
14 minute read
Marc Asselin, une vie trépidante au coeur d'Alma (2e partie) | Par Martin Bouchard
Après ses études secondaires, Marc Asselin s’est inscrit en électro-instruments, une discipline qui commençait au Cégep de Jonquière, associé au Collège d’Alma. « À la papetière où je travaillais, il y avait des techniciens en électroinstruments pour les boucles de contrôle, la robotique, l’informatique et tout cela. Aujourd’hui tout fonctionne avec ça. Et il faut le dire, le travail était payant.
« De plus, j’étais aussi allé me chercher des cartes de compétence comme apprenti-ferblantier et comme plombier. Ça m’ouvrait les portes des chantiers de construction avec ce qu’on appelait des maîtres-hommes; eux, ils avaient la compétence et moi je gagnais des heures. C’était 6 000 heures au total pour avoir ces cartes. Je les avais et ça m’a permis de rentrer à la papetière des Price en 1973. J’ai fait 37 ans là. »
Sa carrière au moulin à papier de la Price Brothers
« Je suis entré à 20 ans, comme relève, pendant presque deux ans. Ç’a été long sur appel, pour remplacer des congés de maladie ou à cause de bris mécaniques. Quand ils t’appellent, tu es mieux de rentrer, car ce sont les seuls chiffres qu’ils vont t’offrir. Ça m’arrivait de faire des semaines de 40 heures à partir du jeudi. Mais, une fois que tu étais intégré, tu rentrais dans les départements, tu devenais classé; tu avais une cédule que tu suivais. »
À la papetière, il y a eu trois grèves marquantes, en 1973, 1976 et 1980. « En 1973, je venais de rentrer au Price en mai et, au mois d’août, j’étais déjà en piquetage. Je ne connaissais pas la structure syndicale. Mon père m’avait conseillé de suivre le mouvement. Il m’avait dit : “Brasse pas l’eau inutilement.” »
Marc croit que les demandes syndicales avaient subi l’influence de la révolte de mai 1968 en France. « Mai 1968 en France a eu des effets sur le Québec à tour de bras. Tout le monde se révoltait partout… et nous autres aussi, dans la CSN, un syndicat qui venait d’arriver dans la papetière pour remplacer un syndicat de boutique. Si on avait été des travailleurs plus informés, peut-être qu’on aurait pris des décisions différentes en assemblée générale. Les décisions se prenaient sans trop calculer les impacts.
« Pendant les premiers mandats, j’ai été bénévole dans des comités de survie pour venir en aide à des familles qui en arrachaient. Je me souviendrai tout le temps que, quand on a terminé la 3e grève, ç’a dû faire 15 ou 16 mois au total sans salaire. Pendant ces mois, on était obligé de faire des emprunts et, quand on revenait au travail, il fallait rembourser les frais de la grève. Cette période-là, je l’ai trouvée dure, mais je n’ai pas eu de misère parce que je restais chez mes parents. Je payais ma mère pour qu’elle s’occupe de moi et je n’ai jamais manqué de rien.
