Palazzi A Venezia Mars 2021

Phot valeriamelis

Anne Slacik James Daniel Bishop Space for Nature Agnès Baillon Delta NA Umain=Animal Que signifie etre humain? Ne demande pas L’avenir des espaces artistiques Plafond Santa Maria La Blanca In a slow manner Kubra Khademi Teresa Gargiulo Duchaufour Lawrance Rochus Lussi Pascal Aubier Roe Ethridge’s Sacrifice Your Body Histoire de la xylographie en Italie

PALAZZI A VENEZIA Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme régie par la Loi de1901 ISSN/Commission Paritaire : en cours Distribution postale/digitale aPrésident Directeur de la Publication Vittorio E. Pisu Projet Graphique Emmerick Door Maquette et Mise en Page L’Expérience du Futur Correspondance zoupix@gmail.com palazziavenezia@gmail.com https://www.facebook.com/ Palazzi-A-Venezia https://www.vimeo.com/ channels/palazziavenezia Trentedeuxème Année / numéro 03 /Mars 2021 Prix au numéro 5 euros Abonnement annuel 50 euros Abonnement de soutien 500 euros

Anne Slacik VENISE 2005 du 16 au 20 Mars 2021 de 14 à 18 heures ouverture

16 Mars 2021

Photo artension

à 14 h 30 Galerie Olivier Nouvellet 19 rue de Seine 75006 Paris Tél: +331 43 29 43 15

oliviernouvellet@gmail.com www.cercleoliviernouvellet.com/

a rèdaction de ce numéro de Palazzi A Venezia a été un peu laborieuse, parce que on est jamais à l’abri d’un incident technique.

Dans ce cas non seulement le hard disk externe mais aussi le computer lui même ont rendu l’âme, en ce temps de pandémie, même les machines veulent être de la partie.

Résultat je n’ai pas pu récupérer le travail déjà accomplis (y compris le supplément de Sardonia S’Arti Nostra) et j’ai du tout recommencer.

Mais voilà quelques pages, comme d’habitudes très éclectiques allant de la philosophie à la photographie, en passant par les retrouvailles de plafonds mauresques et des considérations sur l’avenir des espaces artistiques en ce moment où on a du inventer des système on line en utilisant les techniques disponibles et en imaginant d’autres solutions, sans oublier quand même quelques artistes qui nous tiennent à cœur et que vous avez l’habitude de voir sur ces pages.

Mais ne boudons pas notre plaisir puisque il parait que bientôt les confinements et autre couvre feux seront abolis et nous pourrions retrouver une vie si ce n’est tout à fait normale (quand elle l’a été en vrai) et surement différente.

L’année dernière à la même époque commencé le confinement qui, en nous cloitrant dans nos maisons, rendis l’espace aux animaux qui ne se privèrent pas de venir se promener par hardes entières dans les centres villes désertés par les humains ou nager dans les ports qui avait retrouvé de l’eau transparente pour venir consommer les mulots qui constituent leur repas, je parle ici des dauphins bien entendu.

Est ce que cette année de pandémie (d’ailleurs pas tout à fait terminée) nous auras appris à regarder différemment nos existences et à se poser la question de savoir si nous allons continuer à foncer dans le mur et détruire notre espèce ou si nous allons changer de braquet et revenir à des modes plus frugaux avec moins de consommations effréné et plus de convivialité et de partage ?

L’avenir nous le dira.

Pour l’instant je me sens un peu privilégié puisque j’écris ces lignes depuis la Sardaigne, désormais classée zone blanche (bien que certaines restrictions subsistent encore comme par exemple la fermeture des musées (sic)) ce qui signifie que le vaccin aidant peut être que toute l’Italie pourra retrouver un fonctionnement plus près de la normale.

Je souhaite à mes amis français mais aussi anglais et bien sur les habitant des États Unis d’Amérique (qui ne sont pas le seuls américains loin de là) qui me lisent de retrouver la nonchalance et l’espoir d’un futur plus facilement prévisible et organisable. V.E. Pisu PALAZZI 2 VENEZIA

Photo galerie David Zwirner/D.R.

JAMES BISHOP ames Daniel Bishop (né en 1927) est un peintre américain.

Bishop est né à Neosho, dans le Missouri.

Enfant unique d’Otto McMaster Bishop et de Faye Lenora Robinson Bishop, l’artiste vivait avec sa famille au 327 South Washington Street au moment de sa sortie du lycée Neosho en 1945.

La même année, il entre à l’université de Syracuse, à Syracuse, New York et obtient plus tard sa licence en journalisme.

L’éducation artistique formelle de Bishop a commencé en 1950, lorsqu’il est entré à l’université de Washington à St Louis, où il a étudié l’art pendant trois ans.

Après son travail à l’université de Washington, Bishop a étudié à l’école d’été d’art Yale-Norfolk à Norfolk, dans le Connecticut.

Il a également passé un an au Columbia College à NewYork.

Bishop s’installe en France en 1957 et réalise sa première exposition personnelle à la Galerie Lucien Durand à Paris en novembre 1963.

Il ne retourne pas aux États-Unis pendant neuf ans pour bénéficier d’une bourse Guggenheim.

En 2007-2008, Bishop a organisé une exposition d’œuvres sur papier au musée Josef Albers de Bottrop, en Allemagne.

Dans son numéro d’octobre 2008, Art in America a publié “Painting by Other Means” de Joe Fyfe, une importante revue du travail de Bishop.

Ill travaillais à Blévy, près de Maillebois, en France.

Il est décédé le 16 février à l’âge de 93 ans, à Dreux

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(Eure-et-Loir), près de Blévy où il vivait.

Sa première exposition personnelle a lieu à la galerie Lucien Durand à Paris en novembre 1963.

Il expose ensuite ses toiles et œuvres sur papier caractérisées par un traitement stylisé de la ligne et une obsession pour les formes géométriques, dans les plus grandes institutions internationales dont le Josef Albers Museum à Bottrop (Allemagne), la Galerie nationale du Jeu de Paume. la Fischbach Gallery, New York, la Kunstmuseum Winterthur, la Staatliche Graphische Sammlung, Munich, (Allemagne)et la galerie David Zwirner, New York.

Tout au long de sa carrière, Bishop a fait appel aux traditions européennes et américaines de l’abstraction d’après-guerre tout en développant un langage visuel subtil, poétique et très particulier qui lui est propre.

Alternant - et parfois entremêlant - peinture et dessin, les œuvres de Bishop explorent les ambiguïtés et les paradoxes de l’opacité et de la transparence des matériaux, de la planéité et de la spatialité, ainsi que de la tectonique linéaire et des formes peu composées.

Privilégiant les qualités nuancées et expressives de la couleur et de l’échelle, les œuvres lumineuses de Bishop ont été décrites par le poète et critique d’art américain John Ashbery (suit page 4)

Photo Gonca Gümüşayak

(suit de la page 3) comme étant “mi-architecture, mi-air” ¹.

Au début des années 1960, Bishop a développé le vocabulaire de la couleur et de la forme qui allait caractériser ses peintures sur toile pendant plus de vingt ans : une palette réduite mais riche, l’emploi de subtiles abstractions architectoniques, et un format carré de grande taille et constant qui renforce le sens de l’échelle et de l’espace du spectateur. Dans des œuvres telles que Early, 1967, et Untitled (Bank), 1974, Bishop juxtapose des champs contrastés de blanc et de couleur pour produire des compositions abstraites simples mais évocatrices.

Liées mais distinctes de ses œuvres sur toile, les peintures sur papier de Bishop conservent des palettes monochromes similaires, tout en différant par leur échelle intime et leur support parfois de forme irrégulière.

Se consacrant exclusivement à ce médium en 1986, Bishop a été motivé par l’idée que “l’écriture avec la main plutôt qu’avec le bras” pourrait lui permettre “de faire quelque chose... de plus personnel, subjectif et peutêtre original”.

Dans ces œuvres au rendu délicat, les traces de la main de Bishop conservent leur charge de résonance personnelle et émotionnelle, atteignant une grande échelle intérieure et une monumentalité contenue. wikipedia.org

SPACE FOR NATURE pace for Nature est une plate-forme artistique multidisciplinaire qui étudie l’interaction entre la nature et les hommes”.

Ce projet se veut être une expérience mondiale à long terme dans laquelle l’art, l’action et la vie se fondent pour réfléchir à la manière dont l’humanité approche la nature.

En raison de la philosophie néfaste selon laquelle l’homme domine la nature, la destruction accumulée sur la planète est arrivée à un point de rupture.

La cupidité humaine menace la Terre et les moyens de subsistance de ses habitants, humains et non humains.

Cette destruction prend non seulement la forme de manifestations physiques du réchauffement climatique, de la perte d’habitat, ainsi que d’une production de masse gaspilleuse et polluante, mais elle crée également des déchirures dans notre tissu social collectif, entraînant des guerres, des migrations forcées et des crises économiques. À mesure que le tissu social se déchire, il se déchire de manière inégale et affecte ceux qui sont déjà marginalisés socialement, politiquement et économiquement. Nous cherchons à centrer et à renforcer les philosophies actuelles qui sont durables et respectueuses de la nature.

Il est urgent que nous nous réunissions et que nous réfléchissions de manière créative à la manière de réimaginer notre relation avec la nature.

En tant qu’artistes de Space for Nature, nous faisons de l’art pour sensibiliser et agir en faveur de la justice

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Photo robinwallkimerer

environnementale mondiale.

Nous pensons que l’art et la vie sont liés : nous nous interrogeons, nous répondons, nous réfléchissons et nous agissons.

Space for Nature est une initiative collective d’artistes qui constitue une plateforme inclusive, multidisciplinaire, innovante et interactive.

En utilisant des formes d’art contemporain, nous critiquons la relation entre l’homme et la nature.

Ce processus nous permet de nous observer nous-mêmes et, ce faisant, de remettre en question notre relation individuelle avec la nature.

Nous encourageons les individus à participer à ce processus et à réaliser leur propre potentiel créatif, et comment l’accès à la créativité leur permet à l’agence de réimaginer une meilleure relation avec la Nature.

Nous visons à travailler en collaboration avec des institutions locales et mondiales, des ONG, des associations, des communautés, des artistes indépendants et des membres intéressés de la société, et à nous étendre au-delà de notre collectif au moyen de notre plate-forme artistique accessible, www.spacefornature. org, avec des œuvres d’art et des activités inclusives.

Nous concevons nos activités, ateliers, conférences et événements artistiques en mettant l’accent sur l’inclusion.

Nous visons à atteindre les membres de la société qui sont traditionnellement exclus de l’expérience et de la participation aux différentes plateformes artistiques, et les membres qui se définissent comme défavorisés, PALAZZI 5 VENEZIA

handicapés, âgés ou jeunes.

Space for Nature est une plateforme artistique pour tous.

Deux parties du processus: Numérique et physique Le projet est conçu en deux phases : 1. Numérique (plate-forme d’arts visuels en ligne et activités en ligne) et 2.

Physique (Performance art, ateliers) Dans la phase numérique, nous tenons un espace pour la création artistique sur le thème de l’interaction entre la nature et l’homme.

Avec nos appels ouverts, nous invitons les personnes à participer à ce processus en soumettant leurs œuvres d’art sur notre site web.

Les soumissions peuvent être sous n’importe quelle forme d’art.

Nous intégrerons ces soumissions dans une exposition virtuelle hébergée sur notre site web.

Un autre aspect de cette phase consiste à proposer des ateliers, des séminaires et des programmes de formation en ligne.

Nous cherchons à cultiver nos propres idées sur la nature et à offrir un service de proximité.

Dans la phase physique, nous visons à créer d’autres productions artistiques, y compris une sélection des soumissions de la phase numérique.

Nous prévoyons d’étendre les résultats de la phase numérique et ses effets (suit page 6)

Photo galeriefelli

(suit de la page 5) à la phase physique avec des productions artistiques inclusives et multidisciplinaires telles que la danse dans la nature, des productions (hors scène) spécifiques à un site, des productions de danse-théâtre (sur scène), des expositions et des publications en soutenant le processus par une résidence artistique.

Enfin, nous espérons et croyons que cette expérience collective contribuera à un changement durable.

Le changement par le biais d’une croissance artistique, d’un sentiment d’appartenance sociale, d’une vie durable et d’une réimagination de notre relation à la nature.

Nous pensons que chaque action qui ouvre un espace pour la Nature dans la vie des gens est importante.

Nous pensons que cette expérience collective aura un impact continu sur la vie artistique et sociale et contribuera à un changement bien.

Nous vous invitons à être conscient, à agir pour la nature !

Exprimez-vous et faites de l’art pour la nature !

Venez nous rejoindre !

@spacefornature.dogaicinalanespacioparalanaturaleza · Art https://www.instagram. com/space.for.nature/ spacefornature.org/ https://www.youtube. com/channel/

gnès BAILLON est née en 1963 dans l’Aisne, elle vit et travaille actuellement à Paris.

Son enfance se déroule sur le causse du Larzac où elle est mise en contact avec le militantisme des années 1970.

Elle associe souvent un sens inné de la rébellion à l’humour subtil qu’elle traduit parfois dans ses œuvres telles que la Marianne tirant une langue « bleu, blanc, rouge ». Elle s’installe à Paris en 1982. Inscrite aux Beaux-Arts, elle obtient son diplôme en 1989 dans l’atelier de peinture de Leonardo Cremonini.

C’est dans le cadre de ses études qu’elle commence la sculpture presque « par hasard » et pour se libérer du poids de la peinture : « À l’approche du diplôme, j’ai commencé à faire des « petits bonhommes » broches.

Skira [assistant de L.C.], a vu ce travail et a trouvé ça très drôle.

Il voyait aussi que je m’amusais et que je prenais beaucoup de plaisir à les fabriquer « en douce », que j’étais libre dans ce registre. » Ses premières expositions associaient peintures et sculptures.

Les corps étaient peints (très souvent des baigneurs), tandis que les têtes étaient sculptées et présentées sur des socles. À partir de 1990, elle se consacre exclusivement à la sculpture (sculpture réalisée en résine, bronze et papier mâché).

Agnès Baillon a ainsi façonné un monde à son image, intime, sensible et silencieux.

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Photo galeriefelli

u cœur d’un passage tranquille du 10e arrondissement de Paris, l’atelier d’Agnès Baillon est un lieu baigné de lumière, le havre paisible de plusieurs dizaines de figures sculptées, de tailles et matières variées.

