yaninagarbesi@feyalegria.org.ar Référence Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org Citoyenneté Leader Espagne: Irene Ortega | i.ortega@entreculturas.org Co-leader Colombie: Por asignar Référence Gerardo Lombardi | fi.accionpublica@feyalegria.org Genre Leader Nicaragua: Lucila Cerillo | fi.genero.coordinacion@feyalegria.org Co-leader Rép. Dominicaine: Yesenia Caraballo | convivenciayciudadania4@feyalegria.org.do Référence Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org

Migration Leader Guatemala: Blanca Gutiérrez | blanca.gutierrez@feyalegria.org.gt Co-leader Haïtï: Por asignar Références Gerardo Lombardi | fi.accionpublica@feyalegria.org Gabriel Vélez| fi.sostenibilidad@feyalegria.org Identité et spiritualité Leader Paraguay: Catalino Corvalán | katatoto@gmail.com Co-leader Chili: Macarena Rubio | mrubio@redignaciana.cl Madagascar: Por asignar Références Gerardo Lombardi | fi.accionpublica@feyalegria.org P. Marco T. Gómez, S.J.| pa.director@feyalegria.org Protection de la petite enfance

Éducation inclusive Leader Bolivie: Carmiña de la Cruz | areaespecial@feyalegria.edu.bo Co-leader Équateur: Nelly Andrade | nelly.andrade@feyalegria.org.ec Référence Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org

Leader Uruguay: Fiorella Magnano | fmagnano@feyalegria.org.uy Co-leader Congo: Arvie Muayi | mrubio@redignaciana.cl Colombie: Fabiola Garcerá Arango| direccion.cali@feyalegria.org.co Référence Gehiomara Cedeño | fi.educacionpopular@feyalegria.org

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#ModoEmergenciaCovid19 feyalegriafi


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