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TEMPS FORT

Dans le diagnostic potentiel des sols proposé par Be Api, des profils culturaux sont réalisés par zone identifiée et analysés par un pédologue.

La modulation intraparcellaire des intrants se démocratise

De plus en plus d’agriculteurs se lancent dans la caractérisation intraparcellaire des sols dans le but de moduler les intrants, en particulier les engrais. Les économies et gains de rendement éventuels, et donc le retour sur investissement, dépendent beaucoup de leur situation initiale. Dans tous les cas, l’outil est un moyen d’améliorer la connaissance des sols et la justification des pratiques.

«Le rendement d’une culture s’explique à 70% par la fertilité et le potentiel des sols, c’est pourquoi nous proposons deux diagnostics, un fertilité et un potentiel», explique Laurent Maillard, responsable réseau de la société Be Api, créée par la Coopération agricole. En 2021, il a constaté un bond des ventes de services liés à l’analyse des sols. Développés dans 28 coopératives, ceux-ci représentent désormais 180000ha pour le diagnostic fertilité et 50000ha pour le diagnostic potentiel.«Pour le diagnostic fertilité, nous reconstituons l’historique de la parcelle à l’aide des cartes IGN depuis 1947 afin de découper des micro-parcelles de 80 ares en moyenne, détaille-t-il. Puis nous prélevons 18 carottages par micro-parcelle afin de réaliser des analyses de sol.

Le rendement d’une culture s’explique à 70% par la fertilité et le potentiel des sols

La carte de mesure de la conductivité électrique révèle des profondeurs de sol variées, confirmées par les profils culturaux.

NATHALIE TIERS

La cartographie ainsi élaborée permet de moduler à l’intérieur de la parcelle les apports de phosphore, potassium, magnésium et chaux.» Quand le sol est bien pourvu, des impasses sont possibles. Pour les zones en carence, en revanche, investir dans la fertilisation est conseillé. L’actualisation de la carte d’une année sur l’autre se fait en capitalisant les apports réalisés. D’après le responsable, cette modulation permettrait un gain de 30 à 60€/ha lié à l’homogénéisation des rendements et à d’éventuelles économies. «Quelles que soient la coopérative et la région, le retour sur investissement est en moyenne de trois ans, sachant que le diagnostic fertilité coûte 88€/ha, auxquels s’ajoutent 7€/ha de conseil annuel, indique Laurent Maillard. L’équipement n’est plus un frein: il a pris de l’avance et la technologie est très souvent déjà disponible dans les exploitations, Cuma et ETA. En zone céréalière, 80% des agriculteurs ont accès à un distributeur d’engrais permettant de moduler la dose. Le surcoût à l’achat est de l’ordre de 8000à 10000 € et le marché de l’occasion se développe.»

Différencier les objectifs de rendement

Quant au diagnostic potentiel des sols, son objectif est d’estimer la profondeur et la réserve utile en eau des sols en mesurant la conductivité électrique. «Il se justifie dans les parcelles hétérogènes, souligne Laurent Maillard. À partir du zonage, des profils culturaux sont positionnés et analysés par un pédologue. La cartographie du potentiel est ensuite utilisée pour moduler la densité de semis. En maïs, on raisonne celle-ci en fonction de la réserve utile en eau. Dans les régions à

ARVALIS-INSTITUT DU VÉGÉTAL

L’AVIS DE L’EXPERT

Caroline Desbourdes, spécialiste agriculture de précision, Arvalis-Institut du végétal

«Ne pas trop attendre des cartes de caractérisation des sols»

