Cette vie ensemble. Absolument aléatoire et autour.
Projet développé avec le collectif hlm éditions (Robin Jiro Margerin et Ana Vega).
Une capsule d’enregistrement de voix fut fabriquée au milieu de l’atelier, de sorte à recueillir de longues conversations, autour d’une table, avec des personnes de notre entourage plus ou moins proche. Conversations autour de nos pratiques et de ce qui existe au-delà des œuvres visibles. Les invitations se sont déroulées sur deux printemps (2016 et 2017).
Depuis l'affaire intime à l'affaire publique, faire émerger les problèmes plus ou moins intériorisés dans nos rapports au (sein du) milieu artistique - et les marges de manœuvre possibles, était l’objectif de ce décorum. Il a effectivement permis d’y accéder de manière plus cernée que dans les cadres plus quotidiens de nos échanges. Il a également révélé un certain nombre d’apories et d’impensés, et n’a pas été un dispositif efficace pour permettre de les problématiser jusqu'au bout - c'est à dire d'ouvrir à l'action et à l'organisation collective.
Le projet a donné lieu à une résidence de production en amont d’une exposition actant de cet état des lieux (Paris, 2017). À cette occasion, les enregistrements furent manipulés, transformés, réorganisés et montés.
Sept 2017.
L’état d’urgence déclaré, nous n’étions ni morts, ni prêts à tuer, ni réfugiés, ni naufragés. À ce moment-là, organiser des faces à face avec notre entourage artistique et non artistique pour parler de l'état des choses et de nos pratiques (usages de vie) nous apparaissait radical et sain. À l'échelle de cet entourage, ce que nous avons proposé était d’héberger et donner un décor à des conversations, l’artifice nécessaire pour se mettre en situation. Personne ne demandait les raisons de ces méandres de quorums qui se prolongeaient de deux à six heures. Certains demandaient ce qu’on ferait de ces enregistrements, qu’est-ce qu’on fait de ces questions? Certains anticipaient leur gêne d’être ré-entendus. Ce projet nous a motivés assez pour lui donner place dans notre vie, et dans notre atelier, parce qu’il nous semblait nécessaire. En le faisant, il semblait riche. Une fois fait, il semble simplement fait.
Au printemps 2016, puis une seconde fois au printemps 2017, l’atelier a été transformé, reconverti pour être dédié à cette nouvelle activité. Nous avons invité, lors d’une douzaine de sessions enregistrées, deux à trois personnes à discuter avec nous, sans nul impératif préalable que d’engager sa présence et partager ses pensées, suivant le cours des singularités et pluriels autour de la table. Le matériau avec lequel nous avons choisi de travailler était alors issu d’une pluralité de voix et de parcours. Nous avons tout réécouté, dépecé, trié et reconstitué. Chacun d’entre nous a entrepris une portion du travail de montage de ces chaînes de saucisses, avec pour entreprise de donner forme à ces questions, échanges et pensées qui s'y sont rencontrés.
Le résidence et l'exposition.
Pendant le mois de résidence précédant l'exposition, le matériau sonore fut transformé en différentes bandes sonores, et cinq artistes peintres furent invité·es à créer avec nous les décors de ces sono-riums - interventions conditionnant l'appréhension du matériau sonore et des espaces les logeant.
L’exposition dans son ensemble était animée par six différentes bandes sonores, de textures et durées drastiquement hétéroclites, fonctionnant toutes en boucles indépendantes, chacune dans son espace, ne se rencontrant jamais au même point.
Parmi elles, une émission de 5h40, en six chapitres, qui fut diffusée par un frigo-haut parleur et distributeur de boissons chaudes, dans un des espaces de la galerie alors transformé en cafétéria. L'émission pouvait s'écouter en regardant la chaîne BFM Tv, en mute.
Une bar-vitrine de personnages canins, une galerie évidée, un sas de pressurisation, une cafétéria bruyante, une voûte de chuchotements, une chapelle suée. Tous autant d'espaces habités de multiples voix.
L'exposition propose une invagination, depuis l'espace public le plus visible, aux zones caverneuses des échanges et du travail invisibles.
Ce qui se jouait dans ce lieu, habité des voix et habillé des mains d'une trentaine de personnes, rejouant leur acte en boucle, était une photographie de l'exercice d’écoute, de réflexion de groupe, d’écarts et de négociations. Une tension entre les constats d'un maillage dépendant et les besoins de trajectoires distinctives.
CETTE
Exposition du projet. Du 08 septembre au 14 octobre @ Arondit, Paris.
Exposition du 08 septembre au 14 octobre @ Arondit, Paris. Sur invitation de Romain semeteys.
https:// COMMUNIQUÉ DE PRESSE ET TEASERS AUDIO ICI (<Click)
En vitrine, une scène de café entre protagonistes canins.
A l'intérieur, le bureau de la galerie depuis lequel le personnel accueille les visiteur·euses, et prépare deux fois par jour les boissons chaudes pour la cafétéria du sous-sol.
