Ordinateurs portables, Enseignement et Tice - octobre 2006 - colloque Moliets

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CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES

----ORDINATEURS PORTABLES / / / ENSEIGNEMENT ET TICE APRÈS CINQ ANNÉES D’USAGES, / / / QUEL BILAN TIRER ? / / / QUELLES AVANCÉES ? QUELS FREINS ? / / / QUEL AVENIR ?

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COLLOQUE JEUDI 5 ET VENDREDI 6 OCTOBRE 2006 CENTRE DE SÉMINAIRES DE MOLIETS-ET-MAÂ, LANDES


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JEUDI 5 OCTOBRE 2006 9 H 30 > 10 H 00 / / / INTRODUCTION

10 H 30 > 12 H 00 / / / PREMIÈRE TABLE-RONDE APPRENTISSAGE DES LANGUES VIVANTES : RETOURS D’EXPÉRIENCES, MISES EN ŒUVRE D’ACTIONS

DISCOURS DE BIENVENUE DE M. GABRIEL BELLOCQ, Vice-président du Conseil général des Landes en charge de l’éducation ........p. 9

MME ANNE-MARIE WOMMELSDORF, Inspectrice d’académie, IPR d’Espagnol – académie de Bordeaux....................p. 16

DISCOURS D’INTRODUCTION DE MME LINDA SALAMA, Inspectrice d’académie, DSDEN des Landes........................................................p. 12

M. HOWARD BENNETT Enseignant formateur d’anglais au collège de Saint-Pierre-du-Mont (40) ......p. 17

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MME MARTINE HAMEL Enseignante d’espagnol au collège Victor Duruy de Mont-de-Marsan (40) ....p. 19 MELLE MYRIAM CARRIER Enseignante d’anglais au collège de Saint-Pierre-du-Mont (40).......................p. 20 M. ROBERT LOUISON Enseignant formateur d’espagnol au collège d’Hagetmau (40).......................p. 22 MME SUE GALAND Enseignante d’anglais au collège de Mugron (40) ............................................p. 24 M. MICHEL PEREZ Inspecteur général de l’Éducation nationale, groupe des langues vivantes, responsable du groupe de portugais, membre de la cellule Tice de l’Inspection générale...........................................p. 25 DÉBATS ..................................................................................................................p. 27

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13 H 45 > 15 H 00 / / / DEUXIÈME TABLE-RONDE ÉCOLE ET SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION

15 H 00 > 16 H 30 / / / TROISIÈME TABLE-RONDE QUELLE PLACE DONNER AUX DOCUMENTS MULTIMÉDIAS EN CLASSE, PENDANT LES COURS ?

M. PASCAL LARDELLIER Professeur de sciences de la communication à l’Université de Bourgogne ................................................................................p. 29

M. FRANK TÉTART Docteur en géographie, chercheur au LEPAC (Laboratoire d’études politiques et cartographiques), collaborateur de l’émission le Dessous des cartes, Arte ....................................p. 39

M. CHRISTOPHE TAUZIN Professeur de lettres au collège de Tartas (40) ..................................................p. 31 MME MYRIAM QUEHEILLARD Professeur-documentaliste du collège de Linxe (40) .........................................p. 34

M. JEAN-DOMINIQUE FILIPPI-CODACCIONI Enseignant d’histoire géographie au collège Léon-des-Landes à Dax (40)......p. 41 MME MORGANN CAULET Enseignante de sciences de la vie et de la Terre au collège de Linxe (40) .......p. 42

M. FRANCISCO SANCHEZ-GARCIA Formateur Tice, Centre de formation des professeurs de Huesca (Espagne) ..............................p. 35

MME ANNE SVIRMICKAS Enseignante de mathématiques au collège de Tarnos (40)...............................p. 44

DÉBATS ..................................................................................................................p. 37

DÉBATS ..................................................................................................................p. 46

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VENDREDI 6 OCTOBRE 2006 9 H 30 > 9 H 45 / / / INTRODUCTION

9 H 45 > 11 H 15 / / / TABLE RONDE BILAN D’ÉTAPE DES TROIS OPÉRATIONS D’ÉQUIPEMENTS / / / BOUCHES DU RHÔNE, ILLE-ET-VILAINE, LANDES

DISCOURS DE M. HENRI EMMANUELLI Président du Conseil général des Landes............................................................p. 50

MME JEANINE ÉCOCHARD Conseillère générale des Bouches-du-Rhône, chargée de l’éducation, des collèges et de l’accompagnement à l’éducation, et des ressources humaines..................................................................................p. 54

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M. JEAN-PIERRE CHEVALIER IA-IPR, délégué académique des Tice d’Aix-Marseille .......................................p. 56 MME MIREILLE MASSOT Première vice-présidente du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, chargée de l’enseignement, de l’éducation, des collèges et du conseil départemental des Jeunes.............................................................p. 57 M. YANN TEXIER Inspection académique d’Ille-et-Vilaine..............................................................p. 59 M. Jean-Luc RINAUDO Maître de conférence à l’Université de Rennes 2 / IUFM de Bretagne membre de l’équipe de recherche du CREAD (Centre de recherche en éducation apprentissage et didactique)....................p. 60 M. GABRIEL BELLOCQ Vice-président du Conseil général des Landes, chargé de l’éducation.............p. 62 M. PIERRE LACUEILLE IA-IPR, délégué académique des Tice du rectorat de Bordeaux .......................p. 64 DÉBATS ..................................................................................................................p. 66

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11 H 50 > 12 H 50 / / / TABLE RONDE LES POLITIQUES PUBLIQUES RELATIVES AUX TICE, SOLITUDE OU CONVERGENCE DES COLLECTIVITÉS ?

14 H 30 > 16 H 30 / / / TABLE RONDE L’ÉDITION NUMÉRIQUE FRANÇAISE : L’OFFRE DE CONTENU EST-ELLE EN ADÉQUATION AVEC LES VŒUX DES ENSEIGNANTS ET CEUX DE L’ÉDUCATION NATIONALE ?

MME MARIE-CHRISTINE MILOT Sous-direction des Tice du ministère de l’Éducation nationale ........................p. 69

MME MARIE-CHRISTINE MILOT Sous-direction des Tice du ministère de l’Éducation nationale ........................p. 78

M. RONALD CANUEL Directeur de la commission scolaire Eastern Townships – Québec ...................p. 70

M. MICHEL CHAUMET Directeur de CRPD d’Aquitaine ...........................................................................p. 81

DÉBATS ..................................................................................................................p. 74

MME MARIE GAILLARD Déléguée générale pour le Kiosque numérique de l’éducation regroupement d’éditeurs de contenus scolaires ................................................p. 82

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M. CLÉMENT LABERGE Directeur des développements numériques pour l’éducation, Editis, deuxième groupe d’édition français........................................................p. 84 M. CHARLES SOL Enseignant et PDG des éditions eduMedia ........................................................p. 86 M. YANN POZZAR Trésorier de Sésamath, association d’enseignants productrice de contenus en mathématiques..........p. 87 M. SYLVAIN GENEVOIS Concepteur de logiciels et membre de l’équipe e-praxis de l’INRP (Institut national de recherche pédagogique) ...................................................p. 89 DÉBAT ....................................................................................................................p. 91

----DISCOURS DE CLÔTURE M. GABRIEL BELLOCQ Vice-président du Conseil général des Landes en charge de l’éducation ........p. 95

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JEUDI 5 OCTOBRE 2006 9 H 30 > 10 H 00 / / / INTRODUCTION

DISCOURS DE M. GABRIEL BELLOCQ VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES EN CHARGE DE L’ÉDUCATION

M. GABRIEL BELLOCQ

----M. Gabriel Bellocq : Mesdames et Messieurs les élus, Madame l’inspectrice d’académie, Monsieur l’inspecteur d’académie délégué aux technologies de l’information et de la communication pour l’éducation, Mesdames et Messieurs les inspecteurs, les principaux, les membres de la communauté scolaire, professeurs, conseillers principaux d’éducation, assistants d’éducation, Mesdames et Messieurs, Je vous remercie d’avoir répondu à l’invitation du Conseil général et je vous souhaite la bienvenue à ce colloque organisé en partenariat avec le rectorat de l’académie de Bordeaux et l’inspection académique des Landes. C’est, pour bon nombre d’entre nous, la deuxième fois que nous nous retrouvons à Moliets pour évoquer l’usage des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement, sur la base de l’expérience initiée en 2001 par le Conseil général des Landes. Sans refaire la genèse de cette opération, j’en retracerai toutefois les grandes lignes ; j’évoquerai les évolutions constatées ou apportées à l’opération landaise, et je me permettrai, enfin, de rappeler les conclusions de notre précédente rencontre qui ont servi à l’équipe de préparation de ce colloque, pour structurer la suite de nos débats. La démarche qui nous rassemble ici est une démarche d’évaluation de nos initiatives. Il est donc bien de repartir les objectifs fixés à l’origine de l’opération. Ils étaient au nombre de quatre.

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1. Favoriser les nouvelles pratiques pédagogiques Le Conseil général des Landes a fait depuis longtemps le pari des nouvelles technologies dans l’enseignement. Son premier programme d’équipement informatique des établissements d’enseignement remonte à 1983 – pour les plus anciens d’entre nous il s’agissait des TO7 et MO5 –. Il ne l’a pas fait pour satisfaire à une quelconque mode (qui n’a d’ailleurs jamais existé), mais parce que les élus départementaux avaient à l’époque – et ont encore davantage aujourd’hui – la double conviction que l’avenir des jeunes (et pour ce qui nous concerne des jeunes Landais) passe par la maîtrise de ces nouvelles technologies, et que la diversification des outils pédagogiques mis à la disposition des enseignants est un atout pour la réussite des élèves. Je laisserai au représentant de l’Éducation nationale le soin de développer ce thème. 2. Assurer l’égal accès au collégien à l’outil informatique Autant le dire, pour beaucoup d’élus, c’était sans doute le premier objectif car, au moment où s’installait l’informatique dans notre environnement quotidien, il était impensable qu’une partie de la population scolaire soit privée, en raison – pour l’essentiel – de son origine sociale, de cette formation de base indispensable au devenir personnel et professionnel de chacun. Nous avons donc souhaité que, au moins par un passage obligé dans leur scolarité, tous les enfants de ce département aient accès à cette machine, à cette technologie, d’abord au niveau des classes de troisième, et depuis l’an dernier des classes de quatrième. Objectif atteint, nous y reviendrons, puisqu’aujourd’hui l’ensemble des élèves de ces classes bénéficient de l’opération.

Sans renier ce folklore, ni notre histoire, ni notre culture locale, nous pouvons dire aujourd’hui que les Landes sont devenues un territoire attractif pour de nombreuses familles – avec pour preuve le développement démographique que nous constatons –, mais également le fait que de nombreuses entreprises trouvent ici les conditions de leur développement, notamment grâce à un réseau de communication haut débit performant. Nous pouvons nous féliciter d’avoir intéressé beaucoup d’opérateurs en télécommunication, de sorte qu’actuellement plus de 95 % des Landais ont accès aux services de l’ADSL à haut-débit.

M. GABRIEL BELLOCQ

Pour développer l’opération « un collégien, un ordinateur portable », nous nous sommes appuyés sur deux volets. Premier volet : l’ordinateur portable mis à disposition des collégiens et de leur famille. De ce prêt a découlé le nom même de l’opération « un collégien, un ordinateur portable ». Et à ce jour, 7 200 élèves, en l’occurrence tous ceux des classes de quatrième et de troisième des 34 collèges publics, disposent de cet outil mis gratuitement à leur disposition pour l’année scolaire. C’est l’équipement qui permet de répondre aux deux derniers objectifs que j’ai cité : l’égalité entre les collégiens et l’introduction de la culture de l’Internet dans les foyers.

3. Diffuser dans les foyers landais la culture des nouvelles technologies Notre choix de l’ordinateur portable était en ce sens délibéré. Le Conseil général des Landes ne voulait pas limiter l’ordinateur à un usage scolaire – ni à l’enceinte scolaire, ni aux seuls collégiens –, mais plutôt, par leur intermédiaire, irriguer largement les foyers landais pour qu’ils accèdent massivement à la culture des nouvelles technologies. Là aussi, l’objectif est pleinement rempli parce que nous constatons, à travers les statistiques, que les familles landaises sont les plus équipées en informatique, et les plus branchées d’Aquitaine. Je dirai, sans vouloir être trop prétentieux, qu’à l’image de l’action de Jules Ferry qui avait introduit le livre et la lecture dans tous les foyers français, nous sommes persuadés que l’introduction de l’ordinateur dans les mains des collégiens – en leur permettant d’amener cet outil chez eux – permettra à toutes les familles d’accéder à un nouvel outil indispensable au 21e siècle.

Deuxième volet : la mise à disposition des enseignants des collèges des équipements et des ordinateurs. En effet, ce prêt d’ordinateurs aux collégiens est venu, chronologiquement, après une vaste opération d’équipement des collèges. • 34 collèges câblés offrant : – plus de 20 000 prises réseau permettant d’accéder au serveur d’établissement et, audelà, par une plateforme départementale, à Internet, – des équipements de visualisation collective : 400 vidéo-projecteurs, 120 tableaux interactifs, – 500 imprimantes laser (couleur ou noir-et-blanc), des scanners, des appareils photos numériques, – 1 200 ordinateurs portables, un pour chaque professeur, chef d’établissement ou conseiller principal d’éducation. Ces équipements, associés au portable personnel de l’élève, permettent, dans l’établissement scolaire, de faire de l’outil informatique un outil pédagogique supplémentaire à disposition des équipes d’enseignants chaque fois qu’il est pertinent de l’utiliser.

4. Développer l’attractivité des Landes Pendant trop longtemps, les Landes ont été perçues, au mieux, comme un département forestier bordé par l’océan et traversé par la RN 10. Ainsi que le rappelait Henri Emmanuelli lors du précédent colloque, nous souhaitons effacer cette image limitée, pour certains, à celle de l’échassier landais habillé de peaux de mouton et coiffé de son béret.

Il nous est indispensable de procéder maintenant à l’évaluation de cette opération. Celle-ci s’est mise en place avec la collaboration de l’autorité académique : nous sommes sur une compétence partagée. Pour simplifier, il appartient au Département de s’occuper de l’intendance et de donner les moyens, et à l’État, plus précisément à l’Éducation nationale, d’utiliser ces moyens pour l’enseignement. C’est donc dans le cadre de ce partenariat que ces deux collectivités publiques sont

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amenées à travailler ensemble, d’un côté pour améliorer ou développer les moyens mis à disposition des professeurs et de leurs élèves, de l’autre pour ajuster les démarches pédagogiques.

et le comité de pilotage pédagogique que préside M. Pierre Lacueille, ici présent. Et comme je cite leurs noms, j’en profite pour les remercier, personnellement et très sincèrement, l’un et l’autre, de leur investissement dans cette opération.

Si l’évaluation des pratiques et des résultats pédagogiques relève de l’État et de l’Éducation nationale, le Département, pour ce qui le concerne, a souhaité évaluer l’opération sous l’aspect de l’entrée de l’informatique dans les foyers, de l’usage de l’ordinateur et d’Internet.

Le premier constat du recteur Patrick Gérard, en mai 2004, était : « L’introduction généralisée des portables est un pari ambitieux dont les objectifs sont maintenant validés ». Sur le premier objectif, « relever les défis de l’égalité », M. le recteur Gérard soulignait que « si l’école n’avait qu’une seule raison d’être, ce serait, de toute évidence, la transmission du savoir permettant la promotion de l’égalité des chances ». Il ajoutait : « Dans la société d’aujourd’hui, il est indéniable qu’un enfant ou un adolescent qui dispose d’un ordinateur a un avantage et une avance considérables sur celui qui n’en a pas ». Sur l’objectif de donner des clés supplémentaires d’accès à la connaissance, le recteur Gérard remarquait que « La maîtrise technique de l’ordinateur y contribue, mais que, au-delà, il reste à favoriser, et même à inventer, de nouvelles manières d’apprendre et de travailler en classe et en dehors du collège. Dans la classe, l’outil multimédia peut renforcer l’efficacité de l’acte pédagogique : de nombreuses pistes ont été validées par les corps d’inspection. La dotation en ordinateurs individuels doit permettre de maintenir le lien avec le travail personnel, notamment à la maison ».

Premier volet de l’évaluation : les collégiens et leur famille À ce jour et depuis le début de l’opération, 20 000 collégiens et leurs familles ont pu se familiariser concrètement et quotidiennement avec les outils de la société de l’information pendant une année, voire deux années maintenant. En 2000, le département des Landes, département rural, était plutôt en retard sur les taux d’équipement des foyers, à plus forte raison sur les taux de connexion à Internet. L’étude réalisée par l’Agence Aquitaine Europe Communication, en octobre 2005, a démontré que les Landes ont non seulement remonté leur retard mais ont même pris la tête des départements d’Aquitaine. Ainsi, si l’on excepte les familles concernées par l’opération « un collégien, un ordinateur portable », le taux d’équipement des familles landaises est supérieur de 5 points. – Premier indicateur révélateur : 82 % des familles ayant un enfant de moins de 11 ans disposent d’un équipement informatique. – Deuxième indicateur révélateur : le taux de connexions à Internet. Il est, dans les Landes, de 20 points supérieur à la moyenne en Aquitaine : 82 % pour les familles ayant un enfant en âge d’être au collège, et 76 % pour les familles ayant des enfants de moins de 11 ans. À noter que pour cette dernière tranche, la progression sur la dernière année a été de 73 %. Ainsi, on peut dire sans se tromper que l’opération « un collégien, un ordinateur portable » a permis à une majorité de foyers landais de s’approprier ces outils d’information et de communication. Ils y ont acquis l’accès à une infinité de services et se sont familiarisés avec une technologie qu’ils auraient sans doute abordée dans d’autres conditions, avec une plus grande appréhension. Deuxième volet de l’évaluation : les enseignants et la pédagogie Depuis 2000, les collégiens landais et leurs enseignants ont pris l’habitude de voir passer, peut-être un peu plus souvent que les autres, des inspecteurs venus évaluer la pertinence de l’usage pédagogique de l’outil informatique dont ils disposent. Les rapports rédigés, comme d’autres évaluations ou témoignages, sont à disposition de tous sur le site landesinteractives.net. En 2004, M. Patrick Gérard, recteur de l’académie de Bordeaux, avait conclu les travaux du colloque réuni ici, à Moliets. Je vais me permettre de résumer ces conclusions qui ont composé la trame du suivi de l’opération durant les deux dernières années. Elles ont guidé les travaux des deux instances de pilotage de l’opération, le comité de pilotage institutionnel que Mme Linda Salama, inspectrice d’académie, copréside avec moi,

M. GABRIEL BELLOCQ

À partir de ces objectifs, M. le recteur ouvre des pistes : « Premier objectif : combler notre retard dans l’apprentissage des langues étrangères, car, dans ce domaine, les TIC offrent de larges possibilités bien expertisées. Deuxième objectif : aider à la maîtrise de la langue, le multimédia se mettant au service de l’expression orale comme de l’expression écrite. Troisième objectif : faciliter la recherche documentaire, la maîtrise de la langue étant associée à l’aptitude de l’élève à repérer et à traiter l’information ». ----Concernant ce colloque La journée d’aujourd’hui sera consacrée aux usages pédagogiques, et se déroulera en trois temps faisant référence à ces trois pistes de travail lancées par le recteur Patrick Gérard en 2004 : – L’apprentissage des langues vivantes, avec un retour d’expérience et la mise en œuvre d’actions conduites ces dernières années. – L’école et la société de l’information. – Le document multimédia dans la classe. La journée de demain sera consacrée aux politiques publiques en matière de techniques de l’information et de communication dans l’enseignement. Nous pourrons faire le bilan d’étape de trois opérations comparables, dans les Landes, les Bouches-du-Rhône et l’Ille-et-Vilaine. Dans un second temps, nous verrons les synergies à mettre en place entre les collectivités publiques, les collectivités territoriales et avec l’État. Demain, la fin d’après-midi sera consacrée à un problème récurrent, déjà évoqué lors du précédent colloque : les ressources numériques. En effet, en 2000, le Conseil général des Landes avait souhaité ne pas distribuer des outils vides. Aujourd’hui encore, les

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ressources numériques pour l’enseignement restent largement à élaborer. Au-delà, reste à inventer un modèle économique de leur diffusion qui n’aille pas à l’encontre du principe de base d’égalité d’accès qui est un des fondements de l’opération souhaité par le Département des Landes.

DISCOURS DE MME LINDA SALAMA INSPECTRICE D’ACADÉMIE, DSDEN DES LANDES

MME LINDA SALAMA

En ouvrant ce colloque, je vous exprime l’attente du Conseil général des Landes, que les échanges de ces deux journées apportent des réponses aux questions de certains, y compris nous, élus, et ouvrent d’autres questionnements, d’autres perspectives, fixent peut-être de nouveaux rendez-vous. Se faisant, chacun aura à l’esprit qu’au centre de cette discussion, il y a l’élève. Faisons que l’outil informatique à disposition de tous soit un outil répondant au défi de l’égalité du droit à l’éducation, et à l’ambition de la réussite de chacun. Je vous remercie et je passe la parole à Mme Salama, inspectrice d’académie.

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----Mme Linda Salama : Monsieur le vice-président du Conseil général, Mesdames et Messieurs les intervenants et les participants à ce colloque, Plusieurs études, internes au système éducatif, menées par les inspections générales, et externes, par des instituts de sondage, montrent que le développement des Tice atteint un niveau conséquent. Vous avez cité quelques éléments, je vais également le faire. Ainsi, 99 % des élèves de 11 à 18 ans interrogés déclarent utiliser l’ordinateur en classe et 87 % en bibliothèque. Ces mêmes élèves sont conscients qu’ils accèdent à une forme d’autonomie dans le travail ; ils expriment le fait qu’ils apprécient la qualité et le caractère valorisant des productions qu’ils font. À 80 %, les parents d’enfants de 5 à 16 ans et les enseignants utilisant Internet recherchent surtout des contenus éducatifs, culturels ou scientifiques. Les enseignants, avec 62 % des connexions en novembre 2005, sont la population la plus équipée – je ne dis pas la plus utilisatrice. Enfin la présence d’enfants de moins de 15 ans incite de façon très significative les familles à s’équiper. Cet essor des Tice, qui bouscule l’école, résulte des efforts conjugués de l’Éducation nationale et des collectivités territoriales qui, par une volonté soutenue, ont permis une progression régulière du volume et de la qualité des équipements. L’opération du Conseil général des Landes – novatrice et originale en 2001, imitée par d’autres départements, souvent relayés par les médias, qui se targuent de l’originalité de leur initiative – illustre bien cette priorité de l’investissement des collectivités territoriales.

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Premier élément : l’accompagnement de l’Éducation nationale à l’opération « un collégien, un ordinateur portable » 1. L’accompagnement par la formation Dès mai 2001, c’est-à-dire avant la première expérience autour de trois collèges de l’année 2001-2002, des formations ont été mises en place pour les enseignants pour permettre l’accueil et l’intégration des ordinateurs à la rentrée suivante. Depuis 2001, environ 6 000 journées stagiaires ont été réalisées, concernant 900 professeurs des classes de troisième. Cette formation, outre un volet prise en main de l’ordinateur, comporte un axe pédagogique fort pour intégrer cet outil dans les disciplines d’enseignement. Les inspecteurs d’académie, les inspecteurs pédagogiques régionaux, et mêmes les inspecteurs généraux, participent à ces stages. 2. Des emplois d’assistant d’éducation ou de vie scolaire À ce jour, dans les 34 collèges landais, 45 assistants d’éducation ont été rejoints à la rentrée 2005 par 21 emplois « vie scolaire » lors de l’extension de l’opération aux élèves de quatrième. C’est un budget qui, en masse salariale, représente 700 000 € par an. 3. L’engagement des chefs d’établissements auprès de leurs équipes Ils sont pilotes au quotidien de cette opération. 4. L’éducation à l’usage de l’Internet et notre responsabilité sur la protection des mineurs Le développement de l’usage d’Internet s’est accompagné d’une réflexion importante sur son usage dans le cadre pédagogique, et sur la question citoyenne de cette protection des mineurs. Cette éducation à une posture d’utilisation se construit notamment au travers d’une technique, c’est-à-dire un double contrôle des réseaux pour un usage sécurisé, à deux moments : – a priori, par un dispositif technique qui empêche l’accès à des sites interdits : en jargon interne les listes blanches, ou les listes noires, – a posteriori, par un contrôle basé sur l’analyse des fichiers historiques qui permet de rechercher si les règles d’usages ne sont pas détournées. Cela peut aller jusqu’à un contrôle des disques durs des ordinateurs. Deuxième élément : le champ citoyen et éducatif Une charte d’usage des Tice est intégrée au règlement intérieur des établissements, collèges et écoles, qui concerne toutes les personnes susceptibles d’utiliser Internet, élève comme adulte. Elle vise une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible et une attitude de responsabilité dans l’utilisation des outils interactifs. Troisième élément : le B2i Le Brevet Informatique et Internet (B2i) développe des compétences techniques, des savoir-faire, mais également des connaissances réglementaires des droits et des obligations.

Je souligne, ici, le partenariat étroit avec l’association des maires des Landes, avec l’agence landaise pour l’informatique, et avec les associations partenaires de l’école qui, régulièrement, organisent des conférences auxquelles nous participons pour sensibiliser les parents, et toutes les personnes intéressées, à la dimension civique des Tice. Dialogue et confiance caractérisent la qualité de ces relations partenariales.

MME LINDA SALAMA

Quels nouveaux développements des Tice à l’école ? Les Tice sont présentes de façon explicite dans les programmes. – Dans le premier degré, les supports numériques sont cités dès l’école maternelle, puis de façon récurrente. Les compétences du Brevet Informatique et Internet de niveau 1 font partie des programmes des cycles 2 et 3, c’est-à-dire du CP au CM2. – Dans le second degré, les nouveaux programmes de mathématiques, de technologies et de sciences de la vie et de la Terre pour la sixième, et le cycle central des cinquième et quatrième, identifient les activités pouvant conduire à la validation des compétences du B2i. Le socle commun de connaissances et de compétences, qui doit être un repère en fin de scolarité obligatoire, comprend la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Comme les six autres compétences clés, cette maîtrise est un élément structurant le parcours de l’élève. ----J’évoquerai quelques mesures du plan en faveur du développement des Tice présenté par M. le ministre, le 14 septembre dernier : Première mesure Les enseignants en cours de formation, cette année en IUFM (professeurs stagiaires de collèges et de lycées, professeurs stagiaires des écoles), se verront remettre une clé USB contenant toutes les ressources pédagogiques numériques disponibles au ministère de l’Éducation nationale. Deuxième mesure Le développement des espaces numériques de travail (ENT), ces bureaux virtuels à entrées multiples, que chacun (parents, enseignants, élèves, collectivités, adultes curieux) peut ouvrir et auxquels il peut accéder. Dans ce département des Landes, une expérience se déroule, dans certains collèges, autour de la construction d’une « brique scolaire » qui permet à des parents et à tous ceux qui sont intéressés, d’accéder au cahier de textes, à des ressources documentaires. La mise en réseau de ces différents lieux de culture et d’éducation, à travers un « espace numérique de travail » (ENT), sera à développer fortement dans les années et mois à venir. En Allemagne par exemple, non seulement les mairies et les associations qui travaillent sur l’aide aux devoirs, mais également les établissements scolaires et les bibliothèques, sont ensemble présents sur un réseau. Troisième mesure À partir de la session 2008, le B2i sera obligatoire dans le Brevet des collèges.

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Quatrième mesure La création d’un livret scolaire électronique, appelé Porte-Folio, en commençant par un livret scolaire des compétences en langues vivantes, et qui s’appuie sur le référentiel de compétences européen : dès 2007, tous les collégiens en seront pourvus et en 2008, toutes les écoles. Progressivement, toutes les disciplines devront trouver leur place dans ce livret électronique. Pour conclure, si les élèves sont des utilisateurs réguliers des Tice, et des consommateurs spontanés de la communication (confer leur mobile), il me semble que l’école doive investir ces médias pour dépasser l’utilisation qui, actuellement, pour ces élèves reste encore trop ludique : ils utilisent beaucoup les « chats », ils communiquent entre eux, mais nous devons, nous éducateurs, leur permettre d’aller au-delà de cette première approche – avec laquelle ils sont à l’aise et qu’ils apprécient – pour leur faire découvrir de plus grandes richesses intellectuelles. Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite deux belles journées fructueuses d’échanges et d’innovations.

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10 H 30 > 12 H 00 / / / PREMIÈRE TABLE-RONDE APPRENTISSAGE DES LANGUES VIVANTES : RETOURS D’EXPÉRIENCES ET MISES EN ŒUVRE D’ACTIONS

/ / / PREMIÈRE TABLE-RONDE

----Mme Natacha Polony Modératrice L’apprentissage des langues vivantes, voilà le premier chantier à évaluer dans cette opération lancée par le Conseil général des Landes. Les langues vivantes sont, sans doute, le domaine où l’intérêt des nouvelles technologies et du multimédia apparaît de façon la plus flagrante. Faciliter la circulation du matériel audio, prolonger la confrontation de l’élève avec la langue, sont des éléments intéressants pour l’enseignement des langues vivantes, qui permettront peut-être d’améliorer les performances des élèves français en la matière puisque, nous le savons tous, la France est assez mal placée dans ce domaine. En 2004, une étude comparative sur huit pays avait montré que, chez les jeunes de 15 ans, les jeunes français obtenaient des résultats nettement inférieurs à ceux de leurs homologues européens, sachant que les résultats 2002 avaient baissé par rapport à ceux de 1996. Comment remédier à cette défaillance ? Comment les outils multimédias peuvent-ils permettre d’enrayer cette dégradation des compétences des élèves français en matière de langues vivantes ? Comment les élèves vivent-ils cette confrontation avec les outils multimédias ?

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> Premier film témoignage Question : Comment avez-vous utilisé l’ordinateur en anglais cette année ? Élève (garçon) : Avec des fichiers-son et des vidéos que nous donnait le professeur d’anglais sur le réseau du collège, par exemple quelqu’un qui raconte des spectacles qu’il fait à San Francisco. Il parlait assez vite, avec un accent américain, donc il fallait bien comprendre et différencier de l’accent anglais. Le prof nous posait ensuite des questions sur la vidéo, sur ce que faisaient les gens dans la vidéo. Claire : On a lu des textes, écouté des extraits oraux de Jamel Kylin, une scène qu’on a apprise pour aller en voyage : on l’écoutait pour savoir comment prononcer, on faisait des compréhensions orales. Et après on avait des exercices. Question : Donc c’était du travail qui était fait à la maison plutôt qu’en cours ? Claire : Oui, il fallait le préparer à la maison et après, on devait y travailler en classe. Question : Avez-vous eu du mal avec cette façon de travailler ? Claire : Quelquefois, c’était dur de prendre du temps pour écouter le texte, il fallait l’écouter plusieurs fois pour bien le comprendre et être prêt pour le lundi. Élève (garçon) : Au début, j’avais du mal à comprendre, je n’étais vraiment pas habitué à l’anglais comme ça… Les textes en classe avec les cassettes, c’était lent ; on comprenait facilement. Là, le rythme change. Maintenant, ça va. Question : Est-ce que cela t’a plu ? Claire : Oui, parce que ça motive quand on se dit qu’on va aller sur l’ordinateur, alors que sur le papier c’est plus long. C’est mieux de taper sur des touches de clavier. Élève (garçon) : On comprend plus facilement. Avant quand je regardais un film en anglais, j’étais un peu largué, j’avais du mal à suivre, tandis que maintenant, écouter sur un ordinateur l’accent anglais, la façon de parler, cela m’aide mieux. Même si je ne comprends pas la phrase entièrement, je comprends la plupart des mots, donc je finis par comprendre le sens. Claire : On écoute beaucoup de chansons anglaises sans comprendre ce qu’elles disent. Avec tous ces exercices, on arrive quand même à comprendre un peu le sens général. Élève (garçon) : C’était quand même utile. Après, au lycée, quand on n’aura plus l’ordinateur, on va revenir aux anciennes méthodes : ce sera un peu plus dur.

Élève (fille) : La première année où l’on n’avait pas les ordinateurs, j’avais du mal, je ne comprenais pas ; la deuxième année, avec les vidéos et les logiciels, j’ai commencé à comprendre et maintenant ça va mieux. Élève (garçon) : On a vu des clips de musique, on a essayé de comprendre les paroles. Sur l’ordinateur, on les a récupérés et on pouvait les écouter chez nous pour comprendre et dire le moment qu’on préférait. Grâce à l’ordinateur, on a pu voir des images, des peintures, les décrire, imaginer ce qu’elles représentaient. Ensuite à Madrid on les a revues… Élève (fille) : J’ai bien aimé les peintures ; il fallait les décrire, déjà cela nous apprenait du vocabulaire et cela nous apprenait des peintres espagnols. Quand nous sommes allés en Espagne, en visitant les musées on a vu tous ces tableaux, c’était bien. Élève (garçon) : Avec l’ordinateur, chez nous, on pouvait voir et se familiariser avec les peintures. Après, rien qu’en regardant un tableau, on pouvait déduire le nom du peintre, rien que par son style. Cela nous a été possible par l’ordinateur puisqu’on pouvait le voir énormément de fois. Élève (fille) : À la maison, on devait aller sur Audacity, et enregistrer des fichiers-son ; on était notés sur le débit, la prononciation, l’accentuation des mots. On avait un texte à lire, et on le lisait à notre façon, on avait un modèle, on devait s’aider. Élève (garçon) : Pendant le voyage en Espagne, on a pris des photos dans différentes villes. Au retour, sur StarOffice, on devait effectuer un diaporama par équipe de trois, et expliquer ce qu’on avait vu et fait en Espagne aux élèves qui n’avaient pas participé au voyage. Élève (garçon) : On a aussi vu sur l’ordinateur de petites scènes de comédie entre plusieurs personnages : on avait le dialogue et on devait les refaire en cours en imitant ce qu’on avait vu. Élève (garçon) : Ce que j’ai trouvé intéressant sur l’ordinateur, ce sont les logiciels qu’on a testés et avec lesquels on a joué. C’est mieux que de travailler sur papier, et ça donne plus envie. Par exemple, « Campeon », ça consistait à faire un match de tennis. Il fallait trouver des verbes et les conjuguer, si on trouvait le bon verbe on marquait un point, comme dans une partie de tennis.

----> Deuxième film témoignage Élève (fille) : Sur deux ans, on a regardé pas mal de vidéos, de clips sur l’ordinateur, cela nous a aidés à mieux comprendre, à mieux prononcer. Pour l’accentuation, c’était bien. En plus, on pouvait les regarder chez nous si on voulait. Élève (fille) : C’était surtout intéressant pour la compréhension et l’accentuation des mots. Comme ils parlent vite, cela nous a aidés pour le voyage en Espagne. On pouvait regarder à nouveau chez nous pour apprendre à bien parler. Élève (garçon) : J’ai bien aimé les exercices où on devait écouter et choisir la bonne orthographe entre plusieurs mots, cela nous apprenait les différences de prononciation entre les sons et cela m’a beaucoup aidé pour la prononciation. Élève (garçon) : Moi, c’est surtout les vidéos qui m’ont aidé à comprendre ce qui se disait, grâce à l’image et au son.

----Modératrice La preuve par l’usage ! À travers les témoignages de ces élèves, nous voyons déjà apparaître les différents points qui vont être abordés ici. La question de la rapidité dans l’exercice, la question essentielle aussi de la part culturelle de l’enseignement des langues vivantes à travers les tableaux de Velasquez et Goya. Anne-Marie Wommelsdorf va développer ces questions, et nous montrer ce qu’apportent réellement les outils multimédias.

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MME ANNE-MARIE WOMMELSDORF, INSPECTRICE D’ACADÉMIE, IPR D’ESPAGNOL ACADÉMIE DE BORDEAUX

----Mme Wommelsdorf On peut se dire que l’essentiel a été dit par les élèves, dans ces deux petits films. Je peux, en l’espèce, développer un certain nombre de points. 1. L’exposition à la langue est prolongée en dehors de la classe, et la communication se fait au travers de documents authentiques. « Document authentique » ne veut pas dire que, dans les manuels scolaires, les documents ne soient pas authentiques mais – et cela a été très bien souligné par les élèves – qu’ils ne le sont pas au niveau du débit. Avec les ordinateurs, les gens qu’ils entendent, parlent comme dans la vie, ce qui n’est pas le cas en classe. Très souvent, les professeurs, en toute bonne foi et pour aider les élèves, ont tendance à ralentir leur débit. Ils ont bien sûr un espagnol tout à fait authentique au niveau de la qualité de la langue, mais au niveau du débit, chaque professeur a tendance à ralentir pour se faire comprendre, et à bien articuler… Quand des élèves sont confrontés aux habitants, quand ils partent en voyage, ils se retrouvent face à des gens qu’ils ne comprennent pas du tout, car ils parlent plus vite et n’articulent pas.

2. L’autonomie de travail se retrouve dans les témoignages de ces élèves. On sait très bien que c’est très difficile de travailler seul, qu’ils ont besoin d’être encadrés. Le portable peut leur servir d’encadrement, puisque le travail est cadré avant, et qu’ils n’ont plus qu’à appuyer sur les touches pour suivre ce qu’il y a à faire. On se rend compte, et ils l’expriment d’ailleurs, que s’il devait travailler exclusivement sur l’écrit, ils ne prendraient pas autant de temps, alors que lorsqu’ils utilisent l’ordinateur, ils écoutent et répètent. Il y a un temps de travail bien plus important.

MME ANNE-MARIE WOMMELSDORF

3. Un des bénéfices que je retrouve dans les classes lorsque je vais en inspection, c’est l’amélioration de tout ce qui est prosodie, c’est-à-dire de la prononciation, de l’accentuation. Là, on voit tout le bénéfice du travail qui est fait grâce à l’ordinateur portable : prononciation et accentuation se sont nettement améliorées, dès la quatrième maintenant. Cela a été évident pour moi quand je suis allée dans les collèges, au 2e trimestre l’an dernier, les élèves de quatrième avaient très vite pris une imprégnation qui se retrouve dans la manière même de prononcer et d’accentuer. 4. Dans les classes de troisième, la dédramatisation de la prise de parole en grand groupe. Autant les élèves qui débutent aiment parler parce qu’ils ont envie de s’exprimer, autant quand on arrive en troisième, c’est plus difficile, ces classes d’adolescents deviennent moins actives. La pratique de la langue en dehors de la classe fait que, lorsqu’ils se retrouvent en classe en grand groupe, cela dédramatise énormément la prise de parole. Il y a moins de « honte », de pudeur, de timidité, ou je ne sais pas… mais c’est tout à fait flagrant. 5. Un troisième avantage très important, tout ceci amène à une valorisation de l’élève qui entend ses progrès. Quand l’élève se bloque, quand il dit : « Je suis nul en espagnol », il n’y a plus grandchose à faire. Grâce à tout ce travail fait en dehors de la classe ou dans la classe, il a une meilleure perception des progrès qu’il réalise. Et cela, c’est peut-être la plus belle chose qui puisse arriver à ces élèves.

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M. HOWARD BENNETT ENSEIGNANT FORMATEUR D’ANGLAIS AU COLLÈGE DE SAINT-PIERRE-DU-MONT (40)

tique ou comique pour les élèves, en faire la transcription, soit par la méthode empirique (en écoutant et en transcrivant en même temps), soit par téléchargement sur Internet en tapant friends.transcripts : en trois secondes, tout est là !

M. HOWARD BENNETT

– Suite de la préparation du contenu : pour prolonger le temps d’écoute en classe, je voulais uniquement le travail du son, donc empiriquement, j’ai enregistré la bande-son du dialogue entre Joey et Phoebe. Puis j’ai procédé à la suppression d’un personnage : une version sans Joey, puis une version sans Phoebe. Ainsi, les élèves s’entraînent à la maison, en insérant leur texte dans les blancs, comme s’ils étaient en scène devant les autres élèves. En classe, les élèves se mettent face au tableau blanc. Je projette la vidéo en muet, avec les sous-titres, les élèves reproduisant les voix des personnages.

----Modératrice Nous allons maintenant voir concrètement quel est le travail des enseignants dans cette mise en œuvre des outils multimédias – le témoignage précédent était flagrant là-dessus. Les élèves se sentent, vous le disiez, valorisés ; ils ont l’impression de voir leurs progrès. Comment vous y prenez vous ? Quels exercices faut-il mettre en place ? Quel est le travail de l’enseignant ? On perçoit immédiatement la partie orale du travail. Mais quels outils pour améliorer aussi l’écrit des élèves ? M. Bennett Notre matière des langues vivantes est découpée en quatre compétences : la compréhension de l’oral, la compréhension de l’écrit, la production de l’oral, la production de l’écrit. C’est une table-ronde sur les langues, et si vous n’êtes pas linguiste, je vais expliquer quels outils on utilise en cours pour chacune de ces compétences. > Compréhension de l’écrit Nous nous posons tous des questions : la compréhension de l’écrit est-elle vraiment facilitée par les Tice ? ou le bon vieux manuel scolaire papier a-t-il toujours sa place ? > Production de l’oral, compréhension de l’oral, production de l’écrit – Cours numérique Je vous montre ce qui a été fait par le professeur, et ce qui a été fait par les élèves, dans une classe de troisième sur la production orale : il s’agissait de les amener à doubler une scène tirée de la série TV Friends. – La création du contenu est très importante pour faire un cours à partir d’une séquence multimédia. J’ai retenu une feuille d’activité dans le magazine pédagogique The New Stendpoints, tirée de l’épisode 11 de la série 5, qui date d’une dizaine d’années. Il a fallu extraire du DVD quelques scènes intéressantes d’un point de vue linguis-

On démarre la séquence à l’oral, avec mise en commun de toutes les connaissances : What do you know ? Who are the main characters ? Avec seulement un écart naturel d’information, parce que le groupe A a des informations et le groupe B d’autres. Je projette uniquement le début de l’épisode, de manière à identifier les personnages, avec mise en commun de l’action principale : ici, tout tourne autour des bonnes résolutions prises par les personnages. On visionne en intégralité l’épisode (22 minutes) de façon non inerte : les élèves ont une quinzaine d’actions à caser dans le bon ordre ; il ne s’agit pas seulement de regarder la télévision pendant le cours d’anglais. À la fin, on garde une toute petite trace écrite par la mise en commun des idées pour se rappeler les personnages. Ensuite, j’explique le travail que les élèves ont à faire à l’oral. Ils ont vu les trois scènes, ils doivent choisir une scène et un partenaire. Devoir audio 1 À la maison, le mercredi : les élèves ont copié les fichiers audio sur le réseau du collège, ils ont la transcription et le fichier-son complet, donc ils peuvent écouter entièrement les deux rôles. Ils ont cinq jours pour s’entraîner. En classe, le lundi matin… – Je répartis les élèves en trois groupes et on commence une activité théâtre. Je leur demande d’examiner, réplique par réplique, quels sont les personnages pour ajouter « de la couleur » à la palette vocale. « Est-ce qu’ils sont en colère, épatés, attristés ? » L’élève doit trouver le chemin du personnage. – Puis A travaille avec B, C, D et E, donc en changeant de partenaire. Donc Joey travaille avec les quatre, cinq ou six Phoebe, ensuite on inverse les rôles. Joey joue le rôle de Phoebe afin de voir différents aspects – « Celui-ci fait ça, ce n’est pas mal, tu pourrais l’intégrer » –, en les poussant dans l’exagération. Ce sont des scènes comiques, ils ont un peu de pudeur à jouer la comédie en classe ; ils ont peur d’être ridicules. Je leur explique qu’il faut exagérer tous les gestes de surprise, de tristesse… Deux ou trois groupes sont toujours plus avancés et motivés dans le travail : ce ne sont pas forcément les élèves les plus forts à l’écrit – ceux-là sont aussi souvent les plus ti-

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mides en classe –, mais ceux qui ont 9 ou 10 de moyenne. Ils s’investissent totalement et veulent jouer. Je les fais passer pour leur montrer ce que j’attends d’eux en séance 3, le lendemain. Devoir audio 2 Je donne le fichier éclaté. Ce sont les derniers entraînements. Je montre à certains comment s’enregistrer avec Audacity, et mixer les deux pistes ensemble pour créer sa propre bande-son ; c’est le devoir. > Production orale Le lendemain : passage à l’acte en cours. Dix minutes d’entraînement pour respirer et leur montrer qu’ils ne « vont pas mourir ». Les sous-titres sont masqués. Je distribue les rôles du tournage. Un élève filme avec le caméscope… Devoir 3 (pas de devoir audio) Un troisième texte pour terminer les exercices de grammaire sur la fiche d’activité. À ceux qui étaient intéressés par les Tice (autrement qu’en anglais) et souhaitaient apprendre à faire du montage vidéo, je distribuais les fichiers-son de leur travail, ensuite ils créaient leur propre film, leur propre montage comme souvenir et valorisation. Pour la fête du collège, en fin d’année, certains ont gravé le CD avec tout leur travail numérique pour le montrer à leurs parents. On va plus loin, on casse le cadre de la classe : « Regarde ma prestation, j’étais super, j’étais dans le zoom ». > Premier film devoir Concernant le dialogue, ils sont obligés de respecter les pauses, les voix, de ne pas faire du tac au tac. Il y a beaucoup de tennis verbal, c’est très difficile à faire pour les élèves. Ils sont synchrones avec le texte. Ils ont dix minutes de prestation, les élèves sont admirables. Je suis très content, c’était une production intéressante. > Second film devoir L’élève qui a monté le film, je ne sais pas où il l’a pris ces extraits : il a coupé des scènes d’un film, il y a des voix espagnoles derrière… La prestation est à l’image de l’élève, c’est un élève très « strass et paillettes », il aime beaucoup montrer, avec très peu de substance derrière. Sa prestation orale dure quinze secondes : il a repris les fichiers-son que j’avais donnés pour s’entraîner, il les a collés sur sa voix et celle de son copain. Il a repris des bruits et doublé les élèves euxmêmes en train de doubler, mais ils sont synchrones. Il y a détournement du but du projet qui était de faire une production orale, mais en tant que projet Tice, il a fait tout cela lui-même : je ne lui avais rien montré. Cela prouve que les élèves sont gourmands et ouverts à toutes les utilisations de l’ordinateur aujourd’hui.

Ça marche à fond. Ils se donnent vraiment et le résultat est, pour moi, valorisant. J’ai fait ce travail l’an dernier, en trois séances, une semaine avant de rendre les ordinateurs. Je vais le faire plus tôt cette année, avant les vacances de la Toussaint.

M. HOWARD BENNETT

Autre exemple > Compréhension orale Toujours un cours numérique, cette fois-ci avec une classe de troisième et un peu de quatrième. Le professeur dispose d’un document sur papier. À partir de cette très vieille image des années soixante-dix, j’ai numérisé, découpé, préparé un diaporama pour le montrer aux élèves image par image. J’établis une liste d’une trentaine de phrases qui décrivent ce qui passe dans le diaporama. J’en fais l’enregistrement dans le désordre. Ce document peut également être utilisé en espagnol et dans toutes les langues. Si vous le voulez, je vous le donnerai, car il faut toujours partager les ressources ! – Séquence 1 : Passage du diaporama. Les élèves décrivent ce qui se passe : The man is telephoning. Je ne donne pas de traces écrites à la fin de l’heure, l’élève va les créer lui-même en autonomie, mais en étant très guidé. On fait des activités pour que les élèves aient tous les mêmes traces écrites : plutôt que d’arrêter dix minutes avant la fin de l’heure, les élèves font quelque chose de beaucoup plus conséquent. > Devoir 1 Les élèves ont le fichier-son des trente phrases enregistrées et l’image. Ils écoutent : la phrase 1 correspond à l’image 6, la phrase 2 correspond à l’image 2 ; ils font un travail d’association. Si la classe est un peu faible, je donne quelques indices, ainsi ils savent où ils en sont. Cela prend 20 à 25 minutes, la plupart des élèves arrive facilement à le faire. Ensuite, ils font la transcription ou dictée des trente phrases dans leur cahier. Le lendemain, on vérifie – Je travaille étroitement avec ma collègue Myriam Carrier sur l’idée d’une correction autonome. L’élève travaille en autonomie, ce n’est pas la correction habituelle pendant laquelle dix élèves participent et les autres somnolent. Nous avons eu l’idée de créer des exercices dans Hot Potatoes. Il y a deux ans, c’était le point clé de nos projets. Cela devient maintenant quelque chose de secondaire par rapport à tout ce qu’on fait en numérique. On donne les trente phrases aux élèves dans le désordre, ils doivent fabriquer la phrase qu’ils ont déjà entendue. L’élève vérifie l’orthographe de la phrase qu’il a créée à la maison hier soir avec les exercices, en mettant les mots dans le bon ordre. – Séquences 2, 3 et 4 On a tous le même texte, donc on peut tous faire le même travail. On change tous les verbes, on les met au présent. Le lendemain, correction. Un élève vient sur mon ordinateur en mode correction. Mme Salama indiquait que les élèves utilisent les ordinateurs pour « chater » à la mai-

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son : ils ont maintenant une rapidité dactylographique qu’il est intéressant d’exploiter en classe. On l’a vu en affirmation. On le fait en interrogation. Le lendemain matin, on le corrige, en le transformant au prétérit. C’est là qu’on voit qu’on est un bon professeur, car on n’a inséré que des verbes irréguliers sans le faire exprès ! Et l’on pose des questions au prétérit.