« À la dernière grève, j’ai dit à mon syndicat : “Si vous nous emmenez encore en grève, comptez pas sur moi pour le piquetage.” On m’a dit que je n’aurais pas mon chèque de grève. Et puis, je ne l’aurais pas, c’est tout. “Tu le mettras dans le fonds de secours, mais moi je saute sur ma moto.” Je suis descendu en Californie et j’ai été parti quatre mois. »
Marc a vu la compagnie Price Brothers évoluer pendant les années où il y a travaillé. « Quand j’ai commencé, c’était Price Brothers, après il y a eu Abitibi-Price, puis AbitibiConsolidated, puis Donohue, etc. Je crois que la compagnie en a bouffé six ou sept autres, pour finir par une seule, Résolu, mais en faisant du ménage partout, en coupant des postes partout et en mettant de la robotique. Tout cela est normal; il faut automatiser, sinon on ne peut rivaliser avec personne. La compagnie a dû investir énormément, quasiment 250 millions de dollars, pour faire la pâte thermomécanique (PTM) et fermer le département des meules, qu’elle a vendu à la Chine. Quand les gens de là-bas sont venus chercher le matériel, la compagnie a levé le drapeau chinois pour les remercier! »
Quand il a commencé à travailler à la papeterie, Marc faisait sa jeunesse. « J’ai eu quelques amours, mais ce n’était pas… comment dire? Moi, je voulais ma liberté; je ne voulais pas de famille, au départ; je suis resté adolescent longtemps. J’étais bien comme ça. »
Mais il avait commencé aussi son implication sociale. « J’avais participé à l’organisation de courses de motos du BroomBroom 500 en 1974. J’organisais aussi des courses de motos pour le Show Boucane au parc industriel nord. En 1985, on a réussi un tour de force en allant chercher des autorisations au ministère des Transports canadien pour avoir l’aéroport d’Alma et libérer la piste des vols aériens pendant le weekend. Tout était commandité par Harvey Transport avec ses camions; les chauffeurs étaient volontaires… Ce fut une fin de semaine de rêve, celle de la fête du Travail. Du beau soleil, tous les jours. »

Sa famille
Marc a rencontré sa future, Guylaine Tremblay, lors d’une rencontre avec « une copine qui travaillait comme infirmière sur la Côte-Nord. Par hasard, l’été, au camping de la Damen-Terre, cette copine est arrivée avec son amie… C’est de même qu’on s’est connus. Il a fallu s’apprivoiser. Guylaine, c’était une femme autonome qui avait bourlingué pas mal; elle avait 28 ans et moi, 32. Quand j’ai rencontré Guylaine, ç’a été le coup de foudre.
« Elle était infirmière aux soins intensifs. Elle a progressé dans sa formation, car elle est allée chercher une formation universitaire, en plus de son travail et des enfants. Je lui lève mon chapeau. C’est une fille qui a une bonne maitrise du stress. Donc, aux soins intensifs, elle n’est pas mal à l’aise avec ça. Elle a été infirmière toute sa vie. »
Guylaine et Marc se sont mis en ménage en 1985, comme conjoints de fait. Les parents de Guylaine sont Jeannine Dupéré (1933-2015) et Guy A. Tremblay (né en 1931), fort comme un chêne à plus de 90 ans.
Et la petite famille…
« Quand j’ai connu Guylaine, on a été quelques années à avoir un poisson rouge! Ma fille Corinne est venue au monde en 1993 et mon fils Samuel en 1996. Entre 1985 et l’arrivée des enfants, on a vécu une période d’adaptation et d’apprivoisement; et aussi d’économie pour s’acheter un jumelé. J’avais 40 ans à la naissance de ma fille.»
« Bizarrement, on dit que la pomme ne tombe pas loin de l’arbre; ma fille est en sciences politiques. Elle a même gagné, avec l’Université du Québec à Montréal et grâce à ses notes, un concours pour un semestre à Science Po à Paris. J’ai même eu la chance d’aller en vacances chez elle à Paris. Elle travaille au développement de Petit-Saguenay, au conseil du Fjord-du-Saguenay. Samuel termine sa médecine
et il fera sa résidence à l’hôpital de Rimouski. En général, on s’en est bien sortis avec nos enfants. Ça n’a pas été difficile : nos enfants ont été collaborateurs. On jase beaucoup entre parents et il y en a qui ont trouvé cela plus difficile à gérer. J’ai toujours dit à ma blonde: “Ton exemple vis-à-vis tes enfants est mieux qu’un discours.”
« Mon fils, à ma première campagne, il n’était pas vieux. On faisait du porte-à-porte. Il me chronométrait et il me disait : “Papa, si tu continues de même, tu ne gagneras pas tes élections.” Il trouvait que je restais trop longtemps dans les maisons. Donc, ils se sont impliqués dans tout ce que l’on faisait… »

Ses implications bénévoles qui l’amènent à la politique...