« La mesure de la résistivité consiste à envoyer un courant électrique dans le sol. La résistance au passage de ce courant est liée à la profondeur du sol. Cette information est traduite en réserve utile en eau, bien que ce ne soit pas si simple. Elle permet à l’agriculteur d’améliorer la connaissance de ses parcelles, mais il n’y a pas de lien entre ce zonage et la répartition des éléments minéraux; celle-ci vient de l’historique en termes de pratiques culturales (apports, etc.). Dans 10 parcelles où nous avons réalisé 10 analyses de sol par hectare, moduler les apports de P et K présente un intérêt économique lorsque la rotation comprend une culture exigeante comme la betterave ou la pomme de terre, mais pas dans une rotation de cultures à faible exigence (blé, colza). Dans le cas de la fertilisation azotée du blé tendre, il est important de rappeler que le facteur limitant au moment de la mesure peut être le sol (2e apport) ou la plante (apport tardif). Cela implique des caractérisations et donc des coûts différents. Lors de l’apport tardif, l’ajustement de la dose vient de l’outil de diagnostic et non de l’outil de modulation. En blé, à condition que le diagnostic en fin de cycle soit fait à la fois sur les mesures de biomasse et de teneur en chlorophylle [cf. Farmstar], on peut espérer un gain de 2 q/ha, selon nos essais. Ce gain est identique lorsque la modulation est réalisée à la fois sur l’apport tardif et sur le deuxième apport. Quant aux cartes de rendement, elles se superposent rarement à celle de résistivité, à l’exception des années où est implantée une culture de printemps en année sèche, car le facteur principal est alors la réserve utile en eau. »

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où la culture est développée, les ETA commencent à être équipées pour moduler l’apport au semis. En céréales, il faut prendre en compte l’horizon de surface dans l’objectif d’obtenir une levée homogène. La distribution électrique permettant la modulation devient standard sur les semoirs à céréales vendus aujourd’hui.» Avec les cartes de potentiel, moduler les apports d’azote dès le début du cycle s’avère possible, en différenciant les objectifs de rendement à l’intérieur de la parcelle. Les apports d’azote de fin de cycle sont en revanche pilotés non plus en fonction du potentiel du sol, mais en fonction du développement végétatif de la culture. Le service Farmstar, basé sur l’imagerie satellitaire, est de loin le plus utilisé (13000 agriculteurs, 76000 parcelles, 600000ha). À partir de la réflectance de la lumière par les cultures, il calcule la biomasse (blé, colza) ainsi que la teneur en chlorophylle (blé), et donc les besoins en azote. Le diagnostic potentiel des sols de Be Api (valable à vie) coûte 62€/ha, auxquels s’ajoutent 5 à 7€/ha de conseil annuel pour la modulation du semis, et 7 à 14€/ha de conseil annuel pour la modulation de l’azote. «Le bénéfice lié aux économies de semences et aux gains de rendement est de 10 à 20€/ha en céréales et 30 à 50€/ha en maïs, estime Laurent Maillard. Pour la modulation de l’azote, il est habituellement de 20 à 50€/ha, ce qui équivaut avec les tarifs actuels à 40-100€/ha.»

80 % de carences en phosphore en Beauce

En Eure-et-Loir, la coopérative Scael a développé les services Be Api sur 10000ha, dont une majorité de

BRUNO BORDIER

L’AVIS DE L’AGRICULTEUR

Bruno Bordier, agriculteur à Sancheville (Eure-et-Loir)

«J’économise 1000€ sur 30ha dès la première année»

« Je produis du blé tendre, du blé dur, du colza, du maïs, de l’œillette, des pommes de terre et des betteraves sur 100 ha. Mon matériel est en commun avec mon frère et nous avons acheté un épandeur avec modulation en 2016. L’hiver dernier, j’ai investi 79 €/ha sur 30 ha pour le diagnostic fertilité Be Api proposé par la Scael. J’apporte du phosphore tous les ans sur l’ensemble de mes terres, ainsi que 150 kg/ha de potasse sur maïs, colza, œillette et 500 kg/ha sur pomme de terre et betterave. Ces deux cultures sont exigeantes, donc il faut éviter les carences. Grâce aux cartes de modulation, je peux réduire mes apports dans certaines zones. Dès 2022, j’économise 35 €/ha. Sur pomme de terre, la dose de potasse oscillera entre 80-100 kg et 200-250 kg. Sur maïs, je vais faire l’impasse. Cet hiver, j’ai commandé des diagnostics fertilité sur 45 ha de plus. »