MME MARTINE HAMEL ENSEIGNANTE D’ESPAGNOL AU COLLÈGE VICTOR DURUY DE MONT-DE-MARSAN (40)

MME MARTINE HAMEL

– Séquence 5 Je donne un nouveau diaporama, même devoir : association, transcription des trente phrases. Ils l’ont déjà fait une fois ; les élèves sont en autonomie, ils ont déjà fait le trajet. Lors du deuxième diaporama, il n’y a pas de questions, les élèves ont compris. – Séquence 6 Exercices autocorrectifs. Pendant ce temps-là, j’invite des élèves à enregistrer le premier devoir. Ils vont en faire un film, en diaporama. J’insère leur audio, et on a un petit souvenir numérique du travail fait pendant deux ou trois semaines. L’année suivante, j’utilise le même diaporama : ils adorent utiliser les mêmes fichiers chaque année. C’est sans fin ! C’est très bien un document numérique, il y a trente-six points de départ et trente-six points d’arrivée…

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----Mme Hamel En espagnol, nous essayons aussi d’être novateurs ! Et on se retrouve de temps en temps pour échanger des choses qu’on a trouvées. Ma présentation sera très modeste par rapport à celle d’Howard. Ce fichier a été trouvé sur le site radialista.net où plein de fichiers-son libres de droits sont disponibles : on peut les utiliser, les récupérer et faire des petits travaux avec les élèves. Celui-là, je l’ai fait en fin de quatrième ; je le recommencerai beaucoup plus tôt cette année car il a suscité un certain enthousiasme. Dans notre enseignement, quand on parvient à susciter de l’enthousiasme, on a pratiquement gagné 50 % de la bataille. Avec ces ordinateurs portables, passé les questions techniques, on peut trouver des choses intéressantes… Il faut remercier les aides éducateurs – il y a des problèmes techniques qu’on ne maîtrise pas tous –, souvent ils nous dépannent. Je vais vous faire écouter ce spot publicitaire, ce sont des choses qui séduisent l’oreille, et à partir du moment où l’on a séduit l’oreille, on a déjà entamé le travail pour faire goûter à notre langue. Écoutez un tout petit peu… > Spot 1. Spot 2. Spot 3. C’est le document de base que je fais écouter à la classe : il plaît beaucoup aux élèves. En général, ils répondent très favorablement à cette écoute parce que c’est assez gai. Il y a des mots répétitifs. On permet à des enfants qui, dans une classe, n’ont pas le même niveau d’avoir chacun une place. J’ai élaboré cette fiche : il y a un travail modeste pour ceux qui ont le plus de difficultés, un travail pour ceux qui se débrouillent déjà assez bien, et un autre pour ceux qui se débrouillent très bien. On a écouté ensemble, chacun a eu sa tâche. Ils sont par groupes, avec trois tâches différentes : groupe 1 pour le spot 1, groupe 2 pour le spot 2, groupe 3 pour le spot 3. Ensuite, on échange. Pendant le cours, ils ont téléchargé le fichier-son.

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Le soir à la maison, ils ont une petite fiche dans laquelle j’ai enlevé des mots. Chaque élève a son travail à réaliser, chacun doit mémoriser sa partie en ayant complété sa fiche. Comme Howard, je leur donne quelques jours de délai pour qu’ils aient le temps de s’entraîner. Quand on se retrouve en classe, chaque groupe réalise son spot. Je baisse le son quand les intervenants parlent, et ce sont les élèves qui font le doublage. C’est quelque chose qu’on fait assez souvent. Et je m’aperçois que leur accent s’améliore, qu’ils ont plaisir à parler, qu’ils n’ont plus cette retenue que l’on note chez les adolescents : « Je n’ose pas parce que je vais me tromper ». Ils n’ont pas de souci, ils ne vont pas se tromper, ils imitent, et quand on a acquis l’imitation, on se lance plus facilement pour les cours suivants. Un pont vers l’écrit J’ai eu le plaisir et la chance, l’année dernière, d’emmener des élèves dans le cadre d’un projet Comenius. L’ordinateur nous a été fort utile : les élèves ont eu tout le temps de « chater », « tchatcher » – chatear : ils ont d’abord rencontré leurs correspondants que nous avons reçus au collège pendant quinze jours, avant de partir, eux-mêmes, quinze jours. Ils ont reçu leurs correspondants mais ils avaient fait connaissance avant : j’avais préparé le courrier traditionnel, habituel, mais ce n’était pas la peine de l’envoyer parce qu’ils avaient déjà échangé, sur MSN, avec leurs correspondants et, tous les matins, ils me disaient : « J’ai appris tel mot et telle expression ». J’ai trouvé tout cela extrêmement riche. À la fin de notre séjour, nous avons fait un DVD ; je vais vous le diffuser : je crois qu’il est important que vous ayez conscience qu’avec l’ordinateur, on peut faire des choses… Ce dessin a été réalisé par une de nos élèves en cours d’arts plastiques. Vous avez reconnu l’image qui nous a guidés : c’est Don Quichotte qui nous a permis de partir en voyage. Au retour, ils ont réalisé ce diaporama, tous les dessins ont été faits par les élèves. Pour le montage, l’aide éducateur m’a pas mal aidée parce que je ne suis pas techniquement capable de tout faire. Ensuite, nous sommes passés à l’écrit. Chaque élève, par groupe, devait écrive une lettre à Don Quichotte ou à Sancho Panza, en faisant le lien entre le livre de ses aventures et leurs découvertes dans le pays, il écrivait donc : « ¡ Hola Sancho ! ». Ils ont appris à écrire une lettre, ils ont découvert le monde de Don Quichotte et de Sancho Panza…

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MELLE MYRIAM CARRIER ENSEIGNANTE D’ANGLAIS AU COLLÈGE DE SAINT-PIERRE-DU-MONT (40)

MELLE MYRIAM CARRIER

----Melle Carrier Je vais passer, après des choses très belles, très impressionnantes, à quelque chose « qui en jette moins », mais qui a autant d’importance dans l’apprentissage des langues étrangères : la production écrite. J’ai choisi de vous montrer une séquence que j’ai mise en place pour les classes de troisième SEGPA. C’est-à-dire avec des élèves qui ont des difficultés d’apprentissage très conséquentes ; c’est un public différent, qui a un manque certain ou un certain manque de motivation, pour l’anglais en tout cas. Production écrite Utiliser l’ordinateur, pour eux c’est déjà un but, pour moi ce n’était pas le seul. Pour votre information, ces élèves possèdent sans doute la banque d’images la plus fournie de tous les collégiens, dans notre collège en tout cas. Je me suis demandé comment joindre l’utile à l’agréable et leur apprendre quelque chose d’utile, si possible en anglais, et d’agréable en se servant de ce bel outil qu’est l’ordinateur. Une partie de la réponse, c’est le WebQuest. Un WebQuest c’est la version actuelle, moderne, des recherches que l’on effectuait dans le passé, il n’y a pas si longtemps, comme j’ai pu le faire moi-même, dans de beaux ouvrages reliés. L’objectif reste, de toute façon, de présenter, sous forme de dossier, une synthèse écrite du thème qu’on a choisi. Avec les SEGPA, j’avais choisi d’aborder un aspect de civilisation, car les points de langue et de grammaire sont beaucoup plus difficiles pour eux. J’ai pensé que la civilisation allait leur ouvrir d’autres portes, un autre univers, que ce serait déjà plus attrayant pour eux ; j’ai choisi l’Australie. C’est une approche très guidée par rapport au public concerné. Les élèves ont procédé en cinq étapes.

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Première étape La recherche d’images : je vous présente la feuille papier qu’ils ont reçue. Dans leur ordinateur, ils devaient rechercher des images sur l’Australie, en fonction de thèmes particuliers. Ce support papier leur était utile pour noter : « J’ai trouvé çà… » au fur et à mesure. Pourquoi commencer par la recherche d’images ? Parce que c’est beaucoup moins fastidieux que la recherche d’information : les images les attirent beaucoup plus. Deuxième étape L’utilisation de l’ordinateur : organiser toutes les images qu’on a récoltées, faire un dossier sur son ordinateur, nommer les images, faire un dossier compressé et me l’envoyer dans ma boîte mail. Troisième étape Étape moins amusante pour les élèves. Cette fois on touche à l’objectif : je leur fournis le support papier, ils doivent rechercher les informations spécifiques. Où vont-ils ? sur Google.fr, dans les encyclopédies disponibles sur les ordinateurs, dans tout ce qu’ils veulent, la porte est grande ouverte. À eux de sélectionner les informations, de faire leur choix. À ce moment-là, je leur glisse deux ou trois consignes : comment choisir les bonnes ressources ? quel est le meilleur site ? Ils remplissent ce papier où les mots clés sont écrits en français – vous verrez plus tard comment on travaille avec la langue anglaise. Quatrième étape Le but de toutes ces recherches, c’est l’écriture. Le but du WebQuest est d’écrire un paragraphe, plus ou moins long en fonction de son niveau, sur le thème choisi. Donc des consignes très claires : organiser ses idées, écrire des phrases correctes et pas trop longues, faire attention à l’orthographe. Les élèves ont travaillé en langue française, cela aurait été un peu difficile de le faire en anglais. Ce travail s’étale plusieurs semaines, un mois et demi en tout. Ils auront organisé les informations, ils auront recopié leur texte, utilisé le Web – on est en plein dans le B2i. Que se passe-t-il par la suite ? Ils rendent un document bien présenté : c’est un aspect qu’ils adorent parce que, finalement, ils vont avoir entre les mains le fruit de leur travail. Ils vont présenter un document fini, numéroté, etc. Tout travail mérite salaire, et pour ces élèves-là c’est encore plus important ! Je leur avais donné une fiche d’évaluation de leur dossier. Je tenais à récompenser leur investissement tout au long de la séquence : le choix des photos et leur présentation, l’importance donnée à l’utilisation de l’informatique, du web […], l’objectif étant qu’ils se rendent compte qu’ils avaient mémorisé des choses à leur insu, au fur et à mesure des séances.

Comme c’était mon objectif, à un moment donné j’ai testé leurs connaissances. J’ai créé deux exercices dans Hot Potatoes. Le premier, très simple, en français, avec des informations basiques ; si on cliquait sur une mauvaise réponse, il y avait des encouragements et des explications. Le deuxième, beaucoup plus compliqué, faisant davantage appel à leur mémoire, un « exercice à trous », avec un texte en français. Ils devaient remplir les blancs avec les mots clés trouvés au fur et à mesure de la séquence, avec toujours l’idée d’interaction et d’autocorrection. Tout cela, pour arriver au test final. Un test sur papier, avec des informations vraies et des informations fausses. Un test de connaissances qui fait une synthèse de tout ce qu’ils auraient dû apprendre tout au long de cette séquence.

MELLE MYRIAM CARRIER

Quel est le bilan ? Pour moi, il est très positif. Ces élèves en difficulté, peu motivés, ont agi et ont surtout, ils ont appris à leur insu. Ils ont très bien réussi le test, avec une moyenne supérieure à 12, ce qui n’est pas mal. Ils ont appris sur le plan purement informatique, et ils ont appris sur l’Australie. J’ai personnellement été surprise et enthousiasmée que ces élèves de SEGPA aient tenu le coup sur un projet assez long, sur un mois et demi. Ils ont pris conscience d’avoir travaillé « super longtemps » sur ce thème, ils s’en sont trouvés regonflés, remotivés et valorisés. Aspect concret de ce travail Il leur reste un dossier papier qu’ils peuvent toucher, tenir dans leurs mains, c’est le fruit de leur travail, des heures qu’ils ont passées à travailler, dossier intimement lié à l’utilisation de l’outil qui les fascine, l’ordinateur. Cela leur permet de gagner en confiance, motivation et autonomie. Vous vous posez la question : où est l’anglais dans tout ça ? Avec ce public SEGPA de troisième, j’ai eu du mal sur ce plan-là. J’avais l’intention de travailler en anglais, sur le vocabulaire des mots clés et des informations trouvées, mais je n’ai pas pu aller au bout. Cela a pris tellement de temps que j’ai senti, au bout d’un mois et demi, qu’ils commençaient à se lasser, j’ai laissé tomber pour passer à autre chose ; néanmoins ce n’est pas un travail impossible. ----Deuxième exemple C’est une pratique que M. Bennett et moi-même avons depuis maintenant deux ou trois ans à l’occasion de notre projet de classe de troisième, c’est un WebQuest basé sur le sud-ouest de l’Angleterre, les Cornouailles, qui aboutit, cette fois avec des élèves de troisième générale, à des paragraphes documentaires sur des thèmes choisis. Même principe que ce que je viens de montrer, sauf que tout se fait en langue anglaise. Parmi cinquante thèmes, les élèves choisissent ce qui les intéresse ; ils vont visiter les sites sur Internet ou toutes autres sources autorisées ; ils les évaluent avec des fiches ; ils choisissent les informations ; ils prennent des notes, et, en binôme ou en trinôme, ils finissent par écrire un paragraphe sur le thème qu’ils ont choisi.

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On peut aller plus loin, les paragraphes sont écrits en langue anglaise – en plein dans la production écrite. Ils peuvent être utilisés en production orale : chaque élève présente ses thèmes devant l’ensemble de la classe, avec un petit questionnaire préparé à l’avance, qu’il distribue à ses camarades. Les autres sont écouteurs actifs : ils doivent remplir le questionnaire, cela fait aussi office de compréhension orale. Et l’on touche aussi à la production orale : quand va aller en Grande Bretagne, on les filmera sur les lieux visités, en train de parler du thème en question.

M. ROBERT LOUISON ENSEIGNANT FORMATEUR D’ESPAGNOL AU COLLÈGE D’HAGETMAU (40)

M. ROBERT LOUISON

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----M. Louison Je vais vous parler de la visioconférence qui regroupe à la fois la compréhension orale et l’expression orale. Petite anecdote Dans les années quatre-vingt, en voyage en Italie, comme tout bon touriste et linguiste à la fois, j’avais appris les mots qui me paraissaient indispensables, du style : « francobolli ? » (timbres) – à l’époque il n’y avait pas Internet, on était donc obligé d’acheter des timbres pour envoyer des cartes postales –, ou des phrases comme : « Est-ce que vous avez une chambre libre ? » Nous arrivons à Gênes. Très content de moi, je descends, je vais à la réception et je dis au réceptionnaire : « Avez-vous une chambre ? » Il me répond à toute vitesse et je ne comprends rien à ce qu’il me raconte ; il m’avait peut-être pris pour un Italien du Sud… Je me suis rendu compte à ce moment-là que la compréhension orale était fondamentale, alors que jusque-là j’avais toujours eu tendance à privilégier l’expression dans mes cours. J’ai alors décidé de faire travailler la compréhension, j’ai demandé l’achat d’un téléviseur avec une antenne pointée sur l’Espagne. Et je faisais systématiquement écouter de l’espagnol « authentique » une fois par semaine à mes élèves. Mais ce n’était pas complètement satisfaisant, dans la mesure où ils ne pouvaient pas garder de traces, et que je ne pouvais pas revenir en arrière. Quand l’ordinateur portable est arrivé, ce fut une véritable bénédiction. Visioconférence La méthode préconisée pour l’enseignement des langues, c’est de travailler sur des activités langagières. Avant on parlait de compétences, maintenant on parle d’activités langagières : l’interaction orale en est une en particulier. Et la visioconférence, c’est l’interaction orale dans toute sa splendeur : compréhension / intervention / réponse. Pour cela, le rectorat de Bordeaux a mis à disposition de tous les enseignants un site

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sur lequel ils peuvent se connecter pour faire de la visioconférence sans problème. Cela permet d’échanger en visioconférence (ce qui est la base), mais aussi en « chat », et de partager des documents. C’est très intéressant pour les langues vivantes, mais cela peut l’être pour d’autres disciplines… La visioconférence peut se faire bien entendu avec une classe d’élèves qui étudie le français, problème c’est que dans ce cas on ne se servira de la classe étrangère que pour la compréhension orale. Les petits Espagnols parleront espagnol, les petits Français parleront français, et ce ne sera qu’un exercice de compréhension orale. Si on a la chance d’avoir un collègue qui veut bien ne parler qu’en espagnol, ou de trouver une classe espagnole ou anglaise intéressée qui fait de la visioconférence, par exemple, pour la technologie et non pas pour la langue, on pourra échanger tout en espagnol ou tout en anglais, ce qui est l’idéal. Dans tous les cas de figure, on trouve un intérêt à ces échanges. Quelles sont les compétences que l’on peut développer grâce à la visioconférence ? Elles ne sont pas spécifiques à la visioconférence, on peut les retrouver dans d’autres pratiques, mais la visioconférence les regroupe. – Des compétences d’ordre général : savoir, civilisation, géographie. J’ai échangé avec la Castille, l’Aragon, le Pays Basque. Dans tous les cas, des questions se rapportent à la géographie et à la civilisation des régions concernées. – Compétence d’ordre général encore, le « savoir être » : au début, les élèves se retournent systématiquement vers le professeur parce qu’ils n’ont pas compris. Ils vont rire ou grimacer quand celui d’en face est en train de parler, parce qu’ils sont surpris de son débit et de son attitude physique, sans se rendre compte qu’ils sont vus eux-mêmes. Il y a un comportement à modifier. – Dans le savoir être, il y a aussi l’écoute et l’expressivité. Quand on passe par le biais d’une caméra, surtout quand le débit n’est pas très rapide, il faut – par son attitude – exprimer l’intérêt que l’on a pour la personne en face de soi. – Dans les compétences communicatives linguistiques, le vocabulaire de la conversation n’est pas celui que l’on emploie en classe avec le professeur, ni avec ses camarades, en classe. Même si on fait cet effort, même si on a vu des textes où il y avait de la conversation, ce n’est pas du tout la même chose… On découvre un autre vocabulaire : > le vocabulaire spécifique du pays concerné, si vous avez la chance de pouvoir échanger avec différents pays de la langue que vous étudiez, > des compétences grammaticales, emploi de la première et de la deuxième personne – ce que nous nous efforçons de faire en classe (mais il est toujours très difficile de dire à deux élèves : « tu vas dire tu, tu vas dire je » ; là, il n’y a pas d’autre moyen d’échanger, on est obligé d’employer le « tu » et le « nous », c’est naturel, c’est un apport spécifique à la visioconférence), > l’emploi des interrogatifs, puisque la plupart du temps il y aura un jeu de questions réponses. – Toujours dans les compétences communicatives, pragmatiques et interactionnelles : comment se construisent les questions-réponses ? comment exprime-t-on son accord ? son désaccord ? son doute ? comment faire répéter ? Ces différentes façons de dire, tout cela peut s’apprendre avec cette pratique.

– Enfin, les apports sociolinguistiques, les formules de politesse spécifiques, les tournures idiomatiques (quand quelqu’un éternue en Espagne, on dit : « Jésus ! » – pas nous), c’est dans le langage courant qu’on l’apprend… Et bien qu’on puisse aborder tous ces points dans d’autres situations, quand on le fait de cette façon c’est généralement un peu plus efficace. Un petit livre a été fait par le CRDP de Bretagne, auquel j’ai participé (je ne touche pas de droits d’auteur !) : « J’enseigne avec l’Internet, les langues font l’Europe ». On y trouve un grand nombre d’exemples, de possibilités, du « chat », et de la visioconférence.

M. ROBERT LOUISON

----Pour conclure, vous allez voir un échange entre des adultes espagnols et des élèves. Premier document Le jeu consiste, par équipe, à découvrir des villes à partir du nom des habitants. Les Espagnols donnent le nom des habitants, les élèves français doivent dire où se trouvent les villes en posant des questions aux Espagnols. Second document Des élèves français de quatrième, débutants, se présentent et doivent poser une question à leur correspondant espagnol, alternativement en français et en espagnol. Il va donc y avoir échanges, avec un dispositif simple : un vidéo-projecteur et un amplificateur pour que tout le monde puisse entendre. Vous avez vu le principe : l’idée est de mettre face à face nos élèves francophones et des hispanophones, de préférence des hispanophones purs. Je suis en perpétuelle recherche de correspondants de façon à avoir en face une classe d’Espagnols et non pas une classe d’étudiants de français, ce qui permet de faire l’échange uniquement en espagnol. La grosse difficulté est de trouver des professeurs qui aient des élèves du même âge dans les mêmes créneaux horaires ; je le reconnais, ce n’est pas très évident. Si, dans vos établissements, des collègues sont intéressés par ce type de démarche, je suis à leur disposition pour leur donner tous les renseignements et pour les tests.

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MME SUE GALAND ENSEIGNANTE D’ANGLAIS AU COLLÈGE DE MUGRON (40)

Il y a aussi le travail interdisciplinaire : beaucoup de collègues continuent avec les itinéraires de découvertes. Dans notre établissement, cela a permis de créer un esprit d’équipe entre des professeurs des diverses disciplines, et d’offrir un travail différent aux élèves : on a parlé de WebQuest avec Myriam Carrier, de chansons avec mes collègues d’espagnol. Les élèves ont réellement besoin de langage ; ils veulent apprendre, ils veulent apprendre les chansons, ils veulent reproduire les sons comme les Espagnols, les Portugais, les Allemands ; les chansons peuvent être exploitées avec des logiciels différents.

MME SUE GALAND

On peut aussi utiliser les sites web, télécharger, faire des exercices de compréhension écrite qu’ils peuvent ensuite s’approprier pour produire seuls l’écrit.

----Mme Sue Galand Je suis là pour parler des élèves qui disposent des ordinateurs portables, et pour ceux qui n’en ont pas mais qui peuvent profiter de l’outil pédagogique du professeur et de ses compétences acquises avec cet outil. M. Howard a parlé de projets à long terme en quatrième et troisième. Depuis quelques années, je mène un projet avec les élèves de 6e qui s’approprient des dialogues, créent de petites scènes et sont filmés. Différence : maintenant les élèves de 3e prennent ces traces de vidéos, en font un montage et le diffuse aux élèves de 6e qui s'évaluent. On peut voir la valorisation de l'élève, elle peut nous aider à analyser et à les aider à s’analyser plus tard. Cadeau de fin d'année : l'élève se revoit en fin d'année, et repère ce qu’il a bien fait ou mal fait selon lui, là où il a faisait des fautes que maintenant ne les fait plus.

Sur la rentabilisation de n’importe quelle ressource imprimée, Howard a parlé des images qu’il scanne. C’est formidable, pas seulement en langues vivantes ; probablement dans toutes les disciplines, on a besoin de créer des activités ou de rechercher des informations […]. Autre atout de l’informatique, la possibilité de conserver les documents sur clé USB et sur CD-rom et, l’année suivante, de les transformer et de les adapter aux élèves : les élèves changent, les besoins évoluent, mais on peut rentabiliser notre travail. Et encore plus important, il faut partager et mutualiser ce qu’on fait. Si chaque professeur partageait son travail avec ses collègues, la vie serait beaucoup plus facile et nos élèves en profiteraient.

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Nos classes sont très hétérogènes. Au collège de Mugron, nous avons une unité pédagogique d’intégration, avec des élèves qui ont des difficultés, parfois physiques et mentales, qui rendent la réussite scolaire très difficile. Myriam Carrier a déjà dit que, pour les classes de SEGPA, les Tice sont un outil extraordinaire. Pour les élèves en difficulté, c’est la même chose ici. Avec le bon vieux logiciel Hot Potatoes (que j’aime beaucoup), ils ont des exercices interactifs pour les aider à trouver, produire, épeler, reproduire des mots écrits ou entendus, et ce travail continue à la maison. Pour ces élèves, il faut ménager des plages de calme pendant le cours, durant lesquelles ils peuvent s’asseoir et se calmer devant l’écran. Cela les aide beaucoup « à se poser » et à mieux intégrer les compétences. Même chose pour les élèves dyslexiques et dysphoniques. Ils viennent me voir et me disent : « Je ne peux pas prononcer ça, je ne comprends pas les mots, quand je prends des notes et que je reviens à la maison, je ne sais pas comment les lire ». J’enregistre et, avec Audacity, ils peuvent répéter et produire eux-mêmes. Ils font des progrès et disent : « J’ai compris ça, je peux faire ça », et on ajoute autre chose.

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M. MICHEL PÉREZ INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L’ÉDUCATION NATIONALE, GROUPE DES LANGUES VIVANTES, RESPONSABLE DU GROUPE PORTUGAIS, MEMBRE DE LA CELLULE TICE DE L’INSPECTION GÉNÉRALE

Depuis quelques années, la multiplication des équipements, leur miniaturisation, leur facilité d’accès et les efforts entrepris par les collectivités territoriales ont fait que ces équipements sont arrivés dans les salles de classe, dans les familles. Ils sont aujourd’hui relativement disponibles. Par ailleurs, les ressources se multiplient, ressources plus ou moins licites d’ailleurs… La nature ayant horreur du vide, quand il n’y a pas de ressources, les enseignants qui désirent donner à leur enseignement beaucoup plus de dynamisme, vont chercher un peu partout, sans forcément toujours s’acquitter des droits associés aux usages correspondants. Nous devons donc réfléchir… Le ministère de l’Éducation nationale a mis en place le programme SCHENE (Schéma de l'édition numérique pour l'enseignement) qui a doté d’aides assez importantes les éditeurs porteurs de projets adaptés aux besoins des professeurs. Les CNDP et CRDP se sont également mis sur les rangs… Sans les ressources, on ne peut rien faire. C’est donc notre défi actuel.

M. MICHEL PÉREZ

Je vais vous projeter une présentation qui passe en revue un certain nombre de points.

----Modératrice Nous avons vu différentes expériences concrètes et diverses façons d’exploiter tout ce matériel. Michel Pérez, en tant qu’inspecteur général, quelle est votre vision, plus globale, de la façon dont on peut faire travailler les langues vivantes à partir du multimédia ? Surtout, à travers ces différents exemples et toutes ces questions qui se posent aux enseignants, très concrètement, chaque jour : quelles sont les ressources pédagogiques ? où les trouver ? comment organiser tout cela ? comment être novateur ? comment échanger ? et comment, à partir de là, éviter les inconvénients induits par l’usage du multimédia ? comment mettre réellement les élèves au travail et favoriser leur autonomie ? M. Pérez Il nous est toujours très utile et très agréable de venir dans les assemblées qui se tiennent auprès des collectivités territoriales pour mettre en synergie les efforts réalisés aussi bien au niveau national qu’au niveau régional ou départemental, en liaison avec les académies ; donc merci pour cette invitation. C’est pour nous un moment pour faire quelques points d’information et échanger des retours d’expérience, parce que nous apprenons aussi beaucoup en regardant et en écoutant. Après une présentation rapide, je me concentrerai sur quelques exemples.

De nouveaux défis pour l’enseignement des langues vivantes. – Le cadre commun de référence, que tout le monde connaît aujourd’hui. – La LOLF, Loi organique de la Loi de finances, qui précise, pour vérifier l’efficacité du système éducatif, les niveaux de compétences définis par le cadre européen de référence : nous avons une obligation de résultat. Ces niveaux sont le niveau A1 en fin d’enseignement élémentaire, le niveau A2 pour le socle commun de compétences, le niveau B1 en fin de scolarité obligatoire, le niveau B2 en fin d’enseignement scolaire. Autant dire que nous avons tous l’obligation d’emmener nos élèves à ces niveaux de langues vivantes, ce qui est impossible sans l’usage des Tice ; il faut bien l’avoir à l’esprit quand on aborde la réflexion. La circulaire, parue sur l’enseignement des langues vivantes, met l’accent sur le rôle des Tice pour accroître l’exposition à la langue et le développement de l’apprentissage à l’autonomie. Le plan de rénovation des langues vivantes a fait l’objet d’un décret en août dernier. Il a pour objectif d’accroître les compétences actives. La publication des résultats de l’enquête PISA, à laquelle Melle Polony fait référence, a eu des résultats immédiats. Elle porte exclusivement sur les compétences en anglais. Les élèves de seize ans des pays qui arrivent en tête sont « miraculeusement » des élèves venant de pays où l’anglais est une langue de proximité, et dont les langues ont des proximités phonétiques et linguistiques avec l’anglais, ce qui n’est pas notre cas. Ceci étant, je ne cherche aucune excuse. Des compétences à développer – L’entraînement aux compétences, y compris l’interaction langagière. – La découverte culturelle, le but étant d’acquérir une compétence culturelle qui permette de mieux s’exprimer dans la communication avec l’étranger.

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De nouveaux outils La perspective actionnelle de la langue : on est là pour agir et non plus pour étudier en tant que grammairien ou linguiste. La clé de tout étant l’exposition à la langue. Favoriser l’exposition à la langue Premier axe : repérer et sélectionner des ressources multimédias authentiques, ce n’est pas la moindre des choses. Deuxième axe : mettre ces ressources à disposition, d’une part, des enseignants, d’autre part, des élèves ; cela semble évident : aujourd’hui que nous avons les outils, les ordinateurs et les vidéo-projecteurs dans les salles, il nous faut les ressources. Troisième axe : des ressources pour agir. – ne pas négliger les productions locales, – des manuels électroniques dont les droits sont acquis (l’académie de Bordeaux vient de faire l’achat de manuels scolaires électroniques), – mise à disposition des ressources auprès des enseignants ; qu’il s’agisse d’Espace numérique de travail, d’outils mis en ligne par le système de la baladodiffusion, d’équipements de salle (dont Medialangues, projet porté par l’académie de Bordeaux qui est en pointe dans ce domaine), Le ministère a passé des accords avec des télévisions étrangères pour permettre l’utilisation en classe. – Europe by Satellite : les droits sont acquis, il y a des quantités de séquences vidéos que l’on peut écouter en classe sans problème, – lesite.tv : sur abonnement à la portée de tous les établissements scolaires (150 € par an), avec des téléchargements de vidéos dans toutes les langues européennes, – la BBC World, la télévision portugaise et la RTDE ont signé des accords avec notre ministère pour la liberté d’utiliser en continu, de numériser et d’utiliser dans l’enceinte de l’établissement scolaire (reste à savoir si l’ENT est considéré comme un établissement virtuel ou pas : on est en train de renégocier ces droits pour avoir ces possibilités). Que ce soit en streaming (flux en direct) ou en baladodiffusion, les usages sont autorisés, mais il y a des limitations. Des outils pour attirer des compétences – Comprendre, parler : ce sont surtout des compétences orales sur lesquelles le plan de rénovation met l’accent. – Un outil tout à fait remarquable mais assez peu connu Voicebook ; contrairement à ce que son nom indique, il ne travaille pas qu’avec l’anglais. Il met à disposition des étudiants et professeurs des fichiers-son MP3, avec tout un dispositif de reconnaissance audio qui permet d’écrire et de recevoir une aide quand on écrit ; si on n’a pas compris tel mot, on peut ralentir le débit. Il met aussi à disposition des bandes-son de films, libres de droits si l’on achète le DVD : et on peut travailler comme l’a montré M. Bennett. – Des laboratoires en ligne : en cliquant sur le site de l’académie d’Amiens, on peut utiliser un laboratoire virtuel ; il permet de faire des tests de compétences et de compréhension en langues vivantes.

– Audacity, le grand outil des professeurs de langues, parce qu’il permet aux élèves de s’enregistrer : on peut faire des montages, générer des blancs, faire répéter, faire participer. – Melia (dispositif imaginé à Bordeaux par une équipe d’Educatis et une enseignante d’allemand, qui a très bien travaillé à cette occasion), préfigure le porte-folio électronique pour la vérification des compétences de langues. À distance, on peut valider les capacités linguistiques des élèves. Ce n’est pas de l’auto-évaluation, c’est le professeur qui valide ce que l’élève a mis sur Melia. – La voie de l’autonomie : un logiciel gratuit, Abstract, idéal pour capturer les sites sur le Web, et travailler ensuite, sachant que les élèves ne pourront pas aller ailleurs : puisque vous leur avez donné le site en entier, ils vont pouvoir l’explorer en toute sécurité. – Le fameux Hot Potatoes. – Le projet SCHENE vient de mettre à disposition de nouvelles ressources, dont un excellent outil réalisé en collaboration franco-néerlandaise, qui permet d’utiliser les fichiers audio, vidéo et MP3 en toute légalité et de travailler sur des séquences filmiques, sur des émissions d’informations. Toutes ces informations figurent sur Educnet, le site de la Direction de la technologie du ministère, avec des pages dédiées aux langues vivantes.

M. MICHEL PÉREZ

Activité de l’élève L’apprentissage doit déboucher sur l’autonomie et la production. L’élève accède aux ressources, décode, comprend, s’exprime et écrit ; il doit être capable de faire des productions personnelles, de s’enregistrer, de faire des réalisations multimédias ; je constate avec plaisir que c’est ce que nous avons vu tout au long de cette matinée. La langue est aussi un moyen de projet culturel, un outil pour s’informer, produire, échanger, développer des compétences, mener des projets, accroître l’ouverture européenne. Développer les compétences culturelles Accéder aux ressources, c’est possible avec des réalisations récentes comme le Canal numérique des savoirs (CNS), le Kiosque numérique de l’éducation (KNE), qui sont des groupements d’éditeurs qui ont mis à disposition de l’Éducation nationale un certain nombre d’outils pouvant être acquis pour des usages collectifs. Le Sceren possède un grand nombre de fichiers, du son, de l’image, ou des séquences didactiques à vocation culturelle et linguistique. Échange et correspondance – La visioconférence. – N’oublions pas le eTwinning outil d’échanges scolaires, de correspondances et de partenariats. – eTandem outil institutionnel. – Les « chats », un lien avec la page de M. Louison sur l’académie de Bordeaux (avec, sur la page d’accueil, un magnifique gros chat) invite à des interactions avec des pays étrangers.

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Messagerie électronique – Le journal électronique est une réalisation qui intéresse beaucoup les élèves. Si on arrive à faire une synergie avec des échanges de correspondances, on peut faire son journal électronique, son journal vidéo, l’envoyer à l’étranger et en recevoir, préparer un voyage. – L’échange de documents sonores. Les élèves peuvent échanger des documents sonores, des images, des vidéos montées avec Windows movie maker, très facile à utiliser. – Educnet a mis en place des outils, notamment des fiches d’exemples d’usages des ENT, accessibles aux enseignants pour leur montrer comment travailler sur ces espaces. – Des expérimentations innovantes : Bordeaux avec le projet Audionomade, l’académie de Dijon précurseur dans ce domaine (il s’agit de mettre à disposition des élèves, sur des lecteurs de fichiers MP3, des fichiers-son qu’ils écoutent chez eux pour faire un travail de compréhension ou de répétition). – Educnetlangues. – l’ENT. Sur Educnet il y a énormément de choses, l’Espace numérique de travail étant la Rolls du multimédia : on travaille en circuit fermé, en toute sécurité, avec des ressources acquises par les établissements, les académies ou les collectivités… Quelques réalités pourtant ! Une enquête qui vient de sortir dans la revue les Clés de l’actualité junior indique que : – 77 % des élèves français souhaitent utiliser un ordinateur individuel en classe. Le département des Landes est dans la bonne direction. – 65 % déclarent ne jamais utiliser Internet à l’école. C’est inquiétant, mais ce ne sont certainement pas les élèves des Landes qui ont répondu à l’enquête. – Plus rassurant, selon les fiches de la Direction de l’évaluation et de la prospective du ministère, les enseignants, en très large majorité, sont prêts à utiliser les Tice si l’usage est ergonomique, les ressources disponibles et surtout si ça marche (il ne faut pas le négliger ce point : on a beau avoir des ressources, il faut du matériel qui fonctionne). C’est de l’échange que naît la richesse, et nous avons tous à apprendre les uns des autres. Au ministère, nous cherchons à accompagner les évolutions et à rendre possible tout ce qui va faciliter l’usage des Tice, qui sont aujourd’hui – et dans la Loi d’orientation et dans le Plan pour les Tice mis en place par le ministre, et dans tout ce que nous voyons localement se construire – un nouvel outil indispensable ; tout comme l’étaient la lecture et l’écriture au début de ce siècle. Aujourd’hui, il ne doit pas y avoir d’analphabétisme multimédia.

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DÉBAT

DÉBAT

----Un participant 1. Quelle est la place des manuels scolaires ? Dans l’expérimentation des Landes, est-ce que les manuels scolaires existent toujours ? Est-ce que la subvention du manuel scolaire existe toujours ? 2. Dans le cadre des programmes, pour les examens (baccalauréat, BEP…) – à part le B2i qui a été mentionné –, va-t-on intégrer un certain outil type d’évaluation ? Ce sont là deux choses qui freinent beaucoup d’enseignants pour utiliser les technologies modernes. M. Pérez Pour les langues vivantes, on expérimente une évaluation de la compréhension et de l’oral – compétence qui n’était pas évaluée jusqu’à présent par les épreuves du baccalauréat. Il est prévu et annoncé que les épreuves du baccalauréat intégreront, d’abord pour la série STG qui vient d’être rénovée, une épreuve de compréhension de l’oral. On est en plein dans le sujet puisqu’il s’agit d’écouter des fichiers-son, et de pouvoir réagir par rapport à la compréhension qu’on en a. Pour ce qui est des manuels, je ne suis pas à même de répondre. M. Louison Quand l’expérience a commencé, il y a eu certaines difficultés liées au fait que les éditeurs ont été surpris : ils ne disposaient pas de manuels numérisés. En six mois, ils ont réalisé une première génération de manuels qui, globalement, a déçu les collègues. Depuis, les manuels ont bien progressé. Ceux dont nous disposons actuellement, en espagnol pour les quatrième, en anglais pour les quatrième et troisième, donnent satisfaction. Ces manuels sont des reprises du manuel papier, avec la même mise en pages – si bien que le professeur peut dire aux élèves : « Vous pouvez laisser le manuel à la maison ». Mais ils intègrent également des fichiers-son, des vidéos, des transparents… Donc ce sont des outils vraiment intéressants à utiliser. M. Lacueille, conseiller du recteur pour les Tice Une précision sur les manuels : je signale que le Conseil général a trouvé un accord avec les éditeurs pour pouvoir offrir à l’ensemble des professeurs (d’anglais et d’espagnol) un bouquet de manuels scolaires, afin qu’ils puissent très rapidement les tester en début d’année. C’est un dossier, M. l’Inspecteur général l’a souligné, très important et extrêmement stratégique. Nous avons largement progressé avec les éditeurs sur ce sujet. Modératrice Puisqu’il n’y a pas d’autre question et que nous avons miraculeusement terminé à l’heure, nous vous donnons le droit d’aller vous restaurer. Rendez-vous à 13 h 30 pour la table-ronde suivante.

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13 H 45 > 15 H 00 / / / DEUXIÈME TABLE-RONDE ÉCOLE ET SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION

/ / / DEUXIÈME TABLE-RONDE

Modératrice Bienvenue pour cette deuxième table-ronde ; je pense que vous êtes reposés, nourris, ravis… donc nous allons reprendre cet état des lieux des avancées pédagogiques que permettent les nouvelles technologies. Cet après-midi, nous allons nous intéresser plus spécialement à la question de la recherche documentaire, question fondamentale dans la mesure où les nouvelles technologies multimédias permettent un accès à un nombre infini de données. Qui organise et qui classe ces données ? Comment permettre aux élèves d’avoir un jugement critique sur ces données ? Comment leur apprendre à faire des recherches ? Et comment leur apprendre à utiliser l’objet de leurs recherches ? La question autour de laquelle nous tournerons est celle de la différence entre information et savoir : comment apprend-on aux élèves à articuler les deux ?

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M. PASCAL LARDELLIER PROFESSEUR DE SCIENCES DE LA COMMUNICATION À L’UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE

en plus d’inscrits dans les bibliothèques (devenues médiathèques, ceci n’est pas incidence). Les sociologues de la lecture expliquent que les Français lisent moins, mais que la France lit plus ; on sait que l’on publie de plus en plus d’ouvrages.

M. PASCAL LARDELLIER

Au terme du petit entretien que j’ai eu avec environ 150 jeunes, je peux dire sans ambages que la lecture est bien malade et que le livre se porte mal. Il en va de même, et c’est pire encore, pour la presse quotidienne (on sait la crise qu'elle est en train de traverser) : les jeunes ne la lisent plus du tout !

----Modératrice Retenu pour les quarante ans de son IUT, Pascal Lardellier n’a pas pu être parmi nous… mais puisque nous sommes dans le multimédia, il nous a fait parvenir un DVD de son intervention qui va introduire les propos de cette table-ronde. Pascal Lardellier (vidéo) Bonjour à toutes et à tous. Je tiens à remercier les organisateurs de ces rencontres, de m’inviter à prendre la parole à titre virtuel, par le biais de cet enregistrement. Je vous parle de Dijon où je suis professeur. J’ai publié chez Fayard, il y a quelques mois, l’ouvrage « Le pouce et la souris, enquête sur la culture numérique des ados » ; cet ouvrage et l’enquête que j’ai menée pour l’écrire vont servir de fil rouge à mon propos. J’intitulerai cette intervention « les jeunes et la culture du troisième type », car – au terme des ouvrages que j’ai lus pour écrire celui-ci, et de mon enquête – j’ai touché du doigt le fait qu’après l’empire du livre, après le règne de la télévision, une culture du troisième type est véritablement en train d’émerger dans les réseaux. Ce sont les jeunes – ces jeunes dont nous avons, en tant qu’éducateurs et enseignants, la charge pédagogique, ces jeunes qui sont parfois nos enfants – qui sont porteurs de cette nouvelle culture numérique. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle se fonde sur des machines à communiquer qui, toutes, possèdent des écrans et des claviers – de l’ordinateur au téléphone portable –, et en règle générale, elles fonctionnent toutes de manière interconnectée. Il me semble important d’interroger le rapport que les jeunes (de dix ans à dix-huit ans environ) entretiennent actuellement avec la culture dite traditionnelle. C’est une question quasi journalistique : les jeunes lisent-ils encore ? On annonce, sans cesse, la mort imminente du livre, le paradoxe étant qu’il y a de plus

En rencontrant ces jeunes, en menant des entretiens avec eux, j’ai constaté un véritable effondrement des pratiques de lecture. Tout d’abord, cela n’est pas dû à Internet, il n’y a pas un rapport de cause à effet direct : il faut se rappeler que tous ces jeunes, avant d’être des enfants de l’ordinateur, sont des enfants de la télévision et de la gameboy. Depuis deux décennies en tout cas, les pratiques de lecture, telles qu’elles étaient perpétuées dans la France du siècle dernier, sont en déshérence. – Dans un premier temps, parce que le temps passé sur les ordinateurs, quoi qu’on en dise, c’est du temps pris sur des pratiques antérieures, par exemple la lecture. Je crois me souvenir d’une enquête, dont faisait état le journal Le Monde il y a deux ans, expliquant que les collégiens passent en moyenne quinze heures sur MSN chaque semaine. Ce temps est pris sur des activités antérieures, et on ne le passe plus à lire. – Dans un deuxième temps, le livre, qui est l’un des poumons de notre culture occidentale, est en train de perdre l’aura symbolique et testimoniale qui était la sienne auparavant. Pour beaucoup d’étudiants, lire est maintenant devenu une pratique fastidieuse qui ne signifie pas grand-chose. Prenons mon ouvrage page 109, pour donner la parole à quelques jeunes : – Tougoula (18 ans) : « Je lis peu parce que je me consacre beaucoup aux technologies de l’information et de la communication, voilà, c’est comme ça. » – Hugues-Charles (20 ans) : « Lire, je trouve que c’est une perte de temps. » – Cédric (18 ans) : « Je lis parfois Stephen King, mais je ne prends pas le temps de lire car je suis trop absorbé par le Net. » – Anne-Laure (19 ans) : « Je ne lis pas, par manque de temps ; et quand je rentre chez moi, à la fin des cours, je n’ai pas forcément envie de me plonger dans un livre. » On est en train de le toucher du doigt : il y a, pour toute une génération qui arrive à l’âge adulte, un désaveu des pratiques culturelles, et véritablement un effondrement de la lecture. Cela ne concerne pas, pour autant, tous les livres. On pourrait appeler ça le syndrome ou l’effet Harry Potter : les jeunes, et parfois les très jeunes, se passionnent pour des ouvrages énormes, de véritables pavés qui ont la propension à les emmener, comme Harry Potter, dans des univers imaginaires complexes. Les mangas ont également la côte, de même que tous les livres d’heroic fantaisy. Parfois, les jeunes poussent le zèle jusqu’à les lire en anglais, pour avoir de l’avance sur leurs copains. Mais il ne faut pas considérer ces pratiques de lecture comme celles qui, antérieurement, faisaient qu’on lisait les grands classiques de la littérature. Ce sont des ouvrages

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qui ont la propension de les emmener dans des univers fantasmagoriques, dans des univers imaginaires, en quelque sorte dans un monde parallèle. J’abordais tout à l’heure, brièvement, l’information. Qu’en est-il du rapport de ces jeunes que j’ai rencontrés, à l’actualité ? Les quotidiens se portent très mal en France. Le journal Libération est à l’agonie. J’ai fait une enquête édifiante, j’ai demandé dans quelques amphis, au fil des semaines, qui avait acheté le journal… Pas la peine de demander « cette semaine ? ou ce mois-ci ? » puisque, dans l’année, quasiment aucun étudiant n’avait acheté un quotidien. Désormais, ils s’informent avec les journaux gratuits quand ils en ont la possibilité, sinon par le Net ou par la radio. Plus grave encore, pourrait-on dire, pour la fibre citoyenne et le civisme, certains étudiants m’avouent, toute honte bue, qu’ils s’informent grâce aux Guignols de l’info ou à feu Le vrai faux journal de Karl Zéro. Internet, dont ils sont des utilisateurs frénétiques, assidus en tout cas, développe chez eux une culture du gratuit, de l’instantanéité, et du zapping. Pour la génération qui va arriver à l’âge adulte dans quelques années, de plus en plus, et au prix d’une confusion un petit peu dommageable, la culture et l’art sont gratuits – on le voit avec le téléchargement –, et tout doit être instantané : on clique et télécharge de manière extrêmement rapide. Dans les années soixante-dix, Abraham Moles disait que nous arrivions à une culture mosaïque. En ce début de millénaire, le zapping, à l’origine télévisuel, s’est disséminé dans d’autres pratiques… Maintenant, s’informer relève véritablement du zapping. On le voit dans les formats de la presse écrite, ou des magazines de télévision, qui sont de plus en plus courts. L’actualité devient rarement l’histoire, et l’information n’est en aucun cas savoir. Développons maintenant le rapport que nos étudiants et nos jeunes entretiennent à Google, à Wikipédia et à toutes ces encyclopédies numériques dans lesquelles il est si facile de piocher, de « pêcher en ligne » (au propre et au figuré), pour accéder au plus vite à des informations et à des corpus infinis et indéfinis, qui leur permettent de faire les exposés et les devoirs qu’on leur demande. J’ai récemment proposé à mes collègues de l’Université de Bourgogne, une charte des exposés, car, depuis quelques années, les étudiants nous avouent que pour n’importe quel sujet donné, ils tapent trois mots-clés sur Google, et obtiennent – disent-ils – quatre-vingts pages et plus, en quelques minutes. Il me semble important de nous interroger sur les bouleversements qu’introduisent les pratiques numériques, et notamment la recherche d’informations en ligne, dans le système éducatif et dans l’Éducation nationale – et de voir combien ces recherches remettent en question les processus d’apprentissage. De plus en plus, les étudiants sont dans une espèce de maïeutique cybernétique : le savoir est en eux, quelque part au prix d’une sorte de course au savoir qui serait une sorte de course au trésor… Tout cela est très ludique ! Il y a une espèce de maïeutique

cybernétique, de maïeutique électronique : le savoir est disponible, il suffit de rentrer les bons mots, il suffit de cliquer correctement, pour accéder à l’information recherchée. Cela inquiète beaucoup de monde, notamment les enseignants qui dirigent des mémoires : on sait qu’énormément de mémoires sont maintenant ajournés puisqu’on s’aperçoit que les étudiants avaient copié-pillé des données, sur Internet notamment, en foulant aux pieds la loi du 11 mars 1957 sur la propriété intellectuelle.

