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Racisation, intersectionnalité : ces mots qui fâchent

Racisation,

intersectionnalité : ces mots qui fâchent

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Depuis l’attentat contre Samuel Paty, toute la droite et l’extrême-droite est en roue libre contre les islamogauchistes décoloniaux intersectionnalistes féministes radicales à l’université. Blanquer, le Figaro, le Point, Valeurs actuelles, Zemmour, CNews, Sud Radio… pas un jour ne passe sans son une nouvelle tribune, un nouvel article, un nouvel éditorial, un nouvel appel. Dernière trouvaille en date : le 14 février, Frédérique Vidal, piquée au vif par le papy Elkabbach, annonce qu’elle va commander une enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université au CNRS. Même la CPU s’est énervée ! Nous ne pouvons pas entrer dans ce débat qui est tout sauf un débat. Certains termes issus des sciences sociales sont entrés dans le vocabulaire militant et sont contestés et discutés ad nauseam par toutes les forces réactionnaires citées ci-dessus. Ainsi en va-t-il du terme racisé / racisée. Ce concept n’est pas d’importation américaine comme on voudrait le croire ; il a été défini en 1972 par la sociologue Colette Guillaumin (décédée en 2017). Tout comme pour Claude Lévi-Strauss, il était absolument clair pour elle que les races n’existaient pas. Cependant, le racisme existe et produit ses effets, d’où le concept de racisation désignant le processus d’assignation d’une personne à un groupe humain basé sur des critères subjectifs. De même, l’intersectionnalité, autre terme à la mode, est une notion de sociologie désignant la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de discrimination. Il provient de l’universitaire afro-américaine Kimberlé Williams Crenshaw. Les sciences sociales permettent d’interpréter le monde mais pas nécessairement de l e changer. Importés dans le vocabulaire militant, les concepts peuvent se vider de leur sens. Une approche initialement constructiviste (apport fondamental de la sociologie : toute société humaine est une construction) peut sombrer dans l’essentialisme. Il existe des intersectionnalistes identitaires. L’appropriation de concepts intersectionnels par certains groupes militants peut conduire à des dérives formalistes, élitistes, autoritaires, où l’on finit par mettre les gens dans des cases.

L’athéisme militant suspect ?

La religion, par exemple, devient une composante essentielle de l’identité de l’individu qui ne peut plus être remise en question. L’athéisme, dans cette conception, demeure l’apanage de certaines populations et ne saurait en toucher d’autres. Pour certains pourfendeurs de l’islamophobie, on ne saurait être athée militant sans être suspect de racisme. Pourtant assigner l’autre à sa religion, au point qu’il lui serait impossible d’y renoncer, est bien une forme de racisation. Les discriminations vécues par les personnes issues de telle ou telle « minorité ethnique » (voir le mouvement des ex-musulmans, très actif au Royaume-Uni et aux États-Unis) passent pourtant inaperçues aux yeux des tenants de l’intersectionnalité. Il nous faut refuser les termes de ce faux débat. Nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans deux camps, celui des universalistes impérialistes version Vigilances Universités d’un côté, celui des intersectionnalistes identitaires décoloniaux de l’autre. Beaud et Noiriel, par exemple, refusent ce clivage. Nous ne pouvons pas laisser l’universalisme à ceux qui pondent une loi contre les « séparatismes ».