Sentinelles silencieuses et bienveillantes, perdues dans leurs pensées ou accrochant délibérément le regard, elles se dressent comme autant de témoins tranquilles de vingt années de démarche créatrice. « Toute petite, je m’occupais déjà à faire des poupées.

J’avais une vie intérieure assez forte et, ayant deux parents artistes (Claude, poète du verre et du vitrail, et Elisabeth, magicienne entremêlant broderie, encre et pinceaux), j’étais naturellement encouragée dans cette voie-là. » De son enfance et adolescence passées dans le Larzac, Agnès Baillon garde un souvenir de grande solitude « nous habitions une vaste et vieille bâtisse isolée » et de force positive, emmagasinée aux côtés d’un entourage engagé pendant dix ans dans une lutte non violente contre l’extension du camp militaire voisin. « Cela m’a marquée, car c’était un symbole, le centre de toutes les luttes : étaient réunis les antinucléaires, les non-violents, les féministes – ma mère était très féministe.

Dix ans de lutte acharnée mais pacifiste ont fini par payer. Du coup, ça m’a donné une vision positive de la vie, qui me semble essentielle dans ma création et dans mes personnages. » En témoigne toute la douceur et la tendresse percep-

AGNES BAILLON

In the box ouverture de l’exposition en présence de l’artiste

Samedi 6 Mars 2021 de 11 à 18 heures Dimanche 7 Mars 2021 de 14 h à 18 h du 6 Mars au 6 Avril 21

Galerie FELLI

127 rue Vielle du Temple du mardi au samedi Tél.:+33(0)142 788 127 https://galeriefelli.com/

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tibles dans son modelage, dans les traits et le regard de ces visages, dans la délicate translucidité des corps.

Tout est ici affaire de nuances, de blanc comme de gris, et de subtiles superpositions.

Car la peinture est pour elle aussi fondamentale que la sculpture.

Peintre diplômée des Beaux-Arts de Paris en 1989, elle avait pour professeur Leonardo Cremonini, « une personnalité très forte, l’idée étant alors de me libérer de l’influence de mes parents. Mais, même si j’ai appris beaucoup de choses chez lui, notamment la rigueur et l’importance du travail sur le visible pour trouver son imaginaire, je n’avais pas envie de faire du “sous-Cremonini”… J’essayais de trouver quelque chose de personnel ».

Un souhait qui finira par se réaliser à travers un thème inépuisable, celui du corps, et une discipline, la sculpture, mais sans pour autant renoncer à l’art pictural, au contraire, puisque ses œuvres sont toutes peintes. « La couleur dans les sculptures, la matière du corps et les transparences sont très importantes pour moi. » Curieuse et avide de nouveauté, elle a travaillé diverses matières, s’attachant à certaines plus qu’à d’autres : il y a eu la résine, le bronze, la cire, la terre ou la faïence. (suit page 8)

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(suit de la page 7) « J’ai besoin d’une matière vivante, mais qui puisse aussi traverser le temps, permettre aux personnages de nous survivre malgré leur fragilité… J’aime bien essayer un peu tout.

Une nouvelle matière, c’est passionnant, chacune a ses avantages, mais il faut du temps avant de ressentir une réelle satisfaction. » Cela fait un peu plus d’un an qu’elle a commencé d’apprivoiser le papier mâché. « J’apprécie de le manipuler, car c’est du modelage, ma principale manière de travailler, et qu’une fois que cela a durci, si je ne suis pas satisfaite, je peux recouper au cutter. » Vient ensuite l’application de la peinture, d’une patine qui sera frottée pour évoquer «comme une altération, émouvante, causée par le temps…

Pour qu’on voie que le personnage a vécu ».

Longtemps, Agnès Baillon est restée modeste quant à la taille accordée à ses sculptures.

«Cremonini disait toujours que faire plus grand que grandeur nature c’était de l’art monumental et que cela impliquait l’absence d’intimité.

Or, moi je fais quelque chose d’intime…

Je pensais donc qu’il fallait rester dans des dimensions modestes. » Jusqu’au jour où elle

a « une révélation », à l’occasion d’une exposition du sculpteur australien Ron Mueck (Organisée par la Fondation Cartier en 2006 à Paris). « Le vertige que j’ai ressenti en présence de ses sculptures, si proches de nous et tellement imposantes, m’a convaincue que l’on pouvait trouver de l’intime dans ce qui est plus grand que grandeur nature. » C’est avec le papier mâché qu’elle entreprend de façonner des pièces de larges dimensions.

L’une d’entre elles, de près de deux mètres de haut, est présentée à l’occasion de son exposition parisienne à la galerie Felli.

L’artiste aime aussi, cependant, ne travailler que le visage : « J’aime faire les têtes seules. Il ne s’agit pas d’un quelconque attrait pour les têtes coupées mais plutôt de quelque chose qui se rapproche de la notion de cadrage photographique.

Quand je fais un groupe, les personnages sont également plus ou moins grands comme s’ils étaient cadrés différemment. » Images et photographies sont d’ailleurs parmi ses principales sources d’inspiration, largement liée à son insatiable observation du monde, dont elle fait de ses personnages les rapporteurs privilégiés.

A la fois unis et uniques, ils « sont tous des êtres différents », chacun portant haut les couleurs de son individualité, si perceptible à travers le regard, souvent gris-bleu, qui les caractérise. « Le regard, c’est ce que je vais poser en premier, car s’il n’y avait pas de regard, il n’y aurait pas cette PALAZZI 8 VENEZIA

présence, essentielle dans mon travail. » Parallèlement, ils n’ont pas d’âge et leur sexe n’a aucune importance.

Libérés au maximum de tout attribut anecdotique, ils sont pourtant incroyablement là, parmi nous, perturbant, interrogeant et, bien souvent, nous renvoyant à notre propre singularité.

Fascinée par l’interaction qui semble inéluctablement lier ses sculptures à leur public, l’artiste aime se tenir à l’écoute des sentiments des uns et des autres. « C’est très impressionnant de constater combien les gens se projettent, touchant de voir comme ils se livrent et parlent d’eux-mêmes. » Tel est le pouvoir des œuvres d’Agnès Baillon, qui plongent leur regard au plus profond de l’autre, de nous-même.

Samantha Deman mars 2011 (A l’occasione de la première expo à la Galerie Felli.)

Ses oeuvres ont été présentées à Paris depuis la fin des années 1990 par la Galerie Marie Vitoux, puis Lefor-Openo, enfin la galerie Felli et en province (Lyon,Poitiers, Limoges) mais également à l’étranger (USA, Allemagne, Grèce.)

Son travail est représenté dans des collections privées comme la collection Treguer, la Fondation Frissiras d’Athènes (Grèce) et le Wurth Museum (Allemagne).

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es artistes italiens Delta N.A. ont été invités à participer à l’exposition internationale organisée par Space for Nature, une plateforme qui utilise ses canaux physiques et médiatiques pour sensibiliser à l’importance et à la beauté de la nature qui nous entoure.

Les artistes de l’exposition viennent du monde entier et ont été sélectionnés sur la base de leur talent artistique et de leur implication par l’expression artistique dans les questions environnementales, avec un accent sur la relation entre l’homme et l’environnement.

“La philosophie néfaste des êtres humains de dominer la nature, a conduit à une destruction croissante de notre environnement, atteignant un point de rupture.

La cupidité humaine menace la Terre et les moyens de subsistance de ses habitants, humains et non humains.

Cette destruction prend forme non seulement dans les manifestations physiques du réchauffement climatique, de la perte d’habitat (suit page 10)

Photo deltaNA

(suit de la page 9) et d’une production de masse gaspilleuse et polluante, mais elle crée également des déchirures dans notre tissu social collectif qui conduisent à des guerres, des migrations forcées et des crises économiques.

Le tissu social se déchire de manière inégale et affecte ceux qui sont déjà socialement, politiquement et économiquement marginalisés.

Space for Nature cherche à centrer et à élever les philosophies actuelles qui sont durables et respectueuses de la nature” (Extrait du manifeste de la plateforme) Le point central de la philosophie promue par “Space for Nature” est la re-description de la relation entre l’humanité et la nature et ses habitants, afin de créer une interaction basée sur de nouvelles hypothèses, qui n’incluent pas nécessairement la domination humaine.

C’est la question que la plateforme a posée au monde de l’art : une nouvelle façon d’interagir avec notre planète est-elle possible ?

Des artistes du monde

SPACE FOR NATURE @spacefornature.dogaicinalanespacioparalanaturaleza https://www.instagram.com/space.for. nature/ spacefornature.org/ https://www.youtube.com/channel/ voir la vidéo https://youtu.be/ mdbd2jG42aM

DELTA NA

entier ont réagi en réalisant des œuvres de toutes sortes, peintures, sculptures, installations dans des lieux naturels enchanteurs ou performances vidéo.

Parmi ces propositions, les conservateurs du projet ont sélectionné les plus talentueuses et les plus touchantes pour les inclure dans une exposition pour l’instant virtuelle, compte tenu des difficultés liées à la pandémie.

Space for nature travaille en collaboration avec des institutions locales et mondiales, des ONG, des associations, des communautés, des artistes indépendants et des membres intéressés de la société afin de diffuser le message par le biais d’une plateforme artistique accessible, présentant des œuvres d’art et des activités inclusives telles que des ateliers, des conférences et des événements artistiques.

L’objectif est d’atteindre les membres de la société qui sont traditionnellement exclus de l’expérience et de la participation aux différentes plateformes artistiques, et les membres qui se définissent comme défavorisés, handicapés, âgés ou jeunes.

Space for Nature est une plateforme artistique pour tous.

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Photo deltaNA

Les artistes du delta N.A., qui ont toujours été sensibles aux questions environnementales, participeront avec l’œuvre “Sogno nel Bosco” (Rêve dans les bois), une huile sur toile créée pendant la fermeture de la ville ; tandis qu’Asti, la ville où ils vivent, a été complètement vidée et plongée dans un silence étouffant, les artistes ont été particulièrement captivés par l’éveil de la nature, dans un paysage absolument surréaliste où il était possible de voir des animaux sauvages traverser les rues désertes, libérés du spectre omniprésent de l’homme.

Cette atmosphère a influencé l’œuvre “Sogno nel Bosco” (Rêve dans les bois), déjà protagoniste du projet vidéo “Covid-19 Artists stories” à la Fondation BBAX de Los Angeles en collaboration avec le Musée LaNeomudejar de Madrid.

L’œuvre décrit la relation intense et profonde entre l’homme et la nature, en représentant des arbres qui deviennent des hommes et des hommes qui deviennent des arbres, dans un parallèle où les sentiments humains se manifestent à travers des formes naturelles, tandis qu’au premier plan a lieu l’immense paix que la nature est capable de donner à l’homme, représenté par une figure de rêve.

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A côté de Delta N.A. Alessandra Breviario et les artistes internationales Aline Part, Ana Béjar, Antonia Blanco, Arden Oluk, Aslı Tinç, Betina Fidel, BIOS Team- Alina Tofan, Georgiana Vlahbei, Alexandru Claudiu Maxim, Teo Radulescu, Charo Corrales, Emily Puetter, Emir Furkan Tekkalmaz, Eren Erkan, A tres voces- Mónica Gómez Vesga, Cristian Gómez Bermúdez, Esther Pardo Herrero, Funda Sisci, Gonca Göde, Hülya Karaçalı Annepçioglu, Imanol Marrodán, Inma Flor (Mujer Corteza), Ita Raskin, Janire Etxabe, Jarek Lustych, Javier Seco, Johanna Speidel ,June Calsor, Kardo Kosta, Kübra Sert, Lisa Lotte Giebel, Marco Mosquera, Belén Robeda, María José Mayanquer, Mariela Beker, Melike Nur Mucuk, Melisa Schmitz, Mingyi Chou, Nadia Gativa, Nujen Ataç, Pilar Blanco Pérez-Longares, Rabia Basa, Rafael Romero, Sara Mastral, Selin Göksel, Serap Kökten, Sevval Konyalı, Tamara Ablameiko, Tània Poberezhna, Ünsal Görücü, Xavier Sis, Yolanda Villa www.spacefornature.org Instagram Space.for.nature à partir du mois de mars.

Photo Tim Enthoven

i l’on parcourt les préfaces et les premiers paragraphes des ouvrages canoniques de la philosophie occidentale, on peut supposer que la question principale de la discipline est la suivante : Qu’est-ce qui fait de nous des humains tellement mieux que tous les autres animaux ?

Vraiment, il est étonnant de voir à quel point ce thème est implacable dans toute l’histoire de la philosophie.

La séparation de l’homme et la supériorité de l’homme par rapport aux membres d’autres espèces est un bon candidat pour l’idée à l’origine de la pensée occidentale.

Et un bon candidat pour le pire.

Le grand philosophe, avant de s’attaquer aux profondes questions éthiques et métaphysiques, fera une pause pour la déclaration conventionnelle, qui ouvre la voie : “Je ne suis certainement pas un écureuil.”

C’est évidemment quelque chose qui doit être continuellement souligné.

La rationalité et la maîtrise de soi, comme le soulignent sans cesse les philosophes, confèrent aux humains une valeur qui fait défaut aux écureuils (restons-en à cette espèce pour l’instant), un statut moral qui nous est propre.

Nous sommes conscients, et les écureuils, prétend-

UMAN=ANIMAL ument, ne le sont pas ; nous sommes rationnels, et les écureuils ne le sont pas ; nous sommes libres, et les écureuils ne le sont pas.

Nous pouvons nous féliciter de la menace évitée.

Mais si nous croyions vraiment que nous étions bien meilleurs que les écureuils, pourquoi avons-nous passé des milliers d’années à en arriver là ?

C’est presque comme si l’existence des animaux, et leurs diverses ressemblances avec les humains, constituaient des insultes.

Comme un écureuil, j’ai des yeux et des oreilles, je me précipite sur le sol et je grimpe de temps en temps à un arbre.

(L’un de nous le fait mieux que l’autre.)

Nos qualités communes - le fait que nous soyons tous deux poilus ou que nous ayons des yeux ou que nous fassions caca, par exemple - sont déconcertantes si je suis un être immortel créé à l’image de Dieu et l’écureuil juste un organisme physique, un faisceau d’instincts.

Une chose difficile à affronter à propos de notre animalité est qu’elle implique notre mort ; être un animal est associé dans toute la philosophie à la mort sans but, et donc à la vie sans sens.

C’est la rationalité qui nous donne la dignité, qui nous permet de revendiquer un respect moral qu’aucun animal ne peut mériter.

“La loi morale me révèle une vie indépendante de l’animalité”, écrit Emmanuel Kant dans “Critique de la raison pratique”.