M. PASCAL LARDELLIER

De même, les étudiants travaillent souvent en groupe, et la recherche d’information en ligne va dans le sens, d’abord, d’une sorte de néo-communautarisme – c’est-à-dire qu’on travaille à plusieurs, on essaye de se répartir le travail –, ensuite, dans le sens d’une nouvelle scolastique puisque tout ce qu’on trouve peut être glosé, peut être discuté. On a un excellent exemple avec Wikipédia. L’époque où le professeur était le seul détenteur d’un savoir magistral et professoral est presque révolue ; d’ailleurs l’enseignant devient de plus en plus un auxiliaire pédagogique, il n’est plus en face de l’élève, il est au-dessus de lui et les deux font face à l’ordinateur. Dans ce changement de position et de statut, il y a quelque chose de symbolique. Information n’est pas savoir, disais-je pour commencer. La question qui se pose – par-delà celle de la propriété intellectuelle de toutes ces données qu’on s’attribue sans être trop regardant sur la question des sources –, c’est l’intégration, la mémorisation. Je ne résiste pas au plaisir de vous lire un courrier des lecteurs paru dans Télérama, il y a quelques mois ; je crois qu’il est tout à fait représentatif de cette évolution, des effets, mais aussi des méfaits de la pêche numérique en ligne. Dixit : « Je suis institutrice, il y a quelque temps j’ai demandé à mes élèves de CM1 une recherche sur l’Amazonie. Quelques jours plus tard, les uns ont sorti de belles feuilles imprimées avec l’ordinateur, depuis l’encyclopédie Encarta ou autre recherche sur Internet. Ils levaient fièrement la main pour être interrogés. Les autres avaient recopié quelques lignes de dictionnaire sur leur cahier et se sentaient un peu piteux. » C’est charmant, on se croirait presque dans les allégories de Charlemagne. « Je leur ai demandé ensuite de mettre leurs documents à l’envers sur la table et de me dire ce qu’ils avaient retenu de toutes leurs recherches. Les seuls qui ont levé la main sont ceux qui avaient écrit quelque chose. Ceux qui avaient de beaux documents imprimés en couleurs ne les avaient même pas lus. » Intéressant ! Par-delà le caractère édifiant de cette fable, on touche du doigt l’un des méfaits de la recherche documentaire en ligne. Au prix d’un grand paradoxe, ces recherches sur Google ou sur Wikipédia, nous rendent potentiellement omniscients : nous savons tout, nous avons la possibilité, en un quart d’heure, de tout savoir sur n’importe quel sujet, mais cette omniscience est contrebalancée par une espèce d’amnésie puisque l’on ne fait que surfer – au propre et au figuré – sur ces données sans les intégrer véritablement.

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À titre de conclusion, il faut rappeler le rôle et la mission de l’Éducation nationale face à cette révolution numérique. Tout est dit dans un chiffre : 90 % des jeunes se sont formés seuls, se sont auto-formés à ces nouvelles technologies. Ils ont pris beaucoup d’avance, ils sont détenteurs d’un pouvoir et d’un savoir que leurs parents n’ont souvent pas. Il est donc très important que l’école retrouve son rôle de transmission, transmission de savoir mais aussi transmission de valeurs et de normes. Par exemple, les enseignants doivent rappeler que la propriété intellectuelle n’est pas un vain mot, et lutter contre les incivilités numériques, ce tutoiement généralisé, ce qui est dans les réseaux et qui a souvent tendance à contaminer la vraie vie. C’est aux enseignants de poser des normes, de poser des repères. C’est aussi aux parents, à mon avis, de contrôler – et contrôler n’est pas censurer, mais je suis toujours étonné de savoir que beaucoup de parents ignorent que leurs jeunes adolescents ont un blog et, a fortiori, son contenu. C’est aux parents et aux éducateurs d’essayer de faire une partie du chemin vers les jeunes. Je vous rappellerai que dans ses vœux à la Nation, Jacques Chirac, le 31 décembre dernier, nous expliquait qu’il y a deux immenses défis de la France des dix ans à venir : la gestion de l’énergie et le numérique. Je crois, sincèrement que le numérique et son insertion dans notre société, avant d’être pompeusement un débat national, doivent être, à mon sens, un débat au sein de chaque classe et de chaque famille. C’est à ce prix-là, effectivement, que nous pourrons aller, tous ensemble, à très grande vitesse et à haut-débit, voire à très haut-débit, vers la société du futur et déjà dans la France de demain. ----Modératrice Voilà une très bonne introduction à nos débats. Quand on entend cette réflexion, on ne peut pas s’empêcher de penser au mythe de l’invention de l’écriture dans le Phèdre de Platon, où Socrate explique que l’écriture va donner l’illusion du savoir mais pas le savoir lui-même, parce qu’on aura l’information à portée de la main, donc on n’éprouvera plus l’obligation de mémoriser et de s’approprier ce savoir. On est tout à fait devant ce genre de problématique. À partir de là, on va essayer de voir comment l’Éducation nationale peut répondre à ce problème de formation des élèves.

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M. CHRISTOPHE TAUZIN PROFESSEUR DE LETTRES AU COLLÈGE DE TARTAS (40)

M. CHRISTOPHE TAUZIN

----Modératrice Christophe Tauzin va nous parler de l’action « Éducation à l’information et aux Tice » qu’il est chargé d’accompagner et de coordonner auprès des collèges des Landes. M. Tauzin Bonjour à tous. Notre intervention va se faire en équipe, puisque je vais ouvrir par des généralités – que je vais tâcher de ne pas faire trop longues pour ne pas vous endormir à l’heure de cette sieste digestive, d’autant plus que ce sera nettement moins rock ‘n’ roll que l’intervention d’Howard Bennett ce matin –, pour laisser ensuite la parole à ma collègue Myriam Queheillard qui illustrera de façon tout à fait concrète mes propos quelque peu théoriques. Cela va aller assez vite au début, d’autant que M. le vice-président du Conseil général m’a mâché la besogne en mentionnant, dans son introduction, l’importance du discours fondateur du recteur Gérard lors du colloque de Moliets, il y a deux ans, à propos des priorités académiques, et notamment de celles que j’ai accompagnées et animées, que l’on peut intituler « Éducation à l’information, Tice et maîtrise de la langue ». J’affiche l’extrait, relativement court, qui nous intéresse particulièrement en la matière. Vous voyez apparaître les mots que je me suis permis de surligner : – « maîtriser la langue française », – « produire des textes », – « encouragement à la pratique de la présentation orale assistée par ordinateur ». M. le recteur affirmait de manière très claire que les Tice étaient insuffisamment utilisées à l’époque, et que tout ceci devait se placer dans une perspective de maîtrise de la langue, en insistant sur le fait que cela ne devait pas être séparé de l’aptitude de l’élève à repérer et à traiter l’information.

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En mai 2004, M. le recteur Gérard annonçait également un plan de formation qui allait s’ouvrir à la rentrée suivante, aussi bien pour les professeurs documentalistes que pour les professeurs de lettres. Et qu’il pouvait s’agir de trinômes ou de trios : les professeurs de toutes les autres disciplines étaient appelés à participer à ces projets. Les derniers mots sont très importants : l’idée est de « mettre en place un travail productif et formateur de l’élève, d’un bout à l’autre de la chaîne d’accès et de traitement de l’information ». Ce qui est aussi une manière de répondre aux inquiétudes de M. Lardellier, telles qu’il les a exprimées dans son allocution. On avait donc quelque peu anticipé puisque nous sommes maintenant en 2006. On s’aperçoit également que cette préoccupation affichée au colloque de Moliets en 2004 apparaît maintenant très clairement dans le point IV du socle commun. Cela recoupe le référentiel du B2i, mais aussi un référentiel qui relève de la recherche documentaire, et dont parlera Myriam Queheillard : « les capacités à créer, produire, traiter, exploiter des données, s’informer, se documenter, communiquer, échanger ». Dans les aptitudes de ce socle commun, on voit apparaître « l’incitation à développer le goût pour la recherche et les échanges d’information à des fins culturelles, éducatives, sociales et professionnelles ». Tout ceci doit s’accompagner d’une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l’information disponible. De manière un peu plus vaste, loin d’être simplement une initiative locale quelque peu isolée, tout ceci s’inscrit dans des préoccupations globalement partagées au niveau académique, au niveau national et au niveau international, puisque depuis 2003, l’Unesco n’a eu de cesse, dans ses différentes déclarations – notamment la fameuse déclaration de Prague en 2003, la proclamation d’Alexandrie en 2005 et en 2006, le programme « Information pour tous » –, d’affirmer que « la capacité à donner du sens à l’information pléthorique, éparse et hétérogène qui compose notre environnement, est un enjeu majeur ». S’est ainsi affirmée l’idée que s’ajoute désormais aux compétences de base – telles que lire, écrire, compter – la compétence à chercher, évaluer, utiliser l’information ; ce que recouvre la fameuse notion un peu complexe d’information litteracy qui a trouvé un équivalent francophone curieux dans le litterisme. Pour les personnes intéressées, il existe en ligne dans la Lettre de veille scientifique et technologique de l’INRP d’avril 2006, une remarquable synthèse sur la totalité de ces questions. Après ces généralités, revenons à l’action qui nous intéresse et que j’ai eu la charge d’accompagner et d’animer, ce qu’on appelait initialement en 2004, bien qu’un peu restrictivement, « Action recherche documentaire et Tice », avec le côté un peu fermé de la terminologie « recherche documentaire » qui a tendance à enfermer ce genre d’action dans le domaine professionnel des bibliothèques ou des centres de documentation et d’information, alors que cela relève en fait de toute la communauté éducative.

Années 2004-2005 Premier regroupement de dix équipes provenant de dix collèges différents dans le département des Landes. J’ai tenté de définir une formation interdisciplinaire à la recherche d’information, avec un cahier des charges, visant des trios d’enseignants (professeur de lettres, professeur documentaliste, et une discipline quelle qu’elle soit), maître d’œuvre de travaux de recherche et de productions documentaires qui devaient aboutir – à l’époque pour des élèves de troisième – à des prestations orales assistées par ordinateur ; l’idée de la langue était importante, notamment la maîtrise de l’oral. Ces équipes avaient été détectées au préalable par les IPR, et l’action a été pilotée de manière tripartite, ou tricéphale, par M. Lacueille, IPR de physique en charge du dossier, avec Isabelle Pécheran, IPR lettres et M. Philippe, IPR documentation. Tout professeur de lettres que j’étais, je ne menais pas seul cette animation, puisque je travaillais en collaboration avec Mme Claude Bonnot, l’adjointe de l’IEN « vie scolaire documentation », et M. Christian Philippe de l’académie de Bordeaux ; c’était une action d’équipe concertée.

M. CHRISTOPHE TAUZIN

Le document fondateur a été fait avec les stagiaires lors du premier rassemblement de janvier 2005. Il a donc été réalisé en collaboration avec mes collègues, c’est le fil rouge de notre action. Ensuite, ces collègues ont développé ces actions dans leurs établissements, pendant quatre à six mois. Voilà le cahier des charges ; à l’époque, il s’agissait de travailler avec des élèves de troisième, la dimension transdisciplinaire était nettement affirmée, tous les champs disciplinaires ont été touchés, sauf l’anglais et l'éducation physique et sportive ; en revanche tous les autres champs disciplinaires ont participé. Nous qui sommes professeurs de matières « disciplinaires », nous étions un peu des Candide en la matière, donc ce sont nos collègues professeurs documentalistes qui nous ont apporté tous les savoirs et les savoir-faire découlant de leur culture professionnelle, pour travailler avec les élèves sur toute la chaîne de recherche : lecture, traitement, action documentaire. Ceci est très abondamment illustré dans la presse pédagogique et didactique : ce sont les fameuses étapes du projet d’information telles qu’on les trouve sur divers sites, tels que formatnet ou le site franco-québécois « apprendre pour trouver ». Il y a beaucoup de choses qui sont directement héritées de la culture professionnelle de la recherche documentaire des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. La première année, nous avons beaucoup utilisé ce genre d’outils : chercher des sources d’information, sélectionner les documents, prélever l’information, la traiter, la communiquer… Dans la genèse de cette recherche, les Tice n’étaient pas utilisées uniquement en dernière phase pour le diaporama ou la production orale assistée ; il fallait aussi les utiliser en phase de recherche, mais pas exclusivement, de manière à mixer les documentations livresques et électroniques.

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La phase de restitution orale, c’est un document « pluricodé » – c’est du jargon Éducation nationale ; ce n’est pas moi qui l’ai inventé, je l’ai pris dans un document (« La maîtrise de la langue au collège ») publié en 1997 par le ministère, l’association Savoir et le CNDP. « Pluricodé », c’est pour dire simplement que le document mêle toutes sortes d’images, de graphiques, de textes, etc. Nous avons eu à nous interroger – réflexion que nous n’avons pas poussée très loin et qu’il faudra reprendre –, sur l’idée que « l’écrit pour l’oral », de manière très basique et banale, n’est pas le même que « l’écrit pour l’image et le visionnage collectif » : apprendre, par exemple, aux élèves à ne pas surcharger un visuel avec un texte qu’ils lisent péniblement en se tournant vers l’écran… Il reste des pistes à explorer intéressantes et passionnantes, et nous n’en sommes là qu’à nos premiers balbutiements. À cette époque-là, toujours dans le cahier des charges, il était noté une attention toute particulière à porter aux écrits intermédiaires – aux antipodes du copier-coller dévastateur –, et aux outils d’accompagnement qui peuvent guider les élèves dans l’acquisition de ces compétences. Voilà qui fait écho à l’intervention de M. Lardellier. Je le résume très simplement : notre souci était de faire travailler le cerveau de nos élèves à la place de l’imprimante, et de leur donner des outils pour favoriser ce genre de pratique. Préoccupation permanente au long de ces travaux, la citation des sources. Dans le référentiel du B2i, un aspect concerne les Tice et la propriété intellectuelle, nous y sommes en plein. Hors de question de leur demander de citer les sources telles que peuvent le faire des étudiants de second cycle ou de troisième cycle, mais on peut déjà demander à des gamins de collège de légender de manière modeste mais efficace une illustration. Le professeur documentaliste ne devrait pas être cantonné dans un rôle de pourvoyeur de documents. C’est un enseignant et un bibliothécaire, il doit être associé à toute la genèse du projet… Il est bon de le rappeler. À l’époque nous avions, dans le groupe, deux établissements pionniers de la plateforme Argos, actuellement Ilias. On leur demandait de tester l’intégration des échanges numériques dans le déroulement des activités.

> Comportement ou démarche de zapping Moment très fort, la journée que nous avons passée avec André Picot, un des intervenants du précédent colloque de Moliets. Il nous a apporté un éclairage théorique qui, après tout un travail de décantation, a beaucoup fait avancer notre réflexion. Avec lui, nous avons pris conscience que dans les stratégies de recherche de l’information mises en place avec nos élèves, nous avions eu tendance à trop privilégier une entrée extrêmement méthodologique, avec un travail très normé sur la requête – et tous ces fameux modèles pour la recherche d’information que j’évoquais précédemment. […] Or, André Picot nous a très clairement dit et montré que ce type de comportement pouvait être pertinent dans un certain type de tâches, mais pas dans d’autres contextes. Il nous a expliqué que, parmi les stratégies alternatives, il y en avait une – appelée « comportement ou démarche de zapping » –, que nous avions tendance à connoter péjorativement parce que nous l’assimilons aux activités télévisuelles, mais qu’il définit comme une vraie démarche intellectuelle – si c’est une question d’étiquette, on n’a qu’à l’appeler « démarche de navigation de surface pour rentrer dans les documents… » André Picot pense – et il nous l’a montré – que cette démarche peut être intéressante dans l’apprentissage de la recherche documentaire. Il suffit de se rappeler que quand nous étions en maîtrise ou en doctorat, ou plus loin pour certains, nous ne nous amusions pas à faire nos travaux de recherche avec des fiches en six étapes : nous avions déjà une démarche qui relevait de cette navigation de surface, et qui consiste à préciser par des approximations successives, ce qu’on est en train de chercher.

M. CHRISTOPHE TAUZIN

Voilà le site personnel d’André Picot (http://perso.orange.fr/andre.tricot/AndreTricot.html), avec une série d’écrits remarquables, très clairs et accessibles, il ne s’agit pas de documents de 300 ou 400 pages, mais de synthèses de 4 à 12 pages. Passons maintenant à l’illustration concrète avec Myriam Queheillard.

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Voilà donc quel était le cahier des charges avec lequel tout mon public composé de collègues de dix établissements est parti. Je vous montrerai quelques thèmes qui ont été développés avec leurs élèves ; l’intervention de Myriam Queheillard vous dira précisément comment, au cours des deux années écoulées, elle va faire fructifier ces projets. Année scolaire 2005-2006, élargissement. Des équipes pouvaient travailler au niveau des quatrième, les enfants étant maintenant dotés de portables. Élargissement également au sens d’extension géographique puisque nous y avons associé des établissements scolaires d’un département voisin : il s’agit d’une priorité académique et pas exclusivement départementale.

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MME MYRIAM QUEHEILLARD PROFESSEUR-DOCUMENTALISTE DU COLLÈGE DE LINXE (40)

----Mme Queheillard Je vais vous présenter l’activité pédagogique menée au collège de Linxe depuis 20042005. Ce nouveau collège a ouvert en septembre 2004, avec une équipe d’enseignants motivés, ce qui a permis de mettre rapidement en place des projets. Première année Un voyage scolaire a été décidé en tout début d’année. La préparation de ce voyage avait déjà commencé, mais nous nous sommes ensuite intégrés au projet départemental et surtout au cahier des charges, tel que vient de le décrire Christophe Tauzin ; ce qui nous a un peu perturbés à certains moments car il nous a fallu inscrire ce travail dans les fameuses étapes de la recherche documentaire, alors qu’il était déjà en partie fait, mais pas aussi formalisé que ne le demandait le cahier des charges. Cette première année a donc été un peu chaotique. Toujours est-il que les élèves devaient préparer un cahier de voyage… Ils ont fait un travail par groupe, un exposé mis en pages sur Publisher, dans lequel ils décrivaient les sites historiques que nous devions visiter, ainsi qu’un diaporama présentant comment seraient ces visites, une fois sur place, à Pompéi notamment. Ce diaporama a été présenté à toutes les classes de troisième, la veille du départ. Et pour cela, les élèves ont construit une prestation orale. > Points positifs : – Les élèves ont été bons à l’oral, mais uniquement quand ils ne lisaient pas les textes du diaporama ; ils ont été bons surtout, et paradoxalement, sur les visites virtuelles prises sur Encarta, qu’ils ont eux-mêmes commentés ; ils étaient beaucoup plus naturels, ce qui était intéressant. – Une fois sur place, les élèves qui avaient vraiment travaillé sur leur sujet ont présenté à leurs camarades les sites d’une manière très naturelle, et ils étaient très satisfaits (nous aussi d’ailleurs), de voir et de reconnaître sur place ce qu’ils avaient vu sur Internet et dans les documents qu’ils avaient étudiés. > Points négatifs :

L’oral n’a pas été assez préparé : pour la plupart, ils étaient intimidés (comme les adultes sûrement !), et ils avaient tendance à lire leur texte ; trop timides pour être vraiment à l’aise. Par rapport au CDI, qui comme le collège est lui aussi tout nouveau, le fonds documentaire n’était pas très riche, ni informatisé – on démarrait juste –, ils n’ont donc pas pu bénéficier d’une formation à BCDI, qui est le logiciel documentaire de CDI, et ils n’ont pas fait de recherche assez poussée dans ce domaine.

MME MYRIAM QUEHEILLARD

Seconde année Nous étions toujours considérés comme collège-test, et nous avons pu, dès le mois de juin, préparer un projet qui s’est fait sur une classe 404 alternance. Nous avons donc réuni une équipe d’enseignants dès juin, et préparé ce projet beaucoup mieux que la première année. Nous partions avec un dossier assez bien ficelé : des objectifs à atteindre, ce qu’on allait demander comme production aux élèves. Les objectifs interdisciplinaires et documentaires de maîtrise de la langue, d’amélioration de la méthodologie de recherche, avec une initiation concrète au logiciel BCDI, la mise en commun sur Internet, avec insistance sur la validation des sites, sur la prise de notes, sur la citation des sources, tout cela s’est fait de manière plus élaborée que la première année. Sept disciplines étaient concernées : SVT, sciences physiques, documentation, français, arts plastiques et technologie. Les élèves ont été formés sur les logiciels de PréAO, diaporama et sur la mise en pages sur Publisher. Comme le CDI n’est pas câblé – et tant mieux –, je me rendais directement dans les classes, et je travaillais directement avec les collègues et les élèves pour les former directement sur BCDI, pour les aider dans leur recherche et les guider. Les élèves devaient travailler par groupe et réaliser un diaporama, puis le présenter devant un jury de cinq professeurs, et à l’ensemble de la classe. Quatre sujets étaient imposés, dont un sur le tri des déchets. Après la présentation du diaporama, les élèves ont tous travaillé en arts plastiques à la réalisation d’affiches qui ont été exposées en salle de physique. Il y a eu un autre travail sur la langue, pour rédiger les messages à transmettre… Pour ce projet, les élèves disposaient de quelques outils documentaires qui sont un peu lourds à mettre en place, mais utiles pour la recherche documentaire : les étapes, les analyses de sites web, une aide à l’indexation des sources, etc. En début de projet, on a réuni tous les élèves, avec l’ensemble des professeurs ; on leur a présenté le projet avec tout ce qu’ils devaient faire, le calendrier du projet, avec les objectifs à atteindre chaque semaine. Ils ont eu la grille d’évaluation dès le départ, donc ils savaient sur quels critères ils allaient être évalués. Chaque professeur a évalué le groupe et les élèves individuellement, une moyenne des notes a été faite : compétences pluridisciplinaires, compétences documentaires, production écrite, contenu scientifique, diaporama, production orale. ----En cours d’année, nous avons suivi un stage avec M. Picot qui a cassé toutes nos belles méthodes documentaires un peu figées. Et c’est vrai que quand on les utilise, on se rend bien compte que les six étapes sont très figées, presque trop longues à mettre en place avec des élèves, surtout avec une classe 404 alternance, de niveau faible, qui

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n’avait pas eu en amont les apprentissages nécessaires concernant la prise de notes, la recherche documentaire, etc. Notre projet était un peu trop ambitieux… M. Picot nous a un peu ouvert les yeux en nous faisant comprendre qu’il était difficile de vouloir faire acquérir aux élèves plusieurs compétences en même temps : la maîtrise de l’outil avec le diaporama, la maîtrise de la langue, la compétence documentaire, etc. Ces élèves n’avaient aucune habitude du travail en projet, le travail de groupe était difficile aussi, surtout que c’étaient des groupes de 4-5 personnes ; ils avaient un peu de mal à se répartir le travail à faire. Ils ont été un peu autonomes, mais nous avons dû être très directifs, et nous n’étions pas trop de deux enseignants par séance avec quatre groupes : ils avaient tout le temps besoin de quelqu’un pour les motiver et les faire avancer dans le travail. Ils y ont passé beaucoup de temps, nous aussi. Au départ, le projet aurait dû être défini plus simplement. > Points positifs Au niveau de l’outil, la maîtrise du diaporama a été acquise rapidement, les élèves l’ont bien utilisé (même si on y trouve beaucoup de fautes d’orthographe). Pour la plupart, c’était la première prestation orale… Ce n’est pas évident à leur âge, surtout que ce sont des élèves en difficulté, et il était important pour eux d’être devant un jury de professeurs. Même si certains diaporamas n’étaient pas terribles, ils ont tous fait une bonne prestation orale : ils ne se sont pas laissés démonter et ils ont répondu du tac au tac aux questions posées, cela a été positif pour eux. Projet pour l’année 2006-2007 Forts de ces deux expériences, à Linxe, on prend du plaisir à travailler en équipe ! Nous avons donc mis en place, pour cette année, un nouveau projet… L’an dernier, on a fait passer le B2i aux élèves de troisième. Cette année, on est partis de l’idée d’étaler les items à valider pour le B2i de la sixième à la troisième, et de prendre les compétences documentaires pour les mêmes classes, de les classer par niveau en choisissant un thème transversal commun – l’éducation à l’environnement et au développement durable –, et de faire travailler toutes les classes sur plusieurs projets définis par niveaux. On s’est donc réunis en septembre pour faire des fiches projets pour chaque action prévue : quelles seront les disciplines concernées ? quelles seront les productions demandées aux élèves ? quel niveau de classe ? quels enseignants ? quelle durée sur ce travail ? Nous avons maintenant cinq ou six projets de ce type ; ce ne sont pas des projets de grande envergure, mais ils sont progressifs…

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M. FRANCISCO SANCHEZ-GARCIA FORMATEUR TICE, CENTRE DE FORMATION DES PROFESSEURS DE HUESCA (ESPAGNE)

M. FRANCISCO SANCHEZ-GARCIA

----Modérateur Nous allons passer la parole à Francisco Sanchez-Garcia qui va nous expliquer ce qui se fait en Espagne, autour de la recherche documentaire… M. Sanchez-Garcia C’est un plaisir d’être avec mes collègues français et d’avoir l’honneur d’être invité à ce colloque, j’en remercie le Conseil général des Landes et le rectorat de Bordeaux. Je centrerai mon propos sur le thème de cette conférence, nous ne verrons que quelques aspects relatifs à l’utilisation d’Internet ; le débat permettra d’aborder tous les aspects qui vous intéressent. L’utilisation orientée des tablettes digitales ou l’existence d’un ordinateur dans presque toutes les classes. Cette possibilité est très utilisée par les professeurs pour la présentation des contenus. Pour cela, ils ont recours à diverses sources d’information sur Internet, mais l’utilisation dominante est celle des sites qui ont déjà sélectionné des contenus, comme peuvent l’être ceux des Centres nationaux d’information et de communication éducative (CNICE). L’espace est celui normalement utilisé en classe. Comme il n’y a qu’un seul ordinateur par salle, le plus courant est que ces activités se réalisent collectivement dans la classe, ou en commentant le contenu affiché. Quand les élèves s’habituent à cette façon de travailler, une fois de retour à la maison, ils utilisent le Web comme outil de travail, mais cela ne doit pas être obligatoire. Le plus important, c’est le travail des enfants, et pour le favoriser, on leur présente les activités de recherche qu’ils peuvent réaliser en salle d’informatique, pendant les heures déterminées par les professeurs. Exemple : une activité de recherche en lien avec un site de Greenpeace. Cet exemple, comme beaucoup d’autres, montre l’utilisation dans une classe normale si les professeurs veulent travailler avec tous les groupes à la fois. Dans les salles d’in-

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formatique, les élèves peuvent travailler en groupe de deux ou individuellement ; des dédoublements de classes s’opèrent alors. Le professeur peut suggérer des activités à la maison, mais ce ne sont jamais des travaux obligatoires pour l’instant. Dans les écoles primaires qui sont dotées de tablettes digitales, chaque élève de 10 et 11 ans dispose d’un ordinateur pour travailler. L’appareil n’appartient pas à l’élève, c’est un prêt, tel que le matériel payé par le Conseil régional. Les élèves utilisent les tablettes comme s’il s’agissait d’un cahier et ils y font leurs travaux scolaires. On travaille l’écriture presque comme avant. Très rapidement, on passe au clavier, notamment pour les travaux qui demandent une présentation. Comme les tablettes disposent d’une connexion sans fil, les recherches sur Internet sont courantes et font partie des tâches de chaque jour. Elles se font principalement sous la direction du professeur et ont une finalité concrète. Et comme il n’existe normalement pas de filtres de contrôle du contenu, cela requiert une attention particulière des formateurs. La finalité habituelle de la recherche de l’information sur Internet, c’est le développement d’une activité qui demande une analyse et une élaboration pour créer un nouveau document, fruit du travail de l’élève. Ceci suppose que les élèves doivent savoir manipuler un traitement de texte, un programme de présentation, etc. Il n’y a pas de formation spécifique à ces outils, mais on résout les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent. L’appropriation des outils par les élèves se fait ainsi peu à peu. En primaire, le travail de collaboration entre camarades est renforcé, et il est très naturel qu’un élève demande à son voisin comment se fait telle ou telle chose, ou comment améliorer la présentation d’un travail. Chez nous aussi, le WebQuest a fait très rapidement des adeptes. Nous sommes très attentifs à ce type de travail et nous incitons les enseignants à réaliser leur propre WebQuest, même s’ils n’ont pas de connaissances informatiques. Ces dernières années, l’utilisation des blogs en classe s’est développée, et les élèves y recueillent le travail de classe, toujours guidés et dirigés par les professeurs. Dans les activités de classe, nous avons mis l’accent sur l’élaboration de documents destinés à la publication sur Internet : nous considérons en effet que la capacité à communiquer de la façon la plus correcte possible est une compétence très importante pour chacun, et facilitant ainsi sa participation à la vie sociale. Que dire si, en plus, cela se fait dans une autre langue ! Et nous espérons que nos élèves ne seront pas aussi maladroits que quelques-uns de leurs professeurs en ce qui concerne les langues. Vous voyez à qui je fais allusion ! (Rires). Dans tous les processus d’enseignement et d’apprentissage, nous voulons souligner le rôle de l’élève comme élément producteur de communication. Un document qu’on va donner à connaître aux autres acquiert un caractère distinct de celui d’un travail scolaire qui ne sort pas du cahier.

Quelques exemples 1. Le journal numérique C’est un exemple de travail dans lequel les élèves élaborent chaque jour un récit de la façon dont ils voient l’actualité : ils visitent quelques journaux sur Internet, choisissent l’information, la commentent et l’accompagnent. À la fin de la matinée, les plus grands, chacun leur tour, font la maquette et mettent le contenu en ligne grâce à un service de publication mis à la disposition de tous les établissements en 2005-2006. Nous pouvons voir ici des exemples de ce que les élèves ont réalisé pour des publications sur Internet de leurs travaux scolaires, ou spécialement pensées pour des présentations en classe. Le journal est publié de façon collaborative par des élèves de différents centres de la région. Les enseignants s’inscrivent dans le groupe pour acquérir les compétences, et ils font leur part du travail avec leurs élèves. Chaque année, de nouveaux professeurs viennent renouveler l’équipe. Cet exemple de publication montre que, pour un journal de classe, élèves et professeurs n’utilisent qu’une seule identité pour le contenu. Il pourrait être écrit par le même utilisateur, en réalité c’est un travail collectif.

M. FRANCISCO SANCHEZ-GARCIA

2. Un exemple de travail en secondaire (?) En fait, il a le même contenu que celui d’une publication papier et il est distribué aux parents. 3. La radio scolaire Son utilisation a une répercussion non négligeable. Nous ne disposons pas encore d’une bande passante, mais certains établissements la réclament parce qu’ils élaborent des programmes de radio et ils veulent sauter le pas. Brefs exemples : 1er film – 2e film. 4. L’application du multimédia Les plus avancés dans ce domaine sont ceux du village (?) d’Alcoriza : film. C’est un programme de télévision fait par les élèves de l’école. Il est important de souligner que tout le travail est fait par les élèves, que les plus petits se mettent seulement devant la caméra mais qu’au fur et à mesure qu’ils grandissent, ils prennent le contrôle de la caméra et du montage.

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DÉBATS ----Modératrice Après cette présentation de ce qui se fait au-delà des Pyrénées, vous avez la parole pour poser des questions à nos intervenants ou revenir davantage aux problématiques posées en début de table-ronde. M. Lacueille Je félicite le travail qui est fait au collège de Linxe et Mme Queheillard, parce qu’il s’inscrit vraiment dans l’objectif qu’avait fixé par le recteur Gérard il y a deux ans, c’est-àdire l’idée de faire un travail d’équipe intégré dans le projet d’établissement – M. Tauzin a montré toute l’importance de cette notion qu’on appelle le « littérisme ». On ne peut avancer sur ce dossier que s’il y a une véritable politique d’établissement. Je tiens à citer aussi, parce qu’on ne l’a pas fait, tous les travaux conduits dans le département autour de cette démarche de production et de choix d’information, notamment deux concours : – le concours Robotis pour lequel un travail exemplaire est effectué depuis de nombreuses années autour des technologies, et autour de la réflexion des élèves sur ces outils technologiques, notamment avec des présentations orales, – et, l’an dernier, le concours organisé autour du traitement des déchets. Cette année – vous voyez, Mme Queheillard, que les grands esprits se rencontrent –, nous concentrons les moyens de formation essentiellement sur le thème de la culture scientifique et technique, et de l’éducation à l’information. Mon collègue et ami Bertrand Pajot, IPR de sciences de la vie et de la Terre (retenu au rectorat aujourd’hui par ses nouvelles fonctions de doyen des IA-IPR), est en charge de ce dossier. Pour donner encore plus de sens à la présentation de notre ami aragonais, je précise que ce travail s’inscrit sur la durée, avec sans doute un partenariat renforcé avec l’Aragon. Et avec, sans doute, un événement médiatique très important, puisqu’en 2008 Saragosse sera le lieu d’une exposition universelle sur le thème de l’eau : thème, M. le vice-président, qui intéresse également votre département. Sur les deux ou trois ans à venir, nous allons également entamer un très gros travail sur le développement durable… Modératrice Vous avez beaucoup évoqué l’importance d’apprendre aux élèves à citer les sources. J’aurais voulu que vous développiez aussi la question de savoir comment on leur apprend à discriminer ces sources, parce que j’ai eu un témoignage d’un enseignant qui m’a expliqué qu’il avait demandé, en mai / juin, à ses élèves d’une classe de quatrième de lui trouver le site officiel de la Coupe du Monde de football : sur cette classe, aucun élève n’a su trouver le site officiel. Ils en ont trouvé des tas, mais pas celui-là. Comment aide-t-on les enfants à se promener dans l’ensemble de ces sites ? Citer les sources c’est bien, mais certaines sont plus importantes que d’autres à connaître ? Comment fait-on ?

M. Tauzin C’est très difficile, d’autant qu’on s’adresse à de jeunes collégiens de 13 à 15 ans – ce ne sont pas des lycéens –, mais il y a diverses stratégies pour cela. Sans y avoir réfléchi avant, je peux vous parler du Climi qui a mis au point la mallette Educonet : parmi les activités proposées, il y a celle de la discrimination de sites portails, composée de copies d’écrans présentées sous une forme assez flatteuse et visible. Dans ces pages figurent des portails qui ont toute l’apparence de sites officiels, alors que ce sont des sites commerçants, et d’autres représentant les vrais sites. Voilà un exemple d’appareil pédagogique ludique qui vise à éduquer un peu à la validation des sources et à une perception critique de l’Internet. C’est un problème auquel nous avons nous-mêmes été confronté… Il est évident qu’il y a des sites sur lesquels il y a des bêtises. Myriam Queheillard le confirmera, parmi les stratégies qu’on peut mettre en place, il convient de multiplier les sources pour voir si elles ne se contredisent pas. Il se peut que les professeurs-documentalistes aient justement du matériel pédagogique pour cela. Activité que j’ai faite en cours de français, lors du tsunami : sur le site Hoaxbuster.com figurait toute une critique très intéressante de cette image qui avait déferlé sur la toile mondiale, et qui représentait – je suis certain qu’on l’a toutes et tous vue – ces gratteciel dans une zone balnéaire avec une espèce de vague gigantesque jusqu’au 10e étage. Sur ce site, l’analyse était très bien faite, et cela a beaucoup impressionné les enfants qui ont ainsi compris qu’il s’agissait de truquages numériques complets, et que ce qu’on faisait passer pour la vague du tsunami qui arrivait à une hauteur incroyable n’était que le fruit d’une falsification regrettable. La validation des sources, c’est donc tout un travail, pas facile à mener.

DÉBATS

Mme Queheillard La première des choses, c’est qu’il faut accompagner les élèves ; il faut être derrière eux, les guider, les aider, leur poser des questions, leur demander : « Est-ce que tu es sûr que c’est intéressant ? Est-ce que tu as repéré la mise à jour ? » Cette semaine encore, j’avais des élèves très étonnés quand je leur ai dit qu’il fallait se méfier de Wikipédia, car n’importe qui peut y mettre des articles : ils sont tombés des nues ! Donc il n’y a pas de miracle, il n’y a pas de fiche magique ; il faut être derrière eux et passer le plus de temps possible à les guider. M. Sanchez-Garcia Même propos que Myriam, j’ajoute que les ressources sont dans la vie, il y en a beaucoup dans la vie, dans la famille. À l’école, nous devons les utiliser. Et comme nous allons les utiliser, nous devons apprendre aux élèves. Il n’y a pas de miracle ! Modérateur Vous avez montré que vous utilisiez le matériel de la presse en ligne. Est-ce que cela incite les élèves à aller, d’eux-mêmes, vers ces documents, vers la presse quotidienne ? Est-ce que vous avez remarqué que cela les motivait ? Ou comme Pascal Lardellier le disait, que le problème c’était la désaffection des jeunes pour les médias traditionnels ?

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M. Sanchez-Garcia En ce moment, les jeunes ont un peu délaissé la lecture et le papier, mais ils ont besoin de s’informer. La presse digitale est une forme d’aide à l’information. Il faut travailler avec la presse pour qu’ils acquièrent le sens critique. On doit travailler cela à l’école, c’est important.

15 H 00 > 16 H 30 / / / TROISIÈME TABLE-RONDE QUELLE PLACE DONNER AUX DOCUMENTS MULTIMÉDIAS EN CLASSE, PENDANT LES COURS ?

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----Modératrice Toujours dans le souci de présenter des expériences concrètes sur la façon dont on peut utiliser les nouvelles technologies et le matériel multimédia dans les classes – ce matin nous avons vu la problématique des langues vivantes avec l’usage du matériel audio, l’usage que l’on peut faire de la visioconférence –, nous allons voir maintenant, dans les autres disciplines, comment mettre en place ce travail.

/ / / TROISIÈME TABLE-RONDE

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M. FRANK TÉTART DOCTEUR EN GÉOGRAPHIE, CHERCHEUR AU LEPAC (LABORATOIRE D’ÉTUDES POLITIQUES ET CARTOGRAPHIQUES), COLLABORATEUR DE L’ÉMISSION LE DESSOUS DES CARTES – ARTE

----Modératrice Frank Tétart va nous parler d’un des meilleurs exemples d’utilisation du matériel multimédia, l’émission le Dessous des cartes qui depuis de longues années présente, de manière très pédagogique, la façon dont on peut comprendre la politique à travers la géographie. M. Tétart Pour ceux qui ne connaissent pas l’émission et afin de mieux cerner les enjeux et la possibilité d’utilisation du Dessous des cartes dans le cadre d’un enseignement, je reviens brièvement sur l’origine de cette émission, pour en rappeler les principes, et regarder sur deux extraits de DVD comment les intégrer dans le cadre d’un cours, soit intégralement, soit par des extraits qui peuvent être une façon ludique d’introduire un sujet quelquefois complexe. Depuis 1990, le Dessous des cartes réussit chaque semaine à décrypter et à analyser les grands enjeux internationaux, qu’il s’agisse de problèmes politiques, de géopolitique, de grands problèmes d’environnement ou de problèmes liés aux ressources naturelles. La particularité de l’émission, c’est le traitement de ces événements, le traitement de cette actualité internationale à l’aide de cartes de géographie. C’est un peu innovant et assez original : c’est l’une des seules émissions au monde, à la télévision, à utiliser les cartes de géographie comme support… Réputées muettes les cartes sont pourtant très éloquentes : elles sont de véritables outils très efficaces pour analyser les mouvements que connaît notre monde, particulièrement depuis 1989.

D’ailleurs, cette émission est née à un moment un peu charnière de l’actualité et des relations internationales, un an après la chute du mur de Berlin, au moment où le monde bipolaire est en train de disparaître, donc à un moment de rupture où l’on se pose beaucoup de questions. Comment va-t-on vivre avec une seule puissance, dans la mesure où l’Union Soviétique disparaît ? En outre, on assiste à un renouvellement, à ce que certains ont appelé une prolifération d’États, un renouveau des frontières, avec l’apparition d’une quinzaine de nouveaux États – issus de l’Union Soviétique –, que ce soit les Pays Baltes qui recouvrent leur souveraineté, mais aussi des nations qui ne l’avaient jamais connue, comme tous les pays d’Asie centrale, que ce soit le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, ou les États du Caucase comme la Géorgie ou encore, plus proche de nous, l’Ukraine ou la Moldavie (qui n’est pas un pays inventé par Tintin mais un État issu de la dislocation de l’Union Soviétique).

M. FRANK TÉTART

L’originalité de l’émission le Dessous des cartes n’est pas de chercher à faire connaître, comme on a l’habitude de le voir dans d’autres émissions d’actualité – notamment les journaux d’actualités quotidiens sur les chaînes –, mais plutôt de faire comprendre les événements du monde. Plutôt qu’informative, l’émission va prendre rapidement une dimension pédagogique, notamment en cette période charnière où l’on a besoin de trouver de nouveaux repères pour comprendre les évolutions en cours. Elle s’appuie sur quatre principes de base. 1. Tout événement est influencé par le lieu où il se déroule, d’où l’utilité de faire comprendre la contrainte de la géographie, et la présence de cartes qui permettent de prendre en compte ce principe. 2. Rechercher les tendances lourdes, c’est-à-dire prendre du recul sur les événements et ne regarder que ce qui fait sens, car tout ce qui est immédiat n’est pas toujours important. Cela permet également de hiérarchiser l’information, et du coup, de prendre de la distance, de donner du sens et de replacer les événements dans un ensemble plus cohérent. 3. Proposer une nouvelle grille de lecture, vu que le monde bipolaire n’existe plus. 4. Croiser les disciplines : on ne va pas utiliser uniquement la géographie mais aussi l’histoire, l’économie et quelquefois d’autres sciences. Ces quelques exemples vous montrent les principes utilisés dans le cadre de cette émission le Dessous des cartes. > premier exemple Quand on fait une analyse sur l’Union européenne, il est important de croiser l’économie si on envisage le marché unique – cet espace qui s’est construit autour de l’économie et aujourd’hui d’une monnaie unique pour une douzaine de pays –, mais on ne peut pas faire abstraction de l’histoire, puisque la naissance de l’Union européenne est très liée à l’histoire du continent européen dans son ensemble, marquée par les guerres, mais aussi par le droit, car ce qui fait cohésion dans cet espace de l’Union européenne, c’est avant tout l’espace juridique, avec un certain nombre de normes et de règles communes, mises en place et qui définissent le fondement de cet espace.

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> deuxième exemple De la même façon, pour un pays d’Afrique comme la Somalie, l’analyse ne va pas uniquement utiliser la géographie, l’histoire et l’économie, mais également l’ethnologie pour comprendre son organisation sociale et « sociétale ». > troisième exemple En étudiant le Kosovo, on va utiliser l’histoire, la géographie, la science politique mais aussi la sociologie pour comprendre les interactions entre les différents acteurs. > quatrième exemple Si on prenait les États-Unis, la seule puissance aujourd’hui au niveau mondial, on doit se replonger dans des approches stratégiques et essayer de comprendre, pas uniquement sur du temps court – donc pas uniquement les États-Unis et leur politique étrangère depuis l’arrivée du président Bush –, mais sur une dimension historique plus longue, et étudier la politique étrangère américaine faite, à la fois, d’attaques et de défenses interventionnistes et isolationnistes. Comment utiliser cette émission comme outil pédagogique ? > premier objectif Essayer de donner aux élèves l’occasion d’approcher des connaissances qu’ils doivent acquérir dans le cadre des programmes d’histoire et de géographie avec une démarche originale. > deuxième objectif Inciter les élèves à adopter les démarches et les outils de la géographie, notamment la cartographie. > troisième objectif Les amener à s’approprier cet outil cartographique, notamment pour représenter les territoires, et leur apprendre qu’une carte ne révèle pas uniquement des territoires, mais un certain nombre de dynamiques, donc leur apprendre à interpréter le changement d’échelle, à critiquer les cartes qui ne sont qu’une représentation : il y a des cartes qui mentent…

> Deuxième utilisation de l’émission : sous forme de modules à l’intérieur d’un cours en n’utilisant que certaines séquences pour montrer quelque chose de très précis.

M. FRANK TÉTART

Fiche 1 : Histoire de l’Islam L’émission sur l’histoire de l’Islam : on a aujourd’hui une image de l’Islam plutôt négative et ancrée sur un espace limité, pour beaucoup, au monde arabe. En réalité, le domaine est plus large, il part de l’Afrique du Nord jusqu’à l’Asie, et on oublie que l’Islam a été un foyer de culture important, arrivé aux portes de l’Europe et de Poitiers, et de façon permanente sur l’Espagne, avec le Bassin méditerranéen longtemps dominé par l’Islam. Pour approcher cette histoire, les cartes sont assez révélatrices (visionnage d’un extrait de l’émission qui permet d’appréhender l’arrivée, la pénétration et l’implantation de l’Islam sur le Bassin méditerranéen). Fiche 2 : l’Union européenne L’émission sur l’élargissement européen qui suscite beaucoup de questionnement – avec un rappel historique des différentes étapes, depuis la création de l’Union européenne jusqu’à l’élargissement d’avril 2004. Elle permet, en quelques minutes, de restituer l’Union européenne dans l’espace territorial auquel elle appartient, de voir l’évolution de l’élargissement, de mesurer le temps assez court (une cinquantaine d’années depuis la création), et cette vocation initiale à s’élargir au continent. En quelques instants, on rentre dans le sujet et on donne un peu de concret aux élèves. On peut s’arrêter aux différentes étapes puisqu’on a le nom des différents États qui apparaissent.

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Il n’y a pas de méthode unique, plutôt quelques idées qui me sont venues et qu’il m’est arrivé d’utiliser dans le cadre de l’enseignement. > Première utilisation de l’émission : en introduction du cours. On diffuse une émission (l’avantage c’est qu’elle est courte : 11 minutes), cela peut servir de bonne introduction et permet d’appréhender le thème étudié. On peut ensuite interroger les élèves pour voir ce qu’ils ont retenu, et répondre à leurs premières interrogations sur le sujet, avant de rentrer dans le détail, soit en revenant sur des extraits de l’émission, soit en passant à un cours plus traditionnel. La concentration des élèves se fait déjà sur la carte et leur permet de retenir le territoire dans son espace à plusieurs échelles, ce qui est quelquefois assez intéressant.

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M. JEAN-DOMINIQUE FILIPPI-CODACCIONI ENSEIGNANT D’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE AU COLLÈGE LÉON-DES-LANDES À DAX (40)

----Modératrice Nous avons vu l’utilisation de la cartographie pour animer, faire vivre un cours, et faire comprendre aux élèves les enjeux de notre monde. Regardons maintenant comment utiliser le matériel multimédia en cours d’histoire-géographie. M. Filippi-Codaccioni Celui qui vous parle, en 2001, lorsque l’opération « un collégien, un ordinateur portable » a été lancée, s’est fixé un challenge à lui-même en se proposant de numériser l’ensemble du programme d’histoire géographie et d’éducation civique, donc de numériser tous ses cours, à la fois textes et documents. C’est ce que je vais essayer de vous présenter maintenant. Depuis 2001, cinq années ont passé, et 200 élèves ont, à raison de 3 heures 30 par semaine, pratiqué ce que je vais vous montrer. Sommaire Le programme est au complet, je peux le faire défiler devant vous. La deuxième partie est de la géographie et de l’histoire mêlées. La troisième partie, les puissances économiques majeures. La quatrième partie traite de la France, en histoire et géographie. Problème : comment faire passer ça aux élèves ? D’abord, un point technique Au début de l’année, lors de la première séance, tous les élèves ont téléchargé sur leur portable le programme de septembre à juin, donc ils ont l’ensemble et la mise en perspective de tout ce qui les attend pour l’année. Avantage : cela permet de quitter le réseau tout de suite après ; ils sont à un âge où le réseau sert à autre chose qu’à regarder les cartes d’histoire-géographie….

L’utilisation en classe J’ai pris volontairement la partie du programme déjà faite, pour les collègues dans la salle, ce sera plus clair. > Fichier 3 : Vivre et tenir sur le front pendant la Guerre de 14 / 18 Tous les fichiers sont verrouillés pour des raisons que je n’ai pas besoin d’évoquer. Principe pédagogique qui m’a animé : répondre à l’objectif central en histoire-géographie en troisième, qui est la réalisation du paragraphe argumenté. Il faut donc développer l’esprit de synthèse et d’analyse des élèves à partir d’un lien entre les documents (sur la partie gauche) et le cours (sur la partie droite). On a une liaison permanente entre les connaissances qu’un élève de troisième doit acquérir, et les documents qui donnent la signature d’historien (ou d’apprenti historien) à celui qui répond aux questions. J’ai placé les questions le plus souvent en début de fichier pour que l’élève ait les documents à proximité, et qu’il puisse se livrer à leur analyse. L’élève fait le lien et répond dans un champ de texte aux questions qui sont un élément de progression dans la réalisation du paragraphe argumenté – ne jamais perdre de vue cet objectif pédagogique central qui est de développer l’esprit de synthèse des élèves. L’élève tape sa réponse dans un champ de texte qu’il peut activer Au fur et à mesure qu’il répond aux questions, sa réflexion s’enrichit puisqu’elle est à la fois le fruit des éléments de connaissance (sur la partie droite), et leur démonstration, leur examen critique au besoin, par les documents (sur la partie gauche), par exemple ici tous les aspects de la vie des soldats au front. On arrive en dernière phase à la rédaction du paragraphe argumenté.

