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Dans le miroir de la société

Accepter son handicap et s’aimer soi-même est souvent une gageure pour les personnes concernées. Deux membres de l’ASP nous font part de leurs réflexions.

Jacqueline Calame et Peter Birrer

Nous sommes chaque jour inondé·e·s d’images qui prônent la perfection et véhiculent un certain idéal. Mais que se passe-t-il si je ne me reconnais pas dans ces clichés de la perfection? Que peuvent éprouver les personnes atteintes de paralysie médullaire dans une société qui semble focalisée sur la réussite, la beauté, la richesse et la performance?

Deux Suisses romand·e·s, qui vivent avec un handicap depuis leur naissance, ont accepté de réfléchir au thème de l’estime de soi et de partager avec nous leur ressenti. Nous remercions sincèrement ces deux membres de l’ASP pour leur franchise et le temps qu’ils ont consacré à leur texte.

Apprécier l’instant présent

Caroline Bossy, 30 ans

J’ai reçu très tôt l’injonction parentale de devoir réussir, faire toujours mieux et être comme les autres – sous peine de «ne pas être aimée» – sans que ma situation de handicap et les limites qui en découlent ne soient prises en compte. Je me contorsionne chaque jour pour m’adapter à la société et aux autres pour que ça roule et j’y perds des plumes.

Nous sommes beaucoup à avoir entendu les «quand on veut, on peut». Eh bien non, impossible de marcher! Impossible de tout réussir! Alors comment faire? Chaque fois que nous ne pouvons pas obtenir ou atteindre ce que nous voulons, nous refusons et protestons. Cela nous rend-il heureux? On ne peut pas courir un marathon comme les autres, c’est impossible, c’est ainsi! L’énergie mentale et physique utilisée pour compenser ou diminuer notre différence est perdue. Je préfère alors accepter, faire avec, faire de mon mieux.

Agir plutôt que réagir Lâcher prise. Accepter que ce soit comme ça. Accepter de ne pas pouvoir contrôler tout ce qu’on aimerait pouvoir contrôler. Mais cela ne veut pas dire laisser tomber, au contraire! C’est faire preuve de résilience. Qu’est-ce que je peux changer? Qu’est-ce que je ne peux pas changer?

J’ai un handicap, cela implique une multitude de difficultés, c’est comme ça. Si vous perdez un objet unique et précieux, il est perdu, c’est un fait. Il en est de même pour une maladie ou un accident. Nous n’avons d’autre choix que de continuer de vivre avec. C’est bien difficile mais cela fait partie du chemin de vie.

Changer notre perception

Nous sommes bombardé·e·s d’images qui vantent la beauté, la perfection, autant de faux-semblants qui nous détournent de notre valeur intrinsèque. Qu’est-ce que la beauté? Qu’est-ce que la réussite? Ce ne sont que des mots qui portent sur l’apparence et le superficiel. Ces normes ne décrivent en aucun cas notre vraie valeur mais sont pourtant une référence pour la plupart des gens. Suis-je quelqu’un de bien si je ne gagne pas 4000 francs par mois? Ai-je droit à de l’estime si je ne ressemble pas ou plus aux modèles prônés par les médias?

Je crois que mon monde est parfait et beau comme il est. Je préfère vivre et être dans ma propre réalité plutôt que de suivre aveuglément les diktats. C’est difficile, c’est vrai, de se sentir bien quand les conceptions du bonheur dictées par les autres ne sont pas atteintes, mais ces idéaux sont des illusions. Le bonheur passe par l’instant présent et non par des acquisitions. Chacun et chacune possède la faculté de voir dans l’ici et maintenant le bonheur qui est là. Le bonheur d’être là. Il s’agit d’en être conscient et de l’apprécier.

Tous les mêmes

Quand on vit avec un handicap physique, la seule chose que l’on peut changer pour notre bien, c’est notre état de conscience. On est appelé à lâcher prise quant à l’ordinaire, à la «normalité», à la perfection, à la réussite. Il n’est pas question de rivaliser avec les autres, mais plutôt d’observer que d’un côté nous ne sommes pas si différents les uns des autres et que de l’autre, chaque être humain est unique et différent.

Je crois que c’est en commençant par nousmême, en changeant notre propre perception, que nous rendrons petit à petit la société plus humaine. Je choisis alors d’accepter mes limitations, de trouver en moi ce qui me fait plaisir, de voir les petits détails de la vie, d’être dans le moment présent et de trouver comment me sentir bien dans mon corps.

Chômeur malgré lui

Christophe (nom modifié), 31 ans

Ce n’est pas facile de vivre dans une société où on a l’impression de devoir être beau, être bien habillé, ressembler aux autres, avoir une belle voiture et de l’argent. On s’imagine qu’on n’a presque pas le droit de vivre autrement. Donc, par peur d’être rejeté, on s’adapte comme on peut, en prenant le risque de se perdre.

Je dois vivre avec une rente AI, j’ai donc peu de moyen à ma disposition pour mener le même le train de vie que les autres ou m’offrir des petits extras, comme des vacances. Pourtant je ne suis pas à plaindre; je renvoie l’image d’un mec soigné et bien habillé. J’ai la chance de pouvoir vivre seul dans un chouette appartement et de conduire une voiture qui me plaît.

Manque de structure quotidienne

J’ai une famille qui m’entoure ainsi qu’une vie sociale riche. En revanche, je n’ai pas de travail et cela me pèse. C’est difficile de trouver un job qui puisse prendre en compte ma situation de handicap. Comment faire comprendre à un employeur que ma tête aimerait bien pouvoir arriver au boulot à l’heure chaque matin, cinq jours sur sept, et se donner à fond, mais que mon corps ne le peut pas? Comment garder un emploi entre les rendez-vous médicaux obligatoires, la fatigue et les douleurs? Ne pourrait-on pas créer des jobs «sur appel», mais où les rôles seraient inversés, où ce serait à l’entreprise de s’adapter?

L’image d’un jeune homme qui a tout mais qui ne peut pas subvenir à ses besoins est difficile à supporter. C’est compliqué de ne pas pouvoir avoir une vie rythmée par le travail, de ne pas avoir une journée structurée et, le soir, de sentir la satisfaction d’une journée bien remplie. Je ne peux pas participer aux conversations qui tournent autour du travail et cela ne contribue pas à accroître ma confiance en moi. Ma vie est différente de celle de mon entourage. «La différence est une force!», proclame mon tatouage. J’aimerais que cette force soit davantage appréciée par la société et le monde du travail.

Conseil

L’équipe du département Conseils vie est à votre disposition pour discuter de ce genre de sujet. Nous sommes là pour vous écouter.

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