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Soigner corps et âme
Mon quotidien de physio chamboulé…
SARA, PHYSIOTHÉRAPEUTE EN AFRIQUE
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On me demande parfois pour une séance de kinésithérapie auprès de personnes qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas se rendre à l’hôpital. Dans ces cas-là, les diagnostics et les histoires sont aussi variés que les patients. C’est ainsi que j’ai rencontré un patient dont l’histoire est l’une des plus émouvantes que j’aie pu entendre jusqu’ici. Il s’agit d’un homme qui a décidé de devenir chrétien dans un environnement musulman.
CONTENU Lorsque les membres du village l’ont découvert, ils l’ont torturé et mis en prison. Ils l’ont relâché après six mois. C’est à ce moment-là qu’il a découvert que quatre de ses six enfants avaient été tués. Il a donc décidé de fuir son village et il a atterri dans un centre pour des convertis, loin de sa famille et de son milieu habituel. J’ai fait sa connaissance grâce à mon amie Meg. Elle pensait que je pourrais l’aider, car il était hémiplégique. Nous sommes donc allées dans ce centre. Les personnes qui s’y trouvent n’osent pas en sortir, car il y a toujours des gens qui en veulent à leur vie. Pour cette raison il ne pouvait pas se rendre à l’hôpital. J’ai alors rencontré un homme gentil, mais aussi gravement traumatisé. Il s’est assis en face de moi et il m’a salué en anglais. Ensuite un membre du personnel nous a servi d’interprète, car l’homme parle principalement le haoussa. Je lui ai demandé quel était son principal problème. Il m’a dit qu’il avait une pression artérielle élevée. J’ai voulu en savoir un peu plus et il m’a alors expliqué que son cœur s’emballe quand quelque chose tombe ou qu’il se sent bloqué et a envie de fuir quand il y a trop de monde au même endroit. Je lui ai demandé s’il ne s’agissait pas peut-être de crises de panique. Il m’a regardé droit dans les yeux et m‘a répondu que c’était exactement cela. Cet échange a en quelque sorte permis de briser la glace. Il a pris confiance et nous avons pu parler de la
…par une rencontre émouvante
façon dont l’hémiplégie était apparue. Il m’a dit qu’il avait surtout des crises d’épilepsie depuis qu’il avait appris la mort de ses enfants, à sa sortie de prison. Peu après sa libération, il a été victime d’une très grave crise d’épilepsie et ne s’est réveillé que le lendemain. Depuis lors, il n’a plus pu utiliser correctement son côté gauche. C’était il y a huit ans et il n’avait jusque-là reçu aucun traitement. J’ai essayé de ne rien laisser transparaître, mais plus j’en apprenais et plus j’étais choquée. Il n’avait pratiquement plus d’espoir de guérison. J’ai essayé de lui expliquer comment je pouvais l’aider, mais il était également très important pour moi de ne pas avoir des attentes trop élevées, car il s’agissait d’une maladie chronique. Les larmes aux yeux, il ne pouvait assez me remercier. Il n’arrivait pas à croire que quelqu’un puisse s’occuper de lui et de son handicap. J’ai mobilisé ses articulations et, au bout d’un moment, il a dit qu’il se sentait déjà mieux. Cela m’a fait réaliser à nouveau à quel point le corps et l’âme sont reliés et s’influencent mutuellement. Il avait enfin pu expliquer sa situation. Quelqu’un avait compris que son problème global nécessitait une prise en charge holistique. Il était donc très content de pouvoir faire quelque chose pour améliorer sa situation.

Il est important de préciser que tous les chrétiens ne subissent pas autant de violences. De telles répressions sont le fait d’une minorité. Mais malheureusement Boko Haram et d’autres extrémistes ont une énorme influence dans ce pays. Ainsi la violence contre les chrétiens, mais aussi contre les musulmans modérés, est en nette augmentation.