« Les cartes de rendement ne sont pas l’entrée de l’agriculture de précision, comme on a pu le croire, mais la sortie, indique Laurent Varvoux, de Terrena. Elles permettent d’observer l’effet de la modulation intraparcellaire des intrants, et éventuellement d’affiner les contours des zones définies par Fertilio e-RM. » à

FARMSTAR: LES GAINS OBSERVÉS CHEZ TERRENA

À la coopérative Terrena, dans l’Ouest, le service Farmstar s’appelle Fertilio Sat. Il a augmenté de 15000 ha en 2021 pour un total de 86000 ha. « Il y a davantage d’images et de fiabilité dans ces dernières, observe Laurent Varvoux, expert de l’amélioration de la fertilité du sol au service agronomie. Selon les cas, les agriculteurs appliquent une dose moyenne à l’hectare ou font de la modulation intraparcellaire. » Depuis deux ans, les adhérents ont la possibilité de saisir les apports réellement réalisés ainsi que les rendements obtenus dans l’outil de conseil Consélio (via l’application Wiuz développée avec Axéréal). Ces données permettent la réalisation d’études comparatives entre utilisateurs et non-utilisateurs.

NB PARCELLES RENDEMENT (Q/HA) N APPORTÉ (UNITÉS/HA) PROTÉINES GAIN DE MARGE

COLZA SANS FERTILIO SAT 521 33,6 142 - COLZA AVEC FERTILIO SAT 689 35,6 (+2) 119 (-23) - 110 €/ha

BLÉ SANS FERTILIO SAT 2389 68,1 169 12,1 -

BLÉ AVEC FERTILIO SAT 2872 71,9 (+3,8) 166 (-3) 12,4 (+0,3) 60 €/ha

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diagnostics fertilité (500ha de diagnostics potentiel des sols). «Il y a eu deux, parfois trois remembrements dans notre secteur, rappelle Florent Babin, chef produit marketing. L’élevage est peu développé, et les agriculteurs ont limité les engrais de fond lors des dix dernières années, tendues en trésorerie. Cela crée des carences, en particulier en phosphore dans 80% des dossiers. Parfois le rendement décroche brutalement de 20 à 30% et il faut plusieurs années pour redresser la barre. Les agriculteurs ont conscience de l’importance d’investir dans la fertilisation et préfèrent le faire bien en cartographiant les teneurs minérales de leurs sols. Ceux produisant des cultures exigeantes, comme la betterave ou la pomme de terre, en mesurent particulièrement l’intérêt.» Selon Florent Babin, les gains réalisés grâce au diagnostic fertilité sont assez directs. Le diagnostic potentiel des sols, cependant, est utile uniquement en cas d’hétérogénéité des sols et complexifie la façon de travailler en impliquant une différenciation des objectifs de rendement à l’intérieur des parcelles. D’où son déploiement plus confidentiel.

La résistivité électrique (Fertilio e-RM) – ou son inverse, la conductivité (Be Api) – est mesurée à l’aide de cette machine tirée par un quad, qui envoie un courant électrique dans le sol.

Accès à la donnée facile, mais…

Basée dans le Gers, la coopérative Val-de-Gascogne s’étend jusqu’aux Pyrénées. «Nous faisons partie des trois coopératives pilotes à l’origine de Be Api

TONY BILLY

L’AVIS DE L’AGRICULTEUR

Tony Billy, polyculteur-éleveur à Moutiers-sousChantemerle (Deux-Sèvres)

«Mon premier réflexe a été le diagnostic du potentiel des sols»