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Photo melissagolden

Dans cette affirmation, au moins, la tradition intellectuelle occidentale a été remarquablement cohérente.

Le lien entre de telles idées et la façon dont nous traitons les animaux - par exemple, dans notre chaîne alimentaire - est trop évident pour qu’il soit nécessaire de le répéter.

Et la dévaluation des animaux et notre déconnexion d’avec eux reflètent une dévaluation plus profonde de l’univers matériel en général.

Dans cet ordre d’idées, nous ne devons rien à la nature ; elle doit tout nous céder.

C’est l’idéologie de l’annihilation des espèces et de la destruction de l’environnement, et aussi du développement technologique.

D’autres problèmes se posent lorsque les distinctions entre les hommes et les animaux sont ensuite utilisées pour établir des distinctions entre les êtres humains.

Certains humains, selon cette ligne de pensée, sont conscients de leur propre valeur, rationnels et libres, et d’autres sont mus par des désirs bestiaux.

Certains d’entre nous transcendent leur environnement : La raison seule nous pousse à l’action.

Mais certains d’entre nous sont poussés par des circonstances physiques, par leur corps.

Bref, certains d’entre nous sont des animaux - et certains d’entre nous sont meilleurs que cela.

Il s’avère que c’est là une justification utile du colonialisme, de l’esclavage et du racisme.

Crispin Sartwell www.nytimes.com/2021/02/23/opinion/humans-animals-philosophy.html PALAZZI 13VENEZIA

u fil du temps, l’idée d’”être humain” a sûrement signifié - et continuera de signifier - beaucoup de choses.

Il n’y a et n’a jamais eu qu’une seule réponse.

Mais aujourd’hui, elle devrait sûrement impliquer la capacité à reconnaître que la question elle-même est un problème.

Nous, les humains, sommes très centrés sur nous-mêmes.

Nous avons tendance à penser qu’être humain est en quelque sorte très spécial et important, et c’est pourquoi nous posons des questions à ce sujet, au lieu de nous demander ce que signifie être un éléphant, un porc ou un oiseau.

Cet échec de la curiosité fait partie d’un grand problème éthique.

La question “Qu’est-ce qu’être humain ?” n’est pas seulement narcissique, elle implique une stupidité coupable.

C’est un peu comme si l’on demandait : “Qu’est-ce que c’est que d’être blanc ?

Elle évoque des privilèges non gagnés qui ont été utilisés pour dominer et exploiter.

Mais nous ne le reconnaissons généralement pas parce que notre narcissisme est si complet.

Nous partageons une planète avec des milliards d’autres êtres sensibles, et ils ont tous leur propre façon (suit page 14)

Photo melissagolden

QUE SIGNIFIE ETRE HUMAN? NE DEMANDE PAS

(suit de la page 13) complexe d’être, quels qu’ils soient.

Tous nos congénères animaux, comme l’a observé Aristote il y a longtemps, essaient de rester en vie et de se reproduire davantage de leur espèce.

Ils perçoivent tous.

Ils désirent tous.

Et la plupart se déplacent d’un endroit à l’autre pour obtenir ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin.

Aristote a proposé que nous nous efforcions de trouver une explication commune à la façon dont les animaux, y compris les animaux humains, perçoivent, désirent et se déplacent.

Nous connaissons Aristote comme un philosophe, mais il était aussi un grand biologiste qui étudiait les crustacés et autres créatures, petites et grandes.

Il encourageait ses étudiants à ne pas se détourner de l’étude des animaux qui ne semblent pas glamour, car il y a quelque chose de merveilleux en chacun d’eux, notamment le fait qu’ils s’efforcent tous de continuer à vivre.

Ce sentiment d’émerveillement, qui devrait nous conduire à une préoccupation éthique plus complète, est une partie profonde de notre humanité.

Mais l’émerveillement est en déclin, et nous, les humains, dominons tellement le globe que nous avons rarement le senti-

ment de devoir vivre avec d’autres animaux sur une base de réciprocité.

Les animaux domestiqués occupent une sphère privilégiée, mais même eux sont souvent traités avec cruauté (pensez aux usines à chiots ou aux chats sauvages abandonnés).

L’élevage industriel de porcs, de poulets et d’autres animaux est une forme relativement nouvelle de brutalité hideuse.

Quant aux créatures “sauvages”, nous pouvons constater que nos crimes humains ont un effet dévastateur sur elles : les dommages causés par la recherche en laboratoire utilisant des animaux ; les nombreux préjudices endémiques liés au confinement des singes et des éléphants dans les zoos ; l’épuisement des stocks de baleines par le harponnage ; le confinement des orques et des dauphins dans les parcs marins à thème ; le braconnage des éléphants et des rhinocéros au profit du marché noir international ; le trafic illicite d’éléphants africains vers les zoos américains ; la dévastation de l’habitat de nombreux grands mammifères résultant du changement climatique.

On estime aujourd’hui que l’activité humaine a contribué à l’extinction de plus de 80 espèces de mammifères.

De nouvelles questions surgissent constamment.

Le monde a besoin d’une révolution éthique, d’un mouvement de sensibilisation de dimension véritablement internationale.

Mais cette révolution est entravée par le nombrilisme

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Photo melissagolden

qui consiste généralement à se demander : “Qu’est-ce que l’humanité ? Ravivons et étendons notre sens de l’émerveillement en posant plutôt cette question : “Qu’est-ce qu’une baleine ?”

Ensuite, allons observer les baleines du mieux que nous pouvons, et lisons les recherches passionnantes de scientifiques tels que Hal Whitehead et Luke Rendell.

Posons des questions sur les éléphants (ma propre espèce la plus aimée), et si nous ne pouvons pas aller en safari, regardons des films d’éléphants vivant simplement leur vie, faisant preuve de dévotion communautaire, de compassion, de chagrin et d’une foule d’autres attitudes complexes que nous, les humains, avons tendance à croire qu’elles nous appartiennent à nous seuls.

Et faisons un travail beaucoup plus philosophique et juridique sur les approches théoriques de la protection des autres animaux et du développement d’une plus grande réciprocité avec eux.

Nous avons recueilli tant d’informations scientifiques sur les complexités de la vie animale.

Mettons-les à profit sur le plan philosophique.

Will Kymlicka et Sue Donaldson ont déjà fait un travail formidable sur la réciprocité et la communauté avec les animaux domestiqués, mais il reste encore beaucoup à faire.

Dans le monde de la politique influencée par la philosophie, l’approche générale la plus significative des droits des animaux jusqu’à présent a été celle de

l’utilitariste britannique Jeremy Bentham, courageusement et habilement développée par le philosophe Peter Singer.

Cette approche continue à avoir une grande importance car elle se concentre sur la souffrance des animaux.

Si nous arrêtions simplement d’infliger une douleur gratuite aux animaux, ce serait un grand pas en avant.

Nous savons maintenant que les animaux ont besoin de beaucoup de choses qui ne leur causent pas toujours de la souffrance lorsqu’ils sont absents : la possibilité de s’associer à d’autres animaux de leur espèce dans des groupes normaux, la possibilité de chanter ou de jouer de la trompette dans les conditions qui leur sont propres, la possibilité de se re-

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produire ; la possibilité de se déplacer librement dans l’espace libre ; la possibilité de poursuivre sa curiosité et de faire de nouvelles découvertes.

Nous avons donc aussi besoin, je crois, d’une approche qui se concentre sur une pluralité de “capacités” distinctes, ou de libertés, dont chaque espèce a besoin pour vivre une vie épanouie.

Je suis en train d’écrire un livre qui utilisera mes travaux antérieurs sur l’”approche par les capacités” pour élaborer un nouveau cadre éthique destiné à guider la législation et la politique dans ce domaine.

Mais ma démarche n’est qu’une approche parmi d’autres, et elle sera et devrait être contestée par d’autres qui développent leurs propres modèles.

Les avocats qui travaillent pour le bien des animaux dans le cadre des lois nationales et internationales ont besoin d’approches théoriques solides, et les philosophes devraient les aider dans leur travail.

Et il y a tant de travail à faire.

Mettons donc de côté le narcissisme qui consiste à ne s’interroger que sur nous-mêmes.

Tâchons de parvenir à une époque où être humain signifie se préoccuper des autres espèces qui tentent d’habiter ce monde.

Martha C. Nussbaum est le professeur Ernst Freund de la faculté de droit de l’université de Chicago.

Photo 1854photojournal

lors que les festivals de photographie innovent et se restructurent, des questions concernant l’objectif et la fonctionnalité de la galerie ont été soulevées.

Avant la pandémie de Covid-19, de nombreux artistes et conservateurs commençaient à se lasser de la galerie.

C’est-à-dire, l’espace d’exposition standard vu dans la plupart des pays du monde ; les œuvres d’art étaient accrochées sur des murs blancs silencieux, normalement dans les zones chères des villes métropolitaines.

Les festivals de photographie, pour la plupart, exposent dans ces bâtiments.

En raison de la pandémie, ils ont été contraints de repenser à la manière dont ils vont continuer à le faire, et si c’est le cas.

Les fermetures, les restrictions de voyage, l’éloignement social et un manque soudain de fi-

The future of art spaces:

Where do exhibitions go from here?

L’avenir des espaces artistiques : Où vont les expositions à partir d’ici ?

nancement ont perturbé les galeries. Cela a créé un moment d’accalmie, forçant l’adaptation.

Alors que les galeries restent fermées ou à capacité restreinte, de nombreux festivals ont innové en dépit des situations actuelles.

Ces succès soulèvent une question : où allons-nous à partir de maintenant, et la galerie sera-t-elle à nouveau la même ?

“La pandémie nous a appris que le secteur culturel n’est peut-être pas aussi accessible que nous le pensions autrefois”.

Shoair Mavlian, directeur du festival Photoworks “Avant Covid-19, nous avions déjà commencé à rechercher et à interroger la pertinence du modèle traditionnel des festivals de photographie, qui a maintenant plus de 50 ans.

Plus précisément, nous avons demandé à qui s’adressent les festivals de photographie et à qui s’adresse le format traditionnel”, explique Shoair Mavlian, directeur du Photoworks Festival de Brighton.

Lorsqu’il est devenu évident que les voyages ne seraient pas possibles pour beaucoup, Mavlian et son équipe ont créé le Festival in a Box, une collection d’affiches, de textes et de tirages envoyés par la poste et reflétant les expositions qui auraient été présentées lors du festival physique, faisant ainsi entrer les expositions dans les foyers et les écoles.

En renversant le modèle et la hiérarchie traditionnels du conservateur/spectateur, Photoworks a attiré de nouveaux participants au festival.

“En éliminant l’espace traditionnel des galeries, nous avons pu réimaginer qui pouvait être notre public potentiel”, explique Mavlian.

“La pandémie nous a appris que le secteur culturel n’est peut-être pas aussi accessible que nous le pensions autrefois”, explique Mavlian.

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Photo piotr sell

“Elle nous a appris à tout remettre en question, et ce n’est pas parce que quelque chose a toujours été fait d’une manière spécifique que c’est la seule façon de le faire.

La pandémie a vraiment mis en lumière le nombre de personnes qui passent à travers les mailles du filet des programmes artistiques traditionnels, et le fait que nous pouvons tous faire beaucoup plus pour proposer de nouvelles façons de vivre les arts et la culture”.

Des appels au changement ont été entendus (et non entendus) depuis des décennies, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du monde de l’art.

“Festival in a Box” donne au public une expérience pratique de la photographie.

Au lieu de montrer des objets précieux encadrés derrière une vitre, le festival est fonctionnel et abordable”, explique Mavlian.

Le festival “Photoworks Festival in a Box” ne représente qu’une réponse au dilemme de Covid-19.

Grâce à l’utilisation de galeries physiques et d’expositions numériques, le prochain FORMAT Festival (12 mars - 11 avril 2021), l’événement biannuel de la photographie basé au Royaume-Uni, a doublé de taille. “Avec le festival en ligne, vous pouvez entrer dans ce monde, cet espace virtuel.

Tout le monde aura un avatar avec la possibilité de se parler”, explique Louise Fedotov-Clements, directrice du festival.

FORMAT a collaboré avec New Art City, une société de conception d’expositions numériques basée à Los PALAZZI 17 VENEZIA

Angeles, qui a été lancée pendant la pandémie. En travaillant avec des artistes, des galeries, des écoles et des festivals, New Art City facilite la création d’espaces de rencontre en ligne qui permettent de créer des environnements qui ne pourraient pas exister dans le monde réel.

Le festival en ligne FORMAT permet d’éviter l’un des plus grands problèmes rencontrés par les expositions physiques: le manque d’espace.

Grâce à une galerie virtuelle, le spectateur peut se promener à son propre rythme, en faisant défiler les salles aussi longtemps qu’il le souhaite.

“Un nombre illimité de personnes peuvent visiter.

Nous espérons que nos publics se rassembleront et que les artistes pourront être présents dans l’espace.

Nous y organiserons des événements tout au long de l’année”, explique M. Fedotov-Clements.

En ouvrant le festival au monde en ligne, des personnes qui n’y assisteraient pas habituellement peuvent maintenant le faire.

Entre-temps, à Kiev, le prix de photographie “Bird in Flight” a abordé des problèmes similaires avec des solutions complètement différentes.

Kiev est une ville truffée d’affiches et de publicités.

Lorsqu’une galerie intérieure (suit page 18)

Photo karolineschneider

(suit de la page 17) est devenue impossible, les co-commissaires Asja Zhetvina et Dmitry Kostyukov ont décidé d’utiliser la culture de l’image urbanisée de la ville, en exposant le festival dans les rues de Kiev.

Des images des affiches ont été diffusées en direct en ligne via la télévision en circuit fermé, ce qui a permis aux habitants de Kiev de s’intéresser à l’œuvre et à un public international.

Au cœur de tous ces festivals, l’accessibilité a été réalisée à un niveau rarement vu dans les galeries physiques.

Depuis le confort de votre maison, vous pouvez vous connecter au monde de l’art.

Pour ceux qui ne font pas partie du circuit des festivals, cet engagement permet une approche non invasive, non élitiste et non critique de l’art.

“Il y avait ce jeune de 16 ans, je lui ai demandé s’il irait dans une galerie normalement, et il m’a répondu que non, bien sûr, car elles sont toujours pleines de millénaires”. dit Kostyukov.

Une question importante à poser est : Quelle est la prochaine étape ?

Lorsque nous commencerons à imaginer un retour à la “normalité” dans les circuits des festivals artistiques, reviendrons-nous à ce qu’elle était autrefois ?

