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La chapelle Saint-Joseph de la Grave a Toulouse
Mémoire - Introduction
En quoi la restructuration d’édifices patrimonialisé comme les musées impliquent différents enjeux ?
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2022 - 2023
Professeurs encadrants Bérénice Gaussuin de la Garonne, le soleil se couchant derrière et l’illuminant. Nombreux habitants et touristes de la ville rose l’admirent et le prennent en photo mais peu connaissent son histoire, et ont eu l’occasion de visiter l’édifice. La Chapelle Saint-Joseph de la Grave, surmontée de ce dôme, est un monument emblématique de la ville de Toulouse, visible depuis les quais de la Garonne. Elle est un symbole de la ville, l’un des monuments toulousains les plus photographiés1.
La ville de Toulouse se situe en France, au sud-est (fig. 3.1), au nord du département de la HauteGaronne (fig. 3.3). Elle fait partie de la région Occitanie (fig. 3.2), au niveau de l’axe de communication entre l’Océan Atlantique et la mer Méditerranée. La ville est située sur un coude du fleuve de la Garonne. Toulouse se sépare en deux par sa géographie et son évolution historique : la rive droite et la rive gauche (fig. 3.4) La rive droite est une terrasse où l’on retrouve les premières traces de civilisations toulousaines. De l’autre côté de la Garonne, la rive gauche se joint à la ville de Toulouse avec notamment le quartier Saint-Cyprien qui était à l’origine un bourg. Ce quartier (fig. 4), construit en dehors des remparts de Toulouse, en zone inondable, a toujours été considéré dans l’histoire de la ville comme le quartier « pauvre » et peu agréable2. En effet, sa situation géographique excentrée lui a valu d’accueillir de nombreux équipements essentiels à une ville, mais qui n’étaient pas appréciés dans le centre pour le « bien-être » des habitants. On distingue ainsi à SaintCyprien la présence des abattoirs de Toulouse ou de grands édifices hospitaliers. En effet, on découvre les deux premiers grands établissements hospitaliers de la ville de Toulouse : l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques et l’Hôpital Saint-Sébastien, qui devient par la suite l’Hôpital Saint-Joseph de la Grave
Les premiers hôpitaux sont apparus au Moyen-Age. Le nom « hôpital » vient du latin hospitalis3 qui signifie « (maison) hospitalière4 ». Anciennement, cela signifiait «tétablissement charitable religieux où l’on
1 Frenkel Alexandra, « Le monument le plus photographié de Toulouse bientôt accessible au public : voici ce que l’on va y voir », Actu Toulouse, 18 Août 2022, disponible sur [actu.fr], consulté le 26 Septembre 2022
2 « Chronologie en construction », Archives de Toulouse disponible sur [archives.toulouse.fr], consulté le 10 Août 2022
3 Cf. Étymologie « Hôpital », Dictionnaire de l’Académie française, disponible sur [dictionnaire-academie.fr], consulté le 26 Septembre 2022 accueillait des voyageurs, des pèlerins, des indigents, des malades démunis5 ». En effet, les hôpitaux ont été construits afin d’héberger les personnes les plus pauvres en leur apportant l’hospitalité. Ces établissements sont tenus par des congrégations de religieux : ce sont des œuvres de charité.
4 Idem.
La notion de charité est présente dès l’Antiquité, mais c’est avec le Christianisme que l’hospice devient une institution6. Les hospices permettent d’accueillir les vieillards, les enfants abandonnés et orphelins, les pauvres, les malades et les infirmes7 en dehors des villes. Dans le quartier Saint-Cyprien, deux grands établissements hospitaliers sont présents au XIIe siècle dont l’Hôpital Saint-Sébastien (qui devient par la suite l’Hôpital Saint-Joseph de la Grave).
