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Au-delà du néocolonialisme
La formation à Vienne m’a marquée par sa forme hybride, puisqu’elle combinait des sessions pour les participant·es qui étaient sur place et des sessions où des participant·es de pays noneuropéens pouvaient nous rejoindre et participer. Ce format a favorisé une dynamique enrichissante entre les participant·es de différents horizons et nous a permis d’inclure le regard des personnes les plus impactées par le néocolonialisme aux campagnes de sensibilisation sur lesquelles nous avons travaillé.
Au niveau du contenu, la formation a permis une analyse critique du néocolonialisme dans le contexte contemporain. Les participant·es ont pu prendre conscience de la manière dont les systèmes économiques, culturels et politiques perpétuent et reproduisent des structures oppressives. Nous avons parlé de phénomènes tels que l’appropriation culturelle, la fast-fashion et sa contribution à l’exploitation des populations et des ressources des pays du « Sud », mais aussi du néocolonialisme dans la culture occidentale et de la terminologie utilisée par les systèmes éducatifs des pays européens. Pendant la session d’espace ouvert, j’ai pris l’initiative de présenter des outils du SCI Belgique que nous utilisons avec le groupe Alter’anim1 pendant nos Formations Développement et Interculturalité (FDI), comme le Sudestan2 et les cartes-phrases sur les différentes approches du développement.
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Etant donné que l’objectif de la formation était la production de campagnes anti-néocolonialisme, nous avons été introduit·es aux principes et aux stratégies de campagnes efficaces. Nous avons ainsi acquis les outils nécessaires pour remettre en question et déstabiliser les pratiques néocoloniales, en mobilisant le pouvoir de l'activisme. Nous avons pu approfondir notre compréhension des éléments essentiels d'une campagne réussie, allant de l'établissement d'objectifs clairs à l'organisation des ressources et à la mobilisation du soutien nécessaire. L'importance de la conception et de la visibilité dans les campagnes a été mise en avant.
Pour ajouter du concret, les participant·es ont été invité·es à former des sous-groupes afin de travailler sur des cas spécifiques de néocolonialisme. Ces sous-groupes ont favorisé l'apprentissage collaboratif et nous ont permis d'identifier des voies de changement en nous concentrant sur des campagnes spécifiques. J’ai choisi de faire partie d’un groupe avec deux participantes ayant des origines équatoriennes, pour créer une campagne d’information sous forme de lettre sur l'exploitation massive des mines en Equateur et le profit qu’en font les grandes industries occidentales. Je me souviendrai toujours de la motivation avec laquelle j'ai cherché à en savoir plus sur le sujet afin de pouvoir fournir des informations précises pour notre campagne. Nous avons réussi à établir un contact avec un groupe d'activistes locaux·ales et nous nous sommes promis de traduire et d'envoyer la lettre aux acteur·ices locaux·ales de nos communautés, afin d'attirer l'attention sur le sujet et de faire pression sur le gouvernement pour qu'il revienne sur ses projets.
Cette formation à Vienne était un espace d'apprentissage et de collaboration important pour permettre à des jeunes actif·ves de lutter contre le néocolonialisme et œuvrer à des changements significatifs. Nous avons acquis des connaissances, des compétences et des perspectives essentielles pour notre engagement futur dans la défense des droits et la promotion de la justice sociale.
1 Groupe d’animateur·ices volontaires du SCI (à Bruxelles, à Liège et à La Louvière).
2 Outil pédagogique du SCI, qui met les participant·es en situation pour leur permettre de comprendre et questionner les mécanismes à l’origine du fossé entre les pays du Nord et du Sud globaux.
Le pouvoir derrière les bonnes intentions
Lors de la seconde formation à Innsbruck, la lumière a été mise sur le décolonisation du volontariat international et la possibilité qu’ont les organisations qui envoient des volontaires à vraiment promouvoir des dynamiques plus équitables entre les volontaires qui partent et les populations locales. Nous avons commencé par un examen approfondi de l'histoire coloniale et de ses liens avec la société contemporaine, via le partage d’articles et d’images sur les murs. Nous avons pris conscience de l'impact durable de l'histoire coloniale et de l'interconnexion entre le passé et le présent, souvent par le biais de la notion de développement. Un des aspects que nous avons abordé est le lien entre l'histoire coloniale et le volontariat, ce dernier étant le produit d’une vision occidentale du développement qui a laissé des traces dans les projets actuels.
Nous avons abordé ce sujet difficile via l’histoire de Pierre Ceresole3, le fondateur du SCI, et des narratifs de l’époque où il a organisé les premiers chantiers internationaux en Inde après un tremblement de terre assez catastrophique. E. Marcussen raconte ce chapitre de l’histoire du SCI dans le livre Words About Deeds4 et celui-ci a été choisi par les formateur·ices pour nous faire comprendre les dynamiques que Ceresole a pu rencontrer quand les volontaires et lui-même sont entré·es en contact avec la population locale.
3 Pierre Ceresole (1879-1945) était un ingénieur suisse, pacifiste et objecteur de conscience. Il est le fondateur du Service Civil International, qu’il a fondé en 1920 afin de proposer un service volontaire comme alternative au service militaire.
4 Marcussen, E. Pacifism and colonialism : Earthquake relief in Bihar (India), 1934-37, in Words about Deeds : One hundred years of international voluntary service for peace. Service Civil International 1920-2020, Antwerpen, 2019.
Nous avons aussi analysé de manière critique les pièges potentiels et les conséquences involontaires du colonialisme dans le contexte du volontariat international aujourd’hui. Nous en avons conclu que la compréhension des motivations des volontaires et les outils pour les adapter sont des points cruciaux pour nos organisations. Nous avons utilisé un « arbre à problèmes » pour arriver à ces conclusions et nous avons créé l’arbre de post-its le plus complet que j’aie jamais vu, pour comprendre quels aspects sont des racines ou des conséquences du colonialisme au sein du volontariat international.
Un autre aspect clé de la formation a été la communication éthique, en particulier pour les organisations de volontariat international. L'accent a été mis sur l'importance d'une présentation du volontariat qui met en avant la découverte et la connexion entre les individus plutôt que l'idée d'aide ou le partage de connaissances pour résoudre les problèmes sur place. La préparation des volontaires a également été un point essentiel. Nous avons tous et toutes partagé des outils de préparation des volontaires utilisés dans nos associations respectives. Et nous avons aussi exploré différentes motivations possibles pour faire du volontariat, ainsi que des stratégies efficaces pour soutenir les volontaires.
Enfin, les sessions d'espaces ouverts ont été des moments durant lesquels toustes les participant·es pouvaient proposer des ateliers, partager leurs expériences et explorer de nouvelles perspectives sur des sujets émergents. Des sessions sur des thèmes tels que le genre, les chartes comme outils pédagogiques et même le théâtre des opprimés ont été proposées, enrichissant ainsi le parcours de formation. Cette formation nous a permis d'approfondir notre compréhension de l'histoire coloniale et du volontariat éthique et de développer des compétences essentielles pour un engagement responsable. Nous sommes reparti·es avec des connaissances approfondies et des perspectives nouvelles pour notre pratique future dans le domaine du volontariat international et de la justice sociale.



