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Fragilité osseuse

Les personnes paralysées médullaires sont sujettes à l’ostéoporose. La recherche n’est pas encore assez avancée pour apporter une explication ou un remède à ce phénomène.

Kamran Koligi, Médecin adjoint Paraplégiologie CSP, et Nadja Venetz

L’ostéoporose est caractérisée par une diminution de la masse osseuse et une détérioration microarchitecturale du tissu osseux, ce qui augmente le risque de fracture. Par ailleurs, comme leur sensibilité est réduite dans certaines régions du corps, les paralysé·e·s médullaires sont susceptibles de ne pas remarquer ces lésions. La densité osseuse est mesurée à l’aide de la méthode DXA. On parle d’ostéoporose lorsque la densité minérale osseuse au niveau de la colonne vertébrale lombaire et/ ou des os de la hanche diverge de plus de –2,5 écarts types de la valeur moyenne d’une personne du même sexe, âgée de 20 à 29 ans et en bonne santé. Ces différences avec la valeur moyenne de référence sont exprimées sous forme de T-Scores. Le diagnostic d’ostéoporose est donc posé à partir d’un T-Score de ≤ –2,5.

Causes

À ce jour, la pathophysiologie exacte d’une ostéoporose en cas de paralysie médullaire n’a toujours pas livré tous ses secrets. Divers facteurs favorisant le tableau clinique font l’objet de discussions. L’absence de charge mécanique liée à la paralysie médullaire est considérée comme l’un des principaux facteurs d’apparition de l’ostéoporose. Par ailleurs, des facteurs non mécaniques semblent également favoriser le développement d’une ostéoporose en cas de paralysie médullaire. La dégradation du système neurovégétatif et les modifications de la circulation sanguine ont un impact sur les cellules osseuses. En outre, les changements qui apparaissent dans le métabolisme, le système nerveux et l’équilibre hormonal agissent sur le métabolisme osseux et donc sur la solidité des os.

Diagnostic

Selon les recommandations de l’OMS, la densité minérale osseuse mesurée par DXA est classée en quatre catégories diagnostiques:

– T-Score normal > –1

– Ostéopénie (diminution de la densité osseuse)

T-Score ≤ –1 mais > –2,5

– Ostéoporose T-Score ≤ –2,5

– Ostéoporose manifeste

T-Score ≤ –2,5 avec fracture inadéquate

Traitement

L’association faîtière d’ostéologie (Dachverband Osteologie) préconise que les personnes à risque suivent un traitement de base prophylactique contre l’ostéoporose. Comme mentionné ci-dessus, celles et ceux qui se déplacent en fauteuil roulant en raison d’une paralysie médullaire en font partie. Le traitement de base com- prend la prise de calcium et de vitamine D3. Un apport total en calcium de 1000 mg à 2000 mg maximum par jour est recommandé. Une alimentation saine et équilibrée permet généralement de couvrir ce besoin sans compléments.

En cas de risque accru de chute et/ou de fracture et de faible exposition au soleil, il est en outre recommandé de prendre de la vitamine D3 en dose journalière de 800 à 1000 UI. Substituer la vitamine D3 en se basant sur les valeurs mesurées n’est pas conseillé. Dans le cadre du traitement de base, il convient en outre de réduire si possible ou, encore mieux, d’arrêter un traitement permanent par glucocorticoïdes.

Pour traiter spécifiquement l’ostéoporose, on a recours aux bisphosphonates, ainsi qu’à d’autres préparations, telles que les œstrogènes, le tériparatide (PTH 1–34), le raloxifène et le dénosumab. Selon les directives sur l’ostéoporose, l’indication suit un algorithme complexe prenant en compte l’âge, le sexe, le T-Score et des facteurs de risque décrits plus précisément.

État de la science

La recherche dans le domaine de l’ostéoporose en rapport avec la paralysie médullaire en est encore à ses balbutiements. Il n’existe pas d’essais cliniques concernant l’influence de la thérapie sur la fréquence des fractures et les preuves scientifiques sont insuffisantes. Le cas échéant, un traitement spécifique de l’ostéoporose peut être mis en place «off-label», en détournant des médicaments de leur usage autorisé. Il existe néanmoins une multitude de traitements physiothérapeutiques et pharmacologiques, de plus ou moins bonne efficacité.

Dans le domaine de la prévention de l’ostéoporose dans les douze mois suivant le diagnostic d’une paralysie médullaire, tant les bisphosphonates administrés par voie orale (tiludronate, étidronate et alendronate) que les bisphosphonates injectés par intraveineuse (zolédronate, pamidronate) ont montré une réduction de la résorption osseuse sous-lésionnelle par rapport au placebo. Il a été prouvé qu’une seule dose par intraveineuse de zolédronate stabilisait le fémur par rapport au placebo dans les douze mois qui suivaient la paralysie médullaire.

Les études sur le traitement de l’ostéoporose en cas de paralysie médullaire chronique (plus de douze mois) se limitent à des recherches sur l’alendronate (10 mg/j + 500 mg de calcium/j) sur une période de deux ans chez des paralysé·e·s médullaires. L’association d’alendronate et de calcium s’est avérée efficace pour stabiliser les paramètres osseux du tibia et de la hanche, et se traduit par une augmentation des valeurs de densité de la colonne vertébrale lombaire en présence d’une paralysie médullaire chronique. Et ce, contrairement au groupe de contrôle qui s’est vu substituer 500 mg de calcium par jour et a présenté une diminution significative de la densité minérale osseuse du tibia et de la hanche.

Approches mécaniques

Les études sur les effets d’interventions non pharmacologiques telles que l’entraînement à la position debout ou à la marche, le sport, les vibrations ainsi que la stimulation électrique fonctionnelle (SEF) sur les paramètres osseux sous-lésionnels des personnes atteintes de paralysie médullaire n’aboutissent à aucuns résultats probants. La plupart des résultats se basent sur des études de faible niveau de preuve et sur un échantillon restreint. De plus, comme les études sont très hétérogènes concernant les critères des patient·e·s impliqué·e·s, la fréquence et l’intensité de l’entraînement, il n’est pas possible de formuler des conclusions générales. Seuls les effets de la SEF ont été examinés dans plusieurs études menées chez des paralysé·e·s médullaires dont le motoneurone inférieur était intact et ont été résumés dans une méta-analyse. Le vélo à stimulation électrique fonctionnelle ou l’entraînement en flexion-extension du genou montre l’apparition d’une ostéogénèse sur les paramètres osseux des membres paralysés. Un effet ostéo-anabolique a été prouvé pour des volumes d’entraînement par SEF de trois à cinq unités par semaine, d’une demi-heure à une heure chacune, pendant six à douze mois. L’effet ostéo-anabolique se résorbe lentement après l’arrêt de l’intervention par SEF.

Comme l’efficacité de nombreuses approches thérapeutiques n’est pas suffisamment prouvée scientifiquement, un dialogue étroit est nécessaire entre le personnel médical spécialisé et les patient·e·s. Les décisions concernant les mesures diagnostiques et thérapeutiques doivent toujours être prises dans un contexte individuel.

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