« Nous cultivons à trois associés 110 ha de blé, maïs grain, triticale, colza et lupin, et nous élevons des chèvres, ovins viande et volailles de chair. En 2016, la Cuma a investi dans un distributeur d’engrais avec guidage GPS pour faire de la coupure de tronçons, comme nous le faisions avec le pulvérisateur. Il est équipé pour la pesée et la modulation. En 2017, j’ai démarré des diagnostics de potentiel de sol avec le service Fertilio e-RM de Terrena. Ils ont révélé différentes profondeurs au sein des parcelles. Avec la moissonneuse de l’ETA, j’ai aussi des cartes de rendement m’indiquant les exportations. Les variations vont du simple au double. Nous connaissons par ressenti les meilleures zones des parcelles et les moins bonnes, mais nous avons besoin de précision pour moduler les apports. Je suis globalement bien couvert en P et K grâce au compost issu des chèvres et volailles. À l’aide du GPS et des cartes de potentiel et de rendement, je module manuellement mes apports organiques. Pour l’azote sur céréales et colza, je module dès le début du cycle en différenciant les objectifs de rendement à l’intérieur des parcelles, puis en fin de cycle à l’aide de Fertilio Sat. Je commence aussi à moduler la densité de semis grâce à la distribution électrique en céréales et manuelle en maïs. Enfin, les analyses de sols par zone ont mis en évidence des écarts de pH allant jusqu’à 1 point. J’avais l’habitude d’apporter 1,5 t/ha de chaux tous les deux ans partout, j’ai donc relocalisé mes apports avec des zones à 0 et d’autres à 3-4 t/ha. Je suis très satisfait: je viens de reprendre 10 ha à un voisin et mon premier réflexe est de faire un diagnostic de potentiel des sols. » en 2015, annonce Geoffrey Goulin, responsable communication et agriculture durable. Une cinquantaine d’adhérents ont réalisé des diagnostics fertilité et potentiel des sols sur plus de 5000ha. Nous couplons presque systématiquement les deux, puisqu’ils sont très complémentaires. Sur notre territoire, la topographie est vraiment hétérogène, donc la mesure du potentiel des sols est importante.» Pour quantifier les résultats obtenus par les agriculteurs, Val de Gascogne a regroupé sept témoignages dans un livre blanc. «Il faut être prudent, car beaucoup de facteurs entrent en compte dans l’élaboration du rendement, et le retour sur investissement varie en fonction des pratiques d’origine, prévient Geoffrey Goulin. Globalement, ce qui ressort est une meilleure connaissance des sols, la volonté de les remettre au cœur du système et une meilleure justification des apports d’intrants.» La coopérative estime le retour sur investissement entre deux et cinq ans, avec des gains de rendement moyens de 4% et des économies d’intrants de 20%. Pour prendre en main ces nouveaux outils et espérer en tirer un bénéfice, les coopératives soulignent l’importance de l’accompagnement par des techniciens. «C’est stratégique, affirme Laurent Maillard. L’accès à la donnée est facile aujourd’hui, mais il faut faire attention

NATHALIE TIERS NATHALIE TIERS

L’AVIS DE L’AGRICULTEUR

Éric Commenge, agriculteur à Figarol (Haute-Garonne)

«Les diagnostics de sols m’ont aidé dans ma transition vers l’ACS»

« Sur 112 ha, je cultive blé, maïs, colza, féverole, soja et sorgho. J’ai repris l’exploitation familiale il y a cinq ans et je voulais mieux connaître mes champs. Les diagnostics Be Api fertilité et potentiel des sols réalisés avec Val-de-Gascogne ont révélé des sols très hétérogènes. L’historique a montré qu’il y a eu des vignes et même de la forêt à certains endroits, et les différences en éléments minéraux sont frappantes. Avec un épandeur à engrais capable de moduler, acheté en copropriété, je cible les zones d’impasses et j’ai pu mesurer des économies d’engrais. Quant aux cartes de potentiel des sols, elles ont permis notamment de repérer des zones de compactage, des semelles de labour, et de débloquer la situation en introduisant des couverts à base de féverole et radis pour restructurer. Je me suis lancé dans l’ACS, et les connaissances apportées par les diagnostics m’ont aidé dans cette transition; c’est un ensemble. Je suis très satisfait. Cela a un coût mais dilué sur dix ans, on a vite fait de le rattraper. »

à l’interprétation. En raisonnant uniquement sur les cartes de rendement, on risque de se tromper. Elles visent plutôt à constater l’impact de la modulation dans le temps.» Florent Babin ajoute: «Contrairement aux cartes de potentiel des sols, celles de rendement reflètent l’ensemble des aléas de l’année, y compris une attaque de limaces en colza ou de jaunisse en céréales. Les techniciens des coopératives ont leur importance pour accompagner leur interprétation.» ■

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