Les questions soulevées contre la galerie aux murs blancs sont antérieures à

Covid-19 depuis un certain temps.

Ce que la dernière année des festivals conscients de Covid a montré, c’est que les espaces non physiques ne sont pas seulement une réponse secondaire ou réactionnaire à un manque de galeries physiques, mais une forme de consommation artistique totalement différente.

“Il n’y a plus de frontière entre le online et le offline”, explique Kostyukov.

“Covid-19 a permis à ce terrain de jeu, à cet espace d’expérimenter”, disent Zhetvina et Kostyukov.

Toutes ces mesures alternatives, qu’il s’agisse de lieux en plein air, d’expositions en ligne ou de festivals envoyés par courrier, existent depuis des années.

Covid-19 ne les a pas inventées, mais a permis aux expériences de se dérouler.

Ce qui reste à voir, ce sont les leçons que nous en tirons et celles que nous laissons derrière nous.

Isaac Huxtable Une liste complète des événements du FORMAT Fesitval est disponible ici https://formatfestival.com/, avec des liens pour voir le festival Bird in Flight ici https://prize.birdinflight.com/.

Le festival Photoworks in a Box se trouve ici https://photoworks.org.uk/shop/photoworks-friend/ https://www.1854.photography/2021/02/where-dowe-go-from-here-the-gallery-space-under-and-aftercovid-19 PALAZZI 18 VENEZIA

Photo comunidadesemadrid

SANTA MARIA LA BLANCA oilà plus de 20 ans que ce bijou hispano-mauresque attendait de revoir le jour. Mercredi 19 février, Marta Rivera de la Cruz, conseillère municipale en charge de la Culture et du Tourisme, mettait officiellement fin à un chantier de restauration de 9 mois sur le plafond de l’église Santa María la Blanca, petite église paroissiale du quartier de Canillejas au nord-est de Madrid.

Réalisée au milieu du XVIe siècle au-dessus du chevet du sanctuaire, cette spectaculaire structure à caissons en bois était restée dissimulée depuis plusieurs centaines d’années sous un faux plafond couvert de stuc blanc* avant d’être redécouverte par hasard au début des années 2000.

Mais, faute de moyens, les travaux de mise au jour et

de restauration n’ont pu être entamés que l’année dernière après que la Ville de Madrid a finalement investi 375 000 euros dans le projet.

La couverture en bois, présentant un état de conservation exceptionnel, a été intégralement dégagée et consolidée, tandis qu’une ancienne ouverture laissant entrer la lumière du jour a été restituée.

L’intervention a également révélé la présence, à la base du plafond, d’une frise de décors à la chaux, ornée de motifs floraux et de boucliers franciscains.

L’église Sainte Maria La Blanca, datée pour ses parties les plus anciennes du milieu du XVe siècle, renoue ainsi avec son histoire, alors que Canillejas n’était qu’une ville étape sur l’ancienne route royale d’Aragon.

De l’avis de certains

spécialistes, sainte Thérèse d’Avila aurait d’ailleurs fait étape dans le sanctuaire.

Le couvrement en bois du chevet de l’église Sainte Maria La Blanca constitue aujourd’hui l’exemple le plus remarquable de menuiserie de style hispano-mauresque de Madrid, ce, tant du point de vue des techniques qu’il met en œuvre que de sa valeur artistique intrinsèque.

Il est aussi un précieux témoin de l’architecture religieuse rurale espagnole des XVe et XVIe siècle.

Les madriers en bois du plafond à caissons, sculptés en surface d’un motif d’écailles couvrant, forment en alternance des polygones et des étoiles.

Ce décor et cette technique sont caractéristiques de l’architecture mudéjar qui se développe dans la péninsule ibérique du XIIe au XVIe siècle en alliant les

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grands principes de l’art islamique et les différentes tendances européennes, en particulier le gothique. Cette architecture se caractérise par un usage extrêmement raffiné et inventif de la brique et des céramiques vernies mais également par la création de spectaculaires plafonds à caissons en bois sculptés et polychromes, pour les plus sophistiqués. Parmi les exemples le plus remarquables de ce type de décor, citons notamment le plafond de la salle du trône de l’Aljafería de Saragosse ou la Salle de Justice de l’Alcazar à Séville. Par sa simplicité, le plafond de Sainte Maria La Blanca évoque également celui de la Synagogue de la Transition de Tolède.

Classée Bien d’intérêt culturel par la Communauté de Madrid en novembre dernier, l’église Santa María la Blanca conserve encore d’autres secrets : un autre plafond en bois sculpté, bien que plus simple, situé au-dessus de la nef, est toujours dissimulé sous le stuc. *Le faux plafond a probablement été réalisé durant une épidémie de peste.

En cas de pandémie, de nombreux malades étaient rassemblés dans les églises.

En couvrant les bâtiments de chaux ou plâtre du sol au plafond, on pensait que l’infection ne pourrait pas se répandre.

Anne-Sophie Lesage-Münch www.connaissancedesarts.com/

voir la vidèo youtu.be/FtGx1t8gQT8

Photo Astrid Krogh

près un an et demi de travaux, la Maison du Danemark, sur les Champs-Élysées, a rouvert ses portes le 3 février 2021 dernier avec une ambitieuse exposition collective mettant l’art textile à l’honneur sous la direction de la commissaire danoise Henriette Noermark et réalisée en partenariat avec le fabricant textile Kvadrat, ainsi que Galerie Maria Wettergren, Last Resort Gallery et Nils Stærk L’alchimiste des couleurs Margrethe Odgaard, la peintre Tove Storch et la tapissière Grethe Sørensen comptent parmi les dix artistes qui, avec sensualité, couleurs et plaisir tactile marquent le coup d’envoi de la réouverture de la salle d’exposition de la Maison du Danemark.

L’exposition In a Slow Manner, dont le titre est une ode à l’essai de la tapissière Anni Albers Handweaving Today, de 1941, met en éveil les

IN A SLOW MANNER jusqu’au

28 mars 2021 12h-18h tous les jours sauf lundi

Entrée libre

Maison du Danemark 142 avenue des Champs-Élysées 75008 Paris Tél.: 01 56 59 17 40 mdd@maisondudanemark.dk

www.maisondudanemark.dk

sens du visiteur de façon expérimentale à travers la découverte d’œuvres textiles dont l’essence même tient à leur texture, à leur matière.

Des plasticiens et artistes danois, nouveaux ou reconnus, ainsi que deux Français participent à cette exposition d’art textile qui vise à présenter une fraction des meilleurs représentants de la scène actuelle.

Sculptures en deux et trois dimensions, tapisseries murales, créations son et lumière : les artistes occupent un vaste champ en termes de générations, d’intentions et d’expressions, comme l’installation en fibre optique et fil de papier d’Astrid Krogh (ci-dessus), les grandes œuvres en velours de Vibeke Rohland dans lesquelles la couleur s’exprime en quadrilatères, ou les délicates installations en soie de Tove Storch, qui traduisent physiquement des réflexions complexes sur la forme, le temps et l’espace.

L’artiste française Valérie Collart (qui vit au Danemark) nous invite à une rencontre des matériaux ; ses photographies et sculptures sensuelles de porcelaine confèrent au textile une gracieuse vulnérabilité.

Le Parisien Justin Morin présente How To Drape The Surface of Saturn, une œuvre emblématique de son travail sur la sculpture drapée à partir de panneaux de soie imprimés.

Diplômée depuis peu, Sofie Genz n’en est pas moins déjà rétive à tout compromis quant à la qualité des textiles qu’elle tisse et à sa palette de couleurs, laquelle exploite les potentiels des teintes des champs intermédiaires.

Anne Fabricius Møller et Ditte Hammerstrøm présentent des œuvres où l’essentiel réside dans le pliage et les nuances de couleurs, allant de rouleaux de tissu en cadres de plexiglas à une méridienne habillée de velours gris chatoyant.

Dans ses toiles systématiques, théoriques et poétiq-

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Photo Ditte Hammerstroem

IN A SLOW MANNER ues, l’artiste Josef Albers, du Bauhaus, travaillait sur trois types de couleur inspirés des cheveux : le roux, le blond et le brun.

C’est groupe de teintes que la créatrice Margrethe Odgaard utilise poétiquement.

Elle compare les couleurs à la crête des vagues comme Albers les comparait à des brins de paille : « Il y a autant de couleurs que de crêtes de vague ».

Dans le cadre de l’exposition In A Slow Manner, elle présente notamment son œuvre With Some Defined Measure, qui transforme les teintes souvent liées à des émotions en un langage rationnel catégorisable et se demande s’il ne serait pas temps de prendre les couleurs encore plus au sérieux.

Cette exposition unique marque également la réouverture de l’espace culturel de la Maison du Danemark.

La prestigieuse agence d’architecture danoise COBE a redessiné l’espace, tandis qu’une nouvelle identité visuelle a été créée avec l’agence Urgent Agency.

Une renaissance dévoilée aux premiers visiteurs en février 2021.

Artistes : Margrethe Odgaard, Tove Storch, Justin Morin, Astrid Krogh, Ditte Hammerstrøm, Grethe Sørensen, Vibeke Rohland, Anne Fabricius Møller, Sofie Genz, Valérie Collart Commissaire : Henriette Noermark.

Commissaire d’exposition et rédactrice indépendante basée à Copenhague, elle travaille de façon transdisciplinaire entre les domaines de l’art, du design et de l’artisanat.

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Henriette Noermark a organisé des expositions à Patrick Parrish Gallery et au Spring / Break Art Show à New York, au Chart Art Fair au Kunsthal Charlottenborg, avec Mark Kenley Domino Tan, chez A. Petersen Collection & Crafts, Les Gens Heureux à Copenhague et Heartland Festival.

En tant que rédactrice, elle a édité plusieurs publications et catalogues d’expositions et contribue à des magazines de design et d’art danois et internationaux.

Profondément ancré dans la tradition du design danois, le fabricant textile Kvadrat a été fondé au Danemark en 1968.

Kvadrat travaille en permanence pour repousser les limites esthétiques, technologiques et artistiques du textile à travers de nombreuses collaborations avec les meilleurs designers, architectes et artistes de la scène internationale.

L’exposition a reçu le soutien de la Commission d’aide à l’artisanat d’art et au design de la Danish Arts Foundation ainsi que des fondations Danmarks Nationalbanks Jubilæumsfond, Augustinus Fonden, Beckett-Fonden, Knud Højgaards Fond.

Cette exposition a bénéficié de la coopération et partenariat de Kvadrat, Galerie Maria Wettergren, Last Resort Galery et Nils Stærk.

Photo galerieericmouchet

i l’homme est un loup pour l’homme, il arrive aussi que la femme le voie comme un âne.

Telle est du moins la représentation métaphorique qu’on s’en fait dans la culture populaire afghane, entre sœurs, copines ou voisines, à l’abri des oreilles masculines indiscrètes.

L’image du bourricot revêtant en outre une forte connotation sexuelle dont la plasticienne, Kubra Khademi, s’empare lestement.

Ainsi, parmi ses gouaches sur papier aux aplats ocre qui détonnent actuellement dans une galerie de Saint-Germain-desPrés, découvre-t-on une femme allongée sur le dos, chevauchée par un équidé dont le pénis turgescent lui transperce le ventre et ressort par la bouche.

Ou un brelan non moins féminin branlant la même bestiole en train d’empaler l’odalisque au

KUBRA KHADEMI

From the Two Page Book jusqu’au

16 mars 2021 Galerie Eric Mouchet 45, rue Jacob 75006 Paris

Marguerite Courtel +33 (0)6.99.84.26.86 margueritecourtel@ ericmouchet.com www.ericmouchet.com

centre de la scène.

Tandis que dans Bagage de route #2, une créature callipyge invariablement nue et épilée, bivouaque en faisant cette fois cuire au feu de bois la bite toujours démesurément longue, mais sectionnée et pendante, du baudet.

«Je ne suis pas une théoricienne et, aux antipodes de toute approche conceptuelle, mon travail suggère une lecture immédiate, aussi accessible que possible», pose l’artiste fermement décidée à ne pas s’en laisser conter. Soit la vision crue et vengeresse d’une trentenaire à la fois indomptable et meurtrie, grandie dans un pays où le despotisme du patriarcat fait de la femme, et ce dès le plus jeune âge, «un être inférieur, sous la menace permanente d’agressions aussi bien physiques que verbales ou sexuelles, comme je l’ai moi-même été à partir de 5 ans».

Nouvelle coqueluche d’un art qui n’aurait de naïf que le style pictural auquel on l’affiliera, Kubra Khademi brandit donc des œuvres, vendues quelques milliers d’euros, que son compatriote romancier, Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008, qualifie de «charnelles, profanes, insolentes, et aussi éthérées, sacrées, insolites».

A New York, qu’elle espère pouvoir rallier un de ces quatre – ce qui accessoirement lui permettra de retrouver son boy-friend, l’artiste multicarte américain Daniel Pettrow qu’elle n’a pas vu depuis des lustres -, la Fondation Salomon, qui l’a désignée lauréate 2020 de son prix, l’attend pour une résidence de six mois avec une bourse de 24 000 dollars.

Et d’ici là, c’est à la Fondation Fiminco, incubateur de la création XXL à la lisière de Paris, qu’elle reçoit, dans un pays qui est devenu officiellement l’an dernier sa patrie d’adoption, après l’avoir déjà élevée en 2016 au rang de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.

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Photo galerieericmouchet

Si Kubra Khademi vit et travaille aujourd’hui en France, dont elle bénit la «laïcité» synonyme à ses yeux d’un «sentiment si enivrant de liberté qu’il confine au vertige», cela correspond plus à une issue de secours qu’à une démarche préméditée.

En cause, la rue afghane qui se met à la conspuer à partir de ce jour de février 2015, où elle imagine une performance en plein cœur de Kaboul : l’espace de huit minutes, elle déambule vêtue d’une armure, afin de dénoncer tous ces gestes déplacés que subissent les femmes au quotidien.

«Le message était clair: “Allez-y, touchez mon cul, je ne sens rien, et pourtant j’existe !”» explique la trentenaire volubile en mixant français et anglais, comme tutoiement et vouvoiement.

«Mon art me coûte car il assume l’affrontement, mais cette action était pour moi indispensable, et j’ai toujours veillé à apparaître à visage découvert.

Y compris sur les réseaux sociaux où la haine se répand facilement.»

Au point même que des menaces explicites contre elle-même et la galerie, émanant d’un compte Instagram créé le 20 février, viennent de justifier un dépôt de plainte au commissariat du VIe arrondissement parisien.