M. J.-D. FILIPPI-CODACCIONI

Je me suis débrouillé pour que le paragraphe argumenté soit, chaque fois que c’est possible, le corpus du cours, avec la démonstration d’un certain nombre d’affirmations contenues dans le cours grâce aux descriptions de documents. Voilà, sous forme de corrigés, le résultat de ce que j’attends d’eux. En quantité de texte, j’ai fait des réponses qu’un élève moyen, assez bon, est capable de faire. La quantité n’est pas gigantesque : j’insiste toujours auprès des élèves en leur disant de mettre à la fois un élément de connaissance qu’ils prennent dans la leçon (par exemple, ici, sur les tranchées), plus la description de la tranchée qu’ils prennent dans les documents et dans le texte qui se trouve en dessous. Ce dispositif permet à l’élève d’être tout de suite en phase avec l’objet d’études analysées et donc de commencer une réflexion. Le but de tout ça, c’est de faire constamment réfléchir les élèves, et d’éviter le zapping. Pour ce qui est de l’analyse des documents, on finit par la rédaction du paragraphe argumenté, celui-ci étant le corpus du cours, avec une introduction courte, une conclusion courte et (en rouge) la description des images, des graphiques, des tableaux, ou, entre guillemets, tout ce qui est texte, donc qui sert à justifier les affirmations ; avec comme préoccupation de bien montrer aux élèves que ce n’est pas parce que c’est dans le cours que c’est forcément vrai – encore faut-il qu’ils aient une démarche historienne, et qu’ils soient capables de démontrer ce qu’ils affirment. C’est l’essentiel de ce que je propose aux élèves, aussi bien en histoire qu’en géographie et en éducation civique, tout au long de l’année.

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On peut imaginer d’autres types d’utilisation… Par exemple l’analyse d’un document vidéo qui peut se faire en utilisant un site que je recommande à tous chaudement (lesite.tv), où des collègues ont mis en ligne des extraits vidéo et surtout des fichiers pédagogiques qui facilitent considérablement le travail de préparation. Ceci n’est rien d’autre que la reprise d’un de ces fichiers pédagogiques mis en forme sous Word pour être le plus lisible possible. Visionnage de la vidéo L’élève est accompagné constamment dans sa progression par une vidéo de 2, 3 ou 4 minutes ; il a une classification à faire selon les différents thèmes d’analyse abordés (méthode, difficulté, violence de l’assaut sur le chemin-des-Dames). Ensuite, on lui demande d’analyser les sentiments et le comportement des soldats dans cet enfer. On peut très bien demander aux élèves des analyses de documents vidéo, mais il est hors de question de le faire en classe, c’est le plus souvent sous forme de travail de groupe à la maison. Quand on se lance dans un tel travail, il faut penser aussi au portable qui se dérègle lorsque l’élève rentre à la maison, il faut penser aux bugs de différentes natures. Internet se généralisant, j’ai mis en ligne l’essentiel du cours. Cette mise en ligne – je ne l’ai mise sur aucun moteur de recherche – est exclusivement destinée aux élèves de ma classe. On retrouve les différents éléments, avec de petites vignettes pour éviter que l’espace disque ne soit tout de suite saturé. Je retrouve mon fichier « Vivre et tenir sur le front ». À chaque document, je me suis débrouillé pour faire un lien hypertexte qui permette de relier les documents et les connaissances. Les élèves peuvent également – je ne l’ai encore jamais utilisé mais c’est possible – écrire leur réponse et me l’envoyer.

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MME MORGANN CAULET ENSEIGNANTE DE SCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE AU COLLÈGE DE LINXE (40)

MME MORGANN CAULET

----Modératrice Nous avons là deux exemples d’utilisation de documents qui permettent d’illustrer un cours, et de le rendre sans doute plus concret pour les élèves. Nous allons voir maintenant avec Morgane Caulet ce que cela peut donner en sciences de la vie et de la Terre. Mme Caulet Bonjour à tous. Je suis venue vous présenter l’usage du multimédia dans l’enseignement des sciences de la vie et de la Terre. J’ai retenu cinq objectifs, la liste n’est pas exhaustive, j’attends vos pistes pour compléter mon travail. Première utilisation : faciliter l’approche de mécanismes physiologiques ou géologiques Ces mécanismes se passent dans le temps et l’espace, et ils sont souvent difficiles d’accès pour les élèves. Nous avons à notre disposition deux types de logiciels, ceux achetés grâce au budget du collège et aux subventions du Conseil général, et des logiciels libres de droits que l’on peut télécharger sur Internet, et réalisés par des collègues très doués, qui ont créé des objets personnalisés et adaptés au niveau pédagogique, et qui répondent aux attendus du programme et de l’enseignant. – Un premier logiciel, utilisé en cinquième quand on étudie la respiration humaine. Il est utilisé en classe entière, ou en salle d’informatique car les classes de sixième et de cinquième ne sont pas dotées d’ordinateurs portables individuels. L’un utilisé en classe entière pour les élèves de cinquième, l’autre utilisé en salle informatique où il faut répartir la classe en deux demi-groupes, ce qui implique d’investir une permanence et donc d’encombrer les collègues CPE et surveillants. > Visionnage du logiciel Le logiciel des cinquième permet de présenter des mécanismes : par exemple, la respiration. C’est un logiciel qui leur plaît beaucoup : on peut visualiser la cage thoracique avec la variation de pression à l’intérieur, qui permet ou non de remplir le volume des

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poumons. Ce logiciel a été créé par un collègue SVT et est spécifiquement adapté au niveau cinquième. – Un deuxième logiciel pour les quatrième et les troisième : les élèves sont dotés d’ordinateurs, et ils vont travailler chez eux en autonomie. Le programme est accompagné d’une fiche pédagogique, sinon les élèves ont du mal à organiser leur travail et se perdent en cliquant de droite à gauche. > Visionnage L’utilisation en autonomie est l’un des objectifs fondamentaux de l’enseignement en quatrième et troisième. On peut télécharger ce logiciel libre de droits, sur la lignée humaine. À l’origine, ce programme visait les Terminales S, mais on peut l’adapter pour les quatrièmes. On va chercher à comparer les caractères morpho-anatomiques de l’homme et du chimpanzé, deux cousins. Il y a énormément de comparaisons possibles. Pour cela, il faut que le travail de l’élève soit guidé par une fiche pédagogique qu’il remplit à la maison. Il doit comparer le chimpanzé et l’homme. Grâce au logiciel, il doit comparer les différents fossiles de la lignée humaine, et reporter ces mêmes fossiles sur une carte mondiale, commenter l’acquisition de la bipédie et l’évolution du modèle crânien. J’ai généralisé la présentation de mon cours sous OpenOffice, grâce au matériel du Conseil général car je n’ai pas d’ordinateur personnel. Deuxième utilisation : visualiser des mécanismes un peu complexes Pour permettre aux élèves de visualiser des mécanismes un peu complexes, on peut leur permettre d’utiliser, en bilan de chapitre, les animations « Flash » installées sur leur ordinateur. Nous avons à disposition 140 ou 150 animations – parmi lesquelles beaucoup de représentations du cycle cellulaire pour les troisième, qui ont du mal à aborder ce thème. C’est présenté très schématiquement, cela fait un bon bilan et cela leur permet également de réviser à la maison. > Visionnage d’une animation Flash On peut choisir l’anatomie du cœur, on peut également avoir des animations pour présenter la mitose. Cette animation arrive en bilan de cours, et va permettre de fixer les idées des élèves (fixation des chromosomes). Ce sont des choses qu’ils ont habituellement énormément de mal à appréhender. Troisième utilisation du multimédia : s’initier à la prise de notes Nous disposons de vidéos que nous pouvons acheter et de vidéos libres d’accès grâce à l’abonnement au site.tv financé par le Conseil général pour tous les établissements des Landes. C’est une mine de vidéos pour illustrer, en SVT notamment, tous les chapitres de tous les niveaux. > Deux types de vidéos. – Des vidéos pédagogiques d’accompagnement du cours : celle-ci s’intéresse aux sismographes. Tirée de la collection in situ, elle a pour but de présenter des images prises en laboratoire par exemple. Le discours est ciblé pour un élève de quatrième, en cours de géologie.

– Autres types de vidéos accessibles sur lesite.tv – qui ne sont pas, à l’origine, à but pédagogique, mais qui sont souvent, pour nous, une source d’information pour débuter notre cours.

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Quatrième utilisation : permettre aux élèves de développer leur esprit d’analyse par rapport aux images Les élèves vont comprendre qu’il y a plusieurs niveaux d’images, et que toutes les images ne sont pas à prendre de la même façon. Ils doivent réfléchir aux supports qu’ils observent. Par exemple, on leur présente des travaux scientifiques, et cela permet de sortir la science du laboratoire, de désacraliser le travail de laboratoire. On va également demander aux élèves de déterminer si ce qu’ils voient provient de travaux scientifiques, de travaux de vulgarisation (donc des travaux qui sont adaptés à leur niveau), ou d’autres sources sans caution scientifique. Cela leur permet de réfléchir aux images qui leur sont bombardées à la télévision : tout n’est pas à prendre au pied de la lettre. Ils vont devoir essayer de déterminer différents niveaux d’images : est-ce que c’est un schéma ? si c’est un schéma, est-ce un schéma qui représente quelque chose ? est-ce un schéma bilan ? est-ce que c’est une image ? Bien distinguer le dessin du schéma… En science, et en particulier en sciences de la vie et de la Terre, cela n’a pas du tout le même rôle : le dessin représente la réalité, alors que le schéma va la simplifier pour montrer un fonctionnement et une cohérence… S’il s’agit d’une photographie, a-t-elle été obtenue en macroscopie ? à l’œil nu ? ou en microscopie ? Si elle a été obtenue en microscopie, on peut réfléchir ensemble aux techniques utilisées pour l’obtenir. Si elle a des couleurs naturelles ou artificielles, pourquoi a-t-on coloré certaines structures ? Quel était le but ? À qui était destinée la photographie ? Ensuite, l’élève va devenir acteur et va s’approprier le terrain informatique. Comme beaucoup d’enseignants, je demande des travaux de recherche. Les élèves de quatrième et de troisième ont la grande chance d’être dotés d’ordinateurs, ils vont pouvoir travailler à la maison sur la mise en pages. Dans les ordinateurs, il y a les encyclopédies, notamment Encarta et Universalis. Ils vont pouvoir aller y chercher les sources et en extraire des parties en particulier des images. Il leur faudra choisir des images cohérentes, pertinentes, et savoir les introduire. Je vérifie bien que toutes les idées sont issues du cerveau de l’élève et non pas du cerveau du journaliste qui a publié dans l’encyclopédie. Les élèves vont produire soit des publications (sur Publisher), soit des diaporamas. > Visionnage du diaporama : la disparition des dinosaures Ils ont dû réfléchir à l’enchaînement entre les diapos et à la mise en forme, limiter la partie texte puisque ce diaporama était présenté à l’oral. Deux possibilités : soit je fais travailler en diaporama individuel, mais je n’ai pas le temps matériel en classe de faire passer tout le monde, ou bien en diaporama de groupes de 4 à 5 où je détermine des rôles (un secrétaire, un rédacteur chef qui chapeaute tout le travail, un bibliothécaire chargé de rechercher les ressources sur Internet ou les encyclopédies), chacun ayant une tâche très précise dans le groupe.

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Autre usage de l’outil multimédia, s’approprier l’image Avec le tableau numérique, on peut faire des captures d’images par le biais de la télécam : nous faisons régulièrement des observations au microscope, il suffit de brancher la télé-cam au microscope, le tout relié au tableau numérique, et l’image apparaît. On travaille directement sur l’image, par exemple pour essayer de localiser les plus grandes structures de la cellule. > Visionnage du même type de capture d’image Il est demandé à l’élève de troisième de légender l’image, puis on retire l’image, il reste à l’élève un schéma bilan, un schéma qui représente ici la légende des cellules végétales qu’il a observées.

MME ANNE SVIRMICKAS ENSEIGNANTE DE MATHÉMATIQUES AU COLLÈGE DE TARNOS (40)

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Le tableau numérique permet également la réalisation de schémas bilan. L’élève va pouvoir venir au tableau, déplacer les flèches et les ronds, et réaliser le schéma bilan, par exemple ici sur le contrôle du mouvement par le système nerveux ; il va devoir réorganiser toute la partie supérieure pour en faire un schéma cohérent… Pour conclure mon bref (et brillant !) exposé, j’insiste sur le fait que l’outil multimédia permet un peu tout, et n’importe quoi, et qu’il faut absolument essayer de développer l’esprit critique des élèves. L’élève a tendance à être obnubilé par l’image, il prend un peu toutes les images sur le même plan d’égalité : il faut lui faire comprendre qu’il y a différents niveaux d’images. Il faut qu’il devienne critique par rapport à ce qui l’entoure, et par rapport à ce qu’on lui assène à la télévision, qu’il prenne du recul. Cela permet également de désacraliser le travail scientifique : les images scientifiques sortent très rarement des laboratoires, c’est donc l’occasion d’en présenter aux élèves, et en expliquant les techniques utilisées pour les obtenir, de dédramatiser l’acte scientifique.

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----Mme Svirmickas Bonjour, je vais vous présenter ce que je fais en mathématiques pendant mes cours, et avec d’autres collègues qui travaillent avec moi au collège. L’utilisation de l’ordinateur en mathématiques n’est pas récente, cela fait une dizaine d’années au moins que nous avons des logiciels de géométrie dynamique, et dix ans aussi que l’Inspection générale de mathématiques a sorti un texte demandant qu’il y ait, dans chaque salle de cours de mathématiques, un ordinateur et un vidéo-projecteur. Il y a dix ans, ces outils étaient hors de prix pour un usage dans les classes, mais les professeurs utilisaient quand même l’informatique. Avant cette opération d’ordinateurs portables, cette utilisation se faisait essentiellement en salle informatique, et cela nécessitait de réserver la salle, et surtout de concevoir des séances pédagogiques qui duraient une heure. Avec les outils actuels, on peut maintenant utiliser l’ordinateur pour illustrer des points de manière locale, ponctuelle… Les exemples que je vous présente sont l’utilisation d’illustrations en classe, par le professeur, avec un ordinateur connecté à un vidéo-projecteur. La présentation animée, premier type d’utilisation Trouvée sur le site amicollege, cette animation concerne la présentation de la formule qu’on utilise pour calculer l’aire d’un triangle. Elle a pour but de montrer à l’élève qu’on utilise l’aire d’un rectangle divisée par deux, à condition d’utiliser les bonnes dimensions du rectangle. Deuxième animation, pour illustrer des choses compliquées qui nécessitent beaucoup de gestes et de manipulations, telles que les décompositions de volumes pour arriver à des calculs. Ici, il s’agit d’une aide animée que j’ai été trouvée sur le site Mathenpoche.net, logiciel qui est beaucoup plus qu’un exerciseur : il permet des exercices systématiques mais aussi des corrections guidées.

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Troisième exemple d’animation, un outil très intéressant pour des images de construction. C’est assez récent : on utilise un logiciel qui illustre une construction que doit faire l’élève, et que lui montrait auparavant le professeur, sur le tableau à craie. Inconvénient de la présentation sur le tableau à craie : avec les outils traditionnels, le professeur était souvent devant le tableau et cachait une partie de l’image, et surtout quand la construction était faite, si l’élève voulait la revoir, il fallait effacer et recommencer la construction. L’idée est de projeter la méthode de construction au tableau pendant que le professeur vérifie en passant dans les rangs que chacun fait correctement le principe de construction. L’animation (en l’espèce du niveau cinquième) tourne en boucle aussi longtemps qu’il le faut pour que les élèves aient réussi à comprendre le fonctionnement. La projection peut s’effectuer pas à pas, le professeur peut faire des pauses en arrêtant le défilement (pour faire un commentaire), ce que je fais quand je montre la première fois l’animation. Ce type d’outil peut être utilisé pour montrer des constructions beaucoup plus compliquées à des élèves de quatrième ou de troisième qui pourront re-visionner les constructions chez eux. Ce sont des outils indispensables, on ne peut plus s’en passer ! Plus classique, l’utilisation du logiciel Geospace. La pyramide est construite dans un cube, le logiciel permet d’éclater ou d’ouvrir la pyramide pour montrer comment on peut obtenir le patron (surface en rouge) de la pyramide. L’élève peut refermer ou ouvrir, et arriver à comprendre – en visualisant le patron de face – les relations entre les différents côtés du patron. Parmi les utilisations, il y a aussi des choses plus mathématiques et plus abstraites. Voici par exemple un exercice proposé au concours Kangourou des collèges en 2006 : il s’adresse à tous les collégiens et même à quelques lycéens du niveau seconde ; il comporte des questions auxquelles ils doivent répondre en choisissant la bonne solution, sous forme de QCM. La question n’était pas forcément facile à comprendre, on peut l’illustrer avec un logiciel de géométrie. J’ai modélisé la situation, j’ai construit l’échelle, je peux la faire basculer le long du mur comme indiqué dans l’énoncé. Surtout, avec cet outil, on peut avoir la trace du milieu de l’échelle puisque c’est ce qui est demandé : on demande la trajectoire de l’échelle… Si je déplace le pied de l’échelle, je peux garder la trace de la trajectoire du point M et répondre à la question. L’élève n’a pas le logiciel quand il fait le concours, mais cela permet de faire une recherche a posteriori, et si la classe est performante, on peut lui demander de modéliser la situation à l’aide du logiciel. C’est là que les mathématiques deviennent intéressantes : on passe dans le côté abstraction du domaine mathématique. Ce sont des outils extraordinaires sur le plan de leur utilisation en classe.

Qu’est-ce que cela apporte aux élèves ? Le dernier exercice est du travail de réflexion. Pour les présentations, les élèves sont intéressés : ils aiment beaucoup zapper, chez eux comme en cours. À partir du moment où quelque chose s’affiche de manière lumineuse au tableau, ils ont tendance à être plus attentifs. Au niveau de la mémoire, cela fixe un certain nombre de méthodes, en particulier de construction.

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Après ces utilisations par le professeur (tout seul) devant ses élèves, il y a aussi des utilisations en exercice interactif pour les quatrième et les troisième, qui peuvent travailler au collège avec un certain nombre d’outils. Il existe toute une série d’exercices. L’élève travaille en autonomie sur son ordinateur et il est corrigé par le logiciel. Sur cette introduction à la géométrie du triangle rectangle en quatrième, l’objectif porte sur théorème de Pythagore. Première partie : la connaissance du vocabulaire dans le triangle rectangle. L’élève a différentes possibilités pour répondre aux questions. S’il répond faux et qu’il valide, une aide va lui donner les indications pour répondre correctement. Voici des exemples avec un certain nombre d’aides. L’élève peut les faire défiler à nouveau, aussi souvent qu’il veut, et quand il pense avoir compris, il peut passer à la question suivante. Le fonctionnement en classe Les séquences peuvent être limitées à une demi-heure ou à un quart d’heure. Les élèves qui traînent un peu risquent de ne pas avoir terminé le travail en fin de séance et sont obligés de terminer chez eux ; c’est une bonne manière de les pousser à utiliser ces outils aussi à domicile puisqu’ils les ont sur leur portable. L’élève sérieux et attentif bénéficie à fond de ces outils. Il se considère souvent comme moyen et pense qu’il n’est pas capable de trouver seul la solution des exercices qu’on lui donne. D’habitude, en classe, il attendait qu’on donne la correction pour démarrer une démarche d’élève… Avec ce type d’outils, il ne peut pas en rester là : il est obligé à un moment ou à un autre, de s’y mettre… Autre avantage, le professeur peut circuler dans les rangs, et aider ponctuellement un ou deux élèves à progresser. Les ressources En mathématiques, elles sont très riches mais souvent un peu disparates. Quand j’ai commencé j’avais tendance à vouloir créer moi-même mes propres ressources, mais cela prend beaucoup de temps ; les ressources des autres ne me convenaient jamais tout à fait parce que j’aurais préféré une autre présentation. Au début, j’ai travaillé avec des serveurs sur lesquels les enseignants déposent des exercices en vrac. Inconvénient : ils n’ont pas de cohérence graphique, et à chaque fois, il faut expliquer à l’élève le fonctionnement de l’exercice pour qu’il puisse l’utiliser. Mais de plus en plus, les enseignants se regroupent en association pour produire des ressources qui respectent une charte graphique, comme c’est le cas pour Mathenpoche qui existe maintenant pour tous les niveaux du collège. Les enseignants de mathématiques sont à la pointe à ce niveau : comme il n’existait absolument pas de ressources numéri-

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ques payantes, ils ont développé leurs propres ressources, ce qui enrichit les échanges. Petit à petit, à force d’utiliser les ressources produites par d’autres, j’y vois un enrichissement énorme, cela permet de discuter avec d’autres enseignants de mathématiques sur les différentes approches qui existent sur une notion, et de les présenter aux élèves, notamment tout ce qui concerne la formulation des démonstrations ; chacun n’a jamais la même expression, c’est enrichissant pour l’élève d’avoir plusieurs modèles, il peut choisir celui qui lui paraît le mieux correspondre à sa façon de réfléchir.

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DÉBATS

DÉBATS

----M. Philippe Rajon, responsable de l’Observatoire des ressources multimédia en éducation – CRDP Ma question concerne les différentes présentations. Qu’est-ce qui a guidé le choix des ressources ? Sur quels critères les enseignants se sont-ils appuyés ? M. Filippi-Codaccioni a numérisé un ensemble de documents, des supports multimédia, des cartographies. Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos choix de ressources et de support ? Est-ce un aspect directement lié à la pédagogie ou au contenu ? Ou avez-vous choisi des supports qui ont une certaine attraction vis-à-vis des élèves, comme on l’a dit ce matin ? M. Filippi-Codaccioni C’est essentiellement en fonction des préoccupations pédagogiques, c’est-à-dire que je cherche des documents qui permettent de justifier, de développer l’esprit critique par rapport à la parole du professeur. Je dis toujours à mes élèves : ce n’est pas parce que je le dis que c’est forcément vrai ! Je leur dis : ayez vous-mêmes une démarche d’historien, démontrez ce que vous affirmez, critiquez ce qui est affirmé, n’ayez pas un regard passif sur l’objet d’étude. M. Philippe Rajon Apparemment, c’était l’ensemble du programme en histoire géographie. Vous dîtes qu’il y a toute une méthodologie à mettre en œuvre : avez-vous aussi créé des documents numériques pour parler de cette méthodologie aux élèves ? avez-vous prévu un support numérique qui parle de cette démarche ? M. Filippi-Codaccioni Non, ma démarche est essentiellement empirique, au fur et à mesure du lien que je fais par mon discours : l’élève n’est pas barricadé, retranché derrière son ordinateur. Entre les connaissances qu’on est en droit d’attendre d’un élève de troisième, et les documents qui justifient et qui peuvent être mis en débat dans la classe, le tout prend une cohérence. Comme chaque fichier est le plus souvent composé de trois ou quatre documents, la progression de l’analyse sur le regard critique des documents fait qu’en fin de séquence l’élève a accompli une réflexion. Mme Svirmickas Concernant ma façon de trouver des ressources, je me suis habituée à un certain nombre de sites sur lesquels je sais pouvoir trouver des choses, mais il y a énormément de listes d’échanges, en général disciplinaires. Quand je cherche quelque chose sur le théorème de Pythagore, je pose une question sur la liste d’échange, il y a nécessairement une personne qui a une réponse à proposer. Il s’ensuit donc des discussions et des caractérisations pédagogiques de tel type d’outil. Cela permet à l’enseignant de construire sa réflexion et d’arriver à choisir la ressource.

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Le théorème de Pythagore est un mauvais exemple, aucun professeur de mathématiques ne chercherait quelque chose sur ce théorème ! Ces listes sont très riches, la mutualisation des ressources est indispensable. Si l’on veut qu’une ressource soit finalisée, aboutie, esthétique, agréable pour l’élève, il faut passer énormément de temps ; il est évident qu’on ne peut pas en créer indéfiniment, en supposant déjà qu’on sache le faire, ce qui demande de sérieuses compétences techniques. Je remercie les ZAP (Zone d’animation pédagogique) où l’on peut réellement discuter, échanger et souvent se transmettre des documents qu’on a énormément de mal à trouver ailleurs ; donc toujours la mutualisation, c’est très important. M. David Pioch responsable des relations institutionnelles pour la société Prométhéan Enseignant en disponibilité en histoire géographie Je suis impressionné par le travail gigantesque de numérisation que M. FilippiCodaccioni a réalisé. Par rapport au paragraphe argumenté qu’il fait matérialiser aux élèves, et surtout à la trace écrite, généralement, en histoire géographie, on part d’un questionnement pour ensuite dérouler une argumentation. Est-ce que le paragraphe argumenté c’est la leçon puisque, dans le paragraphe que vous montrez à un certain moment, on ne voit pas de « I » et de « II » ? M. Filippi-Codaccioni C’est volontaire puisque c’est un paragraphe. M. David Pioch C’est la question que je me posais, de savoir si ce que vous mettez dans le corpus Word est la trace écrite de l’élève pour ses révisions ou si vous travaillez sur le support papier ? Comment jonglez-vous avec la méthode traditionnelle ? M. Filippi-Codaccioni Il y a deux écoles. Ce que j’ai appelé paragraphe en fin de fichier, et non pas paragraphe argumenté, c’est pour que l’élève ait une lecture directe de l’ensemble du cours, et que ce ne soit pas décomposé en trois parties : il est gênant d’apprendre avec trois pages différentes qu’on ne peut pas voir en même temps. L’élève enlève les grands « I », les « premièrement », il garde l’introduction et la conclusion. Le travail est pré mâché. Mais, ensuite, on peut demander à l’élève de transformer ce paragraphe en paragraphe argumenté, c’est-à-dire de prouver, à chaque groupe de phrases, ce qui est affirmé, et donc de lui apprendre à avoir une démarche critique par rapport à ce qu’on lui montre. M. Yann Texier Inspection académique d’Ille-et-Vilaine – Rennes Avez-vous organisé, puisque je vois que le CRDP est dans la boucle, une mise en relation de tous les travaux que les professeurs ont l’air de faire ? Ce que vous venez d’énoncer en histoire géographie est assez monumental. Et avez-vous prévu à terme, ou déjà, une

mise en commun de tous ces travaux, au moins au niveau de votre département ? Quelle est la proportion d’utilisation de l’outil informatique dans vos cours ? Est-ce important, 50 % par exemple ? Est-ce plus important ou moins important ?

DÉBATS

M. Filippi-Codaccioni Sur votre première question de la mise en commun, il y a un site de mutualisation qui est sur le site proflandes (listes.ac-bordeaux.fr/wws/info/proflandes) où chaque collègue peut mettre à disposition ce qu’il veut. Le site est protégé par un mot de passe pour que tout le monde n’aille pas piller. Il y a pas mal de contributions sur ce site. Pour ce qui est de l’utilisation « en frontal » de l’ordinateur, c’est une part très importante mais elle ne remplace pas : 1. L’indispensable échange verbal professeur / élève, une part de magistral en début de cours, des points à préciser. L’utilisation du portable facilite le questionnement, l’élève pose plus facilement les questions qu’avant, donc cela facilite le travail du professeur. 2. Une fois cette démarche enclenchée, sont créées des conditions pour que la relation professeur / élève prenne un caractère plus riche et plus interactif. Mme Svirmickas Concernant la mutualisation des ressources, le site proflandes a été aussi très utilisé en maths. C’est un site de démarrage qui permettait à des enseignants qui créent leurs premières activités, de partager leurs expériences, même si ce n’était pas parfait, même si on était un peu timide, c’est pour cela qu’il y avait des mots de passe pour limiter d’accès, pour dédramatiser la publication. C’est une démarche particulière de se dire que son travail est suffisamment bon pour être mis à disposition des autres ; ce n’est pas évident pour tout le monde. Il y a aussi un site au niveau du CRDP et du CDDP, de l’académie, et des sites disciplinaires sur lesquels on peut partager ses ressources avec d’autres enseignants, de manière gratuite – en particulier l’association Sésamath qui engage tous les enseignants à participer à la diffusion de ressources libres. Quant à l’utilisation en cours… J’utilise tous les jours et pratiquement tout le temps le tableau numérique, donc cela sous-entend d’avoir l’ordinateur branché avec le vidéoprojecteur, ainsi que les ordinateurs des élèves qui doivent être connectés au réseau pour récupérer ensuite les fichiers créés avec le tableau numérique. Ce n’est pas tout le temps uniquement du travail de l’élève, ce n’est pas tout le temps du travail du professeur ; l’enseignant est de plus en plus un catalyseur et de moins en moins un distributeur de savoir, comme nous l’avons vécu en tant qu’élèves. M. Filippi-Codaccioni Sur la mémorisation, la mémoire visuelle ne suffit pas. Je dis à mes élèves de laisser le livre chez eux puisqu’ils ont un manuel dans leur portable. Par contre, ils ont l’obligation, après avoir répondu aux questions, de rédiger à la main, sur un cahier, le plan détaillé du cours. Au cours suivant, ils doivent, sous peine de sanction, de me présenter le cahier, avec le plan recopié. Pour certains, la mémoire visuelle suffit, mais pour la majorité, en plus de la mémoire visuelle, il faut la mémoire scripturale. L’ordinateur ne suffit donc pas : en histoire géographie, qu’on le veuille ou non, il y a une part de mémorisation ; j’insiste assez fortement là-dessus.

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M. Jean-Louis Larrouy-Bousqué directeur adjoint du CRDP d’Aquitaine Dès la première année de l’opération, le CRDP d’Aquitaine, avec la participation du CNDP, a mis en place, sur le site Internet du CRDP, une base de ressources pour le niveau troisième, indexée par points de programmes. Nous avons profité de l’expérimentation dans les Bouches-du-Rhône pour, ensuite, avoir la participation du CRDP d’AixMarseille qui a fait le même travail au niveau quatrième. Vous avez donc en ligne ces deux niveaux, avec un ensemble de ressources – pas uniquement les ressources éditées par le réseau Sceren – indexées par points de programmes. M. Lacueille Pour compléter ce dernier propos sur les ressources et le délicat problème de la mutualisation, les enseignants hésitent parfois à échanger des documents qui seraient trop accessibles sur le Net parce qu’ils doutent parfois de la qualité de leur production, et du fait de problèmes délicats de droits d’auteur. Nous allons, nous, rectorat et CRDP, mettre en place, en commençant par trois champs disciplinaires – sciences expérimentales, langues vivantes, lettres –, un outil de mutualisation nouveau, qui est l’environnement contextuel de travail. L’idée est de créer un espace de travail collaboratif souple, où les enseignants peuvent échanger entre eux, même en dehors du regard de contrôle de l’inspection : un véritable travail d’équipe sans cette pression de savoir si c’est parfait ou pas. Il est important, par rapport aux ressources, d’arriver à produire de la contextualisation sur les documents, de ne pas donner forcément des briques sans préciser les conditions d’usages, les progressions… Une fois validés les scénarios et les ressources, on les basculera sur les sites gérés par le CRDP de manière à bien distinguer cette phase de production – on cogite, on réfléchit, on échange, on améliore – d’une phase d’exposition qui permette de mettre bien en avant des documents accessibles à tous. Il s’agit bien de distinguer – et l’ENT le permet aujourd’hui – des pages lisibles par tout le monde, et des pages ou documents plutôt dédiés au travail collaboratif, avec cette liberté pour des enseignants (par exemple en stage de maths) ayant une appétence particulière à travailler ensemble, d’échanger souplement leurs réflexions. Il faut laisser cet espace un peu privatif de réflexion sans tout de suite basculer sur cette caisse de résonance qu’est Internet. M. Philippe Portelli directeur des ressources et des technologies au CNDP J’adhère aux propos de Pierre Lacueille et j’apporterai une information complémentaire. Ce sur quoi nous travaillons conjointement avec les services de la Direction de la technologie au ministère, c’est sur la mutualisation de l’existant. Dans le paysage des ressources numériques actuel, il y a une offre pléthorique dans laquelle les enseignants ont parfois du mal à se retrouver : soit on se rapporte aux ressources académiques que l’on connaît, soit on se rapporte aux ressources communautaires que l’on peut connaître, par exemple en mathématiques, mais on a souvent une vision très parcellaire des choses. Le travail qui a été fait par les deux CRDP est d’organisation et d’information.

Si on le rapporte au niveau national, nous sommes en train de faire un travail considérable de normalisation de la description de ces ressources numériques. On ne peut pas proposer aux enseignants une information de qualité sans avoir un minimum de règles. Il y a eu des groupes de travail extrêmement longs et judicieux avec l’Afnor sur ces questions. On a abouti à une solution qui utilise une norme internationale, le LOM (Learning Object Metadata), c’est-à-dire des meta-données permettant de décrire les ressources pédagogiques en ligne. Pour que la norme soit appliquée au système éducatif français, nous avons fait un travail d’adaptation permettant de prendre en compte nos contraintes. Cette norme est aujourd’hui appliquée dans les bases de données et de ressources d’Educnet, du Sceren et de certains sites académiques. Ce mouvement de mutualisation est en marche. Très bientôt, sans dévoiler des choses qui vont se passer au Salon de l’Éducation en novembre, on pourra proposer un service d’interrogation sur les ressources existantes, décrites en regard d’usages. Sur cette deuxième partie, il faut aussi donner des clés aux enseignants pour passer de la pratique à l’usage. La pratique, c’est la pratique informée ou bonne pratique. Passer à l’usage, c’est la généralisation ou la capacité, pour n’importe quel enseignant, de s’approprier une situation pédagogique utilisant des ressources dans un contexte particulier, et de la retranscrire dans son univers qui est sa classe, à l’instant donné où l’on a des élèves en face de soi, avec du savoir à transmettre. Donc ce travail est en marche aussi au niveau national ; bien évidemment toute l’expérience du département des Landes viendra alimenter cette réflexion et elle le fait déjà.

DÉBATS

M. Dominique Baur proviseur adjoint au CE – Lycée André Malraux – Béthune Ma question complète les propos précédents. Vous parlez de mutualisation, la pratiquez-vous au niveau de vos établissements ? Là où vous travaillez, est-ce que l’ensemble des équipes disciplinaires ou interdisciplinaires profite de vos expériences au-delà des mutualisations CRDP, institutionnelles, sites ? Mme Caulet Je ne veux pas faire de publicité pour le collège de Linxe, mais cela tient aussi beaucoup à l’équipe pédagogique et aux relations humaines tout simplement. Quand on introduit ce type de démarche dans un projet d’établissement, ça force la cohésion de l’équipe et la mutualisation. Chez nous, en sciences, il y a énormément d’échanges : nous allons même faire des évaluations communes en sciences et en SVT. Tout le monde travaille en commun et c’est caisse commune au laboratoire. Mme Svirmickas À Tarnos aussi, on essaie de mutualiser le plus possible entre nous. Je travaille beaucoup avec une collègue de mathématiques de quatrième et de troisième, nous faisons des documents en commun.

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La diffusion vers des collègues des autres disciplines, qui sont peut-être moins utilisateurs, est un peu plus laborieuse. Je fais des initiations à la manipulation de l’informatique, à l’utilisation de Powerpoint… mais il est vrai que les équipes qui fonctionnent sont celles qui sont déjà soudées de manière disciplinaire, en tout cas chez nous.

DÉBATS

M. Filippi-Codaccioni Chez nous, à Dax, la mutualisation concerne essentiellement la vidéo. Pour ce qui est du partage, j’étais prêt à partager avec mes collègues l’ensemble de mon travail, je n’avais pas de droits d’auteur à réclamer, ils ont préféré continuer à leur façon, chacun « voit midi à sa porte ». Modératrice Il me reste à remercier nos intervenants et à vous dire à demain pour la suite de ces travaux. Merci beaucoup pour votre attention.

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VENDREDI 6 OCTOBRE 2006 Modératrice Hier, la journée a été consacrée à des expériences concrètes, et à la façon dont les enseignants utilisaient les ressources qui leur sont offertes. Aujourd’hui, nous allons voir les rapports entre l’Éducation nationale et les collectivités territoriales pour mettre en place cette politique d’équipement numérique. Je vais, d’abord, évidemment, laisser la parole à Henri Emmanuelli, président du Conseil général des Landes, donc à l’origine de cette politique. Merci beaucoup et bonne matinée.

9 H 30 > 9 H 45 / / / INTRODUCTION DISCOURS DE M. HENRI EMMANUELLI PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES

M. HENRI EMMANUELLI

--------M. Emmanuelli Mesdames, Messieurs, bonjour. Je rappellerai ce que nous avons souhaité faire. Cela fait déjà assez longtemps que, dans le département, les élus ont pensé que l’outil informatique serait utile pour les enfants, pour deux raisons : – d’abord une raison pédagogique, il représente de nouveaux moyens d’apprendre, – ensuite parce que notre conviction était que les enfants avaient tout intérêt à maîtriser cet outil pour leur avenir, y compris extra-scolaire et extra-pédagogique. La première expérience remonte à 1983, elle a été menée avec un autre département, celui de l’Isère, où Louis Mermaz avait introduit dans les écoles primaires – et non pas dans les collèges – les fameux TO7, expérience intéressante bien que limitée parce qu’à l’époque, non seulement il y avait cette petite machine (qu’on peut considérer aujourd’hui comme assez primaire) qui permettait de s’initier à l’informatique mais aussi à la programmation (ce qui aujourd’hui ne se fait plus du tout), et par ce biais, de comprendre comment ça fonctionnait. Aujourd’hui, beaucoup de gens utilisent un micro-ordinateur sans avoir beaucoup d’idées sur la manière dont la machine fonctionne. J’avais trouvé, à l’époque, cette expérience assez exceptionnelle, même si elle a connu des résultats assez variés. Je veux dire par là qu’on a aussi retrouvé beaucoup de TO7 dans les placards, et qu’ils n’ont pas toujours servis. C’est comme ça que je suis rentré dans l’informatique, en travaillant dur le soir pour ne pas avoir l’air idiot auprès de ma fille qui était à l’école primaire, et en me disant : « il faut que j’en sache au moins autant qu’elle ». J’avais réussi, au bout de deux mois, à faire un petit logiciel – il y a ici des spécialistes –, où un avion passait – c’était assez primate –, et lâchait une bombe sur une maison qui explosait… ou pas si on la ratait. Au bout de trois mois, on arrivait à faire ça, c’était assez extraordinaire.

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Nous avons récidivé avec la distribution d’ordinateurs portables au collège, il y a quelques années, avec plusieurs objectifs, et évidemment le souci de fournir des moyens pédagogiques. Notre rôle n’est pas de nous immiscer dans la pédagogie mais de fournir des moyens ; c’est à l’Éducation nationale et aux enseignants de définir et de déterminer ce qu’est la pédagogie, pas à nous. Nous, nous sommes là pour fournir des moyens. Nous avons procédé à des opérations qui concernaient toutes les classes de troisième : la distribution des portables n’a représenté que la partie visible ; la partie invisible étant l’équipement de tous les collèges, de toutes les classes, ce qui a donné plus de 20 000 connexions avec un prêt assez étonnant de la Caisse des dépôts et consignations à 0,3 % par an, donc gratuit. Nous avons été les seuls à l’utiliser à l’époque. Ils étaient en train d’éteindre la procédure : personne ne la demandait. C’est arrivé in extremis sur cette possibilité financière, qui étonne toujours la Chambre régionale des comptes qui dit : « Mais où avez-vous trouvé un prêt pareil ? » En fait, à 0,3 %, c’est un taux négatif. Nous avons câblé toutes les classes de collèges. Nous avons distribué – je ne vais pas me transformer en machine statistique : vous avez les chiffres… – des machines aux collégiens de quatrième et de troisième. Nous sommes un département de 335 000 habitants, pour remettre les idées en place, par rapport à d’autres. On entendra d’ailleurs Mme Écochard sur les Bouches-du-Rhône, ils sont beaucoup plus nombreux… On ne sait pas d’ailleurs pourquoi ils sont si nombreux. Mme Écochard Le soleil est particulièrement attrayant. M. Emmanuelli Je ne sais pas, nous avons du soleil aussi, et de l’eau pour pousser, mais on ne va pas si vite… Sur ce département de 335 000 habitants, nous avons donc distribué à peu près 7 200 micros pour les enfants. Aujourd’hui, on a les classes de quatrième et de troisième auxquelles il faut en ajouter 1 200 pour les principaux de collèges, les professeurs et les surveillants généraux qui s’appellent maintenant conseillers principaux d’éducation (CPE). Arrêtons avec ces sigles auxquels personne ne comprend rien ! CPE ? Contrat première embauche ? (Rires). Qu’est-ce qu’il y a M. Lacueille, ce n’est pas ce que cela veut dire ? (Rires). 1 200 ordinateurs donc pour les enseignants, qui se sont plaints, après la première vague d’équipement, de ne pas avoir été dotés. Quels objectifs avions-nous ? L’objectif pédagogique évidemment, mais aussi le souci de surmonter la fracture numérique, c’est-à-dire le différentiel qui peut exister dans les familles entre ceux qui avaient – je dis avaient, je parle au passé parce que le prix du matériel fait qu’aujourd’hui cette différence se réduit beaucoup – les moyens d’accéder à l’informatique, et ceux qui ne les avaient pas ; pour donner une sorte d’égalité d’accès à l’outil.

Nous avons choisi le portable pour que l’outil ne reste pas à l’école mais rentre aussi dans les familles, avec sur le plan conceptuel, l’ambition d’avoir une liaison à partir du foyer de l’enfant vers un bureau sur Internet. Là, on a essuyé des plâtres qui ne sont pas encore tout à fait secs, si j’ai bien compris, qui sont toujours très humides même, pour deux raisons. D’abord, nous n’avons pas rencontré beaucoup de compréhension, c’est le moins qu’on puisse dire, de la part de France Telecom sur le prix des liaisons. Ensuite, techniquement on a eu beaucoup de difficultés, en tout cas le logiciel qui devait faire tourner ces bureaux n’est pas arrivé à terme… Pourtant, accéder à l’informatique, ce n’est pas simplement distribuer des portables, je l’ai dit tout à l’heure : c’est, par exemple, équiper les classes pour que les enfants puissent accéder au serveur du collège, et cette idée de bureau Internet auquel auraient pu accéder les élèves, les professeurs et les parents, avec des clés différentes.

M. HENRI EMMANUELLI

Donc égalité du mérite, j’appellerai ça comme ça. Et puis, aussi, faire pénétrer l’informatique dans les foyers landais. Nous sommes un département assez curieux : il a les apparences d’un département rural – ce qu’il est d’une certaine manière –, et en même temps c’est le département où la population active dans l’industrie est la plus importante de la région, tout en étant très touristique avec deux millions de touristes cet été – d’où cette espèce de mélange de département non identifié quant à sa caractéristique principale. Il n’y a pas de grosses urbanisations, c’est ce qui donne cet aspect rural ; l’industrie étant très dispersée à travers le massif forestier, on ne la voit pas. Pourtant, il y a pas mal d’usines mais elles sont cachées dans les pins, dispersées, pas concentrées. Il s’agissait de faire entrer l’informatique dans les foyers landais dont on pouvait penser, a priori, qu’ils ne se jetteraient pas dessus, dans un pays où il fait si bon vivre. À la limite, on peut se poser la question de savoir ce qu’apportera cette fameuse société d’économie de la connaissance, sur laquelle il faudrait faire de grosses réserves, parce qu’on ne sait pas très bien si la connaissance est une consommation finale, ou une valeur ajoutée. Certains économistes disent que ce n’est pas une valeur ajoutée – je serais enclin à le penser –, d’où l’ambiguïté de l’expression « économie de la connaissance ». L’économie de l’information est un service, mais pas toujours ; pour beaucoup, c’est simplement une consommation finale, d’où une forme d’économie nouvelle, spéciale, qui serait l’économie de la connaissance. À ma connaissance, il n’y a jamais eu d’économie de l’ignorance, mais cela fait partie des idées à la mode, donc ne les bousculons pas (Rires). Conclusions A-t-on obtenu des résultats ? Oui ! Sont-ils évidents ? Sur le plan pédagogique, c’est à vous de le dire, pas à moi ; c’était le sujet de la journée d’hier. Comme dit prudemment M. Lacueille – que je remercie au passage de son attention vigilante et de son incommensurable patience, à la fois vers le haut et vers le bas, vers les sommets et vers les profondeurs –, je pense que ce n’est pas évident, que

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c’est lent… Mais je ne vois pas en quoi le fait d’accéder au maniement intelligent de cet outil pourrait être un handicap, je suis même sûr que ça n’en est pas un. Est-ce que les résultats sont probants ou pas ? Tout dépend de l’utilisation qu’on en fait. Et là, on a buté d’emblée, mais de façon extrêmement cruelle au départ, sur l’absence de logiciels, au point que nous avons dû payer nous-mêmes la numérisation des premiers bouquins, car les grands éditeurs refusaient. À l’exception de quelques-uns…. « Livre interactif ? On n’a pas ! Mais vous pouvez les numériser, on vous donne l’autorisation. » Le prix était de 4 MF au total à l’époque, une société indienne nous offrant d’ailleurs déjà de le faire pour 300 000 F. Donc nous l’avons fait. Mais c’est une manière assez pauvre d’utiliser l’outil que d’avoir simplement accès à des livres numérisés. Sur les logiciels, je laisserai les spécialistes s’exprimer, c’est un sujet controversé. Je continue à penser qu’il en manque beaucoup, ou – ce qui a fait problème en permanence avec les enseignants – « les logiciels qui existent ne reprennent pas nos programmes. Ils ne sont pas adaptés à nos cours, il n’y a pas le cours de mathématique ou de géographie de quatrième, etc. » « Vous êtes gentils, vous nous demandez d’utiliser cette machine, mais on a notre cours à faire, à la fin de l’année, il faut… ». Je discutais avec un professeur de mathématiques, qui me disait qu’ils sont en train de faire ça, eux-mêmes, pour les mathématiques, un certain nombre de professeurs. C’est très bien, dépêchez-vous : on en a besoin, en plus ça peut rapporter gros ; il faut faire le Lagarde et Michard en mathématiques de l’informatique ; voyez ce que je veux dire. On a beaucoup butés, les premiers logiciels que nous avons eus étant plutôt les cahiers de vacances d’avant – ça ressemblait à cela M. Lacueille, et cela continue parfois, même si cela a évolué. J’ai regardé les deux logiciels que m’a présentés le CDDP pour l’apprentissage de la lecture, c’est d’une tristesse, d’une pauvreté et d’un archaïsme qui laisse pantois ! (Réactions). M. Lacueille Je laisserai le CDDP répondre. M. Emmanuelli Si les gosses passent des consoles de jeux à ces logiciels-là, ils doivent avoir l’impression de faire un voyage dans le passé… Je sens que je vais déclencher des trucs ! C’est intéressant, c’est fait pour ça les colloques. Et là-dessus, vous pouvez compter sur moi. (Rires). Donc nous en sommes là. Nous avons obtenu des résultats, j’arrête là. Oui, ce département rural a maintenant un taux de connexions Internet au-dessus de la moyenne régionale, ce qui n’était pas évident au départ. Nous avons également un taux de pénétration de l’informatique dans les foyers très intéressant – je suppose qu’on vous a distribué les chiffres, ce n’est pas la peine que je puise dans ma fiche –, on le sait parce qu’une étude a été faite en

2005, mesurant les connexions Internet par foyer et par catégorie, en fonction de l’âge des enfants au foyer, etc. On obtient un taux de connexion équivalent aux bons chiffres des milieux urbains ; ce qui n’était pas gagné d’avance dans un département où on en est encore à mettre aux ronds-points des charrues, des échassiers… C’est pour vous Mme le Maire, je sais que ce n’est pas chez vous, c’est juste à côté. Cela m’a fait très plaisir en arrivant ce matin, j’ai dit : « Ça y est, on avance… » C’est très dur ! (Rires). Je ne sais pas si c’est comme ça dans les autres départements, mais chez nous il y a une crispation passéiste. Face à la pression extérieure, on a tout d’un coup une éclosion « d’avant c’était mieux », à condition de faire une abstraction totale de comment c’était avant, parce que quand on va dans les détails ce n’est pas aussi évident. Bref !