« Moi, dans mes implications sociales, je n’ai jamais eu de plan de carrière; c’est toujours les autres qui frappaient à ma porte. On pense que tu pourrais faire ça, et ça. On a frappé à ma porte, on m’a dit : On te verrait ici, on te verrait là.
« La CSN m’avait demandé de siéger à la Caisse d’économie des travailleurs d’Alma. C’est là que j’ai appris à lire des budgets, à comprendre les surplus et tout ça. Ç’a été préparatoire pour moi, car je l’ai fait durant plusieurs années. Par la suite et pour les mêmes raisons, le syndicat est venu me chercher comme président du conseil d’administration du CLSC; j’y ai siégé plusieurs années (de 1988 à 1998). Ensuite, on est venu frapper à ma porte pour un poste de commissaire à la Commission scolaire du Lac-Saint-Jean. Là, j’ai bien vu que l’on n’avait pas de pouvoir; c’était des budgets délégués que le ministère de l’Éducation nous donnait… et nous, on distribuait, mais on ne décidait pas.
« J’ai aussi été impliqué dans l’organisation de Festirame et de Festivalma de 1984 à 1999. J’ai fait du bénévolat en politique. Je suis un souverainiste incontournable. J’ai aidé aux élections de Jacques Brassard et j’ai aidé à Lucien Bouchard lors du référendum. J’ai aussi aidé Nicol Tremblay à se faire élire. C’est Jean-Maurice Harvey qui est rentré; et il a fait le même nombre d’années que moi à la mairie, douze ans. C’est pourquoi quand je suis arrivé à la mairie, à cause de mes implications sociales, j’étais préparé à cela. »

Ses débuts en politique municipale
Marc Asselin résume ainsi sa motivation pour entrer en politique : « La même affaire que pour les autres implications : on cogne à la porte : “Il y en a un qui s’en va, on aimerait cela que tu ailles t’asseoir là.”
« J’ai été élu conseiller municipal en 2003; j’ai été six ans. On avait eu un petit mandat de deux ans parce que le gouvernement voulait regrouper toutes les municipalités à la même date d’élection pour des mandats de quatre ans. J’ai dû refaire une nouvelle campagne deux ans après.
« Lorsque je suis arrivé à la ville, moi, j’avais travaillé beaucoup de dossiers avec les conseillers municipaux et les fonctionnaires de la ville, pour Festirame entre autres, ou pour les courses de motos. Je connaissais la structure de la ville de l’intérieur, parce que j’avais eu besoin d’eux autres pour qu’ils m’aident dans mes projets. Je me suis dit que je pouvais peut-être en faire un peu plus, en venant au Conseil, pour aider Festirame entre autres. »
À son premier mandat comme conseiller, Marc s’est surtout intéressé aux travaux publics. « Oui, j’ai fait juste ça. Je connaissais bien Gérald Scullion; les Scullion étaient tous à la papetière. Quand Gérald est arrivé comme maire, moi je suis arrivé comme conseiller. Donc il savait le profil que j’avais, le profil construction. Donc, j’ai travaillé beaucoup pour le système d’eau de la ville. Déjà, à la papetière, j’opérais un système d’eau qui était dix fois plus puissant. De plus, j’étais habile à lire les plans; j’avais fait aussi des cours de dessin industriel. Alors, quand on regardait des choses à faire sur les systèmes de pompage pour prolonger l’eau dans les développements de quartier, je connaissais tous les volumes, les pompes volumétriques, les débits de produits, etc.