Un sacerdoce éreintant qui la galvanise, persuadée qu’avec l’ouverture sur le monde qu’offre Internet, le ras-le-bol gagne du terrain auprès des jeunes générations, mais lui vaut aussi de tomber un temps malade.

Et, convertie aux antidotes occidentaux, de suivre désormais une analyse.

«Depuis qu’elle a dû fuir l’Afghanistan, Kubra alterne les hauts et les bas», confirme Maria-Carmela Mini, directrice du festival lillois Latitudes contemporaines (où elle doit faire une performance en juin), qui, depuis leur rencontre, tient un rôle de mère de substitution.

«Sorties, cigarettes, alcool, garçons, elle a beaucoup testé, tout en se réfugiant parfois dans une bulle, comme si elle boudait, quand elle se sent un peu submergée.

Mais, à l’image d’un indéfectible sens de l’humour, son engagement pour les causes qu’elle estime justes n’a jamais fléchi, quitte à se mettre en danger sur le plan physique et mental.»

Petite, d’ailleurs, ne la disait-on pas déjà «un peu folle, enfant horrible qui finira un jour par couper

PALAZZI 23 VENEZIA

le nez de ses parents» ?

Simplement en raison d’un refus précoce, malgré les menaces, les punitions et les coups, d’épouser sans broncher une doxa archaïque déniant aux femmes toute légitimité, crédibilité, donc dignité.

«Le plus abruti des garçons restera toujours plus précieux qu’une fille qui, elle, par principe, porte systématiquement le poids de la culpabilité, dans un pays où la religion n’est qu’une manière fourbe pour l’homme de servir ses propres intérêts», déplore celle qui grandit entourée de neuf frères et sœurs, dans une famille défavorisée (le père, mort il y a une vingtaine d’années, creusait la terre pour alimenter en eau des bâtiments) de la province montagneuse de Ghor, alors que la région suffoque sous le joug taliban.

A la maison, ses dessins de femmes dévêtues lui valent des représailles maternelles et, au seuil de l’adolescence, elle entame une grève de la faim pour repousser le spectre d’un mariage arrangé.

Avant d’entrevoir son salut à l’université de Kaboul, puis à celle de Lahore, au Pakistan.

Naguère, sa mère la frappait, mais Kubra Khademi ne la blâme pas, estimant que celle-ci était alors la première victime d’une tyrannie genrée qu’il n’était pas en son pouvoir de contester. (suit page 24)

Photo galerieericmouchet

(suit de la page 23) Désormais séparées par 8 000 kilomètres, les deux femmes restent en contact.

Pour les besoins d’une précédente série, l’artiste a même demandé à sa procréatrice de poser nue, afin de la représenter de la manière la plus ressemblante possible.

Ce que, acquise a posteriori à sa cause, elle a accepté de faire : une de ses sœurs a pris les photos, puis les lui a envoyées.

Sur la façade de la fondation de Romainville qui accueille l’affranchie, figurent plusieurs citations.

Dont celle-ci, de la chanteuse, Camille : «Je m’en bats le clito.»

Ou celle-là, d’Olympe de Gouges : «Je suis une femme libre !»

Mais quand on demande à Kubra Khademi s’il lui arrive d’avoir le mal du pays, ce ne sont pas tant des mots qui sortent de sa bouche, qu’après un long silence, des larmes qui coulent sur son visage.

«Je ne pleure pourtant pas souvent», croit-elle cependant utile de préciser.

Et quand bien même…

1989 Naissance en Afghanistan.

2015 Performance Armor à Kaboul et fuite en France.

2020 Obtient la nationalité française.

Gilles Renault www.liberation.fr/culture/arts/kubra-khademi-leffrontee

ar quoi est-elle habitée, me demandais-je, la jeune artiste afghane, Kubra Khademi?

De quelle étoffe sont faites ses œuvres pour être si charnelles, profanes, insolentes, et aussi éthérées, sacrées, insolites ?

De son enfance ? Bien sûr. De l’Histoire de sa terre natale ? Sans doute.

Mais, une fois me trouvant dans son atelier, regard ébahi et perdu dans l’ocre des corps qu’elle peint, oreilles prêtées aux récits qu’elle me raconte en persan — notre langue maternelle -, et avec son magnifique accent régional, j’oublie tous mes questionnements si attendus.

Je m’aperçois qu’elle n’est pas habitée par quoi que ce soit, elle habite ce par quoi est-elle habitée, me demandais-je, la jeune artiste afghane, Kubra Khademi?

De quelle étoffe sont faites ses œuvres pour être si charnelles, profanes, insolentes, et aussi éthérées, sacrées, insolites ?

De son enfance ? Bien sûr. De l’Histoire de sa terre natale ? Sans doute.

Mais, une fois me trouvant dans son atelier, regard ébahi et perdu dans l’ocre des corps qu’elle peint, oreilles prêtées aux récits qu’elle me raconte en persan (notre langue maternelle ), et avec son magnifique accent régional, j’oublie tous mes questionnements si attendus.

Je m’aperçois qu’elle n’est pas habitée par quoi que ce soit, elle habite ce qu’elle crée.

Elle habite ses œuvres, tant elle est présente ausPALAZZI 24 VENEZIA

Photo galerieericmouchet

si bien par son ombre d’enfance, que par son corps d’aujourd’hui.

Debout au-dessus de ses énormes tableaux, étalés tous par terre, elle dit qu’elle vit encore dans le récit de cette scène, lorsque l’innocence de son regard s’était heurtée pour la première fois à la nudité des corps qu’elle observait dans le hammam public réservé aux femmes, au fin fond de son village situé en dessous des vallées de Bâmyân.

Ce sont ces corps-là qui, au-delà des temps et au-delà des frontières, la ressaisissent, devenant ses modèles chimériques.

Elle ne les a pas oubliés ni inventés, ces corps.

Elle les a connus en chair et en os, en les détaillant pour les dessiner timidement, infantilement, discrètement, au risque d’être blâmée par ses parents.

Elle cachait ses dessins de nus, me dit-elle avec malice, sous son matelas. Mais un jour, ils furent découverts par sa mère qui aussitôt les déchira et punit la toute jeune artiste.

Pourtant, elle-même, sa mère, ne parlait à ses copines qu’en employant des « mots en-dessous de la ceinture».

Elle s’exprimait dans un langage cru qui brisait les tabous de la langue sociale.

Cette contradiction a inspiré Kubra Khademi qui célèbre aujourd’hui dans ses œuvres le corps maternel dans son dilemme entre désirs et contraintes.

Ainsi offre-t-elle à sa mère un corps charnel, terrestre, humain…

PALAZZI 25 VENEZIA

Mais sans ombre, volatile. Et, soudainement, ce corps devient éthéré, sans pesanteur aucune, même dans le tableau « Première ligne » dans lequel elle peint une femme (sa génitrice ?), en train de «s’exonérer » (autrement dit, se soulager).

Une audace rare dans sa culture qui interdit de représenter le corps de cette manière organique et intime.

Née dans une magnifique région d’Afghanistan, Kubra Khademi incarne à mes yeux tout l’esprit d’une civilisation qui a longtemps régné dans ces vallées durant la période préislamique, où s’étaient rencontrées deux grandes cultures (la Grèce et l’Inde), donnant naissance à l’art Gandahara, un parfait métissage, une symbiose culturelle enfouie depuis des siècles au fin fond de sa terre natale, dans la mémoire et le cœur de ses ancêtres.

C’est là, dans cette étendue oubliée que l’artiste afghane habite à travers son art et son corps.

Mais elle s’inspire aussi de l’art poétique mahométan, de sa miniature, de son enluminure et de sa calligraphie.

Loin d’un syncrétisme «world art », il y a dans les œuvres de Kubra Khademi une authenticité très enracinée, faisant fi des frontières spatio-temporelles des cultures, des arts, des matières... afin d’embrasser l’intimité humaine où réside sa quintessence. (suit p. 26)

Photo galerieericmouchet

(suit de la page 25) Sans doute est-ce pour cela que ses créations parlent un langage universel.

De l’art naïf à la miniature persane très sophistiquée, allant jusqu’à s’approcher dans certains de ses tableaux des estampes japonaises, l’artiste explore aussi précieusement l’art de la calligraphie persane, comme dans l’illustration d’un conte de « zoophilie » écrit par le grand Rumî.

C’est l’histoire 59 de “Masnovi” (un chef d’œuvre que l’auteur compare au Coran.

Le conte relate l’histoire d’une femme faisant l’amour avec un âne.

C’est incontestablement du sacrilège dans les pays où ce poète est vénéré comme prophète.

Personne n’ose donner une interprétation si profane à ce conte, comme le fait Kubra Khademi.

La scène, représentant le passage le plus pornographique du récit, est une parfaite illustration et très fidèle aux mots de Rumî.

Pourtant, elle ne suscite aucun scandale intime.

Aucune provocation, mais de la pro-vocation.

Cet univers innocent, empli d’illusions et d’allusions, me fait voyager dans une autre dimension de la miniature persane qui, autrefois, représentait le monde pour nous rendre « ahyran » (émerveillés) face à sa beauté. Point de naturalisme, tout baignait dans des

couleurs splendides, paradisiaques. Aucune ombre, tout était éclairé par la lumière « divine ». Les corps ne semblaient souffrir de leur pesanteur sur cette Terre. Les visages se ressemblaient tous. Ronds, les yeux bridés. Peu d’émotion. Tout le monde parlait le langage du silence. Aucun cri. Aucun ressentiment de douleur. Même dans les scènes violentes, il n’y avait aucun drame.

Seulement la sérénité, la paix, l’éternité… De même, rien ne se mouvait. « Dompté par l’image », comme dit un poète perse, tout était suspendu dans le temps et dans l’espace de la page blanche.

Une attitude mystique et métaphysique, dirais-je, que l’on rencontre dans toute la littérature classique de l’Orient, aussi bien dans les poèmes épiques que romantiques.

Et ici, Kubra Khademi donne une dimension « érotique » à ce monde suspendu, où les corps de femmes en tenue d’Êve se révèlent tels celui des anges nus et déchus. Un acte subversif contre les mœurs religieuses et sociales dans son pays qui considèrent le corps comme une enveloppe périssable, faite d’argile séchée, de boue pétrie. La nudité est un péché, et tout ce à quoi elle est associée : le désir, le sexe, la volupté… Le corps est donc blâmé, emprisonné, caché, tandis que dans les deux civilisations gréco-bouddhiques, même les dieux sont nus, sexués, amoureux.

Voilà les sources sous-jacentes qui coulent dans les vallées où a grandi Kubra Khademi.

Ces corps qu’elle dessine sont des ombres interdites PALAZZI 26 VENEZIA

Photo galerieericmouchet

dans son pays ; ce sont des corps bannis, ostracisés.

D’où leur état suspendu.

De même, le style de la calligraphie qu’elle utilise s’appelle « Nasta’liq »*, ce qui signifie « suspendu ».

En fait, Kubra Khademi habite un monde suspendu.

Suspendu au-dessus des frontières.

Elle y habite non seulement à travers son art mais aussi dans sa vie d’exilée. Depuis son enfance, elle est dans l’errance permanente.

Et comme tous les êtres expatriés, elle doit se réinventer. Tel Rumî, son poète préféré qui ouvre le grand livre de Masnovi, avec ce poème très connu, parlant de l’exil : “Écoute le nay (roseau, flûte) raconter une histoire, il se lamente de la

séparation : “Depuis qu’on m’a coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir l’homme et la femme.

“Je veux un cœur déchiré par la séparation pour décrire la douleur du désir.

“Quiconque demeure loin de sa source aspire à l’instant où il lui sera à nouveau uni.….

Mais quiconque est séparé de celui qui parle, devient muet, même s’il a cent mélodies.”

Rûmi avait à peine 12 ans lorsqu’il était parti avec toute sa famille pour la Turquie, car sa ville natale Balkh (dans le nord de l’actuel Afghanistan) était la cible de l’invasion mongole.

Certains interprètent ce poème comme l’expérience originelle de l’exil, qui est la séparation de l’enfant d’avec le

corps de la mère.

Le nay, coupé de la joncheraie, crie comme l’enfant dont on vient de couper le cordon ombilical.

Sans doute, la naissance est-elle la première expérience de l’exil.

Mais qu’en reste-t-il comme souvenir, à part, bien sûr, le traumatisme qui s’inscrit au tréfonds de nous, et la cicatrice dans nos corps ?

Chez Kubra, le corps de femme-mère est exposé comme sa terre d’origine, mais aussi comme sa terre d’asile dans les épreuves de sa vie proscrite. Avec sa liberté, sa violence, sa joie, sa tristesse…

La nudité d’une femme est plus sage que l’enseignement d’un philosophe.

Paul Éluard Atiq Rahimi

PALAZZI 27 VENEZIA

* Nasta’liq : Alors que les calligraphes arabes cherchaient leurs lettres dans les traces que le cheval avait laissées sur le sable du désert, le calligraphe perse, Mir Ali Tabrizi (XV ème), lui, aurait rêvé de l’imam Ali qui lui ordonnait de regarder les oies en vol et de les prendre comme exemple d’une nouvelle calligraphie.

Il a ainsi conçu le style Ta’liq, en faisant de chaque partie du corps de l’oie une lettre.

Une manière très astucieuse pour sortir de l’emprise de l’art arabesque.

En se protégeant derrière le nom d’Imam Ali, le calligraphe aurait inventé ce rêve pour ne pas heurter brutalement les lois sacro-saintes qui étaient imposées par les esthètes arabes, alors dominants religieusement et politiquement dans la région.

L’invention de ce style a beaucoup changé le paysage de l’écriture.

Avant, la calligraphie était pratiquée d’une manière très géométrique.

Les lettres avaient une forme très abstraite, rigide, statique.

Par contre, le style nasta’liq les a rendues plus sensuelles, plus fluides, plus poétiques… car, les Perses calligraphiaient plus des poèmes que des versets du Coran.

Rendre lisibles, recourbées, corporelles, charnelles… les lettres sacrées, quel défi ! https://slash-paris.com/fr/

Photo artissima

a Galleria Tiziana Di Caro poursuit son activité d’exposition visant la promotion et la diffusion de multiples langues et de nouveaux talents et inaugure la nouvelle année avec la première exposition personnelle de Teresa Gargiulo (Vico Equense, 1996), jeune artiste lauréate de l’étape napolitaine de JaguArt. La construction d’une identité conceptuelle forte mais non univoque est à la base du programme de la galerie, qui partage avec les artistes avec lesquels elle travaille un chemin de croissance et de recherche.