M. HENRI EMMANUELLI

On va persévérer dans ce sens-là. Je suis heureux que d’autres départements, en particulier les Bouches-du-Rhône, l’Illeet-Vilaine, et à peu près tous les départements mais sous des formes beaucoup plus limitées, ponctuelles ou expérimentales, s’engagent dans ces expériences. Plus nous serons nombreux, plus les éditeurs, plus les professeurs, plus il deviendra évident que cet outil est important pour la pédagogie. Sur le micro-ordinateur, vous le savez, il y a : – L’Encyclopédia Universalis, je salue son représentant. Je lui ai dit que je trouvais son encyclopédie trop conservatrice, il s’en est défendu, brillamment d’ailleurs. – Le Dictionnaire Robert, sans la photo du président du Conseil général. Dans le département voisin, on distribue des dictionnaires aux écoliers avec la photo du président, ce que je trouve inadmissible, Monsieur de l’Éducation nationale. Si je mettais mon portrait en fond d’écran, ce serait quand même curieux ! M. Lacueille Je ne suis pas responsable ! M. Emmanuelli Ils ont toute une série d’outils très performants et très en pointe, et l’utilisation de la machine dépend du professeur. Je continue à penser qu’il faut persévérer, qu’il faut améliorer, que d’ailleurs il faudra peut-être étendre à d’autres catégories, en dehors de l’école, l’accès à cet outil qui progresse très vite, mais personnellement – et c’est peut-être une histoire de tempérament –, je trouve que cela ne va jamais assez vite. J’ai beaucoup de difficultés, en particulier avec l’Éducation nationale qui a une culture mandarinale ; je pense aux mandarins chinois, ceux qui avaient l’éternité devant eux, au Grand-Empire qui ne comptait pas le temps. Cela avance, mais ça ne va pas vite ; il n’y a pas que vous d’ailleurs, c’est comme ça aussi dans d’autres domaines. On va vers cette société qui offre des potentialités d’accès au savoir gigantesques, exceptionnelles, extraordinaires. Nous avons maintenant – y compris dans des endroits adorables des Landes où il y a des arbres et des écureuils – accès à des bibliothèques entières ; c’est un bouleversement considérable qui change profondément le rapport à

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la connaissance, et l’indifférenciation de la localisation géographique par rapport à cet accès à la connaissance que je trouve prodigieux. Je ne suis pas le seul, tout le monde trouve ça prodigieux, nous essayons donc de diffuser cet outil. En matière pédagogique, on en est encore au tout début : l’informatique est à l’Éducation nationale ce que « les médecins » de Molière étaient à la médecine, pour l’instant, on fait des saignées. J’entends des « oh ! », c’est M. Louison qui proteste. Mais il faut faire fort si on veut être entendu : si on fait nuancé, ça ne passe pas. Il y a beaucoup de potentiel pour l’utilisation de cet outil en matière pédagogique et de création. C’est la raison pour laquelle nous allons essayer, je dis « nous allons essayer » parce que c’est plus facile à dire qu’à faire, M. l’Inspecteur général, de lancer un concours sur Internet pour la création de logiciels, en disant : « On met au concours un logiciel pour tel et tel cours. » On crée un jury – vous en ferez forcément partie, je ne vois pas ce qu’on pourrait faire sans vous, malgré tous vos défauts, institutionnellement parlant… Et pour les gagnants, on développera et on diffusera à nos frais. On essaiera de s’adresser à tous les enseignants de façon à ce qu’ils comprennent – beaucoup l’ont déjà compris, je ne veux pas être caricatural, nous avons même ici un représentant d’une association exceptionnelle – que c’est à eux d’écrire sur ce sujet-là. Je rencontre souvent des enseignants qui me disent : « Je ne suis pas informaticien » ; on ne leur demande pas de l’être, mais d’être les rédacteurs du scénario que des informaticiens peuvent développer ensuite, avec les technologies actuelles.

9 H 45 > 11 H 15 / / / TABLE RONDE BILAN D’ÉTAPE DES TROIS OPÉRATIONS D’ÉQUIPEMENTS

/ / / TABLE RONDE

Modératrice J’appelle les membres de cette première table-ronde de la matinée. Après cette introduction parfaite aux travaux de cette journée, nous allons nous intéresser aux différentes expériences mises en œuvre par les Conseils généraux d’Ille et Vilaine, des Bouches-du-Rhône et des Landes, pour voir comment ont été essuyés ces plâtres dont parlait Henri Emmanuelli. (Présentation des intervenants) Nous allons essayer, à présent, de nous poser la question de la genèse de ce projet, des objectifs poursuivis par les différents Conseils généraux dans la mise en place de cet accès à l’informatique et aux outils multimédias pour les élèves, et le rapport qui a pu s’établir entre le travail des collectivités territoriales et le ministère de l’Éducation nationale.

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Le département des Landes croit à l’informatique ; il y croit de toutes les forces de sa raison et non pas d’une foi qui serait venue d’ailleurs. On y croit tellement… Si je peux me permettre une conclusion théologique, il faut que vous sachiez qu’en ses derniers instants, le Christ a dit sur la croix : « Eli, Eli… Lama Sabachthani… ? » Depuis 2000 ans, on dit que cela veut dire : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » En réalité, en vieil arabe, cela signifie : « Si j’avais connu les Landes, je n’aurais pas choisi la Galilée, à cause de l’informatique ».

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MME JEANINE ÉCOCHARD CONSEILLÈRE GÉNÉRALE DES BOUCHES-DU-RHÔNE, CHARGÉE DE L’ÉDUCATION, DES COLLÈGES ET DE L’ACCOMPAGNEMENT À L’ÉDUCATION ET DES RESSOURCES HUMAINES

----Mme Écochard Les Bouches-du-Rhône ce n’est pas les Landes, c’est un département complètement différent, avec une population plus importante ; c’est également un département plus urbain que rural. Du point de vue des collèges, puisque c’est le domaine qui nous intéresse, ce sont 135 collèges publics et 50 collèges privés sous contrat, puisque, avec la loi Falloux, on pouvait appliquer à peu près le même dispositif au privé. La volonté du Conseil général des Bouches-du-Rhône de s’engager dans l’équipement informatique des collèges – dont il a la responsabilité – ne date pas d’hier, même si l’exemple landais a été déterminant pour nous inciter à prolonger une action entamée dès 1991, de façon modeste au départ avec l’équipement des CDI, puis petit à petit avec l’installation de matériels fixes dans les collèges de notre département, sur la base d’un ordinateur pour 15, puis d’un ordinateur pour 13. Chaque fois, notre idée était identique : faire de l’éducation une priorité absolue, que ce soit en matière de reconstruction et de réhabilitation des collèges, en matière d’aide à l’éducation, ou de rapprochement avec les familles. Petit à petit, nous sommes parvenus à ce dispositif qu’on connaît aujourd’hui sous le nom d’« Ordina13 ». Je voudrais « secouer un peu les choses » : Ordina13 a été beaucoup caricaturé dans notre département et ailleurs. D’abord, on l’a réduit à une distribution d’ordinateurs portables. Hier soir encore, quand je suis arrivée ici, on m’a gentiment interpellée, très gentiment, en disant : « Ah c’est vous qui distribuez les ordinateurs portables aux élèves de quatrième et troisième ! » S’il faut considérer qu’Ordina13 c’est ça, c’est une erreur et je voudrais rétablir la vérité. Encore une fois, Ordina13 s’inscrit dans une réflexion menée depuis 1991 ; il s’inscrit aussi dans une concertation avec le rectorat et l’académie – et j’y reviendrai –, mais

également avec des utilisateurs, avec les enseignants, avec les parents d’élèves, et il a fait l’objet d’au moins neuf mois de discussions, de rencontres et de concertations. Quand nous avons mis en place ce dispositif Ordina13, nous avons évidemment pensé à assurer immédiatement son observation et son suivi, du moins pour la partie qui nous concernait puisqu’il appartient, bien sûr, au rectorat d’assurer le bilan de la pédagogie… Mais pour ce qui concernait l’évolution du dispositif, son suivi et éventuellement ses évolutions possibles, nous avons mis en place à la fois un conseil scientifique et un comité de coordination ; donc tout le dispositif est assez fermement encadré en terme de concertation.

MME JEANINE ÉCOCHARD

C’est quoi Ordina13 ? C’est aujourd’hui dans les 185 collèges du département, un ordinateur fixe pour 5 élèves, c’est le câblage des établissements, ce sont des bornes Wi-Fi dans au moins 15 emplacements choisis d’ailleurs par les équipes enseignantes dans les établissements. C’est, dans les collèges publics (puisque c’est du fonctionnement, on ne peut pas faire la même chose dans les collèges privés), la mise en place de 150 assistants techniques informatiques, qui sont un pilier important du dispositif – ils permettent la maintenance au quotidien des ordinateurs dans les établissements. Et c’est bien sûr des ordinateurs portables pour les élèves de quatrième et de troisième, pour leurs enseignants, pour les principaux et les documentalistes, et tout cela fait un total de 60 000 ordinateurs portables. C’est ce chiffre qui a étouffé tout le reste, mais sans tout le reste, le dispositif Ordina13 n’existerait pas. On a essuyé les plâtres, bien sûr. C’était un projet à la fois ambitieux et immense par le fait qu’il touchait la totalité des collèges dont nous avions la responsabilité. On a essuyé les plâtres techniquement parce qu’il y a toujours de petites difficultés, mais aussi parfois du fait de la plus ou moins grande adhésion des utilisateurs pour ce dispositif. On a beaucoup parlé, à l’Éducation nationale, de la nécessité de mettre en place l’informatique dans les établissements. Les moyens n’ont pas toujours suivi, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais lorsque des collectivités ont apporté ces moyens – ce qui était le cas de la nôtre et de la vôtre aussi –, parfois nous avons eu quelques surprises au niveau du suivi qu’on aurait été en droit d’attendre des autorités d’abord, et des enseignants ensuite. Nous avons organisé, à mi-parcours, un colloque sur « le collège numérique » qui s’est déroulé en novembre dernier, et qui avait pour objectif de voir comment les choses évoluaient et comment un certain nombre d’expérimentations et d’enseignants, toutes disciplines confondues, s’étaient emparés du dispositif. On a eu de très heureuses surprises, pas toujours surprises car on connaissait bien le dispositif, donc des confirmations, quelques heureuses surprises et quelques interrogations tout de même non pas sur des freins, mais sur un manque d’enthousiasme ou un manque de volonté. Pourtant, le recteur Patrick Gérard et l’inspecteur d’académie Gérard Trève approuvent très régulièrement le dispositif ; ils montrent tout l’intérêt qu’il peut y avoir du point

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de vue pédagogique. Et aujourd’hui, plus personne n’imagine que la maîtrise de l’outil informatique soit quelque chose dont on pourrait se passer… mais cela a encore un peu de mal à rentrer dans les pratiques pédagogiques quotidiennes. L’académie fait des efforts, met en place des heures de formation pour les enseignants. Encore une fois, comme le disait très justement Henri Emmanuelli, le potentiel d’utilisation est devant. Nous avons essayé de tenir compte des informations qui étaient remontées, notamment durant le colloque sur « le collège numérique » ; ce qui nous a amenés à modifier le dispositif à partir de l’année prochaine. Première interrogation Jusqu’à présent, les ordinateurs portables étaient un prêt. Nous l’avons fait parce que c’était un peu le souhait de tout un chacun, et cela nous semblait une bonne manière de démarrer. Mais les opérations de prêt, c’est-à-dire de distribution des ordinateurs portables et de récupération en fin d’année, étaient longues, forcément, puisqu’il y avait toutes une manipulation et un dispositif à mettre en place ; du coup, le temps d’utilisation pédagogique était court. Seconde interrogation Les enseignants nous disaient parfois, pour justifier le fait qu’ils ne souhaitaient pas utiliser l’ordinateur portable en classe, que les enfants l’avaient oublié, ou qu’il n’était pas branché, ou qu’il était en panne, donc que tous les élèves n’avaient pas leur ordinateur en bon état de marche avec eux, pour faire le cours de bonne façon. Nous en avons tenu compte, et à partir de l’année prochaine, le dispositif sera le suivant : – tout le câblage existant, – les bornes Wi-Fi existantes, – la DTI continuant à être présent, – on installera dans chaque établissement des classes mobiles qui viendront compléter, dans les salles indifférenciées, le matériel informatique fixe, – et on fera don aux élèves de quatrième et de troisième de l’ordinateur portable.

Donc, aujourd’hui, le bilan que nous pouvons faire est tourné vers l’avenir. Je reprendrais ce que tu as dit tout à l’heure Henri : « Les potentialités sont devant nous. » On peut espérer encore plus d’engagements de l’Éducation nationale à nos côtés. Nous avons fait en sorte de mettre tous les moyens d’excellence à la disposition des enseignants, des élèves et de leurs familles. Maintenant, il faut vraiment que la pédagogie liée à l’informatique devienne assez banale, parce qu’au fond, ce ne sont plus de nouvelles technologies – ce mot de « nouvelles » associées à « technologie » me paraît complètement dépassé ; il y a longtemps que ce n’est plus nouveau. Cela demande un effort financier et de priorité budgétaire très importante pour notre collectivité, nous l’assumons complètement. Nous avons de gros espoirs devant nous et, là encore, nous serons force de proposition, peut-être un peu « poil à gratter », asticoteurs aussi… Mais nous avons conscience d’être sur la bonne voie.

MME JEANINE ÉCOCHARD

Modératrice Madame Écochard parlait d’un nécessaire partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale. Monsieur Chevalier, comment se passe ce partenariat ? et comment les professeurs sont-ils associés à cette mise en place ?

Nous avons souhaité – dès le départ, je vous l’ai dit – associer très fortement les familles, considérer que la famille, c’était l’élève chez lui, que l’élève avec sa famille, et sa famille avec le collège, avaient un lien privilégié à établir. C’est donc la raison, à la fois du choix du portable (comme cela a été fait d’ailleurs dans les Landes), et du fait que nous donnerons un ordinateur aux élèves, pour qu’ils en disposent chez eux, même s’il y a des classes mobiles et des ordinateurs fixes dans l’établissement. Un autre des points forts de notre dispositif, c’est que les enseignants pouvaient avoir accès au réseau administratif et au réseau pédagogique du collège depuis leur portable ; pour les familles aussi, c’est donc une façon de consulter les emplois du temps, les absences, de consulter les notes, et d’avoir ce lien privilégié… Nous avons travaillé avec les associations de parents d’élèves afin qu’elles puissent aider les familles à accéder à l’informatique, justement pour pouvoir dialoguer avec les enseignants, les principaux des collèges, l’administration, l’Éducation nationale, mais aussi avec leur(s) enfant(s).

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M. JEAN-PIERRE CHEVALIER IA-IPR, DÉLÉGUÉ ACADÉMIQUE DES TICE D’AIX-MARSEILLE

----M. Chevalier Je partage les propos de Mme Écochard, sauf sur le rôle des autorités académiques, vous vous en doutiez. Comment cette opération nous a-t-elle été apportée, et comment avons-nous réagi ? C’est une opération unique, même si l’on ne parle que du nombre d’ordinateurs prêtés aux élèves – puisque les premières années, on les prêtait aux élèves. Notre première idée, quand on nous l’a annoncée, ce fut de calculer ce que représentaient en volume ces 60 000 ordinateurs ; c’est une chose absolument extraordinaire qui a généré une inquiétude importante à l’Éducation nationale. Nous sommes habitués, et le Président Emmanuelli le disait avec humour, à expérimenter généralement avec des gens volontaires, plutôt un peu en avance sur leur temps, et à partir de cette expérimentation, de généraliser. Dans ce cas-là, nous avons eu à généraliser dans tous les collèges d’un seul coup ! C’est un pari fou du Conseil général, extrêmement courageux, mais aussi très dangereux. Il y avait une apparence, et Mme Écochard l’a dit, c’était : « un collégien, un ordinateur portable ». Mais la réalité, ce n’est pas cela : il fallait reconstruire tout le système informatique des établissements, il fallait fusionner les réseaux administratifs et pédagogiques en intégrant les réseaux sur les portables… C’est très complexe car autant de collèges, autant de problèmes… Les directions Informatique du Conseil général et de l’académie d’Aix-Marseille ont une particularité : nous avons une direction académique « des technologies des systèmes d’information », c’est-à-dire que la partie administrative et la partie pédagogique sont fusionnées et travaillent ensemble, ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’académies – c’est dans ce cas précis un avantage évident. Cette réalité était là, il fallait en très peu de temps, intervenir dans 130 collèges. Il faut rendre hommage au Conseil général, mais cela a été un travail titanesque, qui a pris un certain temps, et ce temps n’a pas été consacré à l’action pédagogique. Et tant que les ordinateurs n’étaient pas connectés de manière satisfaisante, les enseignants répugnaient à s’en emparer.

On a assisté à l’émergence d’un environnement nouveau. Ce qui était sous-jacent dans la distribution des portables c’était : « chaque élève a un portable donc, dans chaque classe, chaque enseignant va utiliser les portables ». La réalité est un peu différente… Certes, l’outil a été utilisé, mais pas forcément en frontal, dans une relation duale du professeur et de l’élève. Première constatation : le portable a été utilisé à domicile ; il a été utilisé par les élèves, puisque le Conseil général a doté les familles de connexion Internet, mais aussi par les parents. Il a été utilisé aussi individuellement par les élèves, ce qui est à mon avis une bonne chose. Mais il l’a été aussi, de manière différente, dans la relation professeur / élève. Peu à peu, on s’est aperçu que les murs du collège tombaient : l’élève étant désormais doté de l’appareil chez lui, on pouvait envisager les choses de manière très différente. Le concept de collège numérique, qui est en fait ce qu’on nomme par ailleurs « espace numérique de travail », a émergé petit à petit.

M. JEAN-PIERRE CHEVALIER

Le portable et la pédagogie : comment les professeurs s’emparent de cet outil ? Tous les enseignants le savent, le temps de la pédagogie est un temps long, c’est-à-dire qu’on ne change pas du jour au lendemain ses méthodes pédagogiques ; cela nécessite un environnement technique fiable, et des ressources disponibles… Les enseignants se sont donc approprié les outils numériques, mais peut-être pas de la manière directement attendue. Le but final, et Mme Écochard vient de le rappeler en conclusion, c’est une pédagogie différente, plus variée, mais il y a des stades intermédiaires. Tout d’abord, les enseignants se sont mis, relativement rapidement, à utiliser les ordinateurs en amont, dans leur préparation de cours – et dans les formations, nous avons eu des demandes là-dessus. Avec une surprise : nous avions budgété un nombre très important de formations, et nous avons eu des demandes plus faibles qu’attendues (la première année, 50 % du programme seulement). Après étude, nous nous sommes aperçus que le niveau des enseignants était supérieur à ce qu’on avait présumé. En gros, ils s’étaient approprié l’outil, de manière individuelle ou dans le cadre de leur établissement, sans passer par les dispositifs institutionnels. La demande changeait de nature, on pouvait aller davantage vers des accompagnements disciplinaires, et c’est assez rassurant : cela veut dire que les enseignants s’approprient petit à petit cet environnement. On s’en aperçoit en observant le développement, sur les sites web – notamment sur des sites disciplinaires –, de zones consacrées aux ressources de quatrième et de troisième ; ce qui donne tout de même l’image, dans de nombreuses disciplines (pas dans toutes, mais dans beaucoup), d’un investissement important des enseignants. La question qui se pose est celle de l’évaluation. Chaque fois qu’un journaliste m’appelle – suivant le circuit traditionnel, il appelle d’abord le Conseil général, puis il m’interroge pour savoir si je suis d’accord ou pas… Première question : « On dit que les élèves n’utilisent pas les ordinateurs en classe ? » Comment mesurer ? Quels indicateurs prendre ?

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Les indicateurs, tels le nombre de jours de formation, ne disent pas tout, et il ne faut pas leur faire dire plus qu’ils ne disent… Nous voyons qu’il y a un développement de l’utilisation des ressources, mais la quantification n’est pas simple… Nous avons mis des logiciels libres en téléchargement sur le site Web, nous avons eu 20 000 téléchargements ; on peut donc penser qu’un nombre très conséquent d’enseignants a utilisé ces ressources. Mais objectivement, il est difficile de faire un état précis : il faut attendre deux ans avant de pouvoir faire un rapport d’étape, avec une évaluation plus précise, pour savoir comment les enseignants se sont approprié ces éléments. Constat plus objectif, le recteur Gérard avait demandé à tous les principaux de collège de l’académie – pas uniquement ceux des Bouches-du-Rhône – de positionner systématiquement les classes de troisième au regard des résultats au B2i. Une des conclusions : il y a bien un effet Ordina13, c’est-à-dire qu’un peu moins d’un élève sur deux sort de troisième avec le B2i, mais le différentiel entre les trois départements qui ne bénéficient pas d’ordinateurs portables et les Bouches-du-Rhône est de 7 à 14 % : il y a entre 7 et 14 % de titulaires de B2i en plus, dans les Bouches-du-Rhône. Et à mon avis, ce positionnement est même en dessous de la réalité : certains enseignants rechignent à s’emparer de ce dispositif ; ce n’est pas propre aux Bouches-duRhône, c’est tout à fait national. Il y a donc réellement un développement des compétences des élèves sur ces ordinateurs portables, ce qui était l’objectif du Conseil général, objectif auquel nous souscrivons absolument. Modératrice Nous avons abordé les questions fondamentales, l’évaluation, la façon dont les enseignants s’approprient l’outil, et les formations mises à leur disposition. Comment cela se passe-t-il exactement en Ille-et-Vilaine ? Quelles sont les différences avec le dispositif Ordina13 ?

MME MIREILLE MASSOT PREMIÈRE VICE-PRÉSIDENTE DU CONSEIL GÉNÉRAL D’ILLE-ET-VILAINE, CHARGÉE DE L’ENSEIGNEMENT, DE L’ÉDUCATION, DES COLLÈGES ET DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DES JEUNES

MME MIREILLE MASSOT

----Mme Massot Pour l’Ille-et-Vilaine, nous avons mis en place cette opération Ordi35 dès notre arrivée au Conseil général en 2004, avec cet objectif « chapeau » qui est l’égalité des chances, et la volonté de réduire la fracture numérique. Nous avons utilisé notre compétence auprès des collèges – et le vecteur collégiens – afin de doter massivement le département en ordinateurs portables. L’opération a été assez rapidement menée ; d’aucuns d’ailleurs, plutôt dans le milieu enseignant, ont dit qu’elle avait été menée « à la hussarde » puisque les ordinateurs ont pu être distribués dès janvier 2005. Je souligne le fait que nous sommes venus copier les Landes, en mai 2004, en participant au colloque de Moliets, et en observant comment s’était faite la mise en place ici, et ce qu’on pouvait retirer comme enseignement de cette initiative qui nous semblait exemplaire. Je pense aussi que notre volonté n’était pas uniquement de faire un « cartable électronique », mais bien de permettre à chaque collégien de troisième d’aborder le lycée avec une maîtrise complète de l’outil informatique. Nous avons fait réaliser un produit sur mesure, avec un certain nombre de sécurités pour éviter, éventuellement, la tentation du vol, et permettre de récupérer les ordinateurs égarés : ils sont très repérables, avec une coque rouge et noire portant le logo du Conseil général. Avec également, dans l’ordinateur, un certain nombre de logiciels (encyclopédies, langues) qui permettaient aux collégiens de faire autre chose que des jeux. Une des premières critiques de l’opération était d’ailleurs : « Ah oui, mais puisque vous ne le destinez pas à l’utilisation pédagogique, d’emblée ils ne vont faire que jouer ! »

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Nous avons aussi rétorqué que jouer faisait partie des apprentissages, entre autres, de maîtrise technique de l’outil. M. Emmanuelli C’est vrai qu’on rigole peu à l’école… Mme Massot Les ordinateurs sont distribués en janvier 2005. Nous ne sommes pas à l’échelle Bouches-du-Rhône – il s’agit simplement de 12 000 ordinateurs –, mais cela suppose une organisation assez bien réglée pour les distribuer en un temps record dans tous les collèges. Il a fallu prendre un certain nombre de précautions pour franchir les portes du collège, demander les autorisations aux principaux sans que les professeurs soient concernés directement. Nous avons eu quelques grincements de dents bien entendu, mais cela s’est fait. Nous voulions que la période de six mois sur l’année 2005, de janvier à juin, soit une période de tests pour les opérations de distribution, de récupération, et d’observation de l’utilisation faite par les collégiens. Sachant que, comme le soulignait Mme Écochard, nous voulions que cet ordinateur portable soit également à usage familial : il fallait donc que le collégien se l’approprie, mais aussi qu’il puisse le faire découvrir – nous le souhaitions fortement – à ses frères, sœurs et parents. C’est pourquoi – chaque fois que c’était possible et cela l’a été dans un certain nombre de cas –, nous avons organisé une rencontre avec les parents, au moment du prêt de l’ordinateur, avec signature d’une convention qui responsabilisait les uns et les autres, qui posait bien les contraintes liées à ce prêt, et les avantages qu’on pouvait en retirer. Connexion Internet au collège, avec des bornes wi-fi au collège, mais aussi à la maison : pour les boursiers, nous prenions en charge les dix heures d’abonnement mensuels et, quand il n’y avait pas de ligne dans la maison, l’ouverture de la ligne pour la durée de l’année scolaire. Nous avons également, cela existe toujours, mis des animateurs Ordi35 à disposition des collèges : des agents du Conseil général, des personnels recrutés spécialement pour cette opération et qui sont des emplois non précaires, je le souligne ; c’était un des reproches que faisaient nos détracteurs. La première période de six mois a fait émerger, en effet, le fait qu’il y a eu peu d’appropriations dans les collèges, par les équipes éducatives et pédagogiques ; cependant il y en a eu quelques-unes. Première critique des enseignants : « On n’a pas le même ordinateur que les élèves, donc on ne peut pas faire avec eux ». Nous l’avons comprise même si nous étions un peu sceptiques sur l’argument… Et comme on avait un delta d’environ 500 ordinateurs pour palier les différentes casses ou pannes, nous avons prêté, dans cette période de six mois, des ordinateurs aux équipes qui nous présentaient un projet. Nous nous sommes également heurtés aux pesanteurs de la démarche que nous avons mise en place de validation commune – inspection académique / Conseil général – pour le prêt de l’ordinateur.

L’inspection d’académie a été, d’emblée, associée à notre démarche : nous ne lui avons pas demandé l’autorisation, mais nous l’avons associée dès le départ. Nous voulions ensuite que cette validation du projet pédagogique soit faite conjointement entre l’inspecteur d’académie et le Conseil général, ce qui a demandé beaucoup de temps, et généré quelques découragements : le prêt de l’ordinateur était parfois un peu tardif par rapport à la mise en œuvre du projet… Nous avons pris cela en compte pour l’année suivante. Avec l’inspecteur d’académie, nous avons décidé d’arrêter la validation conjointe du projet ; il suffirait que l’équipe pédagogique, ou le professeur qui souhaitait développer un usage de l’ordinateur portable en cours – pour travailler ou pour dispenser des cours sur une discipline donnée –, présente une fiche validée par le principal du collège, et le prêt de l’ordinateur se ferait automatiquement. Nous sommes même allés plus loin, avec le « prêt forfaitaire » de trois à quatre ordinateurs directement à chaque collège, sous la responsabilité du principal, ou de la principale, qui peut ainsi les mettre à disposition des équipes qui veulent conduire un projet au cours de l’année scolaire. Les ordinateurs sont prêtés à l’année, en permanence ; ils ne sont pas récupérés en fin d’année scolaire comme ceux des élèves.

MME MIREILLE MASSOT

Petit à petit, il y a eu une appropriation de plus en plus grande par les équipes pédagogiques de cet outil. Ce qui nous a conduits, en avril dernier, à organiser un forum, avec l’inspection d’académie, qui permettrait de faire se rencontrer ceux qui avaient tenté l’aventure avec ceux qui n’osaient pas encore le faire. Par champ disciplinaire, nous avons organisé des ateliers où ceux qui avaient conduit des expériences ont pu expliquer comment ils les avaient mises en route, éventuellement les obstacles qu’ils avaient rencontrés, et les plus-values – excusez ce terme un peu économique. Ces rencontres ont permis une appropriation plus grande cette année. Dès la rentrée scolaire, nous avons eu plus de 100 demandes sur 105 collèges. Le privé comme le public ont été dotés de ces ordinateurs portables ; je ne l’ai pas dit en préambule, je ne l’avais pas précisé mais, chez nous, cela va de soi. M. Emmanuelli C’est le codicille breton. Mme Massot Nous avons un codicille breton. Cette année, nous avons donc une prolifération de projets pédagogiques dans les collèges, mais plus beaucoup d’ordinateurs en stock pour les pannes… Revenons sur les premiers six mois pour les bilans et évaluations. Incontestablement, les jeunes ont beaucoup joué, à domicile mais aussi en intercours, sur le temps du midi, sur les plages de permanence. Une des craintes était : « Cela va tuer complètement les échanges entre collégiens, ils ne vont plus se parler… » Alors qu’en fait, quand ils jouaient dans la cour, ils jouaient à trois ou quatre, certes le dialogue s’était déplacé mais il continuait d’exister ; ils avaient des

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curiosités : « Comment tu t’y prends pour faire ça ? », « Comment tu vas chercher ça ? » Les plages réservées aux ordinateurs Ordi35, sur des temps scolaires hors cours, pouvaient être utilisées pour des recherches, des jeux, mais aussi de l’usage Internet. On a constaté que des élèves qui ne sont pas trop repérés comme étant de bons élèves – vous voyez un peu ce que je veux dire –, étaient très valorisés à ces occasions-là ; ils peuvent donner des pistes à d’autres qui sont un peu plus embarrassés par rapport au maniement du portable. C’était aussi un de nos objectifs (qui, par ce biais-là, était partiellement atteint), de faire en sorte que des gamins un petit peu « en désamour » avec les apprentissages et la chose scolaire puissent se retrouver motivés par la manipulation de l’appareil, et la maîtrise de l’outil. Autre aspect, sur lequel nous sommes encore en train de travailler de façon plus pointue, l’utilisation de l’ordinateur à la maison. Beaucoup de collégiens avaient compris que l’ordinateur leur était prêté personnellement, et pas à leur famille… Du coup, ils le kidnappaient dans leur chambre, et l’utilisaient très tard le soir, voire dans la nuit. Les parents disaient : « L’enfant est fatigué, quand il se lève il n’est plus en forme pour aller à l’école ». Si les résultats scolaires avaient chuté, c’était forcément la faute d’Ordi35. Nous avons reparlé de cela, et de la responsabilité de l’autorité parentale ; on s’est rendu compte que là où il y avait cette difficulté à maîtriser, ou à donner des cadres par rapport à l’utilisation d’Ordi35, il existait déjà des difficultés d’autorité et de relations parents / enfant(s). En conclusion, une autre chose qui est apparue malgré toutes les précautions prises pour ne pas aller sur des sites permissifs : il y a eu des dérives via les clés USB. Ce n’est pas l’accès au site directement, mais des choses importées par l’extérieur, récupérées via des ordinateurs parentaux ou d’amis. Nous sommes donc en train de mettre en place, cette année, dans les collèges, l’opération « un clic, déclic », de façon à informer à la fois les parents et les élèves sur les usages bons et mauvais d’Internet. Modératrice Lors du débat avec la salle, nous aurons l’occasion de revenir sur toutes ces questions. Mme Massot est intervenue sur le partenariat avec l’inspection académique et la validation pédagogique de l’expérience, je donne donc la parole M. Texier.

M. YANN TEXIER INSPECTION ACADÉMIQUE D’ILLE-ET-VILAINE

M. YANN TEXIER

----M. Texier Les enjeux de l’Éducation nationale, que je représente via l’inspecteur d’académie, sont que l’utilisation pédagogique naisse vraiment – et Mireille Massot a parlé des pistes qui ont été mises en place –, parce que, derrière, il y a le B2i, et il y a le socle commun dont on n’a pas encore parlé avec les items qui se rapportent aux Tice. C’est le véritable enjeu et ce n’est pas un enjeu facile à mettre en œuvre, car il concerne, autant dans les Bouches-du-Rhône que dans l’Ille-et-Vilaine, tous les élèves et, d’une certaine manière, tous les professeurs. Hier, des professeurs des Landes sont intervenus : on a vu que ce n’était pas facile à mettre en œuvre de façon massive. C’est véritablement l’enjeu premier sur lequel nous souhaitons collaborer – et nous collaborons déjà – avec le Conseil général d’Ille-et-Vilaine. Petite précision : je suis entouré de deux délégués académiques des Tice ; chez nous on les appelle des conseillers Tice, c’est à peu près la même chose. Je représente également la conseillère Tice, donc l’homologue des collègues qui sont autour de moi. On a parlé, tout à l’heure, du forum Ordi35 qui a, sans doute, été la véritable amorce ou le véritable signe donné par le Conseil général, et pour lequel les corps d’inspection se sont particulièrement mobilisés, notamment sur deux points. – D’abord sur le B2i, c’est-à-dire faire en sorte que les différentes disciplines – et pas seulement la technologie – s’accaparent réellement les outils, et puissent les intégrer de différentes manières. Les inspecteurs pédagogiques régionaux sont en train de travailler, chacun dans leur discipline, et de façon transversale, à trouver des intégrations de ces outils en lien avec les compétences du B2i. – Ensuite sur l’espace numérique de travail, piste dont on n’a pas encore parlé et qui va fédérer ces opérations. À mon avis, l’ENT va être l’outil qui va donner du sens – peutêtre même reposer un certain nombre de questions sur le portable – à la communauté que représentent les élèves, les professeurs et les établissements. En venant ici, hier j’ai vu ce que les professeurs des Landes proposaient. J’ai pu discuter, et ce sera une transition, avec mon collègue de l’Université de Rennes 2 qui est en train de faire une étude sur les ordinateurs Ordi35. Mireille Massot parlait d’évaluation ; nous avons besoin d’avoir ces éclairages.

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Nous en prendrons, pour la partie qui nous concerne – Éducation nationale –, ce qu’il sera possible d’en prendre. Il nous faut des éclairages, d’une certaine manière extérieurs, parce que l’on a besoin de savoir où l’on va et, comme vous le disiez M. le Président, pour essayer de comprendre la pertinence de l’utilisation de cet outil auprès des élèves de nos départements.

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M. JEAN-LUC RINAUDO MAÎTRE DE CONFÉRENCE À L’UNIVERSITÉ DE RENNES 2 / IUFM DE BRETAGNE MEMBRE DE L’ÉQUIPE DE RECHERCHE DU CREAD (CENTRE DE RECHERCHE EN ÉDUCATION APPRENTISSAGE ET DIDACTIQUE)

M. JEAN-LUC RINAUDO

----Modératrice C’est, en effet, la question qui se pose et qui reste encore à résoudre, celle de l’évaluation des pratiques sur le terrain. Est-ce l’Éducation nationale ou un regard extérieur qui doit assurer cette évaluation ? M. Jean-Luc Rinaudo, qui observe l’opération Ordi35, va nous en donner sa vision. M. Rinaudo Le temps de la pédagogie est un temps long, le temps de la recherche est un temps encore plus long ! Je vais donc porter un éclairage particulier sur des éléments que j’ai pu observer autour d’Ordi35. En premier lieu, je remercierai les conseils généraux de mettre en place des opérations aussi riches pour nous comme objet de recherche, réellement ce sont des dispositifs formidables, des « dispositifs » au sens que donnait Foucault : « Les dispositifs sont des ensembles hétérogènes qui comportent des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des lois… » Il serait assez facile de placer à chaque fois des discours – on en tient un aujourd’hui –, de repérer les institutions – on a parlé du Conseil général –, chez nous l’Éducation nationale et la Direction départementale de l’enseignement catholique qui sont également impliquées. Mais ce qui est intéressant pour considérer Ordi35 comme un dispositif, ce n’est pas tant de classer et de poser des étiquettes, mais de considérer l’opération comme un entre-deux porteur de décalages, puisqu’il y a un décalage entre le dispositif idéal – que chacun, à son niveau, a en tête –, et le dispositif réel des pratiques du quotidien. C’est sur une série de décalages que je vais porter l’accent aujourd’hui.

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Le premier décalage que l’on a pu repérer dans notre recherche, c’est celui entre le discours des promoteurs d’Ordi35 et la perception qu’en ont les collégiens, les familles et les professeurs. En prêtant un ordinateur aux collégiens, en plaçant des animateurs Ordi35 au sein des collèges, pour de nombreuses personnes que nous rencontrons (collégiens, parents, professeurs), Ordi35 a été perçu comme un outil au service de l’apprentissage et de l’enseignement ; ce qui n’était pas l’objectif premier du Conseil général. Ce fait peut expliquer l’incompréhension, voire même de la frustration, chez certains qui disaient : « On nous donne un outil pour apprendre et on ne l’utilise pas dans ce sens-là au collège ». C’est le premier grand élément de décalage.

M. Rinaudo > Sur le deuxième type de décalage temporaire… Les six premiers mois, les enseignants qui se sont emparés du dispositif Ordi35 étaient en quelque sorte ceux qui étaient déjà prêts, qui n’attendaient plus que ça, qui utilisaient déjà l’informatique dans leur pratique professionnelle avec leurs élèves, qui allaient en salle multimédia, qui avaient parfois eux-mêmes créé un site Internet, ou réalisé leur propre logiciel, qui savaient programmer en Flash, en html, etc. Pour eux c’est du confort : « Avant, j’avais un ordinateur pour deux élèves en salle multimédia, je devais jongler entre une demi-classe à qui j’avais donné un travail et une demi-classe en salle informatique… Maintenant tous les élèves ont leur ordinateur portable dans la classe : pour moi c’est du confort. »

Autre point de décalage, un décalage entre les représentations qu’ont les professeurs au sujet des capacités techniques qu’ils prêtent à leurs élèves, et les pratiques réelles qu’ils rencontrent dans leur classe. Les professeurs que nous rencontrons disent : « Nous pensions que ce serait facile pour eux – puisque les jeunes, utilisent MSN, échangent des fichiers musicaux, des clips – de nous envoyer un travail par courrier électronique, d’échanger avec nous sur un forum… » Ils s’aperçoivent qu’il n’en est rien. En fait l’usage des loisirs, même si on utilise le même outil, ou les mêmes instruments, ou les mêmes machines, est complètement différent de l’usage dans un métier d’élève. On n’est pas sur les mêmes représentations : échanger avec des amis et des pairs, relève de la socialisation horizontale, échanger avec un enseignant renvoie au rapport à l’école, au rapport au savoir, au rapport à l’apprendre. On est sur des représentations différentes, et même si on utilise a priori les mêmes outils, on ne sera pas sur les mêmes pratiques et les mêmes usages.

De plus en plus, comme le disait Mme Massot, on a des enseignants qui vont utiliser l’ordinateur dans leur pratique professionnelle avec les élèves, en ayant réfléchi, en s’étant posés la question. C’est assez curieux, chaque fois que l’on interroge les enseignants, les parents ou les élèves, d’emblée ils nous disent : « Je suis pour » ou « Je suis contre ». Et parmi les enseignants qui disent « je suis contre », beaucoup disent : « Mais puisqu’il est là, il faut bien que j’en fasse quelque chose, et donc j’ai commencé à réfléchir à ce que je pourrais bien en faire. » On sent un mouvement timide ; on ne peut pas dire que, dans les 105 collèges d’Illeet-Vilaine, l’ensemble des enseignants se soit emparé du dispositif, mais il y en a certains qui, sans ce dispositif, n’auraient pas utilisé l’informatique avec leurs élèves, commencent à s’y mettre.

Autre décalage repéré dans notre recherche, les décalages temporaires. > Sur le premier type de décalage temporaire… Les professeurs nous disent : « On leur confie un portable sur une année. En fait, le temps de maturation nécessaire pour apprendre à gérer le matériel – pour qu’ils puissent venir en classe avec l’ordinateur dont la batterie est chargée, sans avoir oublié le câble ou la clé USB, qu’ils prennent en charge la gestion de leur matériel et qu’il en ait un usage pertinent du point de vue pédagogique – nous amène à la fin, au moment où l’on doit rendre les machines. » Une enseignante d’arts plastiques me disait : « Faire de la peinture avec des sixièmes, au début c’est une catastrophe. Il y a un problème de gestion de matériel, on a de la peinture partout, on lave les pinceaux à la fin parce que tous les élèves sont partis, on lave les tables. Petit à petit, se met en place un apprentissage qui fait qu’en troisième, faire de la peinture pose beaucoup moins de problèmes ». Elle précise : « Avec l’ordinateur, j’ai à peine le temps d’ébaucher ou d’amorcer un usage pertinent que les élèves doivent déjà le rendre ». M. Emmanuelli En troisième ils sont plus grands qu’en sixième !

M. JEAN-LUC RINAUDO

M. Emmanuelli C’est par tranches d’âge d’enseignants ? M. Rinaudo Non. Mais en général, ceux qui tiennent ce discours ne sont pas les plus jeunes. (Rires). Dans les autres décalages repérés, il y a un décalage terrible entre l’esprit d’ouverture – c’est-à-dire sortir les ordinateurs de la classe : mettre des ordinateurs portables à disposition des élèves, c’est faire tomber les murs de la classe –, et le nombre prodigieux de règlements et d’interdits qui ont fleuri dans les établissements scolaires. Cela ne veut pas dire que les interdits ou les règlements sont forcément respectés. On distribue des ordinateurs à des adolescents… L’un des faits connus de l’adolescence c’est de dépasser les interdits. Autre décalage qui nous étonne davantage, c’est celui des enseignants qui sont également parents d’un enfant de troisième ; ils se disent favorables à l’utilisation de l’ordinateur dans leur pratique professionnelle, en classe, avec leurs élèves, mais ils nous disent : « À la maison, c’est très compliqué ». Souvent, les enseignants disent s’être équipés avant cette opération : ils ont un ordinateur dans le bureau, le salon ou une pièce partagée de la maison ; ils pouvaient donc contrôler un peu ce qui se passait ; il y avait un échange, un partage du temps machine,

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alors que là, l’enfant se retrouve tout seul dans sa chambre, et fait ce qu’il veut avec « son » ordinateur. Dans les questionnaires posés aux collégiens sur ce qu’ils trouvent intéressant par rapport à Ordi35, les premières réponses sont : « J’ai mon ordinateur à moi ».

M. GABRIEL BELLOCQ VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES, CHARGÉ DE L’ÉDUCATION.

M. GABRIEL BELLOCQ

Dernier décalage repéré en observant les usages libres des collégiens dans le collège et les salles de permanence, dans les moments d’intercours : un grand décalage entre les usages des garçons et les usages des filles. Cela dépasse le dispositif Ordi35, et sans doute aussi Ordina13 et le dispositif des Landes, cela renvoie aux mythes, ou aux représentations par rapport à la technique véhiculées par la société. Dans l’idée de réduire la fracture numérique, c’est un point important à souligner. Dernier élément repéré presque dans tous les questionnaires auprès des collégiens, dans presque toutes les interviews, enquêtes et entretiens avec les enseignants : « le rôle fondamental de l’animateur Ordi35 dans les collèges », parce qu’il assume une fonction importante du point de vue technique et un accompagnement sur les usages. C’est la démonstration que ces outils – et cela fait plusieurs années que nous sommes un certain nombre à le dire – nécessitent la mise en place, dans les collèges, de nouvelles fonctions, de nouveaux métiers, pour accompagner ces usages. Modératrice Merci beaucoup pour ce travail sans doute fondamental pour évaluer les pratiques. Je passe la parole à M. Bellocq pour voir ce qui se passe, ici même, dans les Landes.

----M. Bellocq En tant que représentant de la collectivité qui organise ce colloque, je salue et je remercie mes collègues des départements des Bouches-du-Rhône et de l’Ille-et-Vilaine, et les représentants de l’Éducation nationale, qui ont fait ce long déplacement pour venir apporter le témoignage des expériences qui sont vécues ailleurs. Merci aussi à ceux qui sont venus de plus loin, ou du département des Landes. S’agissant de l’opération conduite ici – même si cela est un peu redondant avec les propos du président Henri Emmanuelli –, je dirais que, dans ce département, le Conseil général s’est intéressé depuis longtemps à ce qu’étaient les « autrefois nouvelles » technologies. Dès 1983, le Département des Landes avait souhaité lancer une opération d’initiation à l’informatique en mettant à disposition des élèves des écoles élémentaires, notamment les cours moyens, les TO7 qui ont été remplacés ensuite par les MO5. C’était une expérience innovante à l’époque. J’ai le souvenir, pour l’avoir vécue concrètement, que – déjà à l’époque – certains enseignants laissaient beaucoup de poussière sur ces appareils ; l’expérience a eu un résultat mitigé. Toujours est-il qu’en 2001, lorsque sous l’impulsion d’Henri Emmanuelli, le Département des Landes a souhaité lancer une opération informatique au niveau des collèges, il y a eu une volonté politique forte et nous nous sommes donné les moyens de cette politique. Et puisque, dans ce colloque, nous sommes en phase d’évaluation, je rappellerai quels étaient les quatre objectifs poursuivis. 1. À travers la dotation d’un ordinateur à chaque collégien des classes de troisième, nous souhaitions renouveler les pratiques pédagogiques, et donner aux enseignants des moyens modernes, contemporains, leur permettant de diversifier leur enseignement. Nous souhaitions également, si possible, donner aux collégiens l’occasion de s’initier à un outil – en 2001 et aujourd’hui de toute évidence – qui fait partie de notre environnement quotidien. Volonté donc de renouveler les pratiques pédagogiques,

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objectif partagé par tous, avec la conviction que l’avenir des jeunes passe par la connaissance de l’outil informatique. 2. Un peu plus politique – et c’était sans doute le premier objectif pour les élus –, nous voulions permettre qu’il n’y ait pas de différence pour la pratique de l’outil informatique, par rapport à l’origine sociale des familles : éviter la fracture numérique – terme un peu pompeux mais qui veut dire ce qu’il veut dire –, en tout cas permettre à chacun, quelle que soit son origine sociale, son domicile, ou le collège qu’il fréquente, d’avoir l’usage d’un outil informatique. 3. Permettre l’entrée de l’informatique dans les familles. C’est aussi pour cette raison que nous avons choisi l’ordinateur portable. Cela va sans dire et tout le monde l’aura compris, notamment à partir de tous les débats menés ici depuis hier, il s’agissait, au-delà des collégiens, d’initier leurs parents et, au-delà, les familles entières, à ces outils. On peut dire que cet objectif a été atteint. 20 000 collégiens ont jusqu’à présent bénéficié de l’ordinateur portable, et au travers des études statistiques conduites – Henri Emmanuelli y faisait allusion –, on a pu vérifier que le département des Landes qui avait un certain retard, l’avait comblé. Nous avons même dépassé les autres départements d’Aquitaine, que ce soit en termes d’équipement ou de connexions à Internet. 4. Un objectif un peu plus flou et diffus : donner une attractivité supplémentaire au département des Landes, attractivité pour les familles intéressées par une éventuelle installation, attractivité également pour les entreprises. Là aussi, on peut vérifier que l’objectif a été atteint. On peut constater que les opérateurs, France Telecom par exemple, se sont engagés dans la fourniture de l’ADSL : le département des Landes est maintenant desservi de 95 à 98 % par du haut-débit. Les entreprises extérieures au département ont perçu qu’il y avait ici une culture informatique ; beaucoup s’intéressent à ces connexions haut-débit, et certaines ont déjà fait le choix de s’installer dans les Landes parce que nous sommes un département pilote en la matière. Ces quatre objectifs ont conduit le Département à lancer l’opération, ou à la relancer si on se souvient des TO7. Dans un premier temps, en 2001, nous avons souhaité, par prudence, faire une année d’expérimentation qui a concerné trois collèges : Montfort-en-Chalosse, Mimizan et Saint-Paul-lès-Dax. Au terme de cette année d’expérimentation pendant laquelle les élèves de troisième de ces collèges ont été dotés d’ordinateurs portables, une évaluation a eu lieu. Elle a entraîné quelques aménagements au niveau des équipements et fournitures. L’année suivante, à la rentrée 2002, nous avons donc pu doter l’ensemble des classes de troisième des 34 collèges publics du département d’un ordinateur portable. Mais au préalable, il y a eu une opération d’équipement des collèges, avec les réseaux et les câblages nécessaires, et de l’ensemble des classes avec des bornes informatiques. En même temps, nous avons doté chaque établissement des équipements nécessaires

(vidéo-projecteurs, tableaux interactifs), et nous avons doté les principaux de collèges, les conseillers principaux d’éducation et les professeurs d’un ordinateur portable. Autrement dit, a priori, nous avons équipé l’ensemble des collèges, et ceci a été fait sur une seule année. Dès l’instant où la décision a été prise elle a été appliquée. Cela a nécessité une volonté politique et la mobilisation de moyens ; j’apporte cette précision parce que je viens d’entendre des chiffres importants, au niveau des collègues… Le département des Landes est beaucoup petit, 330 000 habitants, 335 000 aujourd’hui, 34 collèges, mais à la taille de notre département, c’était un effort conséquent, fruit d’une volonté politique forte. À partir de 2002, l’ensemble des collèges landais a donc été doté, l’ensemble des élèves de troisième a bénéficié de l’ordinateur portable, l’opération a été reconduite.

M. GABRIEL BELLOCQ

Parallèlement, nous avons eu un partenariat rapproché avec le rectorat représenté ici par M. Lacueille, l’inspection académique des Landes, le CRDP et le CDDP des landes, nos partenaires tout au long de cette opération. Nous avons installé d’emblée un comité de pilotage administratif ou technique, coprésidé par l’inspectrice d’académie et le représentant du Conseil général des Landes, et un comité de pilotage pédagogique présidé par M. Lacueille, conseiller auprès du recteur. Ces deux comités se réunissent régulièrement et évaluent l’opération en termes de qualité d’équipements et de résultats pédagogiques. Pour ce qui concerne le Département des Landes, nous avions, à l’origine, exprimé le souhait que peu à peu toutes les classes soient dotées de cet ordinateur portable. Les résultats ayant été jugés positifs par le comité de pilotage, et validés en termes positifs par des instances indépendantes – je fais référence à l’association Aquitaine Europe Communication qui a évalué l’effet positif au niveau des familles –, nous avons généralisé l’opération aux classes de quatrième à la rentrée 2005. De sorte qu’aujourd’hui l’ensemble des classes de quatrième et de troisième des 34 collèges publics landais sont dotées de l’ordinateur portable. Nous nous interrogeons sur la poursuite de l’opération. Nous verrons ce qu’en pensera le comité de pilotage, mais je dois dire, pour avoir fait la tournée de l’ensemble des collèges, et rencontré les professeurs et les principaux, qu’un sentiment général semble apparaître : il ne serait pas souhaitable d’aller au-delà des classes de quatrième parce que, semble-t-il, l’usage qu’en font ou qu’en feraient les élèves en deçà de ces classes de quatrième serait sans doute difficile à maîtriser ; mais nous verrons bien… Concernant l’évaluation proprement dite… La journée d’hier a été instructive, en tout cas je l’ai jugée très intéressante au niveau de l’usage qu’en font les professeurs. Il est difficile de faire les pourcentages réels de ceux qui utilisent l’ordinateur portable dans les collèges, mais j’ai le sentiment que : – 25 % de la population des professeurs est très engagée, dynamique, enthousiaste, passionnée et s’implique terriblement ; ce sont plutôt dans les catégories d’enseignants les plus jeunes.

