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COLLECTION À VIVRE

Collectionneuse atypique, Colette Tornier invite les architectes Aurélie Beriot et Miguel Bernardini à repenser les volumes de cet appartement haussmannien autour de sa passion pour la création contemporaine. Leur mission? Faire disparaître les frontières entre art, design et architecture. À partir d’une structure classique, l’espace fusionne désormais les différents territoires rappelant le principe d’une œuvre totale.

PAR Caroline Clavier PHOTOS Nicolas Millet

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PANORAMIQUE

Dans le grand séjour, de part et d’autre, deux portes escamotables disparaissent dans le mur une fois fermées, Lualdi. Sur celle de gauche, Matrice #3 de Tarik Kiswanson, sur celle de droite, Untitled de Nathan Hylden, 2018, et au centre, The girl portrait eaten by the mouse d’Ida Tursic et Wilfried Mille. Paire de fauteuils club chinée, recouverts de tissus Dedar, table d’appoint, collection Salute Tables, de Sebastian Herkner, La Chance, chez Private Choice. Et, à droite, lampadaire « B.T.4 », du Studio Arditi pour Nucleo Sormani, galerie Mercier & Associés.

TOILE DE FOND PASTEL

PAGE DE GAUCHE Sculpture Section de Jacin Giordano, et à côté, tableau Deadline Now d’Erro.

PAGE DE DROITE Dans le fond, sur le mur, œuvre miroir Crossing (Steel) de Tarik Kiswanson, en Inox et argent. À côté, Messe de Terre d’Hervé Télémaque. Lampadaire « Moais » de Ionna Vautrin, ToolsGalerie, et sur la table, sculpture Untitled d’Anselm Reyle. Sur le mur, à côté du miroir, petite sculpture Sans titre de Gaëlle Chotard. Sur la cheminée, Moucharabiehs de Vincent Leroy, et à droite, lasso de néon Sans titre de Mathieu Mercier, dessous, sculpture Woman de Wang Keping, en bois. Devant, canapé « Saturno » de Gastone Rinaldi pour Rima, tabouret « Fist » de Cleto Munari, couleur gold, chez D613 Studiolo. Tapis « Mildred », Driade. Peinture, Little Greene.

ART ET DESIGN

Dans le bureau, devant la sculpture L’Emmentaliste de Gilles Barbier, bureau « Pi », édition Néotu, et chaise en tôle pliée, Rémi Gerbeau Design, les deux Martin Szekely, au-dessus, tableau mousse Greatfalls de Dave Hardy, et à droite, tableau I still love you, un cœur jaune, de Gioele Amaro, sur le dossier du canapé « Domino » d’Emaf Progetti, Zanotta, pied en céramique, Mrzyk & Moriceau, au-dessus, tableau blanc, Sans titre, de Jonathan Binet. Le pouf transformé en table basse est un module du canapé.

BIBLIOTHÈQUE VITRINE

La bibliothèque sur mesure, System SBD (Madrid) abrite, en haut, deux pièces sous verre Grenade Fur 359 et Grenade Fur 361 de Kata Legrady, un petit tableau Croque-cross d’Oscar Malessène, marron et fluo, et Asperges de Guillaume Leblon. Dessous, lampe à poser chinée aux Puces de Saint-Ouen, à côté, Les Pantoufles de Daniel Spoeri , trois sculptures Rouge Las Vegas, Rouge Shanghai, Rouge Vieillot de Vincent Olinet, et la sculpture Cyrana de Daiga Grantina. En bas, tableau Celui qui se constellation de Jean Michel Alberola. Chaise de Martin Szekely, Rémi Gerbeau Design, et devant, chaise « Greene Street Chair » de Gaetano Pesce, en résine moulée, Vitra.

COULEUR EN RAPPEL

PAGE DE GAUCHE Dans l’ouverture, sculpture Renzo Piano de Xavier Veilhan, au-dessus, avion Shadow airline d’Eric Pougeau. Sur le mur bleu, sculpture lumineuse de Matthew MCCaslin, et Story of a Love Affair # 1 de Matt Saunders, tirage argentique sur papier fibre.

PAGE DE DROITE À gauche, sur la console, œuvre de Weng Jijun, en face, une autre de Florian Pugnaire, et à droite, un portemanteau en aluminium articulé, design Aurélie Beriot et Miguel Bernardini, par Enrique Pujana. Lampe Re-Flect « E27 Berlin », Steng Licht. Peintures, Little Greene.

GÉOMÉTRIES VARIABLES

PAGE DE GAUCHE Dans la cuisine, au-dessus de l’îlot central, modèle « Solida », en aluminium et bakélite, plan de travail en hydroxyde d’aluminium, Artificio, suspension « Skygarden » de Marcel Wanders, Flos. Chaises noires, chinées. Au fond, à gauche, une pièce Sans titre de Mathieu Mercier, dans la niche, Robert Henri old modeland her daughter d’Erró, à côté de la fenêtre, tableau noir de Jacin Giordano et sur la droite, Point de vue de Denis Castellas.

PAGE DE DROITE Au fond, I love You Longtail de Blair Thurman, acrylique sur toile et bois, table « Déstabilisation », collection ABV, de François et Frédéric Morellet, Tecno, et chaises chinées. Devant la fenêtre, série de cactus et photographie d’Ugo La Pietra, suspension « Flying Flames » d’Ingo Maurer. Tapis, Missoni.

1. 2.

GRAND FORMAT

PAGE DE GAUCHE Sculpture Crossing #6 de Tarik Kiswanson, en métal, tableau Forget my heart de Romain Bernini et sculpture de Renzo Piano par Xavier Veilhan.