Parmi le stock de café, une des cannettes dégage une bande son faisant vibrer l'opercule métallique. Les voix grinçantes sont une compilation d'opinions mondaines, intitulée LDP (pour "langue de pute").
- (éclate) - Haaaan
- Ah, oui, ça lui est monté jusque là, wahou - Mais tu sais, je crois qu’il a encore ce délire - je pense qu’il s’est calmé un peu, là-dessus - il s’est calmé mais il a mhhh, il s’est calmé mhhmais il en a des réminiscences qui percent toujours
- Il est complètement à l’ouest surtout, je crois - Je pense qu’il n’en a rien à battre - mais c’est comme ça que ça marche, son truc, il s’en bat les couilles. Complètement à l’image du monde moderne. Bravo. - et il a encore ce truc que je trouve complètement dépassé de “l’artiste mythe”, t’es mythique, alors que - Ce truc typiquement patriarcal - voilà! Alors que ça m’est arrivée de rencontrer de vieux artistes que j’admire de ouf, et tu les vois et ce sont juste de vieilles personnes - Mais oui! - et qui font leur truc - et qui ne vont jamais être là: “ouais, moi, tu sais, j’ai créé un truc incroyable, j’ai été..” non. Je trouve ça dingue, c’est trop bizarre, quoi, d’être dans un tel ego-trip. -Tu sens que ces gens ne vont jamais émettre la moindre critique à l’égard de ce qu’ils sont en train de faire, de ce qu’ils représentent, et de - Qui se prennent très au sérieux, tu veux dire - du nombre de culs qu’ils sont en train de lécher - (s’agite) Tout est enregistré, là, tu sais.. - j’m’en fous! - Mais là tu penses à quoi? - je pense à.. non, je te parle de tous les gens qui sont à ce salon.. - Je tente l’amalgame! Aller, c’est fait. - Ben je te rappelle que l’on l’a quasiment tous fait autour de cette table et je ne crois pas qu’on se comportait comme ça, ‘fin.. - Je caricature, non mais là je te parle des cassos sur lesquels je suis tombé - mais c’est vrai qu’il y a un peu ce truc avec ce lieu et typiquement ce genre d’événements qui cristallisent un peu toutes les haines et tous les ressentis, comme ça, des jeunes artistes, et tu sais que quand tu fais partie de ce truc tu vas te faire taper dessus par tout le monde à l’unanimité.. - Et rien que tous les kilomètres de moquette qu’ils déroulent et qui trois jours plus tard vont être ben nées..
- Up!
- Pas le temps, quoi - Mmh..
Derrière le bureau, la page "Opinion" du L.A.Times datant de décembre 2012, date et lieu de notre première rencontre avec l'un des artistes invités, qui a conservé le curieux document et l'a rapporté dans l'exposition.
Les titres:
"A Plan B for Part D" "A question of ethics" et "The world didn't end - yet".
"The world didn't end - yet.
If you are reading this, then the world didn't end today [...] The hypothesis [...] in the Maya calendar (which corresponds pretty closely with Dec. 21) was just plain wrong. [...] Humans have always been fascinated by the idea of the apocalypse. Sometimes we actually seem to believe in; other times we're just lapping up fantasies about dramatic destruction. [...]
What's odd is that despite our appearent obsession with global catastrophe, we're surprisingly reluctant to confront the complications of actual, documented threats to our planet. [...]"
L'arrière salle, en enfilade, qui a été refermée sur elle-même, se présente comme un espace d'exposition à l'apparence vide.
Au fond, la colonne en pierre structurant l'architecture, sur un plan légèrement soulevé, et une zone au gris plus dense et texturé qui se déverse le long du sol.
La seconde bande sonore, Description of a painting, intervient par interruptions depuis une petite toile blanche tendue et inscrustée dans la cloison. L'artiste invité vivant du côté opposé de l'océan Atlantique décrit un de ses tableaux, qu'il a sous les yeux.
La voix démarre ainsi:
This painting is currently located south of the Tropic of Cancer, in the city of Guadalajara, Mexico. The scale of this work is approximately the same as a person’s head covered by a large mask. The principal form is filled with gold paint, making it shine in the Mexican sun like a giant pre-colombian earring..
[...] The upper half of the painting is dominated by a large U shape with squared corners.
[...] This form can be interpreted as the bird’s eye view of an ancient ruin, revealing the architectural structure surrounding an open patio as seen from directly above. It can also be seen as the golden nose ring of a high Mochica priest whose purpose was to conceal the priest’s mouth so that his devotees would never see him uttering the direct words of the gods..
La suite de l'exposition se situe au sous-sol, accessible par un escalier en colimaçon. Un plafonnier arborant un triskèle phosphorescent ajouré de silhouettes fantomatiques émet la troisième bande-son. Via une enceinte ultra-directionnelle, les ondes suivent le mouvement sinusoïdal descendant de l'architecture.
Principalement composée d'onomatopées, de prémisses de langage hésitant et en élongation, d'extériorisations des doutes, elle devient audible lors de l'entrée dans le tube, au moment de l'emprunt de l'escalier, agissant comme une valve entre deux espaces: celui du public, du travail visible, et celui du privé, du travail invisible.