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– 50 % des professeurs sont des usagers plus ou moins engagés dans l’opération. – Et sans doute 25 % sont des réticents. À ce sujet, je fais partie d’une génération qui a connu l’informatique sur la fin, et qui s’y est mise « sur le tas ». À titre personnel, j’exprimerai le souhait fort que l’Éducation nationale s’engage de façon très volontariste. En comparaison (elle vaut ce qu’elle vaut, chacun la jugera comme il voudra), quand Jules Ferry a décidé que l’école serait publique et gratuite, lorsque les élus de l’époque se sont engagés dans la construction d’écoles publiques pour tous les enfants de notre pays, il y a eu une volonté politique, et des moyens financiers colossaux ont été engagés par l’État et par les collectivités locales. Aujourd’hui, nous sommes quelques départements à nous être lancés dans cette opération de dotation d’ordinateurs auprès des collégiens. Nous constatons que l’Éducation nationale, là où nous avons été pionniers, nous accompagne. Je le dis très franchement et publiquement, dans ce département et cette académie, le rectorat et l’inspection académique nous ont accompagnés ! J’ai le sentiment qu’il faut un coup de rein supplémentaire, une volonté supplémentaire au niveau de l’Éducation nationale pour généraliser cette opération au pays tout entier. Il me paraît inconcevable qu’au 21e siècle on ne donne pas à nos élèves, futurs citoyens et professionnels demain, les moyens d’utiliser et de pratiquer ce qui est l’équivalent du livre à la fin 19e siècle : le livre du temps de Jules Ferry, c’est aujourd’hui l’ordinateur ! C’est un plaidoyer, je prêche ici à des convaincus – et j’espère en trouver d’autres en dehors de cette salle. Pour conclure, cette opération – qui n’est plus, ici, une expérimentation mais une opération généralisée – n’est pas uniquement un moyen de recherche, mais tout simplement un outil de pédagogie mis à la disposition de l’ensemble de nos écoles. Modérateur M. Lacueille, tous nos intervenants, et en premier lieu le président Henri Emmanuelli, ont souligné la nécessité de renouveler les pratiques pédagogiques à partir de l’usage de l’outil multimédia. Quels sont les résultats des élèves tels que peut les évaluer l’Éducation nationale, non seulement du point de vue du B2i mais également dans les autres domaines ? Quelles sont les compétences que le multimédia et l’ordinateur apportent aux élèves ?

M. PIERRE LACUEILLE IA-IPR, DÉLÉGUÉ ACADÉMIQUE DES TICE DU RECTORAT DE BORDEAUX

M. PIERRE LACUEILLE

----M. Lacueille Quand nous avons conçu cette manifestation avec François-Xavier Benusiglio et PierreLouis Ghavam [Conseil général des Landes], nous avons décidé de deux journées, l’une pour présenter les usages pédagogiques, l’autre, sans langue de bois, sur le bilan entre État et collectivités. Faut-il poursuivre cette opération ? Oui, il serait catastrophique de l’arrêter. Avons-nous progressé depuis deux ans ? Oui. Avons-nous progressé assez rapidement ? Non. Pour autant, je ferai une remarque sur l’art très français de juger son école. L’école, en France, représente plus d’un million d’acteurs. Le président Emmanuelli a utilisé l’image de l’Empire du Milieu, personnellement j’utiliserais plutôt celle du Saint Empire romain germanique, car c’est aussi d’une très grande diversité. (Rires). Je mettrais en garde sur le risque, parfois, d’être injuste, d’avoir une image d’une école très franco-figée, de juger négativement des enseignants qui, sur les Tice, font pourtant des choses remarquables au quotidien. C’est la difficulté de fond, elle ne touche pas uniquement aux Tice, mais l’ensemble des problématiques de l’école. Comment faire en sorte que les meilleures pratiques, dans les domaines de l’enseignement scientifique et autres, soient suivies par tous les enseignants ? C’est un vieux débat, il existe depuis que l’école existe. Quelqu’un a parlé de la banalisation des Tice, je vous rejoins complètement Madame. Dans les Landes, les Tice sont ancrées très profondément dans l’ensemble des chantiers que mène aujourd’hui l’école. Je suis tenté de dire que cela n’a pas de sens de vouloir évaluer en soi ce que les Tice ont apporté… J’insisterai sur l’aspect éducatif. M. Rinaudo en a parlé, je le rejoins totalement : nous sommes dans une transformation profonde, sur la durée, de la culture des adolescents

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vis-à-vis du numérique. Hier, le chercheur de l’IUT de Dijon [Pascal Lardellier] évoquait le temps passé par les jeunes sur des outils, comme MSN, qui génèrent une activité de type multitâche : la télévision branchée, MSN connecté, le bouquin ouvert en même temps… Les Anglais parlent de « base of culture », c’est-à-dire que le gamin, dans sa chambre, dispose d’un environnement multimédia ; il fait beaucoup de choses en même temps. Cet aspect-là inquiète les enseignants et les chefs d’établissements ; il est à ne pas sousestimer. Dans cinq ans, on en sera peut-être débarrassés ; on sera peut-être sur Internet haut débit par les réseaux hertziens ; les élèves auront tout sur leur téléphone portable, et nous pourrons débarrasser l’utilisation des ordinateurs de cette question du temps passé sur le jeu, sur des choses un peu incorrectes ou autres… Cet aspect-là inquiète et c’est un frein non négligeable. Je ne leur jette pas la pierre, mais on a le sentiment que les enseignants et les chefs d’établissements sont très mobilisés sur les dérives, mais en même temps… Tout à l’heure, monsieur le président, vous avez eu la parole du Christ sur la Croix, je resterai modeste, je me contenterai de celle de Jean-Paul II : « N’ayez pas peur ». (Rires). Nous allons monter un observatoire de cette culture numérique au niveau de l’académie de Bordeaux. Le mérite de l’opération landaise, c’est de rendre ces questions visibles : 60 à 80 % des collégiens disposent d’une connexion Internet à la maison. S’il n’y avait pas cette opération, on n’en parlerait même pas parce que ces problèmes se poseraient en dehors de l’école… Le mérite, donc, c’est de poser la question éducative en premier chef à l’école : – Avoir la possibilité, sur ces médias, de se connecter en permanence, il est évident que cela change un peu les choses. – Les jeunes sont constamment avec de la musique, avec du bruit – Il faudra se poser la question du rôle du silence et de la concentration, ne pas les écarter en disant que c’est une politique réactionnaire. Non. Il faut avoir ceci en tête car c’est un frein, et en même temps cela interpelle l’école. Sur l’aspect pédagogique, il faut arrêter de se demander : « Est-ce que c’est utile ? » Oui, c’est utile ! Maintenant, on a un certain recul sur l’usage des Tice dans l’enseignement. Il est évident que les corps d’inspection, en particulier, savent évaluer la qualité des pratiques pédagogiques liées aux Tice. Au niveau du département, M. le recteur Patrick Gérard avait fixé trois orientations prioritaires. J’affirme qu’elles ne sont pas des déclinaisons exotiques de la politique nationale sur l’éducation dans le département des Landes, mais des priorités fortes du ministère. Et je dis ici, très officiellement, que les enseignants des Landes et des autres départements [engagés dans des opérations semblables] ont une chance inouïe de disposer de ces outils. M. l’inspecteur général a présenté, hier, le plan de rénovation de l’enseignement des langues vivantes. C’est une priorité nationale majeure, avec des enjeux économiques, culturels et politiques. C’est un chantier vraiment en phase avec l’opération « un collégien, un ordinateur portable », notamment du fait, pour chaque gamin, à la maison, de pouvoir travailler son écoute, et développer sa capacité à apprendre.

Toujours brocarder l’État et dire qu’il ne met pas de moyens, c’est très classique. – Nous avons mis 500 journées de formation sur le seul dossier des langues vivantes. Mon collègue a mentionné des formations dans lesquelles les gens ne s’inscrivent parfois pas. On ne peut pas limiter cela à un problème de moyens, c’est injuste vis-à-vis de l’État ; je sais que c’est un sport national, mais je ne suis pas d’accord. – Sur l’académie, depuis trois ans, nous avons mis une part très importante de nos moyens Tice sur le département des Landes, des moyens qui n’ont pas pu être donnés à d’autres départements.

M. PIERRE LACUEILLE

Il faut évaluer l’opération sur le long terme ; il faut l’évaluer à partir du moment où tous les indicateurs sont au vert, à partir du moment où l’on a la possibilité de proposer aux enseignants des ressources parfaitement claires au niveau des droits, et des ressources parfaitement pertinentes au niveau des usages. Première priorité concernant les langues vivantes, nous avons avancé. Je souhaiterais pouvoir faire une mesure entre 500 collégiens du département des Landes et 500 collégiens d’un autre département pour montrer qu’ils ont plus progressé. Mais je ne peux évidemment le faire qu’à partir du moment où j’aurai la garantie que ces élèves, pendant deux ans, ont bénéficié d’un enseignement dans les règles de l’art, tel que présenté par M. Pérez hier… Sur les langues vivantes, nous n’avons pas encore atteint nos objectifs, mais nous avons avancé. Les stages mis en place depuis trois ans ont permis de rassurer. Je remercie, pour leur travail, MM. Louison et Bennett, ainsi que leurs collègues qui ratissent le terrain avec beaucoup de patience. Ils doivent performants sur la didactique mais aussi sur la technique, et il y a du boulot. Deuxième priorité, l’éducation à l’information. Présentée de manière très claire et brillante par M. Tauzin hier. C’est, à mes yeux, un chantier fondamental. Nous donnons à ces élèves beaucoup d’outils d’information. Là aussi, soyons prudents : ce n’est pas le fait d’utiliser l’ordinateur qui est important. Cela demande un accompagnement très exigeant parce qu’on est sur la pédagogie de projet. Cela demande de travailler en interdisciplinarité, ce qui prend du temps ; cela demande aux chefs d’établissements d’accompagner les équipes. Les professeurs documentalistes doivent être pleinement reconnus par l’ensemble des équipes… Et qu’on arrête de cloisonner les disciplines ! Cela fait belle lurette qu’on essaie de mettre en place les IDD, mais on est actuellement sur un certain repli disciplinaire qu’il faudra corriger… C’est aussi un grand chantier de l’école. 900 000 enseignants ne se pilotent pas en deux jours. Troisième priorité, le multimédia. M. le président, vous parliez de logiciels. Je ne suis pas d’accord sur le fait que les éditeurs n’aient pas proposé des ressources intéressantes. Sur l’usage du multimédia en classe, l’Ina, par exemple, a fait un travail de numérisation tout à fait exceptionnel, ce qui permet aux professeurs d’histoire et de géographie de disposer de ressources pertinentes ; lesite.tv de France5 également.

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Beaucoup de choses ont été faites. Nous avons, sur ce dossier, peut-être perdu un peu de temps parce que les enseignants voulaient, sorte de prescience sociale, utiliser l’ordinateur en classe. Je ne suis pas convaincu qu’il soit pertinent d’ouvrir systématiquement l’ordinateur en cours, mais plutôt de travailler avec les tableaux numériques : la classe est un lieu d’échange, un lieu social où l’on doit échanger et construire. Ce qui est très important, par contre, c’est que les gamins puissent retrouver – à la maison – les ressources qui ont été utilisées en cours. On a perdu un peu de temps, on a équipé la première année en ordinateurs portables et en tableaux numériques, mais ces derniers ont souvent été mal appréhendés par les équipes. Il n’y a pas eu de choix de fait en fonction des besoins en histoire géographie, en mathématiques et autres ; nous avons maintenant corrigé le tir, et responsabilisé les acteurs. Sur cet aspect-là, nous avons aussi avancé… Dans les sciences expérimentales, et c’est toute la réforme actuelle du collège, nous insistons très lourdement avec mon collègue Bertrand Pajot sur l’usage des outils multimédia. Et si l’on fait le bilan, ces outils sont utilisés de manière massive. Il y a peutêtre certains champs disciplinaires où la culture informatique est encore un peu moindre, mais nous avons avancé sur ce point aussi. Je reste très optimiste sur cette opération. Nous continuerons à l’accompagner, nous continuerons à y mettre des moyens, mais j’insiste sur le fait qu’il ne faut pas être toujours injuste en voulant juger l’école dans sa globalité. Parfois, il faut rassurer, convaincre certains professeurs, et cela prend du temps.

DÉBATS

DÉBATS

----M. Jean-François Clair, Syndicat national des enseignants du second degré On vient de voir, hier et aujourd’hui, trois opérations assez extraordinaires. Pensez-vous que tous les Conseils généraux de France seraient capables de monter des opérations de ce type-là ? L’Éducation nationale ne peut pas se débrouiller toute seule, il y a un problème d’équipement, de personnel, d’infrastructure. À plusieurs reprises, on a parlé de généralisation, de faire en sorte que l’Éducation nationale aille plus loin dans le développement des Tice. Pensez-vous que ce soit réalisable ? M. Bellocq La preuve est apportée ! Je ne peux parler que pour le département des Landes, le plus vaste géographiquement, avec 330 000 habitants. Il a doté toutes les classes de quatrième et de troisième de tous les collèges, d’ordinateurs portables, de logiciels et de tous les moyens ; ce n’était pas des ordinateurs vides. Il y a eu un effort financier important. Pour autant, le département des Landes survit, et plutôt bien. Je rappelle, même si ce n’est pas l’objet, que le département des Landes a un des plus faibles taux d’endettement par habitant de France. L’opération « un collégien, un ordinateur portable » a été réalisée parce que c’était une volonté politique, financièrement assumée comme telle, mais sans grever les finances du département. Donc ce qui est possible dans nos collectivités doit l’être ailleurs, mais je laisse mes collègues donner leur point de vue.

----Mme Massot C’est un point de vue que je partage complètement. Techniquement, il n’y a pas de raison que cela ne puisse pas se faire partout. Après, c’est bien un choix politique, c’est la volonté de faire en sorte que tous les collégiens maîtrisent l’informatique parce qu’on pense que c’est une condition complémentaire de leur formation, pour qu’ils puissent accéder à des métiers sans discrimination d’origine sociale. Cela doit être décidé, ensuite c’est évidemment un choix qu’on assume financièrement. Mme Écochard Le grand précurseur a été le département des Landes. Nous nous sommes, ensuite, inscrits dans cette même implication. Si l’on est à ce point volontaire et volontariste, si l’on a à ce point le souhait que l’opération réussisse, c’est non seulement parce qu’on la souhaite exemplaire à l’égard des collégiens, mais aussi afin qu’elle puisse servir d’exemple, et être dupliquée ailleurs. C’est vrai que c’est une opération lourde financièrement. Nous avons tous eu la même façon d’aborder la question […], pas seulement le matériel, mais aussi les assistants techniques informatiques (appelés différemment selon les départements) qui sont partie prenante du dispositif.

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Ensuite, c’est une question de volonté politique et de choix de priorité des départements. Le département des Bouches-du-Rhône fait plein d’autres choses à côté. J’ai toujours souligné qu’on ne développait pas l’informatique au détriment de nos politiques obligatoires (dans les mauvais procès qu’on nous a faits, il y a aussi celui-là). Nous construisons deux ou trois nouveaux collèges par an, nous les réhabilitons, nous les maintenons en bon état, donc ce n’est pas au détriment d’autres choses.

ce soit clair aussi, et sans vouloir faire le procès une nouvelle fois de l’État, le problème concerne l’État. Pour quelle raison n’aurait-on pas des postes pérennes d’assistants informatiques, ou d’assistants d’éducation, affectés aux établissements scolaires ? C’est tout aussi important et utile que d’avoir des enseignants titulaires. Le problème est réel, nous le partageons. Mais adressons-nous au principal responsable, l’État. J’ai entendu que l’Ille-et-Vilaine a pris des initiatives, je vais laisser ma voisine en parler.

M. Emmanuelli Le prix des matériels est en baisse constante : le renouvellement s’est fait à la moitié du prix initial. Cela va devenir à la portée de toutes les collectivités qui le souhaitent – excepté de deux ou trois qui sont en grandes difficultés –, mais si le choix est fait, il doit pouvoir être assumé. En outre, ces coûts correspondent à des matériels surdimensionnés. Quand nous avons fait le tour de l’ensemble des fabricants de matériels – à l’époque ils se sont déplacés du Japon, des États-Unis, pour présenter des matériels commerciaux surdimensionnés par rapport à l’utilité –, on s’est interrogés, et l’on s’interroge toujours, sur la raison pour laquelle aucun grand fabricant de micro-ordinateur n’en avait conçu pour les collégiens et les écoles élémentaires ; ils ne sont pas kamikazes là-dessus, c’est très curieux (je dis « kamikazes », j’aurais pu dire autre chose, je ne visais pas les Japonais). Leur discours consiste à dire que « s’ils ont la certitude du marché, d’engagements au niveau national, des systèmes éducatifs, oui, ils savent fabriquer moins cher et plus solide ». Cependant la vraie problématique n’est pas là, ni dans le coût des matériels, ni dans le déploiement des matériels, mais dans ce travail de Titan dont parlait M. Lacueille à l’instant, travail dont il restera, pour nous, à nos yeux, le symbole et le martyre. (Rires).

Mme Massot Pour la mise en place de cette opération nous avons recruté 39 « animateurs Ordi35 », tels qu’on les appelle, j’ai précisé : en postes pérennes et non précaires. Nous avons voulu que ce recrutement se fasse en permettant à des gens en précarité, ou en recherche d’emploi, de pouvoir prétendre à ces postes sans concours – et l’on a reçu les critiques de syndicats à ce sujet. [Les candidats] ont été évalués sur leurs capacités, puis recrutés et ensuite titularisés.

M. Serge Capoulia, Professeur d’arts plastiques – Biscarrosse Depuis le début, il y a quelque chose que je ne comprends pas tout à fait. Je suis enseignant, il y a de « nouvelles technologies », comme on dit ou comme on ne dit pas, et il y a de la précarité. On va faire vivre dans un monde de précarité les futurs citoyens qu’on est en train d’ouvrir à ces nouvelles technologies. Aujourd’hui, dans notre métier, on vit de la précarité. Il y a eu une manifestation la semaine dernière ; je suis à la CGT Educ’Action, je veux faire cette contribution au colloque : on ne peut pas noyer le poisson comme ça ! D’un côté, on a une volonté politique, ce n’est pas une chance, M. Lacueille, c’est une volonté politique ! Or, on ne voit que des postes de plus en plus précaires. L’aide éducateur (à côté de moi), ancien « emploi jeune », va devenir « assistant d’éducation ». Il s’occupe, chez nous, de tout ce qui est technologique. La précarité se développe, ou allons-nous ? Il faut recentrer le débat à cet endroit-là. Ensuite, sur l’art très français de parler de son école, je préférerais qu’on parle de l’école en séparant l’administration et l’enseignement. M. Bellocq Il est bien évident que la précarité dans la société et dans l’Éducation nationale, c’est une réalité ; on ne peut pas s’en contenter, que les choses soient claires. Elle existe pour certains postes d’enseignants et les postes d’assistants d’éducation que vous citez. Que

DÉBATS

La précarité existe, c’est vrai. Les opérations des Bouches-du-Rhône et des Landes visent à permettre à des jeunes issus des milieux défavorisés, qui auraient des difficultés supplémentaires s’il n’y avait pas cette opportunité, de maîtriser l’informatique pour accéder à des métiers. Nous ne nous contentons pas de l’opération Ordi35 ; cela ne suffit pas. Nous avons mis en place une plate-forme « découverte des métiers », qui se déplace dans les collèges en milieu rural, pour présenter certains domaines d’activités auxquels des collégiens, parce qu’ils appartiennent à un milieu donné, ne pensent même pas pouvoir accéder. Nous avons également, cette année, conduit une expérimentation dans cinq collèges pour tester des logiciels de soutien scolaire ; c’est aussi sur le hors temps scolaire que se creusent les inégalités. Il y a une conjonction d’actions qui visent à faire en sorte que les collégiens de nos départements aient un peu plus de chance que d’autres de pouvoir travailler, avec des perspectives plus dynamiques et ouvertes que dans des endroits où cela ne se ferait pas. Je rejoins mon collègue, il devrait y avoir ces dotations et ces possibilités dans tous les départements ; c’est une responsabilité d’État. Mme Écochard Je déplore, comme vous, la faiblesse et la précarité des moyens, l’insuffisance notoire et généralisée des moyens de l’Éducation nationale. Nous en avons pris acte et donc suppléé effectivement. Nous avons créé 150 postes d’assistants techniques informatiques, des emplois en CDI. Actuellement, ils sont gérés par l’association FAIL à qui l’on attribue la subvention nécessaire. Nous avions convenu qu’au bout de cinq ans, ils seraient titularisés par le biais d’un cadre d’emploi qui est possible au Conseil général. À partir de l’année prochaine, ils seront donc titularisés, et deviendront agents fonctionnaires du Conseil général. C’est vrai que nous suppléons complètement l’État en faisant cela, mais on s’est dit que c’était une nécessité pour que le dispositif fonctionne correctement, et on a constaté que, malheureusement, l’État ne nous suivait pas. Je partage votre avis : cela aurait dû être une volonté de l’État. Mais c’est comme ça !

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M. Rinaudo Je parle davantage avec ma casquette de pédagogue et de militant, qu’avec celle de chercheur. J’associe votre question sur la précarité à l’idée de réduire la fracture numérique. Pour moi, la vraie fracture numérique n’est pas tant dans l’accès au réseau. L’accès au réseau, selon les endroits, à plus ou moins long terme, va être possible pour tous les citoyens de ce pays : on ira dans les maisons de quartier, dans les médiathèques, dans les cybercafés, et en Bretagne dans les Points35, ou les cyber-communes. La vraie fracture numérique sera surtout dans le fait que certains, sur ces réseaux, seront auteurs et pourront proposer des contenus, alors que les autres ne seront que « consommateurs », ne seront que « lecteurs » ; je ne sais pas si les termes conviennent. La réelle fracture numérique se situera là, entre ceux qui auront voix au chapitre, ceux qui auront droit à la parole, et ceux qui ne seront que « lecteurs ». Nous sommes quelques-uns à être enseignants dans la salle ; l’Éducation nationale a un rôle important à jouer pour réduire cette fracture numérique là.

11 H 50 > 12 H 50 / / / TABLE RONDE LES POLITIQUES PUBLIQUES RELATIVES AUX TICE, SOLITUDE OU CONVERGENCE DES COLLECTIVITÉS ? -----

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MME MARIE-CHRISTINE MILOT SOUS-DIRECTION DES TICE DU MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE.

----Mme Milot Je remercie le Conseil général des Landes pour son invitation, à laquelle je tenais à répondre personnellement puisqu’il y avait une première journée de compte-rendu d’usage des Tice – qui sont plutôt ma spécialité –, et la possibilité d’entendre ces échanges, riches, sur les partenariats des collectivités et l’Éducation nationale, dans un des domaines où il y a une impulsion forte, y compris du côté du ministère, même si ce n’est pas toujours facile à développer. La maîtrise des Tice par les jeunes qui sortent du système scolaire est un objectif partagé par l’ensemble des partenaires, collectivités ou Éducation nationale. Le fait que les Tice permettent d’apprendre différemment est un problème plus complexe, dont je dirai quelques mots. M. Lacueille l’a dit lui-même, est-ce qu’on avance ? Oui. Assez vite ? Non. Le ministre avait demandé à Benoît Sillard, sous-directeur des Tice, de réunir un groupe de travail afin de rendre un rapport sur les éléments qui permettraient d’accélérer le développement des Tice. Ce groupe a remis son rapport au mois de juin dernier. […] Je ne vous en donnerai pas tous les détails mais quelques éléments importants. Dans la responsabilité de l’Éducation nationale, il y a les programmes d’enseignement. Intègrent-ils à leur juste valeur les Tice ? C’est disparate ! Oui, pour tous les programmes qui viennent d’être rénovés – Pierre Lacueille l’a dit –, pour les collèges notamment, avec des indications sur le B2i, mais pas dans toutes les disciplines. Il y a bien un effort de généralisation à faire pour qu’il y ait une référence aux Tice, par exemple, dans les programmes de lettres (c’est un exemple que je prends parmi d’autres), ce qui permettra aux enseignants de lettres de s’y référer pour demander l’accès aux matériels, comme les autres enseignants. Sur le B2i, dont la définition est aussi de la responsabilité du ministère, une révision est

sortie en juillet ; le texte de mise en œuvre définitif va suivre. Le B2i correspond à des activités transversales, avec des modes d’évaluation de compétences acquises qui ne sont pas dans les pratiques habituelles des enseignants. Cela demande une modification des pratiques et des habitudes. Même si le temps pédagogique est moins long que le temps de la recherche, il est quand même relativement plus long, et en tout cas plus long que le temps d’installation de 60 000 ordinateurs dans les établissements scolaires, parce qu’on touche au cœur du métier des enseignants, à leurs pratiques et à l’image qu’ils ont du métier.

MME MARIE-CHRISTINE MILOT

Qu’en est-il des concours de recrutement ? C’est également disparate ! Certains enseignants, qui passent des concours, auront des questionnements qui vont faire appel à ces compétences et à ces pratiques pédagogiques intégrant les Tice (tels les documentalistes qui ont une épreuve sur machine à l’oral de recrutement), car les Tice sont intégrées dans les programmes de certaines disciplines (alors que dans d’autres disciplines, elles ne sont pas prises en compte). Concernant la formation des enseignants, la mise en œuvre du C2i, spécial aux métiers de l’enseignement, se fait progressivement. La nécessité de disposer de ce certificat pour être titularisé à la sortie de l’IUFM est en débat. Il faut observer comment se généralise ce dispositif avant d’en imposer l’obligation à l’ensemble des 900 000 enseignants. En formation continue, cela fait beaucoup de monde, soit une centaine d’IUFM. Donc il faut observer le déploiement avant de le rendre obligatoire… Vous trouverez d’autres développements dans le rapport que j’évoquais tout à l’heure. Trois retards particuliers ont été identifiés par rapport à l’Europe. 1. Le financement des contenus numériques. En France, l’État et les collectivités territoriales consacrent environ 15 M€ au numérique. En Irlande, ils sont à 80 M€, aux Royaume-Uni à 200 M€. La différence dans ce domaine vient peut-être du fait que nous avons pris les choses en main depuis moins longtemps qu’eux ; l’évolution que l’on sent maintenant est à observer dans la durée. 2. L’accès aux matériels. Nous sommes ici dans un département où cette question ne se pose plus, néanmoins à l’échelle de la Nation, elle se pose encore : l’accès est inégal, ce n’est pas facile, il faut réserver la salle multimédia (des enseignants se l’approprient), mais c’est aussi vrai pour l’accès en dehors de l’école, dans les bibliothèques… Dans certains autres pays c’est beaucoup plus développé. 3. Le mode d’évaluation des enseignants. Il est axé essentiellement sur la discipline. Dans les autres pays européens, les modes sont plus transversaux, et les TIC y prennent toute leur place. En France, on note une évolution, mais ce n’est pas une généralisation de ce mode d’évaluation transversal, où les corps d’inspection feraient l’évaluation globale d’un établissement scolaire et de sa politique, y compris les Tice. L’évolution est plus importante dans le premier degré que dans le second degré, où elle existe néanmoins.

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Les freins peuvent être identifiés, en voici quelques éléments. 1. La maintenance, je n’y reviens pas. 2. La plus-value pédagogique. Madame a parlé de la plus-value, terme commercial et économique. On peut parler de « plus-value pédagogique », c’est une réalité. Tous les enseignants, et même tous les cadres de l’Éducation nationale, sont d’accord sur cette plus-value pédagogique – le rapport coûts / rendement –, c’est-à-dire investissement de l’enseignant pour modifier ses pratiques pédagogiques / apports aux élèves. Il y a un enjeu pour la société du 21e siècle, mais il faut bien comprendre que, pour l’enseignant, cela entraîne des modifications de son métier : la discussion n’est pas toujours facile. 3. Les coupures d’usages. 4. L’implication de l’encadrement. Dans tous les pays européens, l’implication des chefs d’établissements et des corps d’inspection est fondamentale ; on pourra en discuter.

M. RONALD CANUEL DIRECTEUR DE LA COMMISSION SCOLAIRE EASTERN TOWNSHIPS – QUÉBEC

Le rapport détaille cinq groupes de mesures. 1. Une première série tourne autour de l’élève. Comment faire en sorte qu’il soit obligé d’utiliser les Tice ? Il n’y a pas beaucoup de solutions. – La prise en compte du B2i collège dans les examens ; ce sera fait en 2008 pour le brevet des collèges. – La prise en compte des compétences Tice des élèves dans les examens ; c’est inégal, il faut la développer. En sciences expérimentales, tous les élèves de terminale S (et pas uniquement les sections technologiques) ont des sujets sur machine. 2. Deuxième point très important, la mobilisation accrue des enseignants et de l’encadrement avec huit mesures dont : – des plans de formation, – une réflexion globalement entamée à l’Inspection générale pour savoir comment les corps d’inspection territoriaux pourraient prendre en compte les Tice dans l’évaluation des enseignants sur le terrain ; il y a des avancées en mathématiques, mais comment le généraliser à toutes les disciplines ? 3. La mise en place d’observatoires académiques des usages des Tice ; c’est une idée à pousser, M. Lacueille en a parlé. 4. Le développement de nouvelles modalités de formation continue des enseignants. C’est bien beau d’en parler pour la formation initiale, mais il y a le stock (si je peux dire) d’enseignants déjà en activité ; les modalités de formation traditionnelles ne peuvent suffire. Certaines académies expérimentent, avant de généraliser, des modalités de formation à distance. 5. Sur l’implication des collectivités territoriales, il faut faire en sorte que les cadres de l’Éducation nationale partagent une culture commune pour qu’il soit possible – à l’échelle d’un territoire qui recouvre académie, département et communes – d’avoir une politique cohérente et de favoriser le partenariat.

----Modératrice M. Canuel, que se passe-t-il dans la Belle Province ? Et comment nos homologues québécois gèrent-ils ce problème ?

Je vous renvoie à la lecture du document pour plus de détails.

M. RONALD CANUEL

M. Canuel C’est un grand plaisir d’être avec vous, et de vous écouter parler depuis hier. Je vous félicite, ainsi que les élus, pour le leadership et le fait de réfléchir sur les moyens pour répondre aux besoins de la société, de nos enfants, des pédagogues et des enseignants. Cette présentation de notre « Stratégie d’apprentissage amélioré » dure une heure trente en Amérique du Nord, je ne ferai qu’un survol en navette spatiale. Attachez vos ceintures. (Rires). Ma présentation est sur le site web http://www.etsb.qc.ca où vous trouverez quatre ans de travaux de nos enseignants, de nos conseillers pédagogiques, de nos directions d’écoles, de nos enfants et de nos parents. On apprend beaucoup, et on a beaucoup appris, on a commis des erreurs, on a fait des gaffes, mais on a aussi obtenu des gains et on a eu des succès. En France c’est différent de l’Amérique et du Québec. Donc commençons par le petit lexique québécois : – un « portable » est un ordinateur portable, – un « téléphone cellulaire » au Québec est en France un portable, – « dispendieux » terme typiquement québécois veut dire très cher, – le « primaire » ou la « maternelle », enfants de 5 à 11 ans, – le « secondaire », c’est votre collège et la 1re année de votre lycée. Je suis directeur général d’une commission scolaire. Au Québec, c’est une entité administrative et pédagogique. Je suis enseignant depuis trente ans. On m’appelle chef pédagogue. J’ai la responsabilité de la pédagogie et de l’administration, très grande différence avec la France.

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La pertinence, un défi majeur Le but est de vous exposer nos expériences. – 5 600 élèves et enseignants ont des portables sans fil, dans notre cas Apple, – des enfants de 8 à 18 ans, – et des enfants qui ont le même portable depuis 4 ans. Ces jeunes, et nos professeurs, ont vraiment intégré la technologie dans l’apprentissage et dans l’enseignement, sur notre site web vous verrez que c’est vrai, mais cela a pris du temps. L’initiative de Dennis McCullough Mon directeur d’éducation du service pédagogique est décédé deux mois avant d’avoir démarré le projet en 2003. Étant collègues et ayant travaillé en équipe avec lui, en jumelant ses idées et les miennes, nous avons pu élaborer la stratégie d’apprentissage amélioré. La commission scolaire Eastern Townships (CSET) – située à environ 100 km à l’est de la ville de Montréal, – un territoire de la taille de la Belgique, – qui dessert une population anglophone minoritaire, Au Québec, les commissions scolaires sont au nombre de 9 pour les anglophones (qui couvrent toute la province) et de 60 pour les francophones. Nous sommes divisés en territoires linguistiques. – 28 écoles et centres, dans les petites villes ou petits villages, regroupent des effectifs scolaires de 35 à 530 élèves en primaire et de 400 à 1 050 élèves en secondaire, – une population étudiante de plus de 7 000, dont environ 25 % identifiés en adaptation scolaire, – le service du téléphone cellulaire est inexistant dans certaines localités, – un déploiement actuel de 5 600 iBooks sans fils Apple, – 21 commissaires ont été élus par vote unanime en 2002, pour un mandat de 4 ans, avec renouvellement en 2007. – budget pour l’initiative : nos élus ont décidé le déploiement sur vote unanime et, encore mieux, sans en avoir le financement. Nous avons décidé de faire des emprunts bancaires à long terme, et de nous appuyer sur notre fondation. Nous devions le faire avec l’appui du gouvernement, nous avons donc écrit au ministre qui nous l’a accordé. Cependant, je pense qu’il ne s’attendait pas à ce qu’on le fasse car, depuis, le ministère ne sait plus comment se positionner avec nous. Nous avons des résultats, nous faisons des conférences de presse, mais jamais personne du ministère ne se présente. Nous ne comprenons pas, mais nous attendons, car ils ont peut-être aussi des idées sur ce sujet. Dans les années quatre-vingt-dix, ils ont dépensé, au Québec, plus de 280 M$ dans les technologies pour les écoles. Très bonne idée, très mauvaise implantation. Ils avaient pensé acheter des ordinateurs Desktop [de bureau], donc ce n’était pas des portables, pour les installer dans les écoles. Et c’est tout ; très peu de développement professionnel pour les enseignants. Ils nous ont submergés de logiciels. Quand j’étais directeur d’école, les enseignants me disaient : « C’est très difficile, je dois passer trois heures de mon temps à apprendre un logiciel pour 15 minutes de cours ;

le retour sur investissement n’est pas élevé ». Nous avons donc appris des erreurs commises ; et nous avons pour défi de ne pas les répéter.

M. RONALD CANUEL

Les changements dans les salles de classe – l’encre, – le papier, – l’ère industrielle : économies d’échelle / efficacité, Au Canada et aux Amériques, le système est manufacturier. Le design, l’architecture, remontent au 19e siècle. Les livres ont eu un impact dans les écoles. – les tableaux noirs, – les calculatrices de poche, Quand on a introduit les calculatrices de proche dans les classes, au début des années quatre-vingt-dix, on entendait « C’est la fin des mathématiques, les élèves ne vont plus savoir calculer ». Finalement, la calculatrice n’a pas remplacé le calcul ; c’est un outil complémentaire pour l’enfant, mais aussi pour l’enseignant. – l’ordinateur de bureau, – l’Internet, – les ordinateurs portables, – les téléphones cellulaires et les agendas électroniques, l’iPod, etc. Sans aucun doute, la génération des baby-boomer (nés en fin des années quarante / cinquante et début des années soixante) sera considérée comme étant l’un des groupes les plus influents de l’histoire (communication, santé, éducation, politique, finance, culture, transport). Cependant, ils ont développé de nouvelles priorités s’éloignant de plusieurs des précédentes orientations. Ils détiennent toujours les postes d’influence. Mais leur préoccupation majeure actuelle, en Amérique, porte sur la santé : en vieillissant, les baby-boomers se rendent compte que les hôpitaux doivent être prêts à les accueillir. De fait, et à mon avis, cela va peut-être signifier un peu moins d’argent pour les écoles. Je vous pose la question cruciale… « L’investissement en éducation au Canada est, au mieux, irrégulier : devons-nous concentrer notre attention sur ce qui fonctionne vraiment, ou sur des pratiques” feel good” issues des structures très traditionnelles ? » ”Feel good” signifie que l’on fait quelque chose, cela fait des années qu’on le fait. Pourquoi le fait-on ? On ne le sait pas, mais cela fait des années qu’on le fait. (Rires). Le vérificateur général des États-Unis a fait une étude dans les budgets des commissions scolaires en 2002. Il a découvert que ces commissions (administration et pédagogie confondues) dépensent jusqu’à 20 % en activités qui empêchent la réussite scolaire. Pourquoi le font-ils ? Parce qu’ils l’ont toujours fait ! C’est traditionnel, on ne se pose pas de questions. Parfois, notre gouvernement introduit des approches dont nous nous demandons si elles vont avoir un impact sur la réussite scolaire, si elles sont un outil ou une ressource qui va aider les enseignants. Réponse : « On ne sait pas ! »

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Étude statistique canadienne 2004 sur les TIC – On retrouve plus d’un million d’ordinateurs dans nos écoles. – Sur ce nombre, 9 sur 10 sont branchés à Internet. – Le ratio élèves / ordinateurs est de 5/1. – La médiane du ratio d’élèves par ordinateur branché à Internet est de 5/5. – Seuls 25 % des ordinateurs dans les écoles sont équipés d’un système d’exploitation à jour. Imaginez-vous ! – 92 % des directeurs d’écoles interrogés sont moyennement à fortement d’accord pour dire que les TIC (Technologie innovation communication) valent l’investissement. – 96 % des directeurs d’écoles interrogés sont moyennement à fortement d’accord pour dire que les TIC permettent aux professeurs d’élargir et d’enrichir le curriculum. – 93 % des directeurs d’écoles interrogés sont moyennement à fortement d’accord pour dire que les TIC rendent le curriculum plus enrichissant, avec de plus grands défis. – 92 % des directeurs d’écoles interrogés sont moyennement à fortement d’accord pour dire que les TIC permettent aux élèves de dépasser le présent curriculum, facilitant et favorisant ainsi une augmentation des connaissances de bases. Questions fondamentales 1. Comment peut-on intégrer efficacement les TIC dans le curriculum et les pratiques d’enseignement ? 2. Compte tenu de ces affirmations, comment se fait-il que nous ne procédons pas à leur intégration immédiate ? C’est curieux ! Alors que nous sommes tous d’accord sur leur impact, lorsqu’on demande : « Vous pouvez faire quelque chose ? », la réponse est « Non ! » 3. Les TICS sont-elles encore perçues comme faisant partie de l’infrastructure, et non comme un outil d’enseignement ? Est-ce que ce sont des questions de finances, de peur ou du PPCM (plus petit commun dénominateur) ? Étude réalisée en 2005 aux États-Unis auprès de 2 032 élèves de troisième 1. Compte tenu du fait que la technologie a envahi les jeunes, et qu’ils vivent maintenant dans ce contexte, on s’est aperçus qu’ils ne font pas comme les adultes. Quand un adulte prend un nouvel élément technologique, souvent il en laisse tomber un autre. Pas les jeunes. Les jeunes acceptent un élément supplémentaire et gardent tout. Donc, ils ont plusieurs approches technologiques, plusieurs instruments technologiques qui font partie de leur vie, qui sont intégrés dans leur vie. 2. Une chose (quelle qu’elle soit) qui prend autant d’espace dans leur vie – en tant qu’éducateur on ne peut pas l’ignorer et dire : « Non, ce n’est pas ainsi que ça marche » –, cela nous pose questions. Question cruciale Quelle est la position et le rôle des éducateurs dans un monde en constante évolution, où les technologies ne sont pas perçues comme des distractions, mais plutôt comme permettant d’améliorer les apprentissages et l’enseignement ? Un certain nombre d’enseignants, et d’aucuns me l’ont dit, n’aiment pas avoir le portable dans leur classe ; d’un côté je les comprends, d’un autre côté, je ne les comprends pas.

Il y a un an, j’ai parlé de notre projet à un ancien président de la Banque royale du Canada. Il s’interrogeait sur le fait que cela était évident pour lui, alors que nous nous en faisions un débat. Je n’ai pas su répondre, car je ne sais pas. Nous sommes entourés par la technologie et nous en faisons un débat !

M. RONALD CANUEL

Les élèves veulent apprendre avec les technologies. La technologie est en constante évolution, la puissance augmente, les coûts baissent. À force de parler de finances, à un moment donné, il sera moins cher d’acheter un portable qu’un livre, c’est juste une question de temps. Le stylo Flytop vient de sortir sur le marché américain. Lorsque vous écrivez une formule mathématique (3 x 40), il vous donne oralement la réponse. Si vous écrivez en anglais en appuyant sur un bouton, il traduit les mots en espagnol ou en français. Quelle sera notre réaction d’éducateur ? Allons-nous supprimer les stylos dans les classes ? De quelle façon allons-nous réagir ? Leader en éducation Nos jeunes sont spontanés et veulent des résultats immédiats. Quand on a introduit le micro-ondes dans les cuisines, tout le monde a pensé que c’était la fin des fours ; cela n’a pas du tout été le cas. Ils sont devenus complémentaires de la cuisinière. De la même façon, l’outil technologique doit être un agent complémentaire au professeur. Je ne comprends pas la réaction consistant, dans l’éducation, à penser qu’on doit se mettre à genoux devant l’ordinateur. Non, c’est l’inverse. Vous prenez l’ordinateur en main ; vous contrôlez l’ordinateur et la technologie, c’est important, c’est critique. Questions cruciales 1. Les éducateurs comprennent-ils maintenant que l’éducation n’est plus limitée à la salle de classe ou à l’école ? En Amérique du Nord, la formation à distance augmente. De plus en plus de jeunes demandent à rester chez eux pour apprendre, ils font leurs apprentissages en ligne. C’est un fait ! Étant donné les distances, il y a des avantages mais aussi des inconvénients. 2. Comment les éducateurs réagissent-ils à l’expansion d’une information qui croît sur une base journalière ? La semaine dernière, je disais à une classe « Maintenant, il y a 8 planètes et non plus 9, alors que le manuel en montre 9 ». Un professeur m’a dit : « Je ne sais pas comment je vais aborder le sujet avec les élèves pour leur dire qu’il ne faut pas toujours croire ce qu’on dit dans les textes ». C’est un fait ! 3. Quelles sont les nouvelles compétences que nos étudiants doivent posséder pour exceller dans un tel environnement ? Les élèves ont des compétences qu’on n’est pas en train de mesurer. Deux équipes de recherche des universités de Concordia et de Sherbrooke : dans les deux cas, les recherches ont porté sur l’évaluation des résultats traditionnels. Nous leur avons demandé s’ils mesuraient la créativité, l’intégrité de l’information, la littératie médiatique ? Ils ont dit : « Non, nous allons le faire maintenant ». Donc il y a une évolution avec les jeunes mais aussi avec les enseignants.

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« The Next Great Wave of Groth » (The Wall Street Journal, 2005) L’économie canadienne est en train de connaître des changements importants. Suite aux évolutions de l’Inde et de la Chine, l’impact économique va être réel et profond. Le profil de l’économie canadienne a changé et changera dramatiquement au cours des dix prochaines années. À titre d’éducateurs, notre voix est-elle entendue par les politiciens ? Il est primordial que les éducateurs, et les gens qui sont ici aujourd’hui, s’animent et se regroupent pour que les gens nous entendent. Il est fondamental de faire des débats constats entre syndicats, gestionnaires, etc. Cela demande de la patience, mais ces rencontres s’imposent. En numérique, Times Magazine, Newsweek et The Economist parlent déjà de l’avenir, en demandant l’avis de très nombreuses personnes. Pas une seule fois ils n’ont requis l’avis d’un éducateur ! Or, je pensais qu’on était là pour préparer les jeunes pour l’avenir… On pose les questions aux autres, mais pas à nous. Les buts visés par la CSET – Se concentrer sur la lecture et les mathématiques. – Pour tous les élèves. C’est inconditionnel, il faut que tous les élèves en soient les bénéficiaires. – Être pertinent. C’est le plus grand défi pour nous actuellement : la pertinence de ce qu’on fait dans les écoles. De plus en plus, les élèves disent : « Ce que j’apprends, je le comprends et je vais l’appliquer ». – Empowerment. De quelle façon peut-on mieux aider nos enseignants ? Ils ont besoin et ils ont le droit d’avoir ces outils-là. – Garder nos élèves à l’école. Désormais, en fin de semaine, les élèves qui n’ont pas accès à Internet chez eux viennent près des écoles pour se connecter. Parfois, des parents se plaignent que leurs enfants risquent d’aller sur des sites pornos. Nous leur répondons que ce n’est pas une question de technologie mais de surveillance. Quand un jeune se réfugie dans sa chambre à coucher au grand dam de ses parents, il ne s’agit aucunement de technologie, mais d’une question de surveillance des parents. Cependant, on est prêt à blâmer la technologie, c’est facile elle ne répond pas ! (Rires). – Éducation, nouveau profil de la jeunesse. – Il s’agit de nos élèves et non de nous. Quand on a annoncé le projet de portable il y a quatre ans, nous avons été submergés d’inquiétudes des adultes. Mais, en fait, très peu se sont réalisées. Certains parents nous demandaient de mettre des filtres sur les ordinateurs pour éviter qu’ils aillent sur les sites pornos. Nous avons refusé parce que les enfants adorent les défis. Les logiciels de filtrage identifient les mots : une fois repérés, il est indiqué qu’il est interdit d’aller sur tels sites. À Montréal, lorsque j’étais directeur d’école, nous avions un grand centre d’ordinateurs. Nous avions installé ce type de logiciel qui a fonctionné deux semaines, ensuite nos élèves avaient appris à parler le russe, l’allemand, l’espa-

gnol, parce qu’ils se sont vite aperçus que ce n’était qu’une question de mot, pas d’image. (Rires). Donc, il s’agit de surveillance des parents et des éducateurs, mais si c’est possible, on le fait.

M. RONALD CANUEL

Quelques défis 1. Considérations externes. Nous avons toujours des groupes d’intérêt qui nous attaquent et nous disent de faire ceci ou cela. L’éducation dans le numérique est en état de siège. 2. Argent argent argent. 3. Preuve. Des collègues d’autres commissions scolaires m’ont dit : « Ton projet est très intéressant, mais on veut voir les preuves avant de faire n’importe quoi ». Une fois les preuves montrées, ils ne s’avèrent pas être intéressés. 4. Changement. 5. « Feel good ». 6. Baby Boomers. 7. Projets pilotes. 8. La technologie. Les plus grands défis du système d’éducation aujourd’hui sont : – La pertinence. – La formation à distance et l’apprentissage en ligne. Le plan, facteur de succès – Le perfectionnement professionnel. 300 jours de perfectionnement professionnel sont dédiés à nos enseignants, dans la majorité des cas en classe, avec les enseignants, et pas dans de grandes salles afin qu’ils identifient clairement les besoins. On les rassemble en groupes de discussion afin qu’ils puissent nous dire comment mieux intégrer la technologie, en étant toujours dirigé par la pédagogie. Les techniciens sont là, à l’appui de la pédagogie, et non pour mener la pédagogie. C’est définitif. – Se concentrer sur l’apprentissage de l’élève. – Un accès fiable et stable. – Fonctionnement fiable et entretien rapide des portables. – Réponse rapide aux problèmes. – Solide expertise légale et financière. Ces sept facteurs sont intimement liés, et aucun en particulier ne précède les autres. Question cruciale Lorsque les élèves expriment le désir d’apprendre par des voies et approches qui nous semblent étranges, quelle est notre réaction ? À l’âge de 87 ans, Michel-Ange a dit « Ancora imparo » (j’apprends encore).