PAGE DE DROITE 1. Au premier plan, tableau Oraison d’Axel Pahlavi. Sur l’étagère du couloir, Méandre en dix étapes, suite de tableaux deVera Molnar, et sur le mur au-dessus du passage, Selfmade, sculpture de mains et barbelé, de Mariana Vassileva. 2. Colette Tornier, collectionneuse et créatrice de la résidence d’artistes Saint-Ange, réalisée par l’architecte Odile Decq, à Seyssins, près de Grenoble. Il fallait beaucoup d’écoute et une belle complicité pour comprendre et traduire la passion débordante de Colette Tornier. Les architectes Aurélie Beriot et Miguel Bernardini avaient l’avantage du lien familial, une longueur d’avance pour naviguer en terrain connu dans cette rénovation singulière au service de l’art contemporain. Figure dans le genre, depuis quinze ans Colette Tornier collectionne par instinct. Elle s’entoure de toiles, de sculptures, de photos et de pièces uniques de design. La création est sa maison et lui apporte ce souffle de vitalité à la hauteur de son appétit de vie. L’histoire a commencé devant une œuvre de l’artiste espagnol Juan Ripollés. Les foires, les galeries, puis sa rencontre avec Isabelle Bourgeois, agent de créateurs et elle-même collectionneuse, aiguisent et accompagnent son regard. Son approche d’aujourd’hui reste celle des débuts. Libre et loin des marchés spéculatifs, Colette a choisi l’univers de l’art pour l’énergie, le partage et la force des échanges qui en émane. Vivre entourée de ses cent-vingt œuvres est une compagnie lumineuse qu’elle cultive avec sincérité. Un élan qu’elle incarne avec la fondation de la résidence d’artistes Saint-Ange fondée à Seyssins, près de Grenoble. Pendant trois mois, le belvédère de bois, monolithe noir, pensé par l’architecte Odile Decq, abrite deux artistes présentés ensuite à l’école des BeauxArts de Grenoble et au sein d’expositions collectives comme celle qu’elle organisait en 2020 au 24Beaubourg à Paris. L’architecture est aussi à son programme. Un territoire d’expression privilégié qu’elle fait vivre partout où elle peut. Dans son appartement le style haussmannien s’est ajusté à sa vision. Le tandem Aurélie Beriot et Miguel Bernardini a peaufiné cette immersion dans la modernité en travaillant la fluidité des volumes. Créer des lignes traversantes, grâce aux ouvertures et aux enfilades des couloirs, qui donnent de la perspective aux œuvres. Dans le séjour, deux immenses panneaux escamotables se fondent dans le mur, des doubles portes donnant sur la partie privée, se cachent dans des passages tapissés, de haut en bas, de bandes de feutre cousues et collées, formant un dessin de trame inspiré par la rayure chère au styliste Paul Smith. Traitées comme des sas sonores, ces arches feutrées, au sens propre comme au figuré, agissent comme des filtres acoustiques et des écrins qui répondent à l’art contemporain, enveloppant de silence le seuil des chambres. L’exercice d’un espace évolutif, en mouvement permanent, obéit au mode de vie de la propriétaire. Aux parois mobiles s’ajoute un lit suspendu installé sur un plateau décollé du sol. Plus loin, une chambre s’abrite dans une bulle derrière des cloisons réfléchissantes en miroir souple. Au-delà d’apparaître comme structurants, les gestes d’Aurélie Beriot et Miguel Bernardini se veulent des interventions manifestes. Ils marquent la volonté de gommer les limites entre l’architecture et l’art dans un dialogue continu. Une intention illustrée à son tour dans la salle à manger, avec la sculpture murale L’Onde de l’artiste Loris Cecchini qui montre combien l’art fait partie des murs.

JEU DE CADRES

PAGE DE GAUCHE Sur la commode, chinée, tête Pavé fils collés de Myung-Ok Han, et en vis-à-vis, sur l’étagère, suite de tableaux Méandre en dix étapes de Vera Molnar.

PAGE DE DROITE La chambre est équipée d’un lit installé sur un plateau décollé du sol, tête de lit en verre sablé sur cadre en chêne, réalisé par les architectes, Aurélie Beriot et Miguel Bernardini. Au-dessus, tableau noir Good night d’Eric Pougeau, à côté grand format Ti ville hester kan ikke fa meg til a bli d’Ida Ekblad. Sur le plafond, étoiles Drawing-Pin d’Olivier Millagou, et au premier plan sculpture Schiste de l’Oisans de François Weil. Sol, en béton ciré noir.

LES ADRESSES DE COLETTE TORNIER

Pour leur talent et la manière dont ils ont abordé l’architecture haussmannienne, les architectes d’intérieur Aurélie Beriot et Miguel Bernardini. Pour découvrir et acquérir des pièces d’art et de design de Nadia Candet, mises en scène dans un appartement historique, Private Choice. Pour ses peintures écoresponsables de qualité et ses couleurs uniques, Little Greene. Pour sa mise en valeur du design contemporain, Tools Galerie. Pour ses collections de meubles, de projets d’architectes et de designers des années 1950 à nos jours, la galerie Mercier & associés. Adresses page 192

BÉTON CIRÉ

PAGE DE GAUCHE La chambre d’amis est abritée derrière des cloisons mobiles réfléchissantes en miroir souple (revêtement TST Silviastar) montées sur une ossature acier et équipées de roulettes, dessinées par les architectes Aurélie Beriot et Miguel Bernardini, par Enrique Pujana. En face, Zode II d’Eva Nielsen, encre, huile et acrylique sur toile.

PAGE DE DROITE Les murs de la salle de bain et la douche à l’italienne, protégée par un simple store enrouleur, sont en béton ciré noir comme le sol des chambres voisines. Lavabo en hydroxyde d’aluminium, Cosmic. Tabouret « Bubu » noir de Philippe Starck pour XO Design.

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