La pratique de Teresa Gargiulo interroge la possibilité avec laquelle le signe peut représenter l’existence, dans la tension constante entre dire et exister, entre l’espace de la vie et l’espace de l’œuvre.

Come disegnare un’isola (Comment dessiner une île) est le titre qui accom-

pagne l’exposition, une constellation de signes scripturaux et de cartes émotionnelles qui enregistrent un parcours de variations et d’imperfections d’une même langue, libre de toute prétention objective de sens.

En regardant les œuvres, il ne reste qu’une trace de la langue, et l’écriture devient un dessin, un ensemble de lignes qui renvoient une géographie de lieux irréels, légers et informe, presque le résultat d’un flux de conscience ou d’un état de transe. Le signe est affirmé et annulé, entre répétition et oubli, à la recherche de la possibilité de combiner l’histoire avec le soi et le monde.

Grâce à sa capacité à agir sur la sensibilité, l’art peut favoriser une relation de réflexion et d’empathie par rapport au contexte, surtout dans un moment historiREMET EN QUESTION que aussi précaire que le nôtre, en catalysant les pensées, les visions et les émotions.

LA DIALECTIQUE Tiziana Di Caro a répondu à quelques questions sur la ENTRE SIGNE ET SENS façon dont l’œuvre d’art a changé à l’époque de l’urgence sociale et sanitaire et comment elle a réagi à la crise en continuant à croire en l’apport de la recherche artistique.

ENTRETIEN AVEC TIZIANA DI CARO Dans le monde des galeries, comment le travail a-t-il évolué pendant l’urgence sanitaire ?

Comme nous ne pouvions pas nous déplacer pour voir des expositions ailleurs, ou faire des foires, nous avons pu nous concentrer sur un seul segment, qui est heureusement le plus important de tous : le programme des galeries.

Je dois dire que peu de choses ont changé, surtout au quotidien.

Les ouvertures nous manquent vraiment et les nom+39 081 552 5526 breuses personnes qui errent dans nos espaces à la reinfo@tizianadicaro.it cherche d’un contact avec nous ou avec les artistes.

Tous les artistes, même les plus timides, aiment être www.tizianadicaro.it PALAZZI 28 VENEZIA

COME DISEGNARE UN’ISOLA

TERESA GARGIULO

jusqu’au 06/03/2021

GALLERIA

TIZIANA DI CARO Piazzetta Nilo, 7 80134 - Napoli

Photo tizianadicaro

célébrés.

Et pour nous, galeristes, avoir autant de monde est toujours un signe d’estime et d’attention. Mais soyons honnêtes : l’œuvre peut être très bien gérée dans le laps de temps pendant lequel l’exposition se prolonge.

Depuis la fin du confinement, nous avons décidé de reformuler notre programmation et de reprendre l’activité d’exposition de façon régulière, en essayant de faire face aux conséquences que la pandémie a engendrées et engendre encore.

Nous avons reporté les expositions d’artistes étrangers tels que Shadi Harouni, Damir Ocko et Oscar Santillan à la fin de l’été 2021, en nous concentrant sur les artistes avec lesquels il peut être moins difficile de travailler, comme Tomaso Binga qui est à Rome, Teresa Gargiulo qui est de la province de Naples et Stanislao di Giugno qui vit à Rome. Nous travaillons en réduisant les déplacements au minimum.

Quelle a été la réaction du public ?

Après l’été dernier, les gens ont commencé à venir régulièrement à la galerie.

Il y a eu un contretemps avant la zone rouge, mais immédiatement après le retour de nos visiteurs.

Je parle de ceux qui sont géographiquement les plus proches.

Je préfère imaginer ce retournement de situation, ce blocage total, comme une possibilité de restauration, destinée à aider chacun d’entre nous à trouver son propre équilibre : entre les expositions en galerie, les PALAZZI 29 VENEZIA

foires, les voyages.

Même si je suis convaincu que nous devons cesser de nous bercer d’illusions sur le fait que tout ira bien, nous devons plutôt continuer à retrousser nos manches et à rester sur nos gardes.

Comment pouvons-nous continuer à souligner la valeur de l’art en nous penchant sur l’innovation, notamment technologique, compte tenu de l’utilisation mixte de différents médias, formats et contenus numériques ?

Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question, car pour moi, l’art est une valeur en soi.

Le simple fait de traiter avec des artistes, qui sont des personnes aux dons extra ordinaires, est un privilège et une grande valeur.

Le contenu numérique peut être un excellent complément, et il existe de nombreux outils intéressants pour documenter.

Moi aussi, il m’arrive tout le temps de voir sur le web des œuvres qui me semblent très intéressantes, belles et intrigantes, mais je considère ces aperçus comme des indices. C’est en ce qui concerne la réalisation des travaux.

J’avoue que c’est un grand plaisir pour moi de participer à des conférences, des conventions, des entretiens et des symposiums qui se déroulent à l’autre bout de mon monde. (suit page 30)

Photo teresadicaro

(suit de la page 29) Et j’espère que cela restera ainsi même après la pandémie.

En fait, je veux vendre des œuvres dans des galeries, je veux visiter des artistes dans des ateliers, et je veux voir des expositions dans des musées, des galeries et des fondations.

Avec la culture en état d’urgence à cause de la pandémie, comment maintenir une relation vitale entre la galerie, le public et les artistes ?

Et comment cette relation est-elle liée à l’espace du web ?

Est-il nécessaire de créer de nouvelles façons de dialoguer avec le public ?

Tant que vous ne pouvez pas voyager librement, il est important d’insister sur le web.

La galerie participe à divers projets et salons en ligne. Je dois admettre que, par rapport à il y a quelques mois, j’observe les plates-formes de vente ou de promotion en ligne avec un œil beaucoup plus attentif et je prends une décision plus éclairée sur l’opportunité et le lieu d’adhésion.

C’est symptomatique d’un changement d’attitude, en ce sens qu’avant, je ne les regardais même pas.

Malgré tout pour moi, cette situation reste étroitement liée à l’urgence.

Si mon travail devait être réduit à la seule dimension du web, je pense que je cesserais de traiter l’art

de manière professionnelle et que la galerie n’existerait plus.

Récemment, je parlais à des amis qui fréquentaient la même université que moi de l’importance et de l’utilité des visites que nos professeurs nous invitaient à faire pendant les cours.

Face aux cours d’histoire de l’art donnés par de très bons professeurs, l’observation des œuvres de la vie nous met en position de comprendre réellement et rapidement ce que nous regardons et ce que nous avons étudié.

Nous pouvions l’aimer ou non, mais nous avons pu y entrer et cela n’a été possible que grâce à la jouissance de la vie.

Cet exemple me permet de rappeler que le web peut être un outil très important pour promouvoir des activités et faire connaître notre travail.

Mais ce travail repose avant tout sur le dialogue, sur la confrontation directe : l’art doit être contemplé, regardé, admiré aussi bien que détesté et méprisé.

Il est indispensable de le faire à partir de la vie pour moi.

Récemment, la galerie semble avoir réagi à l’urgence avec des projets en continuité avec sa ligne conceptuelle et d’exposition, comme l’exposition de Tomaso Binga, mais aussi avec l’ouverture à la vision de jeunes artistes, comme dans le cas de Teresa Gargiulo.

Comment et pourquoi est-il important de soutenir le jeune art dans un moment d’urgence sociale et culturelle ?

PALAZZI 30 VENEZIA

Bien sûr, il ne serait pas logique de déformer le programme de la galerie et je peux confirmer que l’inclusion de Teresa Gargiulo est en totale continuité avec ce que la galerie a toujours proposé.

En outre, je suis convaincu que le soutien aux jeunes artistes est nécessaire, et pas seulement dans un moment d’urgence sociale ou culturelle.

Il est physiologique pour une galerie d’art contemporain non seulement d’observer le présent, mais aussi d’imaginer l’avenir, si possible.

Malgré cela, l’inclusion du travail de Teresa Gargiulo dans notre programme s’est faite de manière inhabituelle. À une époque où, en fait, je ne cherchais pas de nouvelles collaborations, Teresa a remporté l’étape napolitaine du concours JaguArt, pour lequel je faisais partie du jury avec Ilaria Bonacossa et Fabio Agovino.

Nous avons jugé l’une des œuvres de Teresa, la proclamant lauréate, mais cette œuvre était conforme à ce que j’enquête, par le biais de ma galerie.

Après une visite d’étude, j’ai constaté que tout son travail est incroyablement conforme à mon programme.

En plus d’être très sérieuse, Teresa Gargiulo est une très bonne artiste. J’aurais été folle, ainsi qu’irresponsable, de ne pas lui proposer de travailler ensemble en permanence.

Au-delà de tout, beaucoup d’artistes que la galerie représente ont eu leur première exposition personnelle ou leur première exposition en Italie dans ma galePALAZZI 31 VENEZIA

rie, et depuis lors je n’ai pas cessé de les suivre ; je pense à Damir Ocko, Antonio Della Guardia, Shadi Harouni, Lina Selander, Maxime Rossi.

Jusqu’à il y a cinq ans, je n’avais pas encore travaillé avec des artistes de générations différentes de la mienne, jusqu’à ce que je me rende compte qu’il y en a beaucoup, qui ne sont plus jeunes ou très jeunes, qui, avec le temps, n’ont pas reçu l’attention que je pense qu’ils méritent.

C’est la base de mon désir de travailler avec des artistes tels que Tomaso Binga, Betty Danon et Simona Weller, pour n’en citer que quelques-uns.

Francesca Blandino https://www.artribune. com/arti-visive/arte-contemporanea/2021/02/ napoli-galleria-tiziana-di-caro-intervista/ a pratique de Teresa Gargiulo comprend le dessin, l’écriture, la sculpture, la photographie et l’installation.

Elle est centrée sur le langage et la géographie, qui sont le prétexte à la narration de l’identité et des mutations relatives auxquelles elle peut être soumise par rapport à l’espace et au territoire.

L’exposition comprend des œuvres créées entre 2019 et 2020 et s’ouvre sur une grande œuvre intitulée “grafemi per le mani, fonemi per le orecchie”,(suit page 32)

Photo tizianadicaro

(suit de la page 31) une installation de cent quatre-vingts feuilles qui ressemble à un grand alphabet où la représentation des phonèmes remplace celle des lettres, et traite des variations de perception que l’on peut avoir en écoutant d’autres personnes selon la langue dans laquelle elles s’expriment.

Partant de cette hypothèse, le Gargiulo mène une enquête sur les unités expressives qui composent une langue.

Chaque phonème a une connotation précise qui, en changeant, détermine aussi une variation de sens du mot auquel il se réfère, créant un court-circuit qui coïncide avec la situation de ceux qui, parlant une langue différente de la leur, modifient inconsciemment leur façon de penser et de communiquer et, en même temps, sont perçus différemment par ceux qui les écoutent.

Ce travail explore la relation qui existe entre nous et les autres, et les interférences que peut provoquer un moyen d’expression.

Dans la deuxième salle se trouve une série d’œuvres liées au projet plus vaste intitulé Ruenmp.

Le premier noyau est intitulé “comment dessiner une île - notes” et consiste en des expériences obtenues avec la technique du frottage.

La base sur laquelle ils ont été réalisés sont les lamelles d’un parquet sur

lequel sont collés des fragments de journaux.

C’est sur l’une d’elles que l’artiste lit “Ruenmp” pour la première fois. Ruenmp est un mot qui, bien qu’il soit configuré comme tel, n’a pas de sens et est un prétexte pour connoter une géographie irréelle.

Par frottage, Gargiulo dessine quatre bandes, qui sont comme des îles.

Ensemble, ils forment un archipel, qui devient un lieu d’expérimentation linguistique. Le résultat de cette expérimentation est un langage ludique, mais aussi changeant et donc potentiellement innovant.

D’autres dessins représentent des îles rendues de manière plus synthétique, en utilisant des signes qui renvoient à des descriptions réalistes mais qui en fait n’ont aucune adhérence à la géographie.

Les îles que Teresa Gargiulo nous rend ne sont que des projections fantastiques, qui trompent ceux qui les observent car elles sont décrites par un signe et une attitude scientifique qui, cependant, manque de toute correspondance objective.

Un petit diptyque réunit l’expérimentation linguistique, qui découle de la découverte du mot Ruenmp, et l’île relative décrite une fois de plus à travers un simple périmètre, mais sans aucune spécification physique, politique ou même anthropique.

Un drapeau symbolisant une autre île flotte sur le balcon de la galerie, reliant l’espace extérieur à l’espace intérieur, et annonce l’approche de l’archipel imaginaire.

Dans la salle suivante, il y a une autre expérimentatPALAZZI 32 VENEZIA

ion linguistique qui est formellement configurée dans une installation de ballons d’hélium qui composent le mot OLITI. Cela vient de la privation de la syllabe “vi” des mots “olivi” et “viti”, suivant le schéma énigmatique défini “cadenas” qui génère une fausse composition linguistique dépourvue de toute valeur sémantique, mais avec un signe précis et une connotation esthétique, s’arrêtant en plein vol et flottant dans l’espace.

Une grande série de faux mots, ayant tous la lettre O comme initiale, est présentée dans une installation murale : une sorte de dictionnaire sans définitions, mais avec seulement les mots accumulés dans une cacophonie phonétique, verbale et visuelle.

Un kit qui clôt le projet est exposé dans la dernière salle : un sac hermétique contenant une carte avec les instructions pour construire l’île, le dictionnaire qui contient la liste des mots élaborés pendant l’expérimentation, une craie pour dessiner l’île et une petite affiche sur laquelle est écrit “Il gioco è in possesso della significanza” (Le jeu est possession du sens), indiquant que tout effet de sens peut faire l’objet de spéculations.

Teresa Gargiulo est la lauréate de l’étape napolitaine de Jaguart, un projet artistique novateur né en 2019 du dialogue entre Artissima et Jaguar Land Rover et de la volonté commune de soutenir l’art émergent et de déclencher des synergies gagnantes et durables entre leurs interlocuteurs respectifs. www.exibart.com/arte-contemporanea/teresa-gargiulo PALAZZI 33 VENEZIA

Les œuvres qui composent l’exposition “Come disegnare un’isola” (Comment dessiner une île) sont toutes réalisées entre 2019 et 2020 et vont du dessin à l’écriture en passant par l’installation, convergeant dans une recherche axée sur la géographie et les unités expressives du langage.