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Merci Un merci tout particulier et des félicitations sincères aux professeurs, PNE, personnel de soutien, directions d’écoles et de centres, parents, communautés et, plus spécifiquement, aux élèves de la CSET, pionniers et leaders en éducation tant au Canada qu’aux États-Unis. C’est un honneur pour moi de travailler avec de tels individus. -----

DÉBATS

DÉBATS

----M. Patrick Fonio, responsable associatif – association ALLIBIS Biscarrosse Je remercie monsieur de nous avoir emmenés au Canada ; je vais vous ramener un petit peu chez nous pour connaître les remarques et les réflexions que vous inspire le projet de l’Estremadure en Espagne. Ce n’est pas question piège, j’ai eu récemment connaissance de ce projet. Mme Écochard a parlé d’élargir un peu le programme, apparemment une région comme l’Estremadure en Espagne l’aurait élargi à l’ensemble de l’administration, c’est-à-dire avec un équipement informatique complet et cohérent. M. Emmanuelli Vous m’avez déjà posé la question. L’an dernier, les gens du New-Jersey sont venus, les Nord-Américains étaient là, pas l’Estremadure. Vous dites « élargi à toute l’administration » ; ce n’est pas de cela que l’on parle aujourd’hui : l’opération portables, dans les Landes, ce n’est qu’un volet de l’introduction de l’informatique. Dans les années quatre-vingt, nous avons créé l’ALPI (Agence landaise pour l’informatique) qui a fait de la formation, de la diffusion. L’ALPI, aujourd’hui, c’est un syndicat mixte qui a créé l’intranet pour toutes les collectivités locales, les mairies, et qui vient de mettre en place la dématérialisation des marchés publics, à laquelle plus de 200 communes ont adhéré. Le TPG me dit que c’est le seul exemple dans ce pays où un pourcentage pareil de collectivités locales a adhéré d’un seul coup à ces procédures informatiques. Ensuite, il y a tout le système des médiathèques, qui fonctionne très bien. Dans mon canton rural de 5 000 habitants, une médiathèque a été ouverte il y a 6 mois, il y a 1 300 inscrits ! Ici, nous parlons école… il serait intéressant de savoir ce qu’ils font à l’école, en Estremadure. M. Lofti Midouni Professeur de français certifié – Dax Ma question peut paraître un peu prématurée puisqu’on va parler cet après-midi des contenus numériques, mais elle a plutôt un volet politique, donc je la pose tout de suite. Ce matin, M. Emmanuelli nous a parlé des fabriques artisanales de logiciels, disant qu’il serait bien que des professeurs produisent des programmes ; je suis d’accord, ce serait bien. Mais tout le monde sait que les logiciels sont devenus des usines à gaz, et que la plupart des bons logiciels sont construits par des équipes constituées. Quand l’opération a été lancée en 2002, avec les premiers ordinateurs portables, nous avions quelques manuels numérisés, peut-être primaires, qu’on utilisait avec les élèves en classe. L’année d’après, ils ont disparu. On a commencé à nous parler du KNE (Kiosque numérique pour l’éducation). Derrière tous ces sigles, il y a une union des distributeurs et des éditeurs pour nous vendre des abonnements annuels qui correspondent au nombre d’élèves. En fin de compte, cela coûte très cher.

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M. Emmanuelli Les bouquins numérisés sont toujours sur les serveurs alors que vous laissez entendre qu’ils n’y seraient plus. M. Lofti Midouni On ne les a pas sur les ordinateurs. M. Emmanuelli Sur les serveurs ! M. Ghavam-Nejad La convention que nous avions passée avec le ministère de l’Éducation nationale, l’association « Savoir Livre », et les éditeurs de manuels numériques, a pris fin en juin 2004. À la rentrée de septembre 2004, le Département a donné de l’argent à tous les établissements scolaires pour qu’ils puissent choisir eux-mêmes leurs manuels scolaires. Dans les établissements scolaires, il y a une dotation de 183 € par utilisateur. Pour un collège de 80 élèves et 20 enseignants, 18 300 € sont sur un compte bloqué, pour acheter des ressources numériques, des manuels et des logiciels ; libres à vous de les utiliser comme vous voulez. Si les professeurs que vous êtes ne peuvent pas se mettre d’accord… Cette année, en accord avec le rectorat de Bordeaux, nous avons tout de même mis sur les portables des manuels en anglais et en espagnol pour les classes de quatrième et de troisième. M. Lofti Midouni Merci Monsieur d’avoir répondu à une question que je n’ai pas posée. Je ne remettais pas en cause la politique départementale, j’ai dit que ma question était politique mais pas à ce niveau-là. Ma question était la suivante. Si plusieurs départements se sont lancés dans des opérations d’ordinateurs portables, pourquoi les collectivités publiques territoriales ne feraient pas comme les éditeurs et les distributeurs en s’unissant pour négocier des tarifs pour les abonnements. M. Lacueille Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas de manuels ! Comme on a pu l’observer, une chose a posé problème ces dernières années, le fait qu’un certain nombre de manuels était modélisé sur la logique des manuels on-line. Conseil général et rectorat, nous avions fait le choix d’une politique : l’accès aux manuels scolaires doit être garanti pour tous les élèves, mêmes ceux qui n’ont pas Internet chez eux. Les gamins rentrent chez eux avec l’ordinateur portable, et nous souhaitons – les éditeurs peuvent témoigner, nous avons eu quelques mots sur le sujet – une égalité complète des collégiens par rapport aux ressources. Nous avons donc fait le choix de mettre les manuels sur les disques durs. Comme vient de le préciser Pierre-Louis, quand on est passé sur la logique de décentralisation, c’est-à-dire de crédits directement accordés aux collèges – j’en ai discuté

avec un grand nombre de chefs d’établissements –, il y a eu quelques couacs parce que certaines ressources n’étaient disponibles qu’en ligne. Pierre-Louis et moi-même, nous ne sommes pas satisfaits de cette phase de travail : nous pensions laisser aux enseignants la liberté de choisir leurs ressources et, aujourd’hui, des crédits sont encore non utilisés.

DÉBATS

Sur la priorité des langues vivantes, nous avons voulu avancer, et nous avons donc négocié les prix avec les éditeurs pour que les enseignants, dès le début de l’année, puissent disposer de ressources pédagogiques installées sur les ordinateurs. Il me paraît fondamental de proposer à l’enseignant des ressources de type vidéo, animation ou autre, qu’il puisse contextualiser, c’est-à-dire s’approprier. Par exemple, un professeur d’histoire géographie, tel que nous l’a montré votre collègue d’hier (même si je ne sais pas si tout était très au clair au niveau des droits), puisse disposer de vidéos sur la seconde guerre mondiale, par exemple. Par rapport à ça – et d’ailleurs je le félicite officiellement car il s’est engagé de manière très volontariste sur ce point –, le Conseil général a continué à abonner tous les collèges aux ressources de l’Ina et du site.tv sur lequel on trouve des mines de ressources pédagogiques. À mon avis, le débat sur le manuel scolaire est un faux débat. Hier, votre collègue de SVT a clairement montré qu’elle utilisait, dans sa pédagogie, un certain nombre de ressources, certaines libres de droits, d’autres achetées (par exemple des animations scientifiques). Ma position d’inspecteur, c’est que je ne suis pas favorable à ce que l’ordinateur débouche sur une pratique de « cours tout prêts ». Modératrice C’est exactement le sujet de la table-ronde de cet après-midi, vous aurez l’occasion de débattre sur ces points précis. M. Sylvain Genevois, INRP On s’intéresse donc aux usages des Tice. Ma question concerne les décideurs des trois départements. La présentation décapante du Canada a montré le musée des objets pédagogiques : nous avons eu le tableau noir, un certain nombre d’outils (calculette, etc.). Aujourd’hui, il y a une accélération : tout le monde a vu les nouvelles vagues d’objets qui arrivent, particulièrement auprès des adolescents. Avec quatre ou cinq ans de recul pour les Landes, un peu moins pour les deux autres expérimentations, s’il fallait à nouveau choisir, choisiriez-vous encore l’ordinateur portable comme outil d’accès et de changement de rapports avec la famille, de changement de modes d’apprentissage ? N’y a-t-il pas aujourd’hui de nouveaux objets pédagogiques – la pédagogie embarquée avec le mobile, le GPS, différentes technologies, les ENT (Environnement numérique de travail) – qui posent à nouveau des problèmes aux réseaux éducatifs ? Le portable est un terminal un peu lourd, il y a des objets plus légers.

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Si c’était à refaire – et je mets à part la fracture numérique, qui est peut-être moins importante qu’auparavant, même si elle s’est déplacée –, le portable serait-il encore aujourd’hui l’objet d’accès que vous choisiriez ? Mme Écochard Quand on prend une décision, c’est à un instant « t » pour une projection sur quelques années. Quand nous avons pris cette décision, la fracture numérique n’était pas un vain mot, surtout dans le département des Bouches-du-Rhône. En 2004 (chiffre officiel du ministère de l’Industrie), 60 % des familles françaises n’avaient pas d’informatique chez elles, portable ou fixe. Nous avions aussi le souci que la maîtrise de l’informatique puisse être l’apanage de tous les élèves. C’était, à ce moment « t », la nécessité et donc nous avons fait ce choix-là. Aujourd’hui, nous ne le regrettons pas. Si de nouvelles technologies se mettent en place, nous suivrons le mouvement. Certes, cela va très vite… Ronald Canuel disait que les jeunes ont pour habitude, à la différence des adultes, d’attraper l’objet nouveau sans perdre l’objet précédent. C’est un développement qui va de l’avant sur d’autres supports : on verra le moment venu, mais aujourd’hui nous n’en sommes pas encore ni à regretter, ni à changer de braquet tout de suite. M. Lacueille Votre question est très pertinente, il y avait plusieurs pistes possibles. Je ne vous rejoins pas complètement quand vous dîtes que ce sont des supports ou des objets pédagogiques complètement différents parce qu’on peut avoir les mêmes objectifs et utiliser des formules différentes. En langues vivantes, on a toujours, dans cette académie, une même priorité déclinée sur trois stratégies différentes d’objets : le portable dans les Landes, les clés USB et le MP3 dans les Pyrénées atlantiques, l’iPod vidéo [dans les lycées] avec le conseil régional… Mais pour nous, c’est la même priorité pédagogique, la même priorité ministérielle. Ensuite, la collectivité fait un choix, elle est souveraine. Je recentrerai sur le sujet de la table-ronde : c’est à nous de parvenir – cela change un peu le rôle de l’État – à travailler ensemble, à un moment donné, pour définir quelles sont les priorités spécifiques. Pour les Landes, vous parliez des ENT. On sait très bien que, dans ce département des Landes, un certain nombre de lieux ne sont pas encore desservis par l’ADSL. Je ne suis pas convaincu que l’ENT soit une solution plus pertinente que ce qui a été fait aujourd’hui. Proposer un bureau virtuel certes… Mais à un moment donné, il faut le rendre matériel, que je sache toutes les familles ne sont pas équipées et n’ont pas l’ADSL. Il y a ici une volonté très égalitaire pour tous les élèves, qui fait qu’on n’imagine pas d’autre solution que les portables. Mme Milot Ma réponse complétera un peu celle de Pierre Lacueille. Ce qui est intéressant ici, c’est qu’on a un service déconcentré du ministère – le rectorat –, qui représente l’État auprès de plusieurs collectivités, avec un même enjeu par-

tagé, que notre collègue du Québec a développé longuement. [On partage tout ce qui a été dit ; si on est dans cette salle les uns et les autres, c’est parce qu’on partage ces enjeux… Le problème, c’est d’arriver à les faire aboutir au bénéfice des élèves.] Dans l’exemple donné par Pierre Lacueille, des stratégies différentes vont s’adapter aux partenariats menés avec les différentes collectivités. Dans une académie, le rectorat a un rôle un peu fédérateur avec les départements, (et avec les communes qui ont la charge des écoles primaires, qui sont encore un peu plus délicates à gérer). L’exemple de l’académie de Bordeaux est tout à fait intéressant ; il est bien porteur des priorités éducatives du ministère de l’Éducation nationale, et il développe des stratégies variées avec les différentes collectivités.

DÉBATS

Concernant l’ADSL, la dernière étude faite sur le développement, très rapide ces dernières années, du haut-débit en France montre qu’à terme, si on laisse faire les choses, 2 500 écoles environ ne seront toujours pas couvertes mêmes si 97 % de la population l’est. Une des quinze mesures dont j’ai parlé, concerne ce sujet, et a été traduite au SIZI en juillet pour favoriser cette couverture. Mme Massot Ferions-nous les mêmes choix aujourd’hui ? L’école n’est pas en dehors du monde… Quand on prend une décision, on regarde ce qui se passe autour de nous, et on prend en considération un certain nombre d’éléments : le choix de l’ordinateur portable a été fait en fonction de considérations extérieures aussi. On a pensé qu’à un moment donné, la maîtrise de ces outils permettait d’intégrer des techniques et savoir-faire ré-investissables dans d’autres domaines. C’est cette maîtrise-là qui nous paraît être possible pour l’ensemble des collégiens du département. Au niveau du premier degré – je suis conseillère municipale à la ville de Rennes –, toutes les écoles sont dotées de matériels informatiques, donc il y a continuité. Ce sont ces élèves-là qui nous feront découvrir demain… À nous d’être attentifs dans notre observation et évaluation, pour savoir ce qu’il faut mettre demain à disposition des élèves. Ne soyons pas déconnectés, et que l’École ne le soit pas non plus. M. Emmanuelli Nous avons eu ce débat il y a quatre ans, il a été poussé à fond. – premier objectif : au collège, des portables. Je ne regrette absolument pas ce choix, au contraire. Comme cela a été rappelé, dans toutes les écoles, aujourd’hui, il y a des ordinateurs fixes un peu partout, pas des portables. – deuxième objectif : il fallait que cela aille dans les familles. – troisième objectif : un bureau Internet pour chaque classe, on n’y est pas arrivés pour une raison de mise en place du logiciel adéquat, mais on ne renonce pas à l’idée. M. Sylvain Genevois On est tout à fait d’accord, vous n’allez pas reculer sur un choix lourd et qui est fait, c’est tout à fait louable. Il faut regarder d’autres départements, notamment la Savoie,

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qui a abandonné le portable pour de multiples raisons. Il est intéressant d’élargir la perspective ; le portable a pris un autre sens ; il ne gère pas tellement la mobilité ; on est dans du présentiel ou dans une situation d’apprentissage où se jouent dans la classe des rapports directs d’échanges. À ce moment-là, le portable change de nature. Soit il redevient un support électronique et on bascule sur le support numérique. Soit il devient autre chose qui est d’assurer le travail le soir : si les familles sont de plus en plus équipées, il perd de sa valeur. Ce n’est pas du tout pour déconsidérer et dévaloriser le portable, mais c’est simplement pour dire : « Est-ce que vous avez réfléchi à l’adaptation dans le temps de cet objet-là ? »

Modératrice Visiblement le débat, cet après-midi, sera extrêmement riche. Merci M. le président du Conseil général. Je remercie vivement les intervenants de cette table-ronde qui sont venus, parfois, de loin.

DÉBATS

----(Suspension à 12 heures 50.) -----

M. Emmanuelli L’expérience de la Savoie a été largement développée l’année dernière puisqu’ils étaient là. Les gens de Savoie on les connaît, on a même travaillé sur certains points avec les universités, on a eu des choses communes. Je referais le choix du portable, avec une raison supplémentaire qui n’a pas été soulignée, c’est qu’il y a une sorte d’appropriation de la machine par le gamin. De nombreux principaux de collèges m’ont dit que le portable avait pacifié le collège, et introduit une autre atmosphère, en tout cas au début – peut-être qu’aujourd’hui ce n’est pas aussi patent. Lors des premières expériences, c’était très clair… Les principaux disaient : « Ils sont dans la cour, ils s’occupent de leur portable ; cela les responsabilise, et pendant ce temps, ils se tapent moins dessus. » C’est un aspect qu’on n’a pas évoqué ici. Dans notre département il n’y a pas de grosses concentrations urbaines ; on n’a pas été obligés de les peindre en rouge, comme en Ille-et-Vilaine, pour diminuer le facteur risque lié à la possession de cette machine par un enfant – ce que je comprends tout à fait. C’est une bonne idée que je ne conteste pas. Reste la question de la liaison à l’ADSL à haut-débit. Sur 2 mégas, cela va aller assez vite partout. On travaille déjà sur la couverture au-delà de 2 mégas, c’est très compliqué à cause de l’évolution permanente des technologies. On va regarder ce qui se fait dans le Wimax, dans le câblage… Toute une série de décisions sont à prendre. Je pense que très rapidement l’ensemble du département sera couvert en haut-débit d’au moins 2 mégas, mais ce n’est pas suffisant : pour avoir la télévision + l’IP + la ressource Internet, on est plutôt dans les 5 mégas. Il faut avancer et faire tout ça. Je ne vois pas ce que des ordinateurs fixes apporteraient à l’école, en quoi ils répondraient mieux à ces défis, en quoi ils apporteraient un plus ; il me semble que ça commence à faire un peu ringard.

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14 H 30 > 16 H 30 / / / TABLE RONDE L’ÉDITION NUMÉRIQUE FRANÇAISE : L’OFFRE DE CONTENU EST-ELLE EN ADÉQUATION AVEC LES VŒUX DES ENSEIGNANTS ET CEUX DE L’ÉDUCATION NATIONALE ?

MME MARIE-CHRISTINE MILOT SOUS-DIRECTION DES TICE DU MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

MME MARIE-CHRISTINE MILOT

Modératrice Nous poursuivons notre journée avec la dernière table-ronde, la plus importante. Quels sont les contenus ? Où peut-on les obtenir ? Sont-ils libres de droits ? Qui les crée ? N’y a-t-il pas de risque de privatisation de ces contenus ? Nous pourrons aller au fond du problème lors du débat. (Présentation des intervenants.) -----

----Mme Milot Problématique vue depuis le ministère de l’Éducation nationale : « L’édition numérique française : l’offre de contenu est-elle en adéquation avec les vœux des enseignants et ceux de l’Éducation nationale ? » Je ferai le tour des objectifs que s’est fixé dans ce domaine la sous-direction des Tice du ministère de l’Éducation nationale, par rapport au libellé de la table-ronde, donc aux contenus et à leur évolution – non récente, puisque le travail sur les contenus a commencé dans les années quatre-vingt avec des opérations, les licences mixtes, dont certains ont déjà entendu parler. premier objectif Impulser et orienter la production de ressources adaptées aux besoins de l’Éducation nationale – l’Éducation nationale dans son ensemble, c’est-à-dire les enseignants et les élèves –, compte tenu des programmes d’enseignement de tous les niveaux. Domaine piloté chez nous par Gilles Broin. deuxième objectif Soutenir la réalisation et veiller à la qualité pédagogique, scientifique, éditoriale. À notre époque, avec tous les nouveaux outils, il y a un aspect de production de qualité, mais aussi un contrôle scientifique sur les objectifs poursuivis, notamment l’adéquation aux programmes. troisième objectif Améliorer la communication sur les ressources. Cet objectif n’est pas du tout atteint. On a parlé assez longuement des producteurs de ressources, il y en a beaucoup : des éditeurs privés, des associations ici représentées, des enseignants qui mettent ces ressources à la disposition de leurs collègues sur des sites – des sites académiques de l’Éducation nationale, les sites du CRDP, des sites d’associations –, avec souvent des productions de qualité. L’offre de ressources est donc extrêmement importante, pas toujours adaptée, d’un accès pas toujours facile : on ne sait pas où la trouver.

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Hier, eu égard à l’un des témoignages en mathématiques, à la question : « Comment cette collègue choisissait-elle et où trouvait-elle ses ressources ? », elle a répondu : « Je suis abonnée à une liste d’enseignants en mathématiques, quand je pose une question sur un thème, je trouve toujours des contributeurs pour m’aider à choisir ». Autre exemple, il y a 22 000 enseignants de sciences physiques en France et une liste très dynamique. Un enseignant pose une question, il reçoit la réponse dans la journée. 2 200 enseignants sont inscrits sur cette liste : c’est beaucoup mais ce n’est que 10 % de la population enseignante de cette discipline. L’accès aux ressources n’est pas toujours facile pour ceux qui ne sont pas dans ces réseaux. La politique du ministère est de généralisation ; elle s’adresse essentiellement aux élèves et aux enseignants qui n’ont pas encore franchi le pas. Pour cela, il faut améliorer la communication, et favoriser la diffusion de l’offre de ressources auprès des établissements scolaires et universitaires. En parallèle avec tous ces objectifs, il faudrait également parvenir à participer à la structuration de tout un secteur économique. Cela nous paraît aussi un objectif important pour l’édition française et son rayonnement, face à des tentatives d’industries beaucoup plus puissantes, non françaises, non francophones, mais qui pourraient envahir notre marché et nos établissements scolaires si l’édition française était absente du secteur. ----Revenons au premier objectif : Impulser et orienter la production de ressources adaptées aux besoins de l’Éducation nationale. Je vais citer quelques exemples, mais les exemples donnés hier sont utilisables. En particulier en SVT, notre collègue utilisait, à la fois, des animations Flash « industrielles », donc faites par des enseignants qui ont contribué à des manuels scolaires, et d’autres qui contribuent à des produits multimédias éditoriaux, industrialisés et professionnels. En fait, on ne peut pas opposer les deux. Et elle utilisait aussi des ressources que l’on trouve sur les sites académiques. Donc les exemples sont très variés. On a beaucoup parlé du site.tv. Le ministère consacre 500 000 € par an pour soutenir lesite.tv, et mettre à disposition de l’ensemble du milieu éducatif des vidéos adaptées, avec des accompagnements pédagogiques et des scénarios qui permettent de les utiliser en classe. L’Ina a beaucoup de succès, produit extraordinaire dont on a beaucoup parlé : 230 000 € par an. Également d’autres contrats en cours de discussion, pour mettre des ressources de qualité à la disposition de l’enseignant. Mieux connaître les attentes. Par rapport au thème de la table-ronde, le projet Schene (Schéma d’édition numérique) s’est attaché à recenser les ressources existantes dans les différentes disciplines de l’enseignement secondaire et pour les différents niveaux. La méthode a consisté à faire travailler ensemble des groupes d’enseignants connais-

sant un peu – il y en a beaucoup quand même – les ressources disponibles, et d’autres plutôt débutants dans le métier, qui avaient un regard neuf sur les propositions des plus anciens. Ces groupes académiques rendent un état des lieux de l’existant et émettent des priorités. En blanc (slide) : le travail à faire. En rouge (slide) : c’est ce qui n’a pas lieu d’être. En économie de gestion au collège ce n’est pas la peine, de même pour la philosophie, à part en classe de Terminale. Où en est-on aujourd’hui ? En bleu (slide) : ce qui a été publié et a fait l’objet d’appels à propositions pouvant venir d’éditeurs privés, d’associations, de groupes. Dans ce cadre, le soutien a porté sur des productions liées à des appels à propositions pour quelque chose qui n’existait pas et qui correspondait à une priorité définie par les groupes d’enseignants dans la discipline pour le niveau donné. Si l’appel à propositions ne donne pas lieu à des réponses d’éditeurs, le ministère pourra financer des développements pour répondre malgré tout à la demande des enseignants. En jaune (slide) : ce qui est en cours. Il reste quelques carrés blancs qui devraient faire l’objet du travail de l’année scolaire 2006-2007.

MME MARIE-CHRISTINE MILOT

Deux domaines correspondent aux priorités ministérielles. 1. L’accompagnement à la scolarité Nous avons démarré avec le séminaire d’Amiens, il y a plus d’un an : l’accompagnement à la scolarité, c’est le fait d’assurer, pour les élèves, une meilleure liaison entre ce qui se passe dans et hors de l’école. Souvent, c’est l’objet du travail d’associations plus ou moins structurées avec implication de collectivités territoriales. Le bon fonctionnement dépend de l’implication des enseignants. L’appel à propositions a consisté, dans un cahier des charges, à demander des réponses qui correspondaient à ce travail tripartite association / collectivité / établissement scolaire au niveau de la commune ou du département – peu au niveau région car cela concerne beaucoup moins le lycée, d’autant plus que l’orientation première est l’école et le début du collège. Huit projets ont été soutenus, et sont en cours de convention pour développer des infrastructures. Par rapport à l’offre du privé qui a une communication forte, l’institution devait apporter des réponses qui correspondent aux besoins de l’ensemble de la population. 2. L’attestation scolaire de sécurité routière La deuxième priorité ministérielle en cours de déploiement, surtout pour les collèges, concerne l’attestation scolaire de sécurité routière qui devient obligatoire pour passer le permis de conduire, donc qui concerne tous les jeunes. Pour la première fois, en juin prochain, tous les élèves de collège vont passer une épreuve en ligne sur machine. Cela a donné lieu à des remous, je passe… On a fait réaliser des animations qui présentent des situations de conduite, de vélos, de cyclomoteurs, de piétons, et sur lesquelles il y a des questions. Les élèves passeront l’épreuve par tirage au sort sur un panel de questions, avec un enregistrement auto-

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matique des réponses, et une centralisation des résultats – qui seront conservés, car on ne passe pas forcément le permis de conduire à 18 ans, mais aussi à un âge plus avancé… Pour le deuxième objectif, Soutenir la réalisation et veiller à la qualité pédagogique, scientifique, éditoriale. Le dispositif de soutien correspond au fait que les éditeurs et les associations peuvent proposer des produits pédagogiques. Ils sont expertisés par des enseignants. Trois expertises par produit fournissent une fiche d’information (adaptation aux programmes, qualité scientifique, ergonomie, éventuellement attrait pour les jeunes). À partir de là, une synthèse est faite par un expert disciplinaire ; l’avis de l’inspection intervient. Il est soumis à la commission multimédia qui valide l’attribution du label « reconnu d’intérêt pédagogique », avec trois possibilités : acceptation, modification, refus si les modifications sont trop importantes. Ce label n’est pas encore assez connu, mais il permet, dans la sélection des produits proposés dans l’offre éducative, d’avoir un repère qui corresponde à une expertise ; c’est son originalité… Dispositif de soutien Sur les sommes investies dans les projets soumis à l’appel à propositions Schene notamment, les projets sont très variés (petits ou gros), sans critère à partir du moment où ils correspondent à la priorité et aux besoins. Accords cadres – Un accord est en cours de négociation avec le BRGM (Bureau de recherche géologique et minière), il doit mettre à disposition des informations sur le sous-sol français pour tous les établissements scolaires ; forte demande de nos collègues de sciences de la vie et de la Terre. – IGN : Géo-portail éducation doit voir le jour, avec tous les outils de SIG correspondants, et un accompagnement pédagogique du même style que celui de l’Ina ; projet en cours. – Nouveau partenariat avec le Louvre, en remplacement de LouvreEduc dont la convention arrive à échéance. – Accord avec la Cité de la musique : mise à disposition d’œuvres dans les règles du droit d’auteur. La recherche sur Internet conduit à des pratiques peut-être pas tout à fait licites. Dans les partenariats et les accords passés au niveau national, cela permettra l’utilisation de toutes les images en ligne, de toutes les représentations des œuvres du Louvre, pour un usage pédagogique, y compris l’insertion dans des documents pédagogiques réalisés par des élèves. Ces négociations un peu lourdes sont en cours de renouvellement pour le Louvre. – Radios et télévisions étrangères, Michel Pérez en a parlé hier. La télévision portugaise aimerait avoir l’équivalent sur la télévision française pour les apprenants du français au Portugal alors qu’on bénéficie en France, ce qui n’est peutêtre pas assez connu, de droits d’usages de télévisions anglaises, espagnoles et portugaises et peut-être américaines.

Troisième objectif, Améliorer la communication sur les ressources. L’Éducation nationale n’est pas très bonne en matière de communication, elle a de gros progrès à faire dans tous les domaines, pas seulement sur les ressources. Sur la marque RIP, des efforts sont à faire, avec une évolution de la procédure, pour prendre en compte les sites, pas seulement les produits éditoriaux mais aussi les logiciels libres.

MME MARIE-CHRISTINE MILOT

Le projet SIALL (Système d’information et d’analyse des logiciels libres) permettra à tout individu, organisme, association, de déposer un produit qui réponde aux conventions des logiciels libres (règles de droit…) sur un serveur et de bénéficier de l’appréciation de ses pairs. Le CNDP a mis en place, dans un comité de pilotage avec nous, d’une plateforme où il y a l’ensemble des ressources pédagogiques (pas de tous produits, disponibles pour le monde éducatif), avec la possibilité de mettre des commentaires et d’avoir une reconnaissance par ses pairs sur les usages possibles de ces ressources pédagogiques, donc de leur donner une visibilité nationale. Enfin, l’opération clé USB a été annoncée par le ministre le 14 septembre. On a un problème d’information des enseignants sur les ressources disponibles, on l’a vu depuis hier. Entre les éléments disponibles, vus à travers Schene, les produits RIP, il y a un ensemble important de ressources pour chaque discipline qu’il faut faire connaître. Le projet consiste à donner une clé USB à chaque nouvel enseignant, quand il arrive dans son établissement d’affectation, avec l’ensemble des ressources disponibles ou des droits d’accès gratuits pendant un an, payés par l’institution. Quand je dis payants, pas forcément payés au prix fort, mais négociés par l’institution. Donc l’ensemble des ressources jugées utiles pour l’enseignement de la discipline avec les droits d’accès pendant un an, la possibilité de renouveler cet accès pour une somme forfaitaire peu élevée, les mises à jour sur serveur des nouveautés, sont attachés à la clé USB. C’est un travail très lourd à monter. Cela se fait, cette année, pour tous les nouveaux enseignants en histoire géographie, de SVT, de sciences physiques et chimie, et dans quelques départements pour tous les nouveaux enseignants du 1er degré. Distribution aux corps d’inspection de la clé, mais aussi dans les IUFM, car il faut qu’ils voient ce qui est disponible lors de leur formation. Nous espérons arriver à faire connaître toutes les ressources dont vous avez entendu parler hier, mais d’autres aussi, à l’ensemble du public cible. La marque RIP Elle existe depuis quelque temps et est labellisée par année. Chaque année, nous recevons de 130 à 200 dépôts de produits, dispatchés entre les différents collègues des disciplines qui gèrent l’expertise, pour en retenir au final 40 à 100.

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M. MICHEL CHAUMET DIRECTEUR DU CRPD D’AQUITAINE

----M. Chaumet « Centre régional de documentation pédagogique », c’est un vieux nom qui ne recouvre plus tout à fait la réalité d’aujourd’hui… Mon propos ne sera pas seulement vu d’Aquitaine ou des Landes, mais une réflexion un peu plus générale, à partir des expériences que l’on peut échanger et partager avec nos collègues directeurs de CRDP. Première réflexion générale La réussite de l’école numérique passe par trois clés. 1. Le confort technique : il est aujourd’hui globalement acquis, particulièrement ici, dans les Landes. 2. La mise en œuvre d’outils de mise en relation entre les communautés éducatives que forment les parents, les enseignants et les élèves : ce sont les environnements numériques de travail (ENT), même s’ils ne sont pas encore pleinement opérationnels… Dans toutes les académies, on a connu des retards ; ce qui n’empêche pas qu’il y ait – en particulier dans l’académie de Bordeaux –, une impulsion nouvelle (ENT Argos). 3. Enfin, et c’est le but de mon intervention, il y a l’appropriation des Tice par les enseignants. On l’a vu pendant toute la journée d’hier et encore un peu ce matin : les enseignants sont des médiateurs entre la technique et les élèves ; ils jouent un rôle absolument essentiel, irremplaçable. Il faut en arriver à la pédagogie numérique ; on en est là ! Comment ? La question fondamentale, dans la réussite de la mise en œuvre d’une pédagogie numérique, est celle des ressources mises à la disposition des enseignants. Du point de vue de l’usager, enseignant ou élève, quelles sont les demandes ? Dans les CRDP, nous avons une relation de proximité avec les enseignants, en particulier au travers des réseaux des centres départementaux. On y voit assez bien ce qui se passe : une augmentation de la demande de ressources numériques, même si le support papier reste, dans les Landes comme ailleurs, un support encore très prisé. Les ressources qui combinent papier et numérique sont considérées comme très séduisantes ; ce sont parmi les meilleures réponses à la demande des enseignants.

Cette évolution de la demande répond à la généralisation des usages du numérique. Des théories (que je ne développerai pas) font état, dans le corps enseignant, de 25 % de pionniers, 50 % de suiveurs, 25 % de rétifs. On est en train de passer au stade où les 25 % de pionniers sont complètement dans l’affaire, et les 50 % de suiveurs sont en train de venir au numérique. Toutes les ressources, en particulier la ressource administrative, les médiathèques administratives en ligne, connaissent une expansion de visites extraordinaire. A contrario, dans les Landes comme ailleurs, les médiathèques physiques où se trouvent les documents papier ou multimédia, comme les CDDP, ont de moins en moins de fréquentation. La révolution numérique est clairement en marche !

M. MICHEL CHAUMET

Quelles sont les ressources numériques que demandent les enseignants ? Pour reprendre quelques éléments évoqués ce matin… Je suis de ceux qui, comme Pierre Lacueille, pensent que les manuels numérisés n’ont aucun avenir. S’il faut faire la révolution numérique pour avoir le même produit que sous la forme papier, ce n’est pas la peine ; d’autant plus que les manuels scolaires sont très nombreux et, par voie de conséquence, les demandes satisfaites. Mais la généralisation [de l’utilisation de l’ordinateur], pour ce corps des enseignants « suiveurs », peut passer par le manuel numérique, c’est peut-être une étape indispensable pour la réussite de la révolution numérique dans l’Éducation. On a entendu parler de logiciels… mais qu’est-ce qu’un logiciel ? Est-ce un système d’exploitation ou des banques de données d’importance très variable – des granularités (comme disent les techniciens) de tailles diverses –, comme une carte sur l’invasion allemande pendant la seconde guerre mondiale ou bien, comme le fait le CRDP de Reims, un site complet sur la seconde guerre mondiale ? On a besoin de tout cela à la fois : de la carte quand l’élève est amené à faire un exercice à la demande du professeur, chez lui, avec son portable, et du site que l’enseignant va trouver intéressant d’exploiter en cours. Toujours du point de vue de l’usager, les ressources ont en effet plusieurs usages : – la ressource de préparation est essentiellement utilisée par le professeur en amont du cours, – la ressource d’exploitation en cours avec le médiateur qu’est l’enseignant, – la ressource d’exploitation en autonomie pour les élèves. Il y a toutes ces demandes-là à la fois. Plaçons-nous maintenant du point de vue de l’éditeur. Si les réponses aux demandes ne sont pas aussi satisfaisantes que souhaité, c’est parce qu’on n’a pas encore réussi à trouver le modèle économique viable pour la production des ressources numériques – nos collègues éditeurs privés le diront. En la matière, les investissements sont très lourds, non pas en matériels, mais en rémunérations de ressources humaines. Le ministre Gilles de Robien, le 14 septembre dernier, lors de sa visite au siège du CNDP au Futuroscope à Poitiers, a donné au réseau Sceren la mission de produire de la res-

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source numérique. Il faudra le faire en bonne intelligence avec le secteur privé, sans concurrence sauvage, d’autant que le secteur public a des missions particulières. Reprenons l’exemple du manuel de portugais : avant d’en décider la réalisation, nous avons rencontré, comme souhaité par le ministère, des éditeurs privés pour savoir si nous pourrions le coéditer, et naturellement, car le marché est réduit, aucun n’a souhaité s’associer à ce projet. Nous le ferons donc seuls, parce que c’est la mission du service public.

MME MARIE GAILLARD DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE POUR LE KIOSQUE NUMÉRIQUE DE L’ÉDUCATION

MME MARIE GAILLARD

Mais la mission du service public, Marie-Christine Milot l’a dit, c’est aussi de veiller au repérage, à l’indexation et finalement à une meilleure lisibilité de l’ensemble des ressources publiques existantes – elles sont immenses, très variées, peut-être pas toujours adaptées, mais il faudrait alors que les enseignants, les utilisateurs, les élèves le disent. Ce travail est commencé. Philippe Portelli du CRDP pourra intervenir là-dessus. Educasources est un premier repérage de ressources produites par l’ensemble du réseau. Je le confesse, nous ne sommes pas très bons en matière de communication. Je ne suis pas sûr que tous les enseignants, ici, aient nécessairement entendu parler d’Educasources… Alors, je fais mon travail d’éducateur : je vous invite à aller voir Educasources, et à vous intéresser, dans les semaines qui suivent, au travail de catalogage entrepris par l’ensemble du réseau. L’éditeur public dispose d’un grand nombre de ressources, à nous de les mettre à disposition des enseignants de façon plus lisible, plus claire et plus efficace. -----

----Modératrice La question est aussi celle de la liberté pédagogique de l’enseignant. Comment organise-t-il son cours et comment va-t-on lui fournir toute la palette dont il peut avoir besoin, du manuel complet jusqu’aux différents contenus précis ? Marie Gaillard, quels sont les services disponibles sur le Kiosque numérique de l’éducation ? Mme Gaillard Petit retour en arrière… En 2001, qui était dans la salle sur ce projet Landes ? Beaucoup lèvent la main. Peut-être même certains étaient également avec Pierre-Louis Ghavam en 2000 pour les premières discussions… Cela fait un sacré moment. Les éditeurs que je représente et, même au-delà, les éditeurs que je ne représente pas mais qui sont présents dans la salle, des éditeurs industriels de ressources numériques et de manuels-papier, ont été partenaires de cette opération depuis le début. 1. Cette coopération a commencé en 2001, avec du format pdf, M. Emmanuelli l’a rappelé. Nous avons été un petit peu bousculés par cette demande du Conseil général des Landes. Pour les éditeurs scolaires, une vraie demande et une vraie réflexion sont parties de cette opération. Merci beaucoup, cinq ans de partenariat, cela se fête ! 2. Deuxième moment fort, 2004 avec le département des Bouches-du-Rhône. La demande était différente, avec des accès aux ressources en ligne ; il fallait donc s’organiser pour donner un accès via Internet. Cela nous a tous poussés à nous organiser, à monter des plateformes de distribution, et à réaliser des ressources en ligne pour répondre à la demande. Aujourd’hui, deux plateformes d’accès aux ressources sont disponibles : le CNS et le KNE. 3. 2006, l’offre prend de la maturité, et grande qualité des ressources. M. Chaumet a parlé de « manuel numérique », ce n’est pas la première fois que nous

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avons des discussions sur sujet. Le manuel numérique n’est pas du format pdf ! En 2001 peut-être, en 2006 ce n’est plus du pdf ; c’est bien autre chose. Le terme de manuel ne convient plus ; il faudrait en inventer un nouveau… Derrière l’expression de « manuel numérique », nous trouvons : – des bases de données multimédias très larges, – des exercices pour des élèves en autonomie, – des outils pour réaliser des séquences en classe, – des outils pour modifier les séquences proposées par les éditeurs scolaires, afin que les enseignants les personnalisent et puissent apporter leur pédagogie. Je vous invite à regarder ce que recouvrent les mots de « manuel numérique » bien plus larges que ce qu’on voudrait y mettre, aujourd’hui en tout cas. Et un grand merci aux collectivités qui nous ont un peu bousculés, et aux académies qui nous ont accompagnés dans cette progression vers le numérique, qui ne va pas de soi. Le Kiosque numérique de l’éducation Le Kiosque c’est une plateforme d’accès. Soyons génériques ! Le projet consistait à créer un point unique d’accès aux ressources à partir d’Internet, pour ne pas rendre la ressource dépendante d’un lieu. Ainsi, le Kiosque numérique est un point d’accès à la ressource, quelle que soit la connexion Internet. Il ne s’agit pas d’un ENT. Il n’a pas les fonctionnalités administratives et de vie scolaire. Il s’agit d’une brique de portail d’accès aux ressources. La plateforme du Kiosque numérique de l’éducation Trois points essentiels : – Le nomadisme Enseignant et élève sont des personnes complètement nomades. Les enseignants n’ont pas de bureau dans l’établissement scolaire, et travaillent beaucoup chez eux. L’élève passe beaucoup de temps dans les transports en commun. Bien souvent, les familles sont éclatées. Il faut respecter ce rythme et offrir, aux uns et aux autres, un accès aux ressources, quel que soit le point de connexion… – L’interopérabilité Il arrive des Intranet scolaires, des ENT : pour l’utilisateur final, il est de notre devoir de donner accès à la ressource facilement, simplement, en effaçant la plateforme. Lorsqu’il y a un ENT, il y a un logging mot de passe pour rentrer sur l’ENT et l’accès à la ressource et immédiat. Il ne s’agit pas de faire passer par des étapes intermédiaires, notamment le réaffichage d’une page de transition sur le Kiosque. – L’innovation Le ministre ne l’a pas annoncé, mais la clé du Kiosque existe depuis le mois de mai. La philosophie du Kiosque est de rendre des services à l’enseignant. Nous sommes constamment à l’écoute des difficultés que rencontre l’enseignant pour introduire les technologies, ou tout simplement les ressources numériques, dans la classe… Le catalogue général Une fois par an, le Kiosque renouvelle son catalogue. Slide : les marques du Kiosque.

De nouveaux arrivants : un pôle média qui se constitue et l’entrée du chef d’établissement (nouveau profil sur le Kiosque) avec un logging mot de passe, des fonctionnalités dédiées à son profil et des ressources.

MME MARIE GAILLARD

L’enrichissement des ressources Le spécimen numérique existe depuis le début, il s’agit de faire tester gratuitement des ressources aux enseignants pendant une vingtaine de jours afin qu’ils puissent se faire une idée. Faire acheter une ressource à un enseignant « à l’aveugle » n’a pas de sens, il faut mettre à disposition les ressources en ligne pour qu’ils puissent tester, évaluer et choisir. Ordinateur du CG40 On y trouve des ressources du Kiosque numérique. Par exemple, l’Atlas Tasmania est sur tous les postes, avec des dossiers thématiques d’histoire et géographie. Navigation : par vignettes et par outils très simples. Palettes : possibilité d’élaborer des dossiers personnels. Interface d’un manuel numérique En Flash. Possibilité de faire une page. Son (molette). Navigation par taquets ; outils pratiques pour réviser. Outil « insérer un mémo ». Outil « insérer un masque » : son utilité est de cacher une partie, d’avoir une activité et après de faire réapparaître le texte. Ce sont des outils simples qui ont été développés et qui permettent un usage enrichi des ressources. Richesse des manuels numériques, sans rapport avec du pdf : 1er exemple, manuel d’anglais Sur le thème « Audrey », consultation de vidéos. En lien, la possibilité d’aller à d’autres séquences. Des outils facilitent la communication. Je vous incite à les regarder. 2e exemple 3e exemple Cartes interactives, avec son et animations. Hier, on parlait de civilisation (langues). Tous ces outils permettent un enrichissement par le biais d’exercices interactifs, avec du son et des notes. Vous avez énormément de facilités pour travailler en ajoutant vos propres ressources et en personnalisant chaque ressource proposée.

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M. CLÉMENT LABERGE DIRECTEUR DES DÉVELOPPEMENTS NUMÉRIQUES POUR L’ÉDUCATION, EDITIS.

L’expérience des Landes du point de vue de l’éditeur Pour en avoir parlé avec d’anciens collaborateurs, il est clair que c’est d’abord un lieu d’apprentissage extraordinaire ; ce sont des conditions que nous avons apprises avec vous.

M. CLÉMENT LABERGE

M. Pierre-Louis Ghavam Vous devriez nous payer ! (Rires). M. Laberge C’est l’occasion de réfléchir sur la vision qu’il faut avoir de la place des technologies dans une école.

-----Modératrice Éditis est le deuxième groupe d’édition français. Clément Laberge va donner un aperçu général du travail des éditeurs en matière de multimédia. M. Laberge Je travaille en France depuis seulement un an, et je suis particulièrement heureux d’être ici, dans les Landes, car cela fait déjà longtemps que j’observe attentivement ce projet. Quand il a été lancé en 2001, j’avais couvert l’événement en tant que journaliste au Québec, pour un magazine en ligne portant sur les technologies. En 2004, dans un congrès identique à celui-ci, j’étais intervenu par vidéo pour décrire un projet mené à Québec – sur l’utilisation de blogs en milieu scolaire pour permettre aux élèves de monter des porte-folios personnels, et augmenter les échanges entre les familles et l’école. Me voici aujourd’hui ici pour vous parler en tant que directeur du développement numérique pour l’éducation chez Editis [deuxième groupe français d’édition], ce qui m’amène à travailler avec des éditeurs de toutes tailles, notamment Bordas, Nathan et Robert. Je m’inspirerai de ces multiples regards sur le projet, à des moments différents, pour faire le survol des réflexions engendrées à l’éditeur par le libellé du colloque. La question qui nous est posée par l’édition numérique est celle-ci : « L’offre de contenus est-elle en adéquation avec les vœux des enseignants et ceux de l’Éducation nationale ? ». Il est très difficile de répondre à cette question car elle comporte deux variables, toutes les deux en très grande mouvance. – Les vœux des enseignants Ils varient beaucoup d’une année à l’autre, voire d’un mois à l’autre, et c’est chose normale ; ceux du ministère aussi. – L’expertise et la compréhension Au même rythme, un peu plus ou un peu moins vite. Il n’y a pas de réponse simple, c’est l’état de notre réflexion qu’il faut explorer avec vous.

Questions auxquelles nous devons répondre : Est-ce que le manuel, tel que concept autour duquel on a travaillé depuis des années, est toujours bon ? Est-ce que c’est celui-ci qui devrait nous guider pour travailler sur le numérique ? Est-ce que c’est une logique de substitution ? Va-t-on remplacer du papier par du numérique ou le compléter ? M. Chaumet a parlé d’approches mixtes. Quelle place prendront les ENT ? Tout cela dans un contexte où l’on travaille avec vous, avec d’autres académies et dans d’autres départements, dans des conditions exceptionnelles. [On n’est pas toujours capables de reproduire ce qui se fait ailleurs, c’est une caractéristique du travail qui se fait avec vous.] Quelques constatations 1. Un constat d’humilité et de confiance. On sait qu’on a expérimenté des tas de choses avec vous, et qu’il en reste beaucoup à faire… Nous ne pouvons pas apprendre à faire de l’édition numérique seuls. Tout est nouveau, on doit le faire forcément ensemble, en côtoyant des éditeurs, petits et grands, publics et privés ; on n’y arrivera pas autrement. C’est une des raisons de notre engagement avec Bordas, dans le groupe CNS [Canal numérique des savoirs], structure analogue à celle décrite par Marie Gaillard [KNE]. 2. On a besoin de trouver de nouveaux types d’auteurs. Ce ne sont pas forcément ceux qui étaient très bons éditeurs hier qui sont les meilleurs aujourd’hui pour développer les ressources qui conviennent à cette situation d’une classe où il y a des ordinateurs portables. 3. Il faut apprendre à s’adresser de plus en plus directement aux élèves. Cela fait partie des questions qu’on explore. Ce type de rencontre est important pour que vous nous interpelliez afin de créer cet échange nécessaire… Je ne doute pas que vous le ferez lors du débat. Comment cela nous amène-t-il à revoir qui nous sommes ? Les éditeurs sont souvent décrits comme des gens qui font des livres ; c’est vrai mais nettement incomplet. Ils sélectionnent aussi les contenus, ils scénarisent des parcours pédagogiques, ils assurent le respect des droits d’auteurs, etc.

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Les défis qui se posent à nous demandent des précisions. Il n’est pas possible, comme on le laisse sous-entendre néanmoins, de développer du matériel pédagogique de qualité sans éditeur. Cela ne veut pas dire que ces éditeurs, c’est forcément nous. La question devrait être posée différemment… Quels types de ressources souhaite-t-on ? Quel est le meilleur type d’édition pour arriver à disposer de cette ressource ? On peut imaginer des réponses multiples, des processus d’édition très centralisés que les éditeurs traditionnels connaissent très bien, qu’ils ont optimisé, que nous avons la prétention de savoir très bien faire sur le papier, et plutôt bien généralement sur le numérique. On peut aussi aller à l’opposé et explorer d’autres modes d’édition, beaucoup plus distribués comme ceux de Sésamath, qui mettent à contribution un grand nombre d’auteurs, qui s’inscrivent bien dans un processus d’édition, donc de choix de contenus, d’élaboration de parcours et de mise à disposition ensuite. Il y a et il y aura toujours un travail d’édition avec les contraintes qu’il comporte.

Ce n’est pas uniquement du discours, on y réfléchit de façon concrète. En ce sens, je vous invite à visiter le logiciel avec lequel j’ai conçu ma présentation (Inspiration) ; il sert à faire des réseaux de concepts, et dans les Landes, il a été mis à disposition de tous les élèves et des professeurs sur les portables. Pour s’assurer qu’il puisse servir et que ceux qui veulent s’en servir puissent le faire, on a mis en ligne une communauté, le site s’appelle inspirationaucollège.com, pour que les professeurs et les élèves qui développeront des schémas, un résumé d’une période d’histoire, un processus chimique, les partagent, les mettent en commun et les améliorent par perfectionnements successifs. Je n’en dis pas plus, vous pouvez aller voir tout cela.

En tout cas, la ressource, fruit d’un travail individuel ou collectif, faite dans un contexte privé ou public, demande énormément de temps, des expertises de plus en plus nombreuses et variées. On doit trouver une façon de tenir compte du temps et de l’expertise que chacun peut y consacrer.

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M. CLÉMENT LABERGE

Je souhaite que vous vous rendiez compte que l’on désire être interpellés, voir ce qu’on peut faire ensemble, à votre rythme – on voudrait parfois que cela aille plus vite, Pierre Lacueille le rappelait ce matin. Le Web est un outil collaboratif : il faut faire une place aux échanges et à une véritable interactivité entre les gens qui produisent les ressources et les gens qui les utilisent.