Traversant l'escalier-sas, l'espace d'arrivée au sous-sol se divise en trois passages différemment éclairés.
La voie centrale est l'issue de secours.
A gauche, une salle très lumineuse et bruyante.
A droite, une autre tamisée et douce.
plan sous-sol
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A droite, une enfilade de salles surélevées, voutées, tapissées de caoutchouc texturé, que l'on parcourt déchaussé·es. D'un côté, un aspirateur, et deux larges structures à sangles horizontales lui faisant face. Le long cou souple de l'aspirateur forme des arceaux au sol et s'érige jusau'au pied de la voûte avec son un bec rouge vif. L'appareil loge deux enceintes: la quatrième bande-son est en deux parties.
*Depuis son bec, une ultradirectionnelle orientée dans l'angle de la voûte émet des chuchottements atteignant l'endroit opposé. Inaudibles dans l'espace, les voix parviennent distinctement à l'oreille si l'on se place sur les transats verticaux, et l'intimité est pénétrée.
*Dans son corps, un subwoofer fait ronronner l'aspirateur tous les quarts d'heure, du son de son propre moteur, audible fortement aux deux étages et aspirant tout le reste des voix. Il rythme et épure l'ensemble.
Dans l'arrière salle se trouve une toute petite enclave, de taille individuelle, aux teintes pêche, de laquelle se dégagent de fortes odeurs végétales et corporelles, âpres et sucrées.
La pièce est entièrement tapissée de papier velu teinté dans la masse par une suite d'infusions, et ayant par la suite absorbé les sueurs durant l'effort minutieux de contre-collage. La cinquième bande son a été enregistrée pendant la résidence dans le lieu, via un casque individuel binaural. On entend les artistes se parler à eux-mêmes pendant leur travail, chantonner, fumer, se fatiguer, se déplacer.
A gauche, une salle de cafétéria, éclairiée et bruyante.
Une tour de mobilier, sur l'estrade du fond, fait office de distributeur de boissons chaudes en libre-service. Sa façade est percée d'enceintes qui diffusent la sixième bande sonore.
Intitulée {ABCDEF} , c'est une émission de 5h40 en six chapitres, un presque essai à voix multiples, une photographie et un pouls des interrogations, intérêts et préoccupations de la communauté interrogée.
A) Ce matin, le temps, le territoire, gentrification.
B) Village global, le data. l'individuel et l'organisation.
C) Catégoriser. Oppresser.
D) Milieu de l'art, où se passe l'art, quand?
E) La création, avatars, outils d'émancipation.
F) L'intelligence, le karma, la gravité, le aller.
Sur les nappes des plateaux, un organigramme manuscrit: un document de travail situant le panorama et la cartographie des idées et sujets abordés dans l'émission.
L'espace propose une station plus longue ; prendre le temps, un café, s'asseoir, discuter.
Une télé diffuse, en fond, le journal d'informations de la chaîne BFM TV en direct et en muet. Toutes les 45 minutes, BFM s'interrompt, et une vidéo sonore d'une minute prend sa place, boucle d'un extrait sélectionné montrant une femme dansant sur la scène mise en place par Jay-Z pour sa performance "Picasso Baby" à la Pace gallery, NY.
Intervenant·es invité·es :
_Conversations, Sessions #1 et #2
- artiste vidéaste et assistante de productions artistiques - artiste peintre - étudiante en architecture et plasticienne - artiste plasticienne - artiste scénographe et assistante d'artiste - artistes plasticien·nes, producteur de musique (groupe de recherche) - artiste peintre, théoricien (groupe de recherche) - artiste plasticien, gamer noob - étudiant en cinéma et plasticien - collectionneur, co-fondateur du lieu d'exposition invitant - artiste plasticien - avocat et activiste
_Interventions
- administrateur de projets de santé - chercheur en biologie - performereuse, dj, programmatrice de soirées - étudiant musicien et producteur - artiste plasticienne, vidéaste - artiste plasticienne - producteur de musique, dj, co-directeur de label - producteur de musique, dj, enseignant, co-directeur de label - galeriste - artiste peintre et galeriste - artiste peintre, enseignant - artiste peintre, producteur de musique, dj - artiste peintre - artiste peintre, poète - artiste peintre, poète
Alba Thérond
Zoé de Soumagnat
Alice Van Biesbroeck
Clémentine Adou
Sabine Tarry
Hélèné Deléan, Clément Caignart (Irma Name) Bruno Teoccoli (Ikonotekst groupe)
Damien Gouviez
Ignacio Vega
Abel Blimbaum
Martin Soto Climent Gabriel Soto Climent
Francisco Vega Manuel A. Vega Simon Thiébaut Nelson Beer
Mélanie Matranga
Justine Ponthieux
Colin Benderitter Quentin Caille
Joseph Tang Bastien Cosson
Jakub Czyszczon
Eamon Ore-Giron
Zoé de Soumagnat
Maxime Baron
Antoine Jin Barberon