Avec des graphèmes pour les mains, des phonèmes pour les oreilles, une œuvre qui ouvre le parcours de l’exposition, on trouve une sorte d’immense alphabet mural composé de 180 feuilles sur lesquelles sont imprimés des phonèmes à la place des lettres, comme dans le livre posé sur un socle devant lui.

L’artiste joue sur les variations qui peuvent être perçues à l’écoute, en fonction de la langue utilisée pour la prononciation.

Gargiulo elle-même écrit, en introduisant le répertoire des phonèmes et des mots : “Vous êtes une personne totalement différente en anglais...”.

Chaque phonème a en effet une connotation précise qui, lorsqu’il change, détermine également une variation de sens du mot auquel il se réfère, provoquant, plutôt qu’un court-circuit, une multiplication de circuits différents, qui se reflètent dans les relations que nous établissons avec les autres et dans l’influence des moyens d’expression.

Photo madseinsitu

vec Made in Situ, son nouveau projet de plate-forme créative basée à Lisbonne, où il vit depuis deux ans, le designer français confirme sa mutation.

Dans cet espace-galerie, une première collection d’objets, «Barro Negro», incarne le fruit de sa rencontre avec l’artisanat portugais.

Avec une équipe de six personnes, Made in Situ (c’est son nom) est installée à Lisbonne à l’adresse qu’occupait le designer français Emmanuel Babled, qui la partageait avec Fatima Durkee, cofondatrice de Passa Ao Futuro, vitrine des artisans portugais.

Noé Duchaufour Lawrance a voulu ce lieu aussi accessible qu’un boutique-café.

Noé Duchaufour Lawrance a imaginé la collection « Barro Negro » pour mettre en lumière le savoir-faire des artisans portugais.

Son idée : créer des objets en utilisant localement ressources et savoir-faire.

Comme le font les chefs en cuisine.

Avant même de dessiner, il est parti à la rencontre de gens, de techniques et de matières nouvelles.

La production a pu se développer autour d’une soenga, à la fois four à argile et cérémonie du feu, entre workshop et performance.

La collection « Barro Negro » se déploie en plu-

Editions Dis Voir Edité par Emmanuel Bérard.

Textes de Emmanuel Bérard et Aurélien Fouillet. paru en janvier 2021 édition anglaise 16,5 x 21,5 cm (broché) 128 pages (60 ill.)

25.00 € ISBN : 978-2-91456398-7 EAN : 9782914563987

sieurs axes. Baptisés Xana&Carlos, des noms d’un couple d’artistes artisans, quatre jeux de 12 vases en céramique noire se donnent la main, mais avec chacun son identité.

Made in Situ, une vitrine pour la création locale Les lampes Caramulo se déclinent en quatre modèles. Tondela, une installation constituée de 36 vases, et Soenga, un diffuseur de parfum, enrichissent la proposition. Une autre collection, « Bronze&Beeswax », présente des bougeoirs en bronze réalisés par un fabricant d’hélices de bateaux. « Vivre physiquement les projets », voilà ce que disait il y a deux ans le designer, au moment de quitter Paris.

En décembre dernier, il s’est rendu au Burkina Faso pour finaliser, dans une fonderie locale, une collection de luminaires et de tables en bronze éditée par Maison intègre, éditeur créé par Ambre Jarno à Ouagadougou.

Certaines de ces pièces gagneront une maison parisienne encore en chantier, avant qu’on puisse les voir à la Villa Noailles l’été prochain.

Il y évoque sa trajectoire et l’éclaire même d’un essai. « Je n’ai pas de leçons à donner à quiconque, mais si ce que j’ai fait peut donner envie à d’autres d’aller dans une direction plus personnelle, c’est génial », conclut-il. Filipa Alves Made in Situ. Travessa do Rosário, 16, Lisbonne, Portugal. www.Madeinsitu.com Duchaufour Lawrance, d’Emmanuel Bérard et Aurélien Fouillet, éditions Dis Voir. https://ideat.thegoodhub.com/

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Photo isisdanielle

Le travail de Rochus Lussi est guidé par la vue entre la vulnérabilité et l’absence de défense.

Outre l’œuvre “Door Knocker”, l’exposition présente deux groupes d’objets : une meute de loups et 150 “Agatha Brötli” en forme de poitrine, un pain dédié à Sainte Agathe de Catane et consommé traditionnellement le 5 février.

L’invocation de la sainte vise à prévenir une certaine sensation de brûlure dans la poitrine, mieux comprise comme le mal du pays.

Rochus Lussi, né en 1965 à Stans, en Suisse, est un sculpteur, un artiste de la performance, un conservateur et un professeur d’art. Il est le lauréat du Prix culturel de la Suisse centrale en 2019.

Lussi crée des groupes d’objets en bois, des rassem-

ROCHUS LUSSI

’exposition tuchfühlen (Degrés d’intimité) présente de nouvelles œuvres de l’artiste suisse Rochus Lussi à la Galerie Vitrine de Lucerne, en Suisse. Être joue à joue, ou plutôt, joue par bajoue “Les visiteurs s’annoncent en frappant à la porte. Sachant qui frappe, nous les invitons chez nous en tant qu’invités.

Ne sachant pas qui frappe, la porte crée un rempart, protégeant contre une visite non désirée”.

PALAZZI 35 VENEZIA

blements, des scènes et des constellations. Il forme des objets en champs ornementaux, où la figure individuelle répétée devient une masse et où l’observateur s’implique dans l’installation.

Dans ses recherches, il suit des histoires actuelles et historiques, qu’il transfère dans de nouveaux contextes.

Il crée des prototypes en bois dans une production à grande échelle, qu’il transforme ensuite en sculptures uniques en les manipulant avec une tronçonneuse, un disque de coupe et un couteau.

Chaque pièce est unique, bien qu’elle fasse partie d’un grand groupe.

Dans cette étape de travail, Lussi accorde beaucoup d’attention à la physicalité et à l’environnement de ses installations.

En les installant dans une pièce, il explore les contrastes entre le public et l’intimité, la réalité et l’illusion.

Rochus Lussi jusqu’au

15 avril 2021 Galerie Vitrine Evelyne Walker Stiftstrasse 4 6006 Luzern Suisse + 41 [0] 79 866 12 33 info@galerie-vitrine.ch www.galerie-vitrine.ch

Photo archivesaubier

epuis que l’on écrit en ligne pour des revues en lignes et des lecteurs en ligne on se demande qui va penser quoi de nos élucubrations.

Tout se brouille et on nous dit que nous sommes dans l’aire de la Communication ?

Moi, je trouve ça carrément inquiétant. Bon, mais j’aime le cinéma.

Alors je rassemble comme je peux des bribes et des broques des films neufs que je vois pour la première fois, des films vieux que je revois sans cesse, des films que j’aime, d’autres que je n’aime pas — il faut aussi parler de ceux-là et de ceux ou celles qui les ont faits ; il n’y a pas de raison de ne se faire que louangeur. Non, mais.

Et parfois même, à bout de souffle, et pour reprendre le mien, j’écris sur des films qui n’existent pas, des films inventés, racontés, critiqués dont je fustige ou encense les auteurs et les acteurs inventés.

Jamais aucune réaction.

Et je ne tiens pas mes lecteurs virtuels pour des cons. Mais je me demande, virtuels ou pas, qui me lit nom de Dieu !

Cela m’angoisse. Mais que ces films existent ou n’existent pas importe peu, je ne vais pas écrire sur Lelouche ou Jean-Claude Pascal.

J’aime le cinéma, et vous ?

Ceci est un appel au secours.

Vous pouvez répondre à la revue ?

Que vous m’en vouliez ou pas, je serais heureux de vous lire. Pascal Aubier

PASCAL AUBIER Qu’est ce que c’est que le cinema une production UNISVERS voir les quinze émissions

https://vimeo.com/ channels/pascalaubierletlecinema

ascal Aubier aimerait qu’on lui écrive et il a parfaitement raison, moi même je suis ravis de recevoir les quelques lignes de gens qui ont reçu mes magazines et qui les lisent ou font semblant de.

Mais je m’égare je voulais vous parler de Pascal Aubier et peut-être dire tout simplement ce qu’il n’est pas quoique je n’en suis pas si sur.

Bien entendu c’est un producteur, réalisateur, metteur en scène, scénariste et même acteur et pas qu’un peu, il a aussi inseigné le cinéma aux États Unis et a Cuba, mais il a passé aussi beaucoup de temps en Union Soviétique du temps où elle s’appelait encore comme cela.

Puis il a aussi lié des relations avec des metteurs en scène de différents pays et certains de ses élèves sont devenues à leur tour cinéastes.

Il est aussi écrivain bien entendu et ici la couverture de son dernier livre.

Il s’est aussi prêté à la réalisation d’une série de conversations sur le cinéma où il a raconté son expérience non seulement cinématographique mais aussi scénaristique sans parler de ses débuts avec rien de moins que Jean Luc Godard, excusez du peu.

Bien entendu Pascal est aussi un cuisinier hors paire, un fin gourmet et un collectionneur d’Art. Son appartement près du Luxembourg en est plein et de toutes sortes depuis l’Africain au Contemporain en passant par la Brut, la Povera, j’en passe et des meilleurs et je n’oublie pas qu’il est mariée à Sophie Sainrapt, le veinard.

Vittorio E. Pisu

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Roe Ethridge’s Sacrifice Your Body

Photo roeethridge

’image d’ouverture de son dernier livre, “Sacrifice Your Body”, illustre bien l’approche de Roe Ethridgeʼs. À première vue, itʼs n’est qu’un simple cliché d’une bouteille de Chanel No 5 et de son emballage, mais un examen plus attentif révèle de la peinture écaillée, des gouttes de parfum perdues et une guêpe intruse.

Faisant onduler la surface d’une publicité sur papier glacé avec de drôles d’éléments de l’autre monde, c’est le genre d’image qui a fait de lui une star de l’art contemporain, de la mode et de la publicité.

Comme Juergen Teller, il réalise des photos commerciales et éditoriales (pour Kenzo, Self Service, Acne Paper et W, par exemple) parallèlement à ses propres œuvres, et a été présélectionné pour le prix de photographie de la Deutsche Börse (en 2011, aux côtés d’Elad Lassry, que heʼs cite souvent comme preuve d’une nouvelle tendance pour le conceptualisme sec).

Les organisateurs de la Deutsche Börse ont décrit son travail comme suit : “En brouillant les frontières entre le commercial et l’éditorial, et entre le banal et l’intellectuel, l’approche conceptuelle de la photographie d’Ethridge est une attaque ludique contre les traditions et les conventions du médium lui-même”.

La deuxième image de Sacrifice Your Body est plus surprenante : une photographie d’une étendue d’eau humide avec un sac en plastique partiellement submergé, itʼs à mille lieues de l’humour ou du glamour. À partir de là, les choses prennent un tour plus étrange.

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Les photos d’un poisson mort et d’un emballage de bière jeté se transforment en une page entière, apparemment banale et techniquement discutable, d’une voiture blanche roulant dans des terres agricoles, d’un intérieur de rive mal éclairé, et de photos carrément ringardes et mal exposées d’un port de pêche au coucher du soleil.

Suivent des clichés d’amateurs de la luxueuse place de la Concorde à Paris, avec un lettrage kitsch et marbré, avant de passer à la typologie vernaculaire de la signalisation routière, cette fois dans la ville de Durango aux États-Unis.

Puis vient une série d’images montrant la voiture blanche qui est en train d’être draguée d’une rivière, ce qui ressemble à un mystère de meurtre télévisé.

Suit une page blanche, puis le livre reprend quelque chose qui ressemble plus à du business as usual, avec la signature Ethridgeʼs mélangeant des images brillantes et ternies, le langage de la photographie commerciale mélangé à des images apparemment aléatoires d’objets ayant peu d’attrait photogénique évident.

Le livre se termine par une photo pixellisée d’une maison prise à partir de Google Maps.

Ethridge est réticent à le faire, mais finit par admettre qu’il y a “un risque” (suit page 38)

Photo roeethridge

(suit de la page 37) à inclure ces images apparemment naïves.

Mais ce faisant, il poursuit ce que heʼs a toujours pratiqué, dit-il, en créant une “photographie synthétique” qui combine l’art et le commerce, le poli et le brut, et maintenant le façonné avec l’apparemment inepte.

“Iʼm est intéressé par le fait de tout apporter”, dit-il. “Itʼs une collection de pièces disparates pour faire un plus ‘tout pizzaʼ, pour essayer de faire entrer le monde entier.

“La beauté de la première moitié du livre est qu’elle a été tournée lors d’un voyage fou en Floride où ma mère a grandi”, ajoute-t-il.

“J’avais juste besoin d’aller vite et de prendre tout un tas de trucs...

Itʼs une juxtaposition de ces deux styles.

Ce genre de style très décontracté, en ordre chronologique long, juxtaposé à quelque chose qui utilise la séduction d’une manière différente”.

Cette connexion personnelle et le style apparemment amateur évoquent une sorte d’album de famille, mais tandis qu’Ethridge wasnʼt y pense - il pensait plutôt à Daido Moriyama et au style arebureboke utilisé dans des saignées confiantes, pleine page, ditil - c’est un livre intime, inspiré par et traversé de références à sa mère.

La capture d’écran de Google Maps à la fin du

livre montre la maison dans laquelle il a grandi de 10 à 18 ans, par exemple, tandis que la séquence du canal fait référence à la liberté et au danger d’apprendre à conduire à l’adolescence.

La photo glamour d’un mannequin fait référence à la décoration très structurée de la maison de son enfance, ainsi qu’aux pulsions de l’adolescent rêvées dans sa chambre.

Comme il se doit, elle a été réalisée à l’origine pour Acne Paper.

“Il a été conçu d’après [la maison de mon enfance], mais c’est un mélange de choses beaucoup plus contemporain, laid et malsain”, explique Ethridge.

“C’était l’idée d’une figure odalisque, qui pouvait occuper une certaine place entre la mère et l’amant dans un espace bizarre où le désir adolescent prend place. Sheʼs pas dans un dortoir de collège, pas dans un appartement, sheʼs dans un endroit particulier”.

Même l’affreuse typographie qui revient tout au long du livre est inspirée de Ethridgeʼs early life - habilement dessinée par un ami graphiste, elle rend hommage aux graphismes noueux de ses affiches de surf pour adolescents.

“J’ai trouvé ça drôle d’avoir ce graphiste de niveau expert qui travaille avec un style trash”, dit-il.

“Mais ces affiches font aussi partie de ce que je suis - un garçon de banlieue de classe moyenne, aujourd’hui âgé de 45 ans. Et le fait d’introduire une culture basse laisse entrer un peu de vie dans la pièce.

