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Penser l’avenir climatique avec quelles idées ?
Depuis quelques années, le vocabulaire autour de la transition climatique ne cesse de se développer. Les phénomènes s’amplifient et la pensée change, ce qui nous oblige à faire évoluer les termes, à mieux définir les concepts mais aussi à en poser de nouveaux pour essayer d’explorer d’autres horizons et de trouver des solutions. Voici cinq concepts d’hier et de demain, en lien avec le changement climatique, expliqués.
Alliance
Ce concept vient de l’enseignant-chercheur en philosophie française, Baptiste Morizot.
Dans l’idée d’alliance, il s’agit de ne pas simplement bénéficier de l’action d’un vivant mais de transformer nos usages, notre approche de la Terre pour que cela soit compatible avec les exigences et les dynamiques du vivant.
L’alliance oblige à sortir de certains raisonnements : il faut imaginer une autre relation avec le vivant et le revaloriser, lui redonner de l’importance. (Pour en savoir plus, lire L’inexploré de Baptiste morisot aux Éditions Wildproject).
Écologie
Ce terme est apparu pour la 1ère fois en 1866, par un biologiste allemand, Ernst Haeckel, qui voulait remplacer le terme « biologie », considéré comme trop restrictif. Il se consolide au XIXè siècle en définissant la science des êtres vivants en rapport avec leur environnement.
Au XXè siècle, avec les grandes catastrophes industrielles, l’humain prend conscience de son impact sur la planète : l’écologie devient plus politique. Elle désigne de plus en plus cette nouvelle préoccupation pour l’environnement, qui se nourrit aussi de travaux scientifiques. C’est à cette époque que nous voyons apparaître les premiers partis de l'écologie politique pour devenir petit à petit le terme tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Écosophie
Le concept d’écosophie arrive en 1960 via le philosophe Arne Naess, professeur à l’Université d’Oslo. Il s’agit d’une recherche de la sagesse en ce qui concerne les attitudes humaines à mettre en œuvre pour protéger l’environnement, la nature, la santé et la vie. Il remet en cause l’idée de la personne humaine comme sommet absolu de l’évolution, et par conséquent autorisé à puiser sans limite dans les ressources naturelles. Il est souvent associé au mouvement de l’écologie dite « écologie profonde », fondée elle aussi par Arne Naess, qui invite à un renversement de la perspective anthropocentrée : l’homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans un ensemble plus large. Pour en savoir plus, lire Vers l’écologie profonde de Arne Naess aux Éditions Wildproject)
Éthique environnementale
À partir des années 1960, des philosophes américains ont commencé à théoriser ce concept. L’éthique environnementale traite des rapports entre les hommes et leur environnement ainsi qu’avec les êtres naturels. Ceux-ci sont pris en compte individuellement mais aussi collectivement. Cette éthique considère les besoins propres de la nature et pose la question des droits et devoirs de la personne humaine vis-à-vis des espèces et de la vie naturelle, mais aussi ce qu’il perçoit comme étant l’environnement. II s’agit de réfléchir en tenant compte de la perception globale de l’ensemble des activités locales et de leur interdépendance.
Réensauvagement
La sixième extinction massive d’espèces est aujourd’hui. De nouvelles idées voient le jour comme consacrer la moitié de la surface terrestre à la préservation de la biodiversité. Elles répondent au réensauvagement.
Celui-ci ne se limite pas à l’idéal du « sauvage » visant à isoler une part du vivant mais il tente de trouver de nouvelles stratégies de gestion et de planification afin de mieux appréhender les enjeux de la cohabitation entre humains et non-humains dans des espaces partagés. Pour la France, on citera par exemple le cas du loup. Le réensauvagement, subi ou choisi, est aujourd’hui une tendance de fond. Face à cette dynamique, la puissance publique tente de maintenir des équilibres territoriaux parfois précaires. (Pour en savoir plus, voir L’économie face à la nature, de la prédation à la coévolution , par Harold Levrel et Antoine Missemer aux éditions Les Petits matins)
Une France à + 4°C en 2 100, un scénario envisageable ?