Henri Emmanuelli disait ce matin : il faut encourager les professeurs à développer des ressources sans pour autant leur demander d’être des informaticiens. De la même façon, il ne faut pas tomber dans le piège de demander aux professeurs d’être des éditeurs. Il faut apprendre à travailler ensemble. Les éditeurs savent qu’ils doivent travailler de façon différente, se laisser interpeller par d’autres façons de faire. Conclusions La question qui est dans l’air depuis hier, ce n’est pas de savoir qui fait ou qui fera, mais de faire en sorte que les ressources existent, qu’elles soient conçues de manière à pouvoir être utilisées de façon réaliste avec de vrais professeurs, de vrais élèves, dans de vraies classes, avec les contraintes que cela comporte, et qu’il y soit associée une forme d’accompagnement : quand il n’y a pas d’accompagnement, pas de forums de discussions, pas d’association, pas de communautés autour d’une ressource, celle-ci sert bien peu. L’un des chantiers à ouvrir ensemble – que les éditeurs ne pourront pas faire seuls, qu’il sera difficile à des professeurs de faire seuls, même à des académies ou des collectivités –, c’est de développer des espaces plus communautaires pour favoriser le fait que les professeurs partagent le résultat du travail qu’ils font en classe, qu’ils puissent mettre en commun un certain nombre de choses, s’entraider et faire appel à des experts au sein d’associations ou auprès d’éditeurs.

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M. CHARLES SOL ENSEIGNANT ET PDG DES ÉDITIONS EDUMEDIA

----Modératrice Les problématiques sont nombreuses : la création des contenus, l’édition des contenus, la distribution des contenus, ensuite, pour qu’ils arrivent jusque dans les classes. Charles Sol va revenir de façon un petit peu plus approfondie sur ces questions. M. Sol Ma double casquette d’enseignant en physique – matière que j’ai dispensée pendant huit ans –, et de créateur d’eduMedia il y a cinq ans, découle du fait que j’ai d’abord développé des ressources pour mes propres besoins ; ce qui m’a ensuite amené à créer cette structure – de nombreuses personnes m’y ont encouragé en me disant qu’il fallait réaliser ce travail dans un cadre très précis, notamment pour protéger mes droits. À l’époque, la plus grande difficulté, pour réaliser des contenus, c’était de bâtir un process qui – comme le rappelait Clément Laberge – fait appel à toute une chaîne de compétences. Tous ceux qui sont là, Sésamath y compris, ont été capables de réaliser des modèles économiques pour valider, de manière pérenne, des structures créatrices de contenus. Le CNS [Canal numérique des savoirs] est le second groupement d’éditeurs que vous devez connaître [avec KNE]. Il réunit des petits éditeurs (comme eduMedia), ou des plus gros (Ina, France 5 avec lesite.tv, etc.). À travers cette plateforme [www.cnsedu.net], vous pouvez accéder à toutes les ressources distribuées par CNS. Animation Flash Je suis en ligne, je clique, je vois. Ici, je suis sur le cycle de l’eau, j’ai les différentes informations que le professeur va pouvoir utiliser. À eduMedia, nous avons essayé de nous centrer sur les disciplines scientifiques pour produire des visuels interactifs et animés, là où l’interactivité apporte un plus… Il ne s’agit pas de scanner et de diffuser des images fixes ! Innovation d’eduMedia Il convient de trouver, ce qui n’est pas encore tout à fait réalisé, un modèle économique qui aille de pair avec le modèle pédagogique attendu par l’enseignant. Par exemple, l’enseignant veut travailler hors connexion : comme il n’a pas la

connexion en permanence, il veut pouvoir télécharger ses ressources à tout moment, même chez lui. Et parfois, cela est en friction avec certains modèles économiques. Il n’y a pas qu’eduMedia qui fait cela… La plupart des éditeurs ont bien compris cette nécessité : les Jalons du temps présent de l’Ina, ou lesite.tv, et beaucoup d’autres, autorisent ce fonctionnement dans le cadre des abonnements.

M. CHARLES SOL

La qualité Reportons-nous à la question initiale de l’adéquation des ressources avec les besoins des enseignants et de l’Éducation nationale. Il y a différentes manières de voir la qualité. Sur la qualité de ressources, sans prêcher pour ma paroisse… Plus de 400 animations dans les différentes catégories scientifiques ; un énorme travail a été fait. À l’étranger, on peut nous envier cette qualité obtenue, sans doute grâce à la politique de soutien du ministère. eduMedia est traduit en arabe et en anglais, bientôt en espagnol et en allemand. Et à l’analyse, on constate que les pratiques des enseignants sont peu différentes. Sur ce projet, comme sur les projets Ina, Kadmos, Texte-Image – de nombreux sites qui ont innové dans certains domaines pédagogiques –, la qualité est parfaitement reconnue. Je ne pense pas que nous soyons attaquables sur le critère de qualité. Les services Certains enseignants voudraient pouvoir « désencapsuler », c’est-à-dire ne prendre que cette photo, ou cet exercice de cours. La plupart des éditeurs ont essayé de satisfaire cette demande. Des problèmes techniques se sont posés… S’ils ne sont pas tous résolus, il y a maintenant une grande accessibilité. Sur le site de CNS : en me connectant, j’accède à toutes les démonstrations identifiées, et à toutes les ressources ; le nomadisme est donc pris en compte. En terme de licence, on est allés très loin. Sur eduMedia, il est autorisé de prendre des animations et de les mettre sur les pages de l’établissement, en site personnel, pour que les élèves puissent les retrouver ; je n’ai pas de problème de confiance à ce niveau-là. Ceci pour vous montrer tous les efforts faits pour être en adéquation avec les attentes enseignantes. Adéquation avec le prix Tout est discutable et discuté. Au Canada, quand on leur annonce nos prix, ils rétorquent : « Mais comment vivezvous ? », alors qu’ici on nous dit : « Vous êtes trop cher ». Est-ce que les enseignants se demandent ce qu’ils mettent en regard de leurs besoins ? J’achetais beaucoup de ressources pour mes cours. Mon principe est le suivant : « J’ai besoin de cela et je considère que c’est pertinent ; je suis l’élément central, moi, enseignant, dans cette chaîne de décision ». J’aimerais que l’enseignant prenne conscience de l’importance qu’il a dans ce dispositif. Grâce à Internet, on a la possibilité d’avoir accès à toutes les ressources, de faire son marché – car il y a un modèle économique, un marché et de l’argent. Mais force est de constater que si l’enseignant souhaite acheter des ressources, se pose alors le problème très complexe des procédures d’achat.

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Pour preuve, vous parliez d’un achat groupé par l’institution ou la collectivité, mais c’est l’enseignant qui doit prendre juste ce dont il a besoin ! Quand M. Ghavam m’a contacté, des établissements me disaient : « Je veux telle ou telle chose, mais je n’arrive pas à l’avoir… » Au lieu d’avoir un afflux de demandes, il est plus simple d’avoir une réflexion globale. Tout le monde y gagnera et je pense que le Conseil général n’attend que cela. Il faut simplifier les procédures d’achat, peut-être compliquées. Au Canada, deux jours après les prises de renseignements, les commandes peuvent tomber, alors qu’ici le système de prise de commande est très complexe. En tant qu’enseignant, je me souviens avoir eu beaucoup de mal pour passer mes propres commandes ; il y a aussi une action à avoir là-dessus. On parlait de révolution numérique en marche. Tout cela est lent. Effectivement, et les indicateurs ne sont pas si bons que cela. Certains intervenants ont mentionné le multimédia pédagogique, d’autres constatent qu’il n’y a pas de marché du tout ; donc on a tout de même de gros soucis à ce niveau-là. Eu égard à ce que je viens de recenser comme problèmes et comme freins, des efforts sont faits sur la qualité, sur les prix, sur les services. Donc, vous l’avez compris, c’est inéluctable ! On est tous d’accord sur les pourcentages annoncés de 95 % à 98 % de certitude que les méthodes pédagogiques vont évoluer dans le bon sens avec l’intégration de technologies d’information dans l’école. Vous l’avez compris – je ne prêche que des convaincus : nous sommes tous militants de cette pédagogie numérique, et ce sont les autres qu’il faut convaincre… –, c’est un chantier énorme : il faut discuter ensemble, pour faire avancer, dans le bon sens, cette édition multimédia. Bravo pour les Landes et les deux autres conseils généraux qui sont représentés ici ! Reprenant une phrase d’Antoine d’Abbadie, Basque d’Hendaye, je disais souvent à mes élèves : « Le mérite revient à celui qui a commencé, quand bien même ses successeurs feraient mieux ». Concernant les Landes, vous avez effectivement fait très fort… quand bien même vos successeurs feraient mieux ! -----

M. YANN POZZAR TRÉSORIER DE SÉSAMATH, ASSOCIATION D’ENSEIGNANTS PRODUCTRICE DE CONTENUS EN MATHÉMATIQUES

M. YANN POZZAR

----Modératrice Yann Pozzar appartient à l’association Sésamath, association d’enseignants qui produit des contenus en mathématiques, et intervient autour de cette question de la mutualisation des contenus. M. Pozzar J’interviens en tant que représentant de cette association qui regroupe une soixantaine de professeurs de mathématiques sur l’ensemble de la France, et diffuse un certain nombre de projets regroupés en thèmes : 1 – Travailler ensemble, s’entraîner et communiquer ; à destination des enseignants. 2 – Des projets « en plein écran » ; à destination des élèves. 3 – Des projets à destination des enseignants, avec des outils pour une sorte de laboratoire virtuel en mathématiques, et des outils pour le traitement de texte, principalement OpenOffice. Sésamath diffuse gratuitement sur Internet des ressources numériques libres, pour l’enseignement des mathématiques. L’association a été fondée, fin 2001, sur les principes de la mutualisation. [Vous avez les traces de ces débuts, les résidus, qui sont encore très utilisés : cf. MathadocCollege sur http://mathadoc.sesamath.net] Des professeurs ont commencé à mettre leurs documents en ligne. Ils ont pensé qu’en les regroupant, cela permettrait d’avoir une meilleure diffusion, de rationaliser et de clarifier les choses ; on a donc créé MathadocCollege, fin 2000, début 2001. Pendant quatre ans, nous avons organisé la mutualisation de l’ensemble des ressources en mathématiques, disponibles sur le Net : ressources papiers, exercices, devoirs, animations, etc. Très vite, nous avons été dépassés par le phénomène : on avait trop de ressources ! J’ai été responsable de MathadocCollege à cette époque-là, donc je connais bien le projet… On a atteint plus de 2 500 ressources pour le collège, avec beaucoup de redondances et finalement un trop-plein qui a fait qu’il n’y avait plus

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intérêt à rajouter encore des documents. [Même si des professeurs m’envoient encore régulièrement un devoir, une fiche de cours, etc.]

Si cela s’arrêtait là, Mathenpoche ne serait pas révolutionnaire ; ce serait un ensemble d’activités interactives très vaste, complet, et couvrant le programme.

En 2004, nous nous sommes orientés vers du développement collaboratif de ressources. L’association a changé ; elle est devenue un organe de diffusion. Sésamath diffuse le résultat de projets de développement collaboratifs. C’est un petit peu différent : on ne se contente plus de mutualiser. Des professeurs décident de développer ensemble, soit un logiciel, soit tout un tas de choses utiles dans nos pratiques numériques. Condition pour qu’un projet soit reconnu par Sésamath : que les ressources soient libres et diffusables gratuitement. Notre objectif reste identique, même si certains projets ont trouvé, malgré tout, une possibilité d’édition. Les deux projets les plus en adéquation avec l’opération des Landes sont Mathenpoche et le manuel scolaire.

Nous avons développé une version réseau du logiciel, qui permet à l’enseignant de programmer une séance en choisissant parmi les 1 600 exercices. Il peut choisir, pour un élève ou un groupe d’élèves, de faire tels exercices dans tel ordre, avec tel minimum de réussite. Les élèves se connectent avec un mot de passe ; quand ils travaillent, ils n’ont pas accès à la totalité du logiciel : ils ont uniquement les exercices que l’enseignant aura choisis de leur donner. Pendant que l’élève fait l’exercice, l’enseignant, sur son poste, voit l’élève en train de faire l’exercice. Il suit sa progression à l’intérieur de l’exercice. Si un élève est inactif pendant 30 secondes, son nom s’affiche en rouge, idem si l’élève est planté sur un exercice. L’enseignant peut également enregistrer les résultats de ses élèves. Cet outil avec des fonctionnalités « réseau », n’existe que pour les mathématiques. Voilà par exemple (slide) ce que récupère l’enseignant par groupe d’élèves ou par élève. L’enseignant peut définir des plages horaires et dire : « Je vous ouvre une séance d’exercices samedi à telle heure, vous vous débrouillez en médiathèque, chez vous ou en CDI ; de toute façon, je vous donne un résultat ». Des collègues s’en servent ainsi. Ils peuvent piocher dans les 1 600 activités ou exercices, c’est bien plus qu’un exerciseur (qui a mauvaise presse)… L’enseignant peut développer ses propres exercices Mathenpoche-réseau, avec les outils du laboratoire virtuel, un logiciel de dessin dynamique, etc.

Structure de l’association Plus de 60 professeurs sont membres de Sésamath, avec des sites accessibles sur Internet. 500 000 visites par mois, en moyenne, sur l’ensemble des sites. Plus de 21 000 utilisateurs enregistrés et qui ont donc fait la démarche de s’inscrire pour recevoir une « lettre d’information » toutes les semaines, le dimanche soir. Pour moitié, ce sont des enseignants au sens large (formateurs, IPR…). Depuis deux ou trois ans, de plus en plus de parents et d’enfants s’inscrivent. Il ressort de leurs messages qu’ils recherchent un soutien scolaire gratuit. Mathenpoche Parmi les produits diffusés, le logiciel Mathenpoche, un des plus anciens, dont le développement a démarré quand on a fondé l’association. Pour un certain nombre d’enseignants, qui avaient à disposition des salles informatiques dans leur collègue, il s’agissait de développer des outils (puisqu’il n’y en avait pas) pour faire travailler leurs élèves. On a commencé par les cinquième, puis les sixième. Cela fait bientôt cinq ans qu’on y travaille : on a développé 1 600 exercices interactifs (au sens large), soit des activités plutôt utilisables avec un tableau numérique, soit en salle informatique en séance d’exercice, soit à destination d’un travail personnel de l’élève à la maison – certains d’entraînement ou d’exercice direct, d’autres de remédiation. Exemple de géométrie dans l’espace pour comprendre un volume L’élève doit compter le nombre de faces, d’arêtes et de sommets. Quand il répond aux questions, l’ordinateur valide. En cas d’erreur, s’ouvre l’aide ou une courte séquence animée… Si l’élève recommence l’exercice, la figure change, avec des données aléatoires. L’élève peut recommencer l’exercice à volonté, c’est autocorrectif avec une aide pour le travail personnel. Dans Mathenpoche, il y a les mêmes exercices que dans un livre, sauf qu’ils peuvent être traités en salle informatique. Ceci est développé par les enseignants, pour leur propre usage, donc très proche des pratiques de terrain. En même temps, 1 600 exercices, avec 5 ou 10 questions chacun, imaginez la quantité de travail. Cela fait maintenant cinq ans qu’on travaille à seize personnes là-dessus.

M. YANN POZZAR

Mathenpoche-réseau est actuellement disponible via un serveur de l’association Sésamath. L’enseignant se connecte sur le serveur, l’élève aussi. Mathenpoche-réseau a suscité et suscite un engouement que l’on a un peu de mal à maîtriser en terme de connexions. Le serveur de Sésamath, gracieusement prêté par un Conseil général, a connu quelques signes de faiblesse tellement la charge est devenue importante : 3 500 enseignants utilisent les fonctionnalités réseau, on est au-delà de 120 000 élèves qui travaillent là-dessus en France. On a dupliqué le logiciel dans une dizaine d’académies, dont celle de Bordeaux. Le manuel numérique Autre grand projet de l’association Sésamath – qui a fait beaucoup de bruit cette année –, le manuel numérique : c’est un pari un peu fou. Il y a deux ans, nous avons décidé de faire un manuel, puisqu’on avait les moyens, les fiches, les animations. Nous avions décidé de le faire en un an, on l’a fait en un an ! Il bénéficie du principe Sésamath : « libre, numérique et gratuit ». Il existe désormais pour le niveau cinquième. Nous sommes en train de travailler sur le niveau quatrième. Ouvrons un chapitre du manuel avec les activités orientées Tice : – Gros avantage : les compléments disponibles. – Des activités sont en interaction avec un logiciel. – Un fichier est mis à disposition de l’enseignant, qu’il peut récupérer ou modifier.

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> Prenons une activité (dans ce logiciel de géométrie dynamique) : l’élève doit construire le symétrique d’un point par rapport à un autre à la règle et au compas. – L’enseignant peut montrer la correction de ce petit exercice. – Il dispose de son tableau numérique dans la salle : il a donné un exercice à faire à ses élèves pour jeudi. En arrivant jeudi matin, on corrige. – La correction est lancée. – Le professeur peut aller voir si ses élèves ont bien travaillé : les élèves se corrigeant tout seuls, il peut s’occuper de ceux qui ont des difficultés. L’avantage essentiel, c’est la possibilité, pour le professeur, de se libérer de la contrainte de la production des ressources et de l’installation, puisque tout est en ligne. Il n’y a rien à faire, cela marche tout seul, chacun pouvant revoir la correction à volonté. Une fois le manuel Sésamath terminé, il a fallu le diffuser. Internet c’est super, mais tout le monde n’y a pas accès… Un éditeur a accepté de l’éditer à bas prix (comme il était gratuit sur Internet, il ne s’agissait pas de le vendre 50 € l’exemplaire), à peu près deux fois moins cher que les autres manuels scolaires ; 70 000 exemplaires ont été vendus en France. Un petit mot sur les Conseils généraux Les ressources de Sésamath sont très utilisées. Nous avons pu le faire grâce au soutien des collectivités. – L’académie de Rennes, représentée ici, dispose d’un serveur Mathenpoche. – L’un de mes collègues est en discussion pour l’intégration de Mathenpoche dans l’ENT, afin qu’enseignants et élèves en bénéficient ensemble directement. – Mathenpoche 4e, donc la version locale pour les classes de quatrième du logiciel et pas la version réseau, est installée sur les portables des élèves landais depuis la rentrée. Deux conseils généraux ont, historiquement, beaucoup aidé l’association Sésamath : – le Conseil général de Haute-Savoie diffuse le site Sésamath, puisque c’est lui qui nous fournit « les tuyaux » grâce auxquels les élèves de France peuvent utiliser le logiciel Mathenpoche, et le soutien technique en nous prêtant des serveurs… – le Conseil général de Seine-et-Marne a mis à disposition de Sésamath un serveur au Centre régional de ressources informations de Haute-Savoie. Il a aidé, financièrement, les développeurs du logiciel Mathenpoche – cela sortant du cadre de Sésamath –, pour faire en sorte que le logiciel soit libre. De ce fait, les sources sont à disposition et n’importe quel enseignant (à condition de savoir mettre les mains dans la programmation) peut modifier l’exercice à loisir. Idem pour le livre : n’importe quel enseignant a accès aux sources : s’il a envie d’imprimer un manuel Sésamath pour ses 26 élèves de cinquième, il le télécharge, il l’adapte, il l’imprime et il a son manuel. Modératrice Merci beaucoup pour cet exemple de la créativité et de la capacité des enseignants à s’organiser.

M. SYLVAIN GENEVOIS CONCEPTEUR DE LOGICIELS ET MEMBRE DE L’ÉQUIPE E-PRAXIS, DE L’INRP

M. SYLVAIN GENEVOIS

----Modératrice Sylvain Genevois a posé, ce matin, une question en tant que chercheur de l’INRP. Nous lui donnons la parole car il est également là en tant que concepteur de logiciels. M. Genevois Mon rôle est très compliqué car je n’ai rien à montrer, il est très tard donc la salle est un peu fatiguée… (Réactions négatives.) Je suis un peu provocateur, mais cela pourrait peut-être permettre le débat avec le public. En tant que concepteur de logiciels Il y a 10 ans, j’étais professeur d’histoire-géographie dans un lycée. J’ai conçu un didacticiel de croquis géographiques, dont je ne pensais pas qu’il aurait un grand avenir et serait installé, un jour, sur tous les portables des Landes, et que les élèves l’auraient, chez eux, au quotidien. Il se trouve que ce didacticiel a eu du succès, tant mieux. En plus, il m’a permis de réfléchir à la conception de logiciels pédagogiques, et d’évoluer vers la conception d’expertises pédagogiques avec le CRDP de Lyon. [Tel que le disait Michel Chaumet, heureusement que les CRDP ont vocation à publier tout ce qui ne le serait peut-être pas, par ailleurs, par les éditeurs privés – non que ces derniers ne fassent pas un gros travail, mais il y a aussi cette mission de service public.] De fait, ce logiciel a bénéficié, ensuite, d’un Cd-rom de fonds de cartes. Ceci est intéressant (non pas parce que j’en suis l’auteur !) parce que ces fonds de cartes sont des documents bruts, à l’opposé même du didacticiel qui est une application éducative déjà très centrée sur les apprentissages. Il s’agit toujours de ressources numériques, mais on ne parle pas de la même chose : on est ici dans un Cd-rom multimédia alors que, là, on est dans un outil de traitement de l’information très centré sur la didactique de la géographie. Il y a peu, j’ai terminé un travail (qui va sortir) sur le DVD de géographie « Parcours de ville », sur la ville de Lyon, toujours avec le CRDP de Lyon. Il est conçu sur des parcours interactifs à partir de cartographies numériques, avec accès grand public à des gigas

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octets de ressources, de données, de photographies aériennes, d’images satellites (Google Earth, GéoPortail, etc.). Cela change quelque peu la donne pour le professeur d’histoire géographie. Il faut commencer par typer les ressources numériques. Michel Chaumet a dit : « On entre dans la pédagogie numérique », je ne sais pas très bien ce que cela signifie ; excepté que l’enseignant manipule de nouveaux contenus. Ils étaient sur papier, maintenant ils sont sur support informatique. Qu’est-ce que cela change ? Pas grand-chose… Si, cela change tout ! L’accès à la ressource ne dépend plus ni du lieu, ni de l’espace où l’on se trouve. Petite révolution pédagogique – et je pense que c’est cela que Michel Chaumet a voulu dire par « pédagogie numérique » –, l’accès à l’information n’est pas le traitement de l’information, mais l’accès à la connaissance, c’est quand même le problème des pédagogues. L’information c’est une chose mais le document, fut-il numérique, ne peut pas à lui seul résoudre les problèmes que se pose l’enseignant dans sa classe. C’est très complexe et j’ai vécu cela à travers différentes expériences. La ressource éducative numérique focalise un certain nombre de points importants à ne pas éluder, notamment l’unité de temps et de lieu. Même si l’accès peut se faire de partout – de chez soi, en cours, en prolongement de la classe, dans la classe, dans la salle informatique, au CDI –, malgré tout, il y a quand même une unité de temps et de lieu : les concepteurs réfléchissent aux cadres d’usages. De plus en plus, et c’est ce qui fait la force de Sésamath, on évolue vers des types de conceptions d’ingénieries pédagogiques où l’on associe les communautés d’utilisateurs aux concepteurs. Que l’on soit éditeur privé, association pour le livre ou petit concepteur de logiciel artisanal, il faut penser qu’il y a des communautés d’utilisateurs, qu’il y a des lieux d’utilisation. Pour la même ressource, mise en œuvre dans le cadre de la classe avec vidéo-projection, dans la salle informatique par groupe, en autonomie avec des élèves qui sont mis en activité différemment, utilisée en prolongement de devoir à la maison, on est sur des situations, sur des modes d’utilisation d’accès et de traitement de l’information différents. Au-delà des turbulences actuelles du marché de l’éducation et de l’édition scolaire, il faut revenir à un certain nombre de fondamentaux. L’enseignant reste quelqu’un qui n’a pas beaucoup changé de métier, qui est dans sa classe et qui scénarise l’activité, qui fait des séquences pédagogiques. En tant que membre de l’INRP (Institut national de recherche pédagogique) Nous travaillons sur les apprentissages, sur les rapports aux métiers, sur le rôle des scénarios pédagogiques, en constatant une demande très contradictoire et paradoxale. – Les enseignants veulent de la ressource brute, de gros réservoirs, de grosses banques de données sur lesquelles s’appliquent des droits d’usages. À ce titre, le ministère a fait un gros effort pour lever les droits sur des ressources audiovisuelles, sur des images aériennes… – Dans le même temps, ils veulent le manuel de quatrième pour disposer de tel point du programme, donc de la ressource clé en main.

Vous avez tout le panel ! – Depuis des utilisations très ouvertes où l’enseignant veut pouvoir détourner le logiciel, s’approprier la ressource, la transformer. On arrive à l’idée qu’en quelque sorte on focalise trop sur la ressource. Il y a des gens dont c’est le métier : l’aspect documentaire, le CRDP, les éditeurs. Mais quand il s’agit de ressources en classe, on n’est plus dans l’aspect documentaire de la ressource numérique, on est dans l’aspect pédagogique, c’est-à-dire qu’à un moment il faut réfléchir aux scénarios de l’activité qui va derrière. Vous allez me dire que cela ressort de la liberté pédagogique de l’enseignant ; facile ! – Les enseignants ont, d’abord, besoin d’être guidés. – Ensuite, quand nous travaillons sur les scénarios d’usages, nous relevons que la notion de scénario n’est absolument pas assimilée dans le nouveau rapport au métier.

M. SYLVAIN GENEVOIS

Ayant travaillé à l’IUFM de Lyon comme formateur Tice pendant 5 ans, et cette expérience a été très intéressante, quand je montrais des logiciels aux jeunes professeurs ils s’y intéressaient mais me demandaient : qu’est-ce qu’un didacticiel, un tutoriel, un exerciseur, une séquence multimédia, qu’est-ce qui les différencie ? On est un peu dans tout ! On a vu Sésamath… À un moment, on est dans « visualiser un phénomène en trois dimensions », donc de la géométrie dans l’espace… Tout d’un coup, on bascule dans « on partage des scénarios entre enseignants », ce qui n’est déjà pas la même chose. Les enseignants veulent-ils des scénarios d’activité ou de la ressource brute ? C’est une vraie question, et tant qu’on n’y a pas répondu, il n’y a pas de solution unique – j’essaie d’ouvrir le débat, mais on n’a pas trouvé d’angle net ; c’est le sens de mon intervention. Une petite remarque Sur le passage de l’information à la connaissance, j’ai un regret. J’ai appartenu à la génération précédente qui a fait du traitement de l’information. Aujourd’hui, le multimédia et Internet ont bouleversé les choses laissant penser : « Je vais naviguer, je vais parcourir de l’information donc apprendre… » Comme s’il suffisait de parcourir les milliers de séquences dans les différentes disciplines, mises en place sur les serveurs académiques, auprès des éditeurs, etc. pour faire avancer l’enseignement et les apprentissages… Mais ce n’est pas si simple !

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DÉBAT ----Modératrice À partir de ce dernier propos, nous enclenchons directement le débat sur les problématiques que vous avez soulevées, ainsi que les précédents intervenants, sur l’ensemble très riche des points qui ont été abordés : – la différence entre les principaux types de contenus, – les attentes des enseignants par rapport à ces types de contenus, – ceux qui veulent du « clé en main », et les autres qui préfèrent du « très libre », – le rôle du ministère et des centres de documentation pédagogique, – la réponse des éditeurs… M. Patrick Fonio responsable associatif – association Allibis Biscarrosse Mme la représentante du ministère de l’Éducation nationale, la question de l’interopérabilité et de la pérennité de toutes ces ressources a été évoquée. Un nombre considérable de formats se développe… Qu’en est-il de cette question, sachant que depuis peu – mais je n’ai pas l’information complète –, a été ou doit se mettre en place le RGI ou Référentiel général d’interopérabilité ? Comment les divers éditeurs se placent-ils par rapport à ce RGI ? Et comment vont-ils répondre à cette question d’interopérabilité ? Mme Milot Vous posez une question qui sort de mon champ de compétences, le RGI n’est pas dans mon vocabulaire courant. Je pourrais me renseigner parce qu’effectivement, dans la sous-direction, nous avons un programme infrastructures et services avec des spécialistes et des standards d’interopérabilité. Cependant, je peux vous dire que l’évolution récente, du point de vue des standards, porte sur un standard pour la description. Si l’on veut retrouver les informations et les documents, il faut qu’il y ait une description de ces documents de façon à ce qu’on puisse les retrouver dans un moteur de recherche parce qu’ils auront été indexés. Donc si l’on veut que cette description permette une recherche générale, il faut un standard : LOM (Learning Object Metadata) est le standard international. Par ailleurs, un travail a été réalisé par un groupe dépendant de l’Afnor, financé en grande partie par le ministère de l’Éducation nationale pour réaliser un profil français du LOM, lom-fr. Le travail accompli, et Michel Chaumet en a un peu parlé, rentre dans un projet plus global : les ressources éducatives sont mal connues… Il faut montrer qu’il est possible, si l’indexation de ces ressources respecte un standard, de donner un accès global à l’ensemble des ressources avec des moteurs de recherche performants – Google est très performant dans son domaine, mais il y a d’autres possibilités. On peut donner accès à des ressources à condition qu’elles respectent un standard établi. Au lieu de se jeter dans un travail gigantesque de recensement de tout ce qui existe à l’Éducation nationale, on a commencé par un partenariat avec le CNDP.

M. Patrick Fonio Ce n’est pas ma question.

DÉBAT

Mme Milot Si je suis sortie de votre question, c’est peut-être qu’il faut que je m’exprime plus simplement… C’est quand même un problème très important. M. Patrick Fonio Je n’ai pas dit que la réponse que vous donnez n’est pas importante, la question posée est restrictive concernant simplement le format dans lequel cette ressource est mise à disposition. Cette question du format se pose avec d’autant plus d’acuité que le Parlement vient de voter une loi sur l’ERM, sur tous les accès aux formats qui deviennent de plus en plus restrictifs. Mme Milot Le seul format standard d’interopérabilité d’échange complet c’est le xml. Un jour ou l’autre, la transformation des ressources en xml se posera. M. Genevois Le lom.fr a été complété d’un champ de meta-données pour renseigner la nature de la ressource pédagogique ; on a très bien vu que ce n’était pas un problème de format, sauf pour l’utilisateur final. Derrière cela, c’est un accès de ressources par rapport à des meta-données qui ne donne pas seulement la nature de la ressource mais qui donne le contexte de l’utilisation. Dans ce que le ministère est en train de mettre en place, la vraie réflexion se porte autour de l’indexation – ce qui révolutionne complètement l’approche du monde de la base de données, mais aussi du monde documentaire qui n’avait pas cette approche. L’indexation, pour des documentalistes, signifie autre chose. Là, nous sommes dans une valeur ajoutée dans un cadre pédagogique. Le ministère est en train de réfléchir pour rentrer une méta-données qui va dire dans quel contexte on l’utilise. Ce n’est effectivement pas votre question. On est plus en train de réfléchir dans quel contexte on utilise la méta-données que sur les formats de données. De toute façon, l’informatique va toujours plus vite que les usages. On n’arrivera jamais à trouver un format unique, comme on n’a jamais trouvé une langue unique pour s’entendre, par conséquent je ne crois pas que l’on trouvera un espéranto de l’informatique. M. Chaumet Votre question porte, en fait, sur les droits, sur les images et sur les vidéos, donc sur les fichiers-son. M. Patrick Fonio Absolument.

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M. Chaumet Le fait que la réglementation devienne de plus en plus sévère pose problème aux éditeurs, c’est absolument certain. Dans un CRDP comme le mien, il faut maintenant pratiquement une personne à temps complet pour travailler sur les acquisitions de droits, c’est-à-dire pour rechercher les auteurs, et tous ceux qui peuvent détenir des droits – ce qui n’est pas toujours évident –, ensuite il faut les payer, c’est un élément qui plombe tous les projets éditoriaux. L’économie de la ressource numérique n’étant pas encore fixée, ce poste de dépenses s’alourdit de plus en plus parce que les outils techniques permettent d’intégrer de plus en plus de fichiers-son et des fichiers vidéo. La question ne se posait quasiment pas autrefois quand il s’agissait de distribuer des vidéos, par exemple, par Internet, car il n’y avait pas de tuyaux nécessaires. Aujourd’hui, c’est possible, mais on a ce problème juridique des acquisitions de droits ; c’est un poste de plus en plus important pour les éditeurs. M. Philippe Portelli SCEREN – CNDP Votre question est très intéressante. Nous avons débattu, en dernière commission multimédia RIP de mercredi dernier, sur la pérennisation d’un certain nombre de travaux de construction de ressources pédagogiques qui ont eu lieu au cours du temps. On a, par exemple, aujourd’hui, un certain volume de ressources en html – un volume important – qui ne sera plus accessible dans quelque temps puisque ce format tend à disparaître au profit du xml… C’est un mouvement international sur lequel on n’a pas de prise. L’essentiel est de ne pas perdre cette histoire de la conception de ces ressources pédagogiques, pour ce faire il faut : 1 – Avoir conscience de l’existant. 2 – Référencer les typologies d’activités que l’on a pu développer au cours du temps. 3 – Il y a aussi des typologies d’usages, ce que disait Sylvain Genevois est important. Dans le LOM, il y a le fameux 9e domaine qui permet d’aller vers la description de ces usages en situation parce que c’est un des enjeux du développement. Nous travaillons beaucoup avec Marie-Christine Milot sur cette question des usages. L’enjeu est bien de parvenir à décrire le contexte d’utilisation d’une ressource, mais non seulement de le décrire, parce qu’on peut lire aujourd’hui des centaines et des milliers de pages sur de l’utilisation pédagogique de telle ou telle ressource ou bien de tel ou tel dispositif pédagogique, ce n’est pas pour cela qu’on a des clés de la transférabilité vers d’autres méthodes pédagogiques. Tout ce contexte doit être réglé petit à petit. Le grand projet de mutualisation des ressources a son importance car il introduit justement, dans l’indexation, les questions de liens avec les usages. Sylvain Genevois soulignait qu’il convient de réaliser aussi un travail de valorisation des usages qui en découlent, ça n’est pas seulement de décrire mais aussi de faire connaître ces fameuses plus-values pédagogiques dont on parlait ce matin.

M. Daniel Caillibaud Responsable production multimédia – Éditions Didier Toujours pour répondre à la question formulée au départ sur les formats et le RGI. – Sur l’interopérabilité, on fait intervenir des meta-data « d’attaque », c’est-à-dire qui permettent de retrouver la ressource, et de l’interroger depuis différentes plateformes. – Sur le format, la question englobe l’aspect du format ouvert ou pas.

DÉBAT

En règle générale, en tant qu’éditeurs privés nous sommes garants des droits des gens qui nous les cèdent pour une certaine diffusion. Concernant ces documents soumis à copyright, nous sommes obligés de les fournir dans un format un peu encapsulé dans un contenu, c’est-à-dire dans lequel le professeur n’est pas censé prendre le document tout seul et le mettre ailleurs. Si on donne le document en format ouvert, si on donne à l’enseignant le droit de le modifier, d’une certaine manière, il lui appartient. Mais on ne peut pas donner ce droit-là, puisqu’on ne l’a pas… Par contre, lorsque nous produisons nous-mêmes la totalité du document, on peut se permettre de donner ces droits à l’enseignant : droit de le modifier, de le conserver, d’en faire ce qu’il veut. Autrement, non. M. Philippe Guilbaud Assistant d’éducation – Collège Labenne Je m’occupe directement et concrètement des portables. Je remercie Sylvain Genevois pour son intervention sur l’adéquation entre la ressource et l’utilisation pédagogique. Cette question, arrivant en fin de journée malheureusement, est la plus importante pour l’utilisation dans notre opération. Les professeurs réticents utilisent le portable, ce n’est pas l’outil numérique qui leur fait peur parce qu’ils utilisent très bien les « chats » et l’e-mail à la maison, c’est plus l’adaptation du contenu des ressources numériques avec la pédagogie. Je vois des professeurs qui fabriquent eux-mêmes leurs contenus pédagogiques avec des ressources prises à droite et à gauche, en scannant des livres. Je remercie Yann Pozzar et Charles Sol pour leurs contenus (que les professeurs de mon collège utilisent tout le temps) : Amicollege, Mathenpoche, eduMedia, ces ressources qui les aident dans leur travail de pédagogie avec les ressources numériques. Est-ce que l’Éducation nationale accompagne correctement les professeurs dans cette démarche d’élaboration des ressources ? Quand ils recherchent des ressources sur Internet, c’est la jungle, comme pour tous, comme pour les élèves ; il n’y a aucune plateforme correcte et cohérente ; on peut rechercher des ressources sur Internet et les utiliser n’importe comment. Cette utilisation devrait être déjà mutualisée. Mme Milot 1. La réflexion sur quels types de ressources granulaires, jusqu’au manuel complet, avec un travail très guidé, est une question toujours débattue et ce depuis quelques années. Quand on a lancé le projet SCHENE il y a 2 ans, on s’est un peu orientés vers l’aspect granulaire pour répondre à votre question, à savoir que l’enseignant papillonne et va construire son discours, comme le disait Charles Sol, autour des objets qu’il aura trouvés, par rapport à une médiation auprès des élèves.

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Néanmoins, le manuel papier, et pourquoi pas le manuel numérique, peuvent aussi rendre des services. On ne peut avoir une réponse unique, il faut accepter la diversité.

Mme Milot Pas seulement les ressources du Sceren !

2. Les corps d’inspection ne souhaitent pas voir de cours type. La diversité d’Internet et des sites, c’est d’avoir, sur un même thème, des présentations sur l’académie Amiens, sur celles de Rennes ou de Bordeaux, du même thème, avec peut-être les mêmes ressources mais avec des déroulés différents. Le fait qu’il y ait sur un site institutionnel national un déroulé unique tendrait à dire : voilà le modèle du ministère validé par l’Inspection générale. On ne le fera pas ! Par contre, on essaie de mutualiser, même si ce n’est pas encore très bien fait… On peut toujours s’améliorer, et ce genre de colloques est tout à fait intéressant pour cela. Ces différentes pratiques académiques au travers de banques de ressources existent dans dix disciplines. À partir d’Educnet, les ressources sont mises en ligne et indexées – avec tous les prolongements dont on vient de parler (LOM…) – par les académies ellesmêmes, sous leur propre responsabilité. Ainsi, une académie qui développe tel type d’activité va l’indiquer sur cette base de données nationale, avec les types de ressources à la disposition de tous. Educnet – le site de la sous-direction des technologies de l’information et de la communication – donne accès (dans les champs disciplinaires à droite de la page d’accueil) à toutes ressources mutualisées des académies.

M. Chaumet Dans un deuxième temps, dans le projet Muren, l’intégration de la totalité des ressources de l’Éducation nationale.

M. Pozzar Sur la formation, au sujet de l’utilisation des ressources, c’est très compliqué. C’est pour cela qu’on a prôné des déploiements académiques de Mathenpoche. Pour mettre Mathenpoche sur un serveur de l’académie de Bordeaux, quand j’en ai discuté avec M. Lacueille, il allait de soi qu’il fallait accompagner les enseignants pour la prise en main. Ils n’apprendront pas tout seuls, les gens qui n’ont pas l’habitude de l’outil informatique ne le feront pas tout seuls. Il faut des moyens… On ne va pas demander à Yann Pozzar d’aller montrer Mathenpoche aux professeurs des Landes, le dimanche après-midi sur son temps libre. Déjà, il a fait Mathenpoche sur son temps libre… À un moment il faut mettre des moyens, c’est obligatoire. En contrepartie, et je rejoins l’avis de la représentante du ministère : c’est difficile pour un IPR de mathématiques, je le comprends aussi, de financer Yann Pozzar pour qu’il aille présenter Mathenpoche ; j’entends bien cet argument. L’institution n’a pas à prôner l’utilisation du logiciel Mathenpoche, l’institution est piégée de ce côté-là. Néanmoins, il est prévu, sur l’académie de Bordeaux, quelques formations sur l’utilisation de Mathenpoche sur les bassins où il y a des moyens informatiques, donc en particulier des Landes. Il n’y a pas que les mathématiques, il n’y a pas que le produit Sésamath, il faut aussi former à l’utilisation d’autres produits. On comprend que c’est compliqué pour l’institution, même si des fois il est évident qu’on aimerait être plus aidés par cette dernière. M. Chaumet Pour revenir sur la jungle que vous déploriez ; je confirme qu’il y a un futur assez proche avec le portail des ressources produites, dans un premier temps, par le Sceren ; cela donnera de la visibilité dans cette jungle.

DÉBAT

Mme Milot Pas seulement ! M. Chaumet Je sais encore ce qui a été décidé par l’ensemble des directeurs de CRDP avec le directeur général du CNDP dernièrement, dans un premier temps, c’est bien de cela dont il s’agit. Mais l’important c’est bien qu’il y ait un portail de l’Éducation nationale. Pour l’académie de Bordeaux, avec Pierre Lacueille, nous sommes en train de travailler sur un portail de ressources numériques académiques qui donnera de la visibilité à l’ensemble des ressources. M. Serge Kharkhoulia Professeur d’arts plastiques, collège Jean Mermoz à Biscarrosse Je réagis sur la réalité de l’écran, de l’image ou du discours. L’écran est toujours plat bien qu’omniprésent. Quand on analyse plus précisément : les élèves sont surtout intéressés par les clips, les images, les images un peu bougées, par la musique, évidemment les arts plastiques… Mais ce n’est jamais dit comme ça car personne n’a jamais rien compris aux arts plastiques. D’ailleurs le ministère est aujourd’hui en train de changer l’appellation, on va bientôt parler d’arts visuels, socle commun. Nous qui sommes des spécialistes de l’image, et qui connaissons parfaitement l’image, nous savons que des situations avec un écran allumé, des peintures au mur, de la musique, des volumes au sol fabriquent une situation propre à un enseignement dans un sens ou dans un autre. Il ne faut pas ne se focaliser que sur le simple écran. J’ai eu une conversation avec des éditeurs sur les ressources. Grand souci sur les ressources comme une masse de choses toujours organisées, elles arrivent linéairement, posées en tant qu’A, B, C, D. Le cours d’arts plastiques ne se passe pas comme ça, ce sont des situations différentes, même si on a évidemment un programme. Je regrette que le site académique d’arts plastiques ne soit que des visions statiques de projets d’élèves, mais c’est déjà quelque chose. Ce n’est pas de question mais une contribution sur le statut de l’image et sur sa nature. En conclusion : le plan, c’est la surface du discours. Lewis Caroll disait : « La profondeur qu’on peut y voir n’est jamais que l’illusion ». Les élèves l’ont très bien compris. De façon très directe, ils veulent des situations différentes et pas des illusions qu’on leur raconte à l’intérieur, comme disait Sylvain Genevois.

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M. Genevois Mon propos est un peu décalé par rapport à l’intervention précédente. La thèse de Gérard Puimatto vient de sortir sur « L’école et les réseaux numériques », avec des passages entiers sur le problème des ressources et des réseaux. Quand le ministère – représenté ici en une seule personne, de surcroît agréable, donc je ne voudrais pas être désagréable – parle d’espace numérique d’éducation, que nous avons des outils, des portables, des réseaux d’enseignants, des communautés de pratiques, des communautés délocalisées, avec des listes de diffusion, des listes de discussion à distance, on voit très nettement aussi que la ressource numérique se télescope entre des situations de territorialisation, c’est-à-dire des situations où l’espace est produit à un moment donné dans un contexte donné pour un type d’usages, et des contextes de réseaux où la ressource est partout, elle est à distance, sur un serveur… ah oui, mais qui l’a pris… il y a un utilisateur derrière. Ces problèmes de réseaux versus espace alimentent tous les débats d’aujourd’hui, non seulement sur le rôle des collectivités qui, elles, équipent à partir d’une logique territoriale, et des portables vus, eux, sous forme de réseaux pour se raccorder à des environnements, quels qu’ils soient. Quand on joue cela, les ressources se télescopent. Le manuel est un lieu, c’est accessible à distance, c’est quelque chose qui se virtualise, on est sans arrêt dans cet espace / flux / réseau. Quand l’intervenant précédent a souligné que, vu de son établissement, c’était une jungle – il faut le dire, le mot n’est pas excessif : je suis dans mon établissement, j’ai un Intranet à gérer, j’ai un serveur académique qui me dit une chose, j’ai un ministère qui me dit encore autre chose, j’ai le portail que va faire le CNDP, etc. Où est-ce que je prends ma ressource ? Je ne la prends nulle part, je la prends sur la liste des Clionautes ou de ma communauté de pratiques. On est dans un éclatement de l’offre et de la demande de ressources numériques, c’est cela qu’il faut voir en toile de fond.

Modératrice De nombreuses questions ont été posées sur le fonctionnement, les réseaux, la façon dont on peut s’organiser, le nécessaire recul face à l’image… Et sans doute, qu’en effet il reste encore beaucoup de réflexions à mener sur la façon dont fonctionnent les élèves et sur la fascination qu’ils ont parfois pour ces images en mouvement.

DÉBAT

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Mme Milot Dans l’idéal, on aimerait arriver à se connecter d’où l’on veut, et pouvoir parcourir l’ensemble des possibilités. On construit, il n’y a pas de recettes finales écrites. Mais la réflexion qui guide nos travaux, notamment avec le CNDP, c’est : je rentre par CNDP, par site académique, par Sésamath pourquoi pas, et j’arrive à avoir les ressources qui pourraient m’être utiles, avec des outils performants. On n’y est pas encore, on est au début du chemin.

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DISCOURS DE CLÔTURE M. GABRIEL BELLOCQ VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES EN CHARGE DE L’ÉDUCATION

M. GABRIEL BELLOCQ

----M. Gabriel Bellocq : Tout d’abord, tous mes remerciements à Natacha Polony, dans ce rôle ingrat de maîtresse du temps et d’animatrice, qui s’est acquittée de sa tâche avec délicatesse et efficacité puisque nous avons tenu le rythme de la journée. Mes remerciements aussi à la Direction de l’éducation et des T.I.C. du Conseil général des Landes qui a mis en place cette journée, avec un travail en amont conséquent, et un résultat que chacun peut mesurer aujourd’hui. Nous aurons l’occasion d’en reparler en interne, au Conseil général. Votre travail a été productif et reconnu. Et mes remerciements essentiels vont aller à l’ensemble des intervenants de ces deux journées. Les uns et les autres, nous aurons pu mesurer la complexité des nouvelles techniques de communication, plus particulièrement tout ce qui tourne autour de l’opération « un collégien un ordinateur portable » dans ce département et dans les autres départements français qui se sont lancés dans des opérations semblables. Nous avons pu mesurer aussi la compétence et l’enthousiasme de ceux qui sont intervenus cet après-midi – même si personnellement je n’ai pas tout saisi : c’est très compliqué pour le néophyte que je suis. Je salue l’engagement de tous ceux qui ont participé à ces deux journées, notamment aux tables rondes d’hier et d’aujourd’hui. Vous l’avez dit, madame la représentante du ministère, c’est un long chemin et l’on en est peut-être… au tout début ou à mi-chemin – Je ne sais pas… Pour ceux qui ont connu le colloque de 2004 et qui peuvent comparer avec ce qui s’est dit en 2006, beaucoup de chemin a été parcouru. Certes, il reste, sans doute, beaucoup à faire pour qu’évoluent ces notions d’informatique à l’école, auxquelles nous croyons tous ; mais en même temps, il faut regarder avec optimisme tout ce qui a déjà été fait. Grand merci à vous tous et, sans doute, à une prochaine fois dans un colloque dans le département des Landes ou peut-être ailleurs. Merci et bon retour pour ceux qui viennent de loin.

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CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES / / / COLLOQUE ORDINATEURS PORTABLES, ENSEIGNEMENT ET TICE / / / MOLIETS-ET-MAÂ / / / 5 ET 6 OCTOBRE 2006

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LE COLLOQUE ORDINATEURS PORTABLES / / / ENSEIGNEMENT ET TICE APRÈS CINQ ANNÉES D’USAGES, / / / QUEL BILAN TIRER ? / / / QUELLES AVANCÉES ? QUELS FREINS ? / / / QUEL AVENIR ? A ÉTÉ ORGANISÉ DANS LE CADRE DE L’OPÉRATION « UN COLLÉGIEN, UN ORDINATEUR PORTABLE », PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL DES LANDES, LE RECTORAT DE BORDEAUX ET L’INSPECTION ACADÉMIQUE DES LANDES AVEC LA PARTICIPATION DES DÉPARTEMENTS DES BOUCHES-DU-RHÔNE ET DE L’ILLE-ET-VILAINE. LES DÉBATS ONT ÉTÉ ANIMÉS PAR NATACHA POLONY, JOURNALISTE À L’HEBDOMADAIRE MARIANNE. QUE TOUS LES INTERVENANTS SOIENT ICI CHALEUREUSEMENT REMERCIÉS. ----Malgré tout le soin apporté à cette retranscription, des erreurs peuvent néanmoins subsister. Que les personnes concernées n’hésitent pas à nous faire part de leurs remarques. ----Vous pouvez revivre en vidéo et en intégralité les débats du colloque de Moliets sur le site www.landesinteractives.net et en cliquant sur l’un des liens se rapportant à chaque journée : jeudi 5 et vendredi 6 octobre 2006. ----Conseil général des Landes Hôtel du Département service T. I C. – bureau 336 23, rue Victor Hugo 40025 Mont-de-Marsan Cedex www.landesinteractives.net -----

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