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« J’ai apporté ma pierre »

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DR YVES GUISAN

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La détermination, l’affi rmation claire de ses convictions et la vision pragmatique des sujets qu’il traite contrastent avec la modération apparente du Dr Yves Guisan. Rencontre avec le néo-retraité chirurgien du Pays-d’Enhaut et ancien conseiller national qui quittera bientôt la vice-présidence de la FMH.

« J’ai apporté ma pierre »

Un père qui a grandi en France, une mère d’origine britannique, les racines du Dr Yves Guisan sont, à l’évidence, européennes. Il naît en 1941 à Lausanne, au sein d’une famille de scientifi ques et de lettrés. Se destinant d’abord à la philosophie et à l’étude des religions, il opte pour la médecine par « curiosité des mécanismes de la vie ». Ses années de post-grade se passent au Canada ( « j’ai beaucoup aimé l’approche scientifi que nord-américaine non hiérarchisée et stimulante » ) et à Bâle où il apprend rigueur et méthodes de travail. Le jeune Dr Guisan espère se consacrer à la chirurgie expérimentale. Mais cette voie ne s’ouvre pas devant lui, ce qu’il évoque avec quelque regret, voire de l’amertume. Chirurgien, il trouve par contre son épanouissement en choisissant la médecine en périphérie qui « m’a permis d’agir dans plusieurs secteurs et de pratiquer une approche plus complète des patients ». Il devient ainsi, dès 1975, « le docteur qui opère » en Pays-d’Enhaut.

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UN PROJET RÉGIONAL ORIGINAL

A Château-d’Œx, le Dr Guisan, qui a 34 ans, trouve la stimulation dont il a besoin : modernisation, puis construction d’un nouvel hôpital tout d’abord. Ensuite, la constitution d’une équipe pluridisciplinaire autour de l’hôpital. On sent poindre l’homme qui s’engagera plus tard en politique professionnelle et en politique tout court. Par sa démarche, Yves Guisan cherche à réunir les forces et les compétences, à mieux gérer économiquement la santé dans la région et à garder la qualité des soins aux patients. « Cela a partiellement réussi et j’aurais aimé que ce modèle rationnel fasse école dans le canton », regrette-t-il aujourd’hui. Il a néanmoins pris sereinement sa retraite de médecin fi n 2005, laissant une équipe performante et soudée. Autre credo du Dr Guisan, qu’il partage d’ailleurs avec Pierre-Yves Maillard : la collaboration intercantonale. Pour sa région, elle s’est d’abord instaurée avec les médecins bernois et se poursuit actuellement avec les fribourgeois.

L’HOMME ENGAGÉ

Doyen de l’Hôpital de Château-d’Œx, le Dr Yves Guisan est de facto associé à la politique hospitalière vaudoise. « J’avais envie de me battre pour essayer de faire valoir la liberté thérapeutique avant les nécessités économiques, un combat essentiel qui est loin d’être terminé ! » Il rejoint le Comité de la FMH en 1987 et le quittera en 2008.

L’engagement politique du Dr Guisan vient prolonger celui pour sa profession. Au plan fédéral, il se concrétise en 1995 et vient de s’achever. Ses modèles sont Pierre Mendès France et Jean-Pascal Delamuraz, « un libéral humaniste » dont il admire le pragmatisme. On sait combien le conseiller

national vaudois se sera battu et exposé pour la liberté thérapeutique et le maintien de la médecine libérale à chaque fois qu’elle a été mise en danger. L’amélioration de la compensation des risques fait partie de ses derniers combats et ultimes satisfactions politiques. « J’ai apporté ma pierre et je n’ai qu’un regret : n’avoir pas pu fi nir le travail… », conclut le Dr Guisan qui avoue aujourd’hui « avoir mené une vie de fou ».

Gageons que de belles années attendent encore Yves Guisan. Il les souhaite sereines et, enfi n, équilibrées. « Je rêve d’appliquer le principe de st Benoît : huit heures d’activité intellectuelle, huit d’activité manuelle et huit de repos. » Au programme du Dr Guisan, on trouve la (re)lecture des classiques et des philosophes, un peu de sport mais aussi l’exercice de la médecine générale à temps partiel. Dans quelques mois, Yves Guisan déménagera à Gibraltar, le lieu idéal pour cet helvetico-britannique, heureux époux d’une citoyenne portugaise qui est née à Tanger et a vécu à Madrid !

Paru en décembre 2007