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Portfolio Vincent Muller.

La Culture—Portfolio En huit éditions des Bibliothèques idéales, Vincent Muller a saisi autour de six cents visages d’artistes, écrivains pour l’immense majorité d’entre eux. Il œuvre en coulisses, met à l’aise ses sujets, les saisit puis les expose. Sélection de portraits de cette année. Par Pierre Jean Singer / Photos Vincent Muller

Les collections littéraires

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Ce qui frappe, lorsque l’on fait défiler les portraits d’écrivains patiemment collectés par Vincent Muller, c’est d’abord que seule une petite minorité d’entre eux regarde l’objectif. La diversité des cadrages, des profils et des regards préserve la collection de la monotonie. Elle résulte d’un jeu, d’un dialogue entre les modèles et celui qui les « shoote ». Une gageure, car le photographe dispose de peu de temps. Les séances se déroulent en règle générale juste avant que les invités ne montent sur scène, face au public des Bibliothèques idéales. « Je m’installe dans les coulisses, dans un couloir. Cela a démarré à l’Aubette, où j’avais pu monter un fond [une toile de fond monochrome, NDLR] avec quelques lumières », raconte Vincent Muller. Il a ensuite suivi les migrations locales de la manifestation littéraire, vers la cité de la place Dauphine et, tout récemment, le Parlement européen.

Je scanne ce qui m’entoure

En fonction de la relation qu’il peut établir – ou pas – avec les artistes et écrivains invités, Vincent Muller propose un cadre autre que le fond monochrome. « Je scanne ce qui m’entoure, j’imagine, je place mon sujet, fais un test lumière…La séance dure entre dix secondes et trois ou quatre minutes. Face à moi, il y a tous les types de caractères. Certains, comme Frédéric Beigbeder, prennent des poses, proposent des attitudes, d’autres restent immobiles… 90 % des écrivains jouent le jeu. Quelquesuns énoncent des interdits : photographie que ce profil ! Ou alors : pas de contreplongée, à cause de mon double menton », poursuit Vincent Muller. En une séance, soit quelques minutes, il prend dix à quinze images. Et sait – privilège de l’expérience – si dans ce lot se trouvent une ou plusieurs photos satisfaisantes.

Dans l’exercice du portrait, « si tu amènes un truc cool, un moment de détente, tu as tout gagné », avance le photographe. Le modèle se détend, s’ouvre à l’expérience proposée. Vincent Muller a assimilé l’art et la technique du portrait par l’expérience, mais aussi par l’apprentissage.

Prendre le réel

Lors de ses premiers pas photographiques, il ne se souvient pas d’avoir eu la révélation, l’appel d’une vocation. À la fin de l’adolescence, le jeune Vincent Muller s’oriente vers une formation pratique en photo, parce qu’il ne se sentait « pas très scolaire ». Il va cependant acquérir des bases techniques solides en six ans d’études. Les dernières années d’apprentissage se déroulent à Toulouse. Le déclic, le goût du métier vient en chambre noire, en apprenant le développement analogique. Et lors des premières prises de vues, au contact de personnes et de lieux. « J’ai découvert de nombreux styles, en étant tout de suite attiré par le reportage, par le fait de prendre le réel », se souvient Vincent Muller. Il débute en Alsace, au sein d’une défunte agence de publicité strasbourgeoise. En tant que photographe de studio « maison », il assimile les ficelles du métier. Et très vite son aspect humain, relationnel.

Il y a chez Vincent Muller une gentillesse assez naturelle, une cordialité spontanée, nécessaire et utile à son activité. Installé depuis peu dans le Jura suisse, il partage son activité entre la Suisse romande et l’Alsace, entre la photographie d’entreprise, les manifestations culturelles et une activité journalistique. Sur son site web, Vincent Muller expose des séries thématiques non publiées, ou partiellement. Une certaine élégance relie les images, avec une prédilection pour l’étrangeté, la juxtaposition de signes en décalage, voire en opposition les uns aux autres. Ainsi de la longue série Être(s), imaginée avec le plasticien et ami Hugo Mairelle, florilège de masques créés par ce dernier à partir de fragments végétaux, portés par des modèles nus comme aux premiers jours et perdus dans des paysages immenses.

vincentmuller.fr

Dim. 18 sept. — Emmanuel Carrère (V13, P.O.L.)

« Il était docile. Avec une certaine réserve. Un visage marqué. Quelqu’un que tu n’as pas envie de faire ch… » (Vincent Muller)

Ven. 9 sept. — Lola Lafon (Quand tu écouteras cette chanson, Stock) Sam. 3 sept. — Concert de Nicolas Comment revisitant sa propre discographie avec Milo, muse et bassiste, la chanteuse américaine Brisa Roché, et Olivier Legall De gauche à droite : Brisa Roché, Olivier Legall, Nicolas Comment et Milo.

Dim. 4 sept. — Enki Bilal (Bug – tome 3, Casterman)

« C’était la seconde fois que je le prenais en photo. Il s’était rappelé du dernier shooting deux ans auparavant et avait beaucoup aimé les photos. Il s’est donc de nouveau prêté au jeu et m’a demandé s’il pouvait utiliser les nouvelles images pour sa communication personnelle. C’est toujours très gratifiant d’avoir des personnalités avec un tel talent qui considèrent votre travail et vous rappellent pour demander des photos. »

Sam. 17 sept. —Judith Henry (à gauche) et Julie Gayet (à droite) ont fait une lecture de Nous ne serions pas arrivées là si… d’Annick Cojean, Grasset / Le Monde

Sam. 17 sept. — Sonia Deviller (Les exportés, Flammarion) Dim. 11 sept. — Olivia Ruiz (Écoute la pluie tomber, JC Lattès)

« Je l’ai attendue pendant deux heures, elle repoussait sans cesse le moment du shooting. (Je n’ai pas la bonne robe, je fume une clope, je vais d’abord faire les dédicaces.) La séance commencée, j’appréhendais le fait qu’elle tombe de la table basse sur laquelle je voulais la prendre en photo. Finalement, elle a tenu le temps des portraits mais on n’est pas passé loin de la chute. »

Sam. 10 sept. — Léopoldine HH (la chanteuse a rendu hommage à Charles Trenet en compagnie de Gérard Daguerre, Muriel Daguerre et Vincent Dedienne)

« J’ai l’habitude de la prendre en photo car elle vient presque chaque année aux Bibliothèques idéales. C’est le type de personne que j’adore photographier car elle propose tout de suite des poses et des attitudes décalées. Je n’ai plus qu’à choper le bon moment.»

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