« On devait bâtir une usine de filtration d’eau potable pour Delisle et Saint-Coeur-de-Marie, qui avait été estimée autour de 4 ou 5 millions de dollars. La fusion avait eu lieu en 2002. Il fallait apporter de l’eau potable dans le secteur. Notre usine de la Dam-en-Terre aurait été très capable, sauf qu’il fallait passer le pont et ça compliquait les choses. Moi, j’avais lancé dans les discussions qu’il fallait aller demander à la centrale électrique d’Alcan, car il passe déjà de l’eau là. Alors, je leur ai dit : “Vous avez des ingénieurs, vous êtes capables de nous conseiller quelque chose qui va être efficace.” Je suis parti avec la demande et les plans qu’ils nous avaient donnés et je suis allé voir les ingénieurs à la papetière. On m’a proposé des choses; je suis retourné voir la gang d’Alcan. Alors, ils ont trouvé que ç’avait une certaine allure et que c’était sécuritaire. Ils ont fini par dire oui. J’étais content de mon coup comme représentant des travaux publics pour la ville, car on était capable de passer l’eau potable sans mettre des millions pour une usine à Saint-Cœur-de-Marie. Tout a fonctionné et ça fonctionne encore très bien. C’était la deuxième fois que la centrale électrique dépannait la ville d’Alma pour un transport. La première fois, c’est quand le pont Taché était parti en 1928, les gens ont pu passer à l’intérieur de la centrale. »

Ses trois élections à la mairie d’Alma
En 2009, Gérald Scullion, alors maire, décide de ne pas se représenter. Marc décide donc de se présenter. « Oui, j’ai eu des appels. C’est là que tu vois que le poste de maire, ça en chatouille plusieurs dans une ville. Conseiller, j’ai toujours fait mes affaires sans trop avoir de pression. Mais là, j’en ai eu! Ce n’était pas mon plan de carrière. Moi, je m’en allais à la retraite de la papetière et j’allais être conseiller municipal pour m’occuper. Parfait! Mon père m’a toujours dit : “Tant qu’à faire de quoi, fais-le comme il faut ou ne le fais pas.” Et, pour moi, une élection se gagne grâce à une bonne
équipe chevronnée. Quelque 40 bénévoles ont participé à mes victoires. Au jour «J», j’avais un témoin pour toutes les boites de scrutin. Je me suis dit qu’on ferait une élection municipale comme on fait une élection provinciale.
« Lors de la campagne électorale de 2009, le sujet important était le débat du centre Mario-Tremblay. Madame Lucille Gagnon, avec les amateurs de hockey, voulaient avoir un aréna neuf pour y installer du Junior majeur. C’était le gros projet. On parle de 30 millions. Ils avaient présenté une pétition; c’était bien fait; il y avait quatre ou cinq mille noms. L’idée n’était pas mauvaise, sauf qu’il y a déjà une équipe à Chicoutimi qu’on va voir! Alors, j’ai lancé le projet de rénover le centre Mario-Tremblay de fond en comble, une rénovation complète, autour de 18 millions. » Marc Asselin a obtenu 49,1% du suffrage; Lucille Gagnon, 33,5%; Pierre Sainte-Marie, 15,6% et Sylvain Tremblay, 1,8%.
En 2013, « l’adversaire solide que j’ai eu, c’est Jean Paradis. J’étais content de gagner parce que M. Paradis avait été très impoli avec moi. Lui, il faisait allusion au fait que j’étais un pauvre ouvrier; sans diplôme, on ne peut pas gérer une ville. Mais l’expérience de la vie, cela a une valeur, même si ça ne te donne pas un diplôme. Si je me souviens bien, il parlait surtout de faire le ménage de gestionnaires, de fonctionnaires. Il avait l’air d’avoir une dent contre les fonctionnaires… » Mais, lors du vote, Marc Asselin a recueilli 66 % des suffrages et Jean Paradis, 32,8 %.
Lors de la campagne de 2017, un seul candidat est en liste : Marc Asselin est donc réélu par acclamation. « En 2017, je me suis fait demander par les médias: “Ça se peux-tu que le monde d’Alma, ça ne les intéresse pas la politique municipale?” Aie! Tous les comités qui existent dans la ville d’Alma, ce sont tous des citoyens qui sont engagés, il y a des bénévoles partout. Je peux pas croire qu’ils ne s’occupent pas de politique. Moi, je préfère dire qu’ils sont contents du service qu’on a donné. C’est sûr que les adversaires vont dire que j’ai bien beau me vanter! Mais si vraiment je n’avais pas fait la job, s’ils n’avaient pas été contents de ce que l’on faisait, ils en auraient présenter un autre… » □