Du coup, je porte un veston et je dis des trucs comme « bien le bonjour ».
C’est l’été qui t’a transformé ?
Non, c’est le nouveau TOPO !
Il grandit !
Il va encore plus loin dans les sujets de fonds.
Avec des dossiers complets.
Il affirme toujours plus ses valeurs engagées, aussi.
Il passe en trimestriel avec 16 pages supplémentaires pour encore plus de plaisir.
Le logo changera régulièrement de couleur aussi.
Comme les cheveux d’un footballeur.
Bref, je suis comme TOPO : je suis à la fois jeune et deep, mec !
Par Marc Dubuisson
Et le ceintre qui dépasse de ton veston, c’est aussi un hommage au nouveau TOPO ?…
Euh non, mais j’ai cru comprendre que le nouveau TOPO gardera aussi son sens de l’humour.
Alléluia.
SOMM en
AIRE attente
JOAN 15 ans
LUCIE 17 ans
JUSTINE 18 ans
THÉO 20 ans
LUCAS 19 ans
orientation (sexuelle)
Par
Léone Laali et Nicoby
17 ans
17 ans
19 ans
LUCIEN
VIERGENA
JOANNA
Des histoires...
Lucien, 19 ans, étudiant en histoire à Lorient (56)
J’ai toujours été scolarisé dans des écoles catholiques. Le proviseur de notre lycée avait refusé qu’on ouvre un espace de discussion autour du genre et de la sexualité sans un membre de l’équipe éducative.
Il disait que ces sujets devaient être abordés avec l’aval des parents. Mais pour beaucoup de familles en Vendée où j’ai grandi, c’est encore tabou.
Mes parents sont agriculteurs et très pratiquants. Je suis le petit dernier de six frères et sœurs, et j’ai tout cumulé baptême, confirmation, communion et même enfant de chœur !
Ma mère faisait souvent des remarques blessantes sur l’homosexualité, et j’ai grandi avec un sentiment d’homophobie intériorisé.
Je ne voulais tellement pas admettre que j’étais gay, que je grossissais le trait je répétais que ça me dégoûtait, que jamais de la vie je ne pourrais ressentir ça.
J’avais compris que si j’avais des sentiments pour un garçon, j’étais dans la sauce.
dès la primaire, j’ai surtout eu des amies filles. J’ai mis du temps à savoir quel lien ça pouvait avoir avec ma sexualité. Mais je me dis aujourd’hui que comme je ressentais déjà de l’attirance