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3. Le rôle de l’architecte

3. Le rôle de l’architecte Tout comme l’espace du bâtiment, du logement, qui doit se laisser manipuler et mouvoir, l’architecte doit aussi dans ce cas s’effacer légèrement pour laisser la place au futur habitant.

L’architecte influe t-il sur le mode de vie des habitants ou est-ce l’inverse, l’usager qui influence la conception architecturale ? La question sous-jacente est celle du rôle de l’architecte, et de sa place dans la conception. On peut distinguer à ce sujet deux courants de pensée qui diffèrent. Dans le premier cas, ce sont pour la majorité des architectes rattachés au mouvement moderniste, qui défendent une totale liberté de l’architecte dans la conception, sans se soucier de la personne qui habitera dans le logement, sans se soucier de la façon dont celui-ci prendra vie. D’autres, même s’ils ne peuvent répondre à toutes les demandes, s’y essaient car, conscients de l’impact de leur dessin sur la vie des futurs habitants.

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Un des freins à l’appropriation du logement par les habitants peut être l’architecte lui-même en imposant sa façon de concevoir le logement, son mode de pensée et sa vision du logement. Le Corbusier déclarait : « Tenir compte de ce que la famille exprime ? Non je ne crois pas qu’on puisse le faire. Il faut concevoir et discerner, puis offrir, poser à qui de droit »24

L’architecte ici se place en tant que sachant, il connait l’importance de l’humain dans l’architecture puisqu’il a par exemple fait ses recherches sur le Modulor25, mais nous comprenons qu’il étudie l’homme en tant qu’être physique et non pas en tant que futur habitant, ou être pensant. Il apparaît comme une mesure, un outil et non comme la finalité de la conception.

Le Corbusier, dans CHOMBART DE LAUWE Paul-Henry, Famille et habitation tome I, Sciences humaines et conception de 24 l’habitat, 1960, p.200. Citation extraite de BRESSON S, DENEFLE S., DUSSUET A. & ROUX N. Habiter le Corbusier, p.7.

Notion architecturale inventée par Le Corbusier en 1945, voir illustration.

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Illustration 5 : Explication du modulor source : cursus.edu.fr

D’autres architectes vont de cette façon, mettre de coté le volet sociologie, qu’on ne peut retirer à l’architecture si l’on souhaite que les habitants s’approprient l’espace et se sentent chez eux.

Un autre exemple est celui des logements Nemausus26 de Jean Nouvel qui ont marqué l’histoire des expérimentations et innovations dans le logement social selon moi. En effet, il s’agissait de donner plus d’espace aux logements pour permettre plus de liberté d’aménagement pour l’habitant.27 Succès de ce coté là, mais de l’autre, les habitants ne pouvaient toucher aux murs de béton. Cette interdiction est une contrainte de taille pour un habitant voulant se projeter et s’approprier l’espace. On trouve beaucoup d’exemples de ce genre chez les architectes de cette période, cela montre leur attachement à l’image de leur logement, mais également leur place dans la conception et la vie du logement.

Illustration 6 : Photos du projet « Nemausus », à Nîmes par Jean Nouvel source : http://www.jeannouvel.com/

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Nemausus est un ensemble de deux immeubles de logements situés dans le sud de Nîmes conçus par Jean Nouvel. Son souhait est de donner plus d'espace aux logements sociaux. Pour cela, les dessertes sont rejetées à l'extérieur du bloc formé par le bâtiment. Les matériaux de construction sont sans finition et rappellent un bâtiment industriel. Cela entraîne une économie permettant d’offrir des logements plus spacieux. De ce point de vue, Nemausus est une preuve qu’il est possible de bâtir du logement social autrement.

https://www.lemoniteur.fr/article/nemausus-le-nouveau-logement-social.1902524

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A contrario, des architectes vont développer une pensée et une façon de concevoir avec la notion de l’habiter, la question des modes de vie du quotidien. Monique Eleb28 disait dans un de ses livres « Messieurs les architectes, soyez un peu moins sculpteurs, un peu plus sociologues! »29 La vision de l’architecture a donc sans aucun doute évolué, et la composante sociologique prends sa place, tant bien que mal dans la pensée et la conception du logement.

Alors qu’il y avait déjà certaines expérimentations d’architecture participative, aujourd’hui beaucoup d’architectes se sentent concernées par cette tendance, les habitants participent à différents degrés à la conception, ou construction de leur logement. Nous pouvons citer Alejandro Aravena avec son projet « Elemental » où il livre des logements non finis, dans le but de laisser les habitants continuer la construction, ce qui augmente évidemment la participation.

Illustration 7 : Photos du projet « Elemental», au Chili par Alejandro Aravena source : darchitectures.com

Psychologue et sociologue française.28

ELEB Monique, BELLANGER F., Questions et hypothèses sur l’évolution de l’Habitat, p.2729

Il n’est pas question ici d’étudier ce type d’architecture participative, mais plutôt la flexibilité en tant que vecteur d’appropriation et d’implication de l’habitant, une façon peut-être moins extreme de l’impliquer, au quotidien.

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