Cela pose des problèmes, et c’est bien”.

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Le titre, quant à lui, est une expression que les mères locales utilisaient pour beugler sur les lignes de touche lors des matchs de football américain.

La mère de Ethridge prétend qu’elle ne l’a jamais crié, mais il se souvient clairement l’avoir entendu, et c’est devenu de toute façon un slogan familial.

Cette phrase lui rappelle également sa mère en raison de leur amour commun pour ce sport, ajoute-t-il - ce qui fournit un autre thème récurrent, notamment un squelette souriant qui apparaît deux fois dans le livre, portant une casquette ornée des mots “Florida State Seminolesʼ”, l’équipe universitaire locale, ainsi que diverses images de ballons de football.

Un extrait d’un shooting pour le magazine W montrant deux mannequins s’agrippant au sol est, quant à lui, agrémenté de deux images tirées d’un blog de football américain - l’une montrant un homme grossièrement photoshoppé aux couleurs de l’équipe de l’État de Floride, l’autre transformant de manière moqueuse un adversaire en lutteur masqué.

“Je passe beaucoup de temps à tergiverser sur des sites concernant le football américain”, dit Ethridge en riant. “Les gens avaient créé ces choses faites à la main, artisanales, dont je me sentais si inspiré.

L’une des images montre une photo défigurée par un fan de l’État de Floride - itʼs profondément ancrée, je n’ai aucune idée si quelqu’un qui ne s’intéresse pas au football pourrait obtenir cela”.

En juxtaposant ces images avec les femmes qui se PALAZZI 39 VENEZIA

battent, Ethridge met en évidence un sentiment de rivalité - et l’inspiration pour le tournage de W était le sentiment de compétition qui surgit parfois entre les modèles, dit-il.

Itʼs tentant de lire cela comme un commentaire sur le capitalisme américain de manière plus générale, et certains ont interprété le livre Ethridgeʼs comme une critique des valeurs contemporaines - son éditeur Mack Books, par exemple, affirme qu’il s’agit d’une “atteinte lucide à la véracité et à la moralité et à la matérialité enracinée qui sous-tend la vie américaine”.

Ethridge ne nie que si “il est difficile d’être dans le monde et de ne pas en faire partie”, mais affirme que son travail ne se voulait pas une critique, et que son choc culturel avec ne se voulait pas accablant.

“J’aime à penser que nous, à ce stade, ne voulons pas être si dogmatique sur les choses.

Il y a à la fois le dégoût de soi et la célébration, quelque chose de plus compliqué qu’une simple critique.“L’humour est quelque chose que j’aime atteindre quand je peux dans un tournage commandé parce que c’ est amusant et a du sens pour moi, mais je peux certainement dire que itʼs n’est pas politiquement motivé.

Ce n’est pas une protestation. (suit page 40)

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(suit de la page 39) C’est comme le baiser et la gifle, l’attraction et la répulsion.

Je cherche tout en essayant de gérer cela.

“J’ai toujours été intéressé par la mode - j’ai aidé un photographe de catalogue à Atlanta [quand il a obtenu son premier diplôme] et des gens à New York.

C’est un endroit qui aime le sang frais, donc il y avait beaucoup d’opportunités dans l’éditorial qui m’ont permis de payer le loyer.

J’ai calculé que si je rapportais 4 000 dollars par mois, je pouvais payer le loyer, me nourrir et faire mon travail.

Mais si j’ai une idée brillante sur un tournage, la meilleure image que j’en ai faite toute l’année, je ne veux pas qu’il la fasse disparaître dans une autre sortie et qu’elle ne soit jamais vue.

“Je m’intéresse à la ligne de partage entre le pictorialisme [et le reste de la photographie], où je m’ inscrit dans cette voie royale à la Stieglitz [vers le grand art]”, ajoute-t-il.

“Man Ray a été le photographe le mieux payé de son vivant.”

Pour Ethridge, le chevauchement de ces différents mondes permet d’exploiter pleinement le potentiel de photographyʼs, en l’ouvrant à tout ce qui peut être fait plutôt qu’en le fermant selon des frontières artificielles.

“J’ aime l’idée que l’artiste puisse adopter plu-

sieurs voix, tout en conservant son propre style, dit-il, et ajoute que la même chose se produit sur les prises de vue commerciales en studio, lorsque le photographe doit trouver la force d’être lui-même tout en travaillant avec de très grandes équipes.

Il aime s’éloigner des autres photographes et artistes, et les références à Paul Outerbridge, William Eggleston et aux Dutch Masters sont clairement visibles dans son livre, aux côtés d’hommages à d’autres tropes visuels plus bas de gamme.

Il inclut un plan d’une belle femme accroupi et à l’air effrayé par un four, par exemple - un personnage familier de centaines de films d’horreur.

Mais bien que le livre de Ethridge soit riche en lectures possibles, de l’apparent mystère du meurtre de la séquence du canal aux références visuelles à sa mère, le photographe a également déclaré être “en guerre avec le fini”, et désireux d’établir une sorte de correspondance visuelle plutôt que d’illustrer des idées ou des types préconçus.

Cette idée est explorée dans la séquence de “Sacrifice Your Body”, un plan de paquets de nouilles est suivi du logo Chanel, par exemple, qui relie les formes en C incurvées que l’on peut voir dans les deux.

Un téléphone jaune sordide sur fond de marbre blanc est suivi d’un feu de signalisation jaune, puis d’une photo d’un mannequin en blouse à pois jaunes, parlant sur un téléphone blanc.

Ethridge ne pense pas à ces liens lors du tournage de heʼs, mais dit qu’il réalise theyʼre là lors du montage PALAZZI 40 VENEZIA

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“Je voulais échapper à la séduction de ‘objectivityʼ’, me dit-il.

“La photographie allemande [et les typologies de l’école de Düsseldorf] semblait si intelligente, comme si vous pouviez en tirer une telle charge intellectuelle, et ce ciel couvert était vraiment menaçant.

Je voulais être cela, mais je ne suis pas allemand.

Il fallait que je me sépare de la séduction de suivre cette tradition”.

Roe Ethridge a pris la parole à la Plateforme à Paris Photo à 18h45 le 9 novembre 2014; des exemplaires de Sacrifice Your Body sont disponibles au stand de MACK à Paris

de heʼs - et pour lui, ils incarnent l’idée de “fugueʼ”.

“Depuis une dizaine d’années, je m’intéresse à la manière dont les images peuvent fonctionner comme une fugue”, explique-t-il sur le site de sa galerie berlinoise, Capitain Petzel, qui a présenté des tirages de “Sacrifice Your Body” dans une exposition personnelle en 2014.

“J’ai été initialement attiré par cette idée car elle faisait référence à la condition médicale de l’”état de fugue”... enclin à une amnésie de longue durée, généralement combinée à un voyage lointain.

Dans le livre de Walker Percy, “The Last Gentleman”, le protagoniste est constamment en état de fugue et se réveille de son amnésie pour découvrir qu’il n’est plus à New York mais sur un champ de bataille historique de la guerre civile en Virginie, à des centaines de kilomètres de là.

J’ai évoqué ce phénomène dans mon travail comme un moyen de découvrir de nouvelles images sans thèse trop élaborée ni sujet prédéterminé.

“J’aime aussi l’idée de la fugue comme composition musicale et comment elle peut être détournée pour le séquençage d’images.

Bien sûr, la couleur, la composition, le style et le sujet ne sont pas aussi définis qu’une note de musique, mais ils ont des tons et des voix, et finalement ce que j’aimerais que mes livres et mes expositions fassent, c’est chanter.

Les harmonies, les disharmonies, le bruit et le silence sont tous des choses auxquelles je pense.

Sacrifice Your Body MACK Books £40 www.mackbooks.co.uk

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Diane Smyth Diane Smyth est une journaliste indépendante qui contribue à des publications telles que The Guardian, The Observer, The FT Weekend Magazine, Creative Review, The Calvert Journal, Aperture, FOAM, IMA, Aesthetica et Apollo Magazine. Avant de devenir indépendante, elle a écrit et édité à BJP pendant 15 ans. Elle a également été commissaire d’expositions pour des institutions telles que The Photographers Gallery et le Lianzhou Foto Festival.

Vous pouvez la suivre sur instagram @dismy https://www.1854.photography/2017/11/in-paris-roe-ethridges-sacrifice-your-body/

Photo pendragon

armi les arts de la gravure, la xylographie est le plus ancien et le plus populaire : l’utilisation de planches de bois gravées en relief et encrées pour imprimer des images remonte, en Chine, au VIe siècle, tandis qu’en Europe, dès la fin du Moyen Âge, elle a entretenu la machine imaginative de tout un continent se prêtant au sacré et au profane - des cartes sacrées aux cartes à jouer, en somme - avec une facilité d’utilisation incomparable.

En effet, contrairement à la gravure sur plaque métallique, qui a toujours nécessité une compétence technique et des outils dédiés, la gravure sur bois se contente d’une lame et d’un simple morceau de bois “fil de fer” (sauf possibilité de pratiques très raffinées utilisant le bois dit “de tête” gravé au burin, ou, comme l’enseigne l’école japonaise, la combinaison de différentes matrices pour obtenir des images polychromes).

De cette simplicité grossière découle en effet la solidité particulière de la marque de la gravure sur bois, l’intensité de la couleur qui, lorsqu’elle est transférée sur le papier, conserve la porosité vivante du bois.

L’avènement de l’impression industrielle, comme ce fut le cas de la photographie pour la peinture, a noblement UNE ŒUVRE MONUMENTALE, rendu la gravure sur bois superflue comme outil de proGÉNÉREUSEMENT MANIAQUE duction utilitaire et sérielle d’images.

DANS SA CARTOGRAPHIE Depuis le milieu du XIXe siècle au moins, la perspective d’une stature artistique autonome s’est ouverte pour cetD’UN MONDE ARTISTIQUE MÉCONNU QUI, GRÂCE AUX te technique également, à laquelle ont contribué jusqu’à RECHERCHES DE SCHIALVINO, présent tant de grands noms de l’art moderne et contemporain, de Paul Gauguin à Anselm Kiefer.

BIEN QU’AVEC QUELQUES La section italienne du XXe siècle de cette histoire est OMBRES DANS LA CONaujourd’hui reconstituée avec un rare dévouement par STRUCTION CRITIQUE GLOBA- Gianfranco Schialvino, lui-même xylographe reconnu et LE, TROUVE MAINTENANT UN force motrice, avec Gianni Verna, de l’expérience d’édCÔNE DE LUMIÈRE MÉRITÉ. ition heureusement dépassée que fut pendant des années “Smens”, un magazine littéraire imprimé à la main avec des caractères de plomb, plein de gravures sur bois originales dans chaque numéro.

La Storia della xilografia in Italia nel secolo XX (Histoire de la gravure sur bois en Italie au XXe siècle) de Schialvino est un ouvrage très méritoire, car il couvre le fossé historico-critique qui s’est creusé jusqu’à présent dans ce domaine - le dernier ouvrage que l’on peut aborder, bien que moins spécialisé, est le Dizionario illustrato degli incisori italiani (Dictionnaire illustré des graveurs italiens), publié par Luigi Servolini en 1955 -, offrant près de cinq cents entrées biographiques et autant d’illustrations pour l’analyse des chercheurs et des amateurs ; le panorama proposé sur les revues de gravure sur bois publiées en Italie au siècle dernier, souvent confinées dans des circuits locaux difficiles à retracer, est également très utile.

Il convient également de noter la présence dans le volume d’entrées détaillées sur des artistes remarquables, PALAZZI 42 VENEZIA

Storia della xilografia in Italia nel Novecento.

Il libro di Gianfranco Schialvino Pendragon, Bologna 2020

Photo pendragon gianniverna

mais qui, souvent en raison de leur indépendance revêche, sont restés jusqu’à présent en marge de l’histoire de l’art la plus célèbre.

Un exemple est celui de Mario Giansone, un artiste total qui a trouvé dans la gravure sur bois un moyen d’expression important pour ses transpositions visuelles de la dynamique musicale, dont l’importance reste inconnue de la plupart des gens parce qu’il a toujours été opposé aux compromis si habituels dans le système de l’art (exemplaire est l’anecdote, rapportée par Schialvino, de la réponse que Giansone a donnée à la collectionneuse Peggy Guggenheim lorsqu’elle lui a demandé de lui donner quelques œuvres, en échange de l’honneur d’être inclus dans sa collection de milliardaire : “si tu les aime, tu les achètes”).

Ayant reconnu l’importance fondamentale de cartographier, définir et faire connaître, au meilleur sens du terme, un monde de l’art généralement assez isolé, j’aimerais faire quelques remarques sur sa conception éditoriale. Hormis quelques perplexités quant à la mise en page graphique (composition confuse de la couverture et du papier glacé, peu proche de la simplicité grossière de l’art en question) et le vague ennui pour les contributions occasionnelles qui anticipent la recherche puissante de l’auteur dans le texte, le choix d’organiser l’analyse globale par zones régionales n’est pas convaincant, car il n’ancre dans les biographies que des expériences ensuite développées dans des zones complètement différentes.

Pour être clair, Enrico Prampolini est né à Modène, mais est-ce suffisant pour faire entrer dans la section “EmiPALAZZI 43 VENEZIA

lie-Romagne” l’un des artistes les plus internationaux que l’Italie ait jamais eu, et qui de toute façon a vécu à Rome pendant la plus grande partie de ses années ?

On peut répéter la même remarque pour Giacomo Balla, qui est né à Turin mais qui ne pouvait pas être confiné de façon plausible à la section “Piémont”.

Dans le même temps, l’utilisation de macro-zones régionales telles que “Latium, Ombrie, Marches, Abruzzes et Molise” risque de rassembler des noms d’une généralité excessive, sans mettre l’accent, comme il conviendrait, sur la fonction d’attraction de certains centres culturels spécifiques. Par exemple : le fait qu’un géant de la gravure tel que Giulia Napoleone soit né en 1936 à Pescara, et relève donc du chapitre que nous venons de mentionner, est vrai, mais il est indéniable que sa vie artistique est purement romaine, résultat du contexte extraordinaire de la capitale entre les années 1960 et 1970.

En dépit des annotations qui viennent d’être faites, on comprend en conclusion que ce que Schialvino a créé est un monument admirable à la culture de la gravure du XXe siècle, auquel il sera nécessairement fait référence dans les décennies à venir, et dont on espère qu’il gagnera de nouveaux adeptes à cet art essentiel et évocateur qu’est la gravure sur bois.

Luca Arnaudo