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a appelé à se préparer à un scénario dit « modéré » dans lequel la France se réchaufferait de 4°C en métropole par rapport à l’ère préindustrielle d’ici 2100, contre 1,8°C aujourd’hui.
Une consultation publique vient d’être lancée à ce sujet. Une manière de mettre dans le débat public le dossier de la nécessaire adaptation alors que la France peine sur ce sujet. Un scénario appuyé sur les rapports du GIEC qui doit nous alerter sur notre trajectoire actuelle éloignée de nos ambitions climatiques. L’UNSA Éducation revient dans les grandes lignes sur cette France dont le visage serait radicalement différent d’aujourd’hui.
Comment agir ?
L'accord de Paris de 2015 prévoyait une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) afin de contenir le réchauffement climatique à 1,5°C.
Mais les actes ne suivent pas les ambitions. Ainsi, le scénario adopté à l’unanimité par le Conseil national de la transition écologique (CNTE), une instance de dialogue en matière de transition écologique et de développement durable, se situe au-delà de la moyenne mondiale de 3°C prévue par le GIEC. En réponse, la France prépare pour 2024 un Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), le 3è depuis 2011. Ce plan aura des volets concernant la santé, l’économie et l’agriculture, la continuité des infrastructures et des services essentiels, ou encore la restauration des écosystèmes. En parallèle, un « plan national de gestion des vagues de chaleur » doit être lancé fin mai, avec des mesures pour mieux encadrer par exemple les conditions de travail en extérieur ou les examens scolaires en cas de canicule.
Le scénario du pire ?
Face au dérèglement climatique, la France va devoir s’adapter. Constructions, agriculture, ressources en eau, îlots de chaleur urbains, hausse du niveau de la mer, centrales nucléaires, etc. Les conséquences d’un niveau de réchauffement aussi élevé seront très importantes. Les sécheresses pourraient durer 10 mois par an près de la Méditerranée, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur les secteurs agricoles, industriels et domestiques. Les étés semblables à celui de la canicule de 2003 seront la norme. Les canicules seront plus intenses, longues et fréquentes. Tempêtes, orages, précipitations violentes, inondations, ces événements climatiques extrêmes seront également plus nombreux et intenses.
En raison de l’augmentation des températures, l’air sera plus humide, ce qui posera des problèmes graves sur la santé, comme l’hyperthermie où le corps entre en surchauffe. Les virus et bactéries peu répandus en France aujourd’hui augmenteront avec un terrain favorable pour la propagation de maladies comme la dengue, le paludisme ou le chikungunya.
Les impacts seront multiples avec des coûts humains et de santé importants avec un risque de saturation de nos hôpitaux. Les maladies respiratoires ou celles liées à l’eau seront intensifiées par les pollutions de l'air, de l’eau et les températures élevées. Le monde agricole devra faire face à ces perturbations qui pourraient réduire les rendements et la qualité des productions. Enfin, l’élévation des eaux mettra de nombreuses régions côtières en grande difficulté, ainsi que des villes comme Calais ou Dunkerque. En effet, les littoraux sont très peuplés et sont à une altitude souvent proche du niveau de la mer, les rendant particulièrement vulnérables, comme l'érosion, la submersion marine et la perte d'habitats naturels.
Sommes-nous prêts à envisager cet avenir ? Rien n'est moins sûr. Le plus délicat est de cerner dès à présent les répercussions sociales du changement climatique.
À l'UNSA Éducation nous ne souhaitons pas renoncer aux ambitions climatiques, notamment de la COP 21 de Paris. Sortons de la résignation, agissons pour réduire les émissions de GES, tout en préparant la France à sa trajectoire actuelle… celle des + 4 ° C faute de tenir nos engagements climatiques.
Rémi Ferrières remi.ferrieres @unsa-education.org