Le premier écrit qui mentionne l’hôpital de la Grave date de 1197 dans la charte de Raymond IV8 Il est érigé à côté de l’Hôpital Sainte-Marie de la Daurade, dont il ne reste aucune trace aujourd’hui dans le quartier Saint-Cyprien, le long des berges de la Garonne9. Anciennement, l’hôpital de la Grave était appelé San Subra. Le nom de l’hôpital « la Grave » est en lien avec le lieu du bâtiment qui se situe sur la grève10 de la Garonne. Cet emplacement de choix, à proximité du fleuve de la Garonne, a sans doute permis pendant un certain temps l’approvisionnement en eau fraîche ainsi que l’évacuation rapide des eaux usées du bâtiment hospitalier.
L’hôpital a servi dès ses débuts à recueillir les pauvres, les pestiférés et les aliénés, et ainsi leur offrir l’hospitalité. En 1348, les premières épidémies de Peste Noire11 arrivent à Toulouse, et c’est l’Hôpital Saint-Sébastien qui les accueille en grande partie12. Les épidémies de peste continueront jusqu’au XVIIe siècle13. Le fait que l’hôpital se situe en dehors des remparts de la ville permet d’éviter de contaminer le reste de Toulouse14. Au XVIIe siècle, la pauvreté devient un problème politique : c’est la période du Grand Renfermement15. L’hôpital Saint-
5 Cf. Définition « Hôpital », Dictionnaire de l’Académie française disponible sur [dictionnaire-academie.fr], consulté le 26 Septembre 2022
6 Françonnet, Eric, « Évolution de l’hôpital toute une histoire », Dijon Santé, 5 mai 2017, disponible sur [dijon-sante.fr], consulté le 5 Novembre 2022
7 Drazn Grmek Mirko, Bernarino Fantini, Histoire de la pensée médicale en Occident, vol. 1, Paris, Le Seuil, 1995, p. 162
8 Comte de Toulouse (925 – 961)
9 « Histoire des Hôpitaux de Toulouse ‘‘La Grave’’ un Hôpital ‘‘primitif’’ peu connu », hôpitaux de Toulouse, disponible sur [chu-toulouse.fr], consulté le 23 Avril 2022
10 « Lieu uni et plat, couvert de gravier, de sable le long de la met, ou d’une grande rivière. »
Cf. Définition « Grève », Dictionnaire de l’Académie Française disponible sur [dictionnaire-academie.fr], consulté le 30 janvier 2022
11 « Épidémie venue d’Asie, qui ravagea l’Europe au milieu du XIVe siècle et causa, selon les historiens de l’époque, la mort de près de la moitié de la population. » /
« Grave maladie infectieuse et épidémique, due au bacille de Yersin, transmise aux rongeurs et à l’homme par des puces. Peste bubonique, forme la plus connue de la peste, caractérisée par l’apparition de bubons, le plus souvent à l’aine, au cou et sous les aisselles. »
Cf. Définition de « Peste », Dictionnaire de l’Académie française disponible sur [dictionnaire-academie.fr], consulté le 26 Septembre 2022
12 « Histoire des Hôpitaux de Toulouse la peste et la 1ère restructuration du XIV siècle à la 1ère moitié du XVII siècle », hôpitaux de Toulouse disponible sur [chu-toulouse.fr], consulté le 23 Avril 2022
13 Idem.
14 « Histoire de Toulouse », Mairie de Toulouse, disponible sur [toulouse.fr], consulté le 22 Septembre 2022
15 « Terme inventé par Michel Foucault en 1961 (dans son Histoire de la folie à l’âge classique), afin de caractériser la politique royale au XVIIe siècle, plus répressive que charitable à l’endroit des mendiants et des marginaux. »
« Grand Renfermement », Université de Limoges disponible sur [unilim.fr], consulté le 5 Novembre 2022
Sébastien devient alors l’Hôpital Général Saint-Joseph de la Grave et accueille de nouveau les pauvres afin de les « soigner, [les] nourrir, [les]instruire et relever le niveau [de] moral des pauvres16 », comme demandé par l’État. Ainsi, pendant de nombreuses années, le quartier de Saint-Cyprien devient l’endroit où sont recueillis les malades et les personnes que l’on souhaite mettre à l’écart de la ville, celle-ci étant trop étroite pour permettre la construction de nouveaux édifices hospitaliers aussi conséquents.
Seuls de petits hôpitaux sont construits à l’intérieur des remparts de la ville de Toulouse. Ils servent à soigner, ou à offrir l’hospitalité à des personnes considérées comme plus nobles aux yeux de la société (fig. 5). Chacun de ces hôpitaux a une fonction d’accueil précise.
On distingue : l’Hôpital des Orphelines, les Hospitalières et l’Hôpital Larrey au XVIIIe siècle. Les Orphelines servaient à accueillir des jeunes filles pour réaliser leur éducation, tandis que les Hospitalières accueillaient des personnes recherchant l’hospitalité pour quelques nuits17.
L’hôpital Larray, quant à lui, est un hôpital accueillant les militaires, construit en 176118 On constate une différence entre les grands édifices de la rive gauche accueillant tous types de malades et les pauvres non désirés dans les centres-villes, et les hôpitaux de la rive droite ayant une politique d’accueil destinée à des populations de catégorie socioprofessionnelle supérieure.
Lors de la création des premiers hospices au Moyen-Age, ceux-ci sont gérés par des religieux. A cette époque la religion est essentielle dans la vie : la société est construite sur la base de la religion et elle rythme les journées de la population. A Toulouse, on retrouve de nombreux édifices religieux présents au sein de la ville (fig. 5). Ils sont la démonstration physique de la présence permanente de la religion dans la vie quotidienne. En toute logique, la présence d’une église, ou d’une chapelle dans un hôpital est indispensable afin de permettre aux malades et aux « pestiférés » de pouvoir poursuivre leur vie religieuse, mais aussi de réaliser les différents sacrements. Dans l’hôpital Saint-Joseph de la Grave, une première chapelle est construite avant l’édification de la chapelle Saint-Joseph en 1756 (fig. 10). Puis, la chapelle Saint-Joseph est construite au centre, à l’avant du plan, à l’entrée du complexe hospitalier où auparavant se trouvait une cour19 (fig. 6).
16 « Histoire des Hôpitaux de Toulouse ‘‘Le Grand Renfermement’’ - seconde moitié du XVII siècle », hôpitaux de Toulouse disponible sur [chu-toulouse.fr], consulté le 23 Avril 2022
17 Carpentier Olivier, La Laïcisation des Hospices civils de Toulouse aux XIX et XX siècles, Toulouse, Le Seuil, 2001
18 « Histoire de l’hôpital Larrey », hôpitaux de Toulouse disponible sur [chu-toulouse.fr], consulté le 23 Avril 2022
19 Aucun document n’atteste cette supposition faite par l’agence Pierre-Yves Caillault, mais lors des travaux la présence d’un deuxième sol a été découvert 1m en dessous du sol actuel de la chapelle. Le sol de dessous est constitué de carreaux de briques à 1m sous le sol de la chapelle.
La Chapelle Saint-Joseph de la Grave (fig. 8/9) a été classée en 1978 monument historique20 afin de mettre en valeur ce patrimoine toulousain emblématique. A cette époque, c’est l’hôpital de la Grave qui est toujours le propriétaire de la chapelle, et c’est seulement en 2016 que la gérance de la chapelle est cédée à la mairie pour une durée limitée de dix ans (renouvelable)21. Elle a été restaurée par l’agence de Pierre-Yves Caillault de 2020 à 2022, et a réouvert ses portes à l’occasion du week-end des journées européennes du patrimoine en septembre 2022. Cette restauration a fait suite à des dégradations de la chapelle que l’on a pu recenser après son classement. On y apprend notamment que la chapelle a fait l’objet de diagnostics22 depuis son classement répertoriant ainsi l’évolution de son état sanitaire
Cette chapelle n’a jamais été abordée dans des ouvrages en tant que sujet principal, mais plus généralement dans des ouvrages retraçant l’histoire de l’hôpital Saint-Joseph (fig. 7) de la Grave. Plusieurs écrits mentionnent les fonctionnements des hôpitaux du Moyen-Age à nos jours, et évoquent le sujet de la chapelle Saint-Joseph de la Grave mais sans parler de ses caractéristiques propres23. Seules quelques revues de presse non-scientifiques retracent l’histoire de la chapelle comme l’ancienne revue « L’oie de Saint-Cyprien24 ». On y apprend notamment que la chapelle a fait l’objet de diagnostics depuis son classement répertoriant ainsi l’évolution de son état sanitaire. Mon approche pour ce mémoire s’est voulue différente des études déjà menées sur cet ensemble en m’intéressant uniquement à la chapelle SaintJoseph de la Grave, au travers du processus de patrimonialisation qui s’opère à différentes échelles.
Pour appréhender ce qu’est la patrimonialisation, il faut s’intéresser au patrimoine. Mais comment définir le patrimoine ? Le patrimoine vient du latin patrimonium25 signifiant «
20 « Immeubles protégés au titre des Monuments Historiques », Ministère de la culture disponible sur [data.culture.gouv.fr], consulté le 18 Octobre 2022
21 mouDenC Jean-Luc (Maire de la commune de Toulouse), leGlise Jacques (Directeur Général du CHU de Toulouse), « Protocole d’accord et Procès-Verbal de transfert de gestion - CHU/Ville de Toulouse », Protocole d’accord, disponible aux Archives de la DRAC Occitanie à Toulouse, Décembre 2015, p. 4
22 VoinChet Bernard, « Restauration intérieure de la chapelle Saint-Joseph », Étude préalable disponible aux Archives de la DRAC Occitanie à Toulouse, Octobre 1990
VoinChet Bernard et lanaspeze-Charpentier Lydie, « Chapelle Saint-Joseph - Hôpital de la Grave, Toulouse, Haute-Garonne », Rapport de mission - Bilan diagnostic sur l’état de conservation des décors peints et préconisations d’interventions disponible aux Archives de la DRAC Occitanie à Toulouse, 2017
Agence Pierre-Yves Caillault « Chapelle Saint-Joseph de la Grave _ Restauration Générale », PRO-DCE disponible aux Archives de la DRAC Occitanie à Toulouse, Septembre 2019
23 BerGe, Marius, « L’hospice Saint-Joseph de la Grave », in Bulletin municipal de Toulouse Toulouse, Décembre 1938
Clement Guillaume, L’hôpital de la Grave, Évolution d’un hôpital de Toulouse, DEFA, École d’Architecture de Toulouse, 1993-1994 enjalBert, Lise, « Hôpital Saint-Joseph de la Grave », Association des Amis de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques et de l’Hôpital de la Grave Toulouse, 1994 GuitarD marnieres, « L’hospice de la Grave », L’AUTA n° 297, Février 1961 nux Henri, Les hôpitaux de Toulouse, L’hôtel-Dieu Saint-Jacques et l’Hôpital de St-Joseph de la Grave Toulouse, Ed. AUTA, 1943
24 L’oie de Saint-Cyprien est un journal périodique gratuit créé par François-Régis Gastou afin de raconter la vie et l’histoire du quartier de Saint-Cyprien. « Toulouse. L’Oie, ancien canard de Saint-Cyprien », La Dépêche 2008, disponible sur [ladepeche.fr], consulté le 6 Décembre 2022
25 Cf. Étymologie « Patrimoine », CNTRL, disponible sur [cnrtl.fr/etymologie/patrimoine], issu de Thèbes, G. Raynaud de Lage, consulté le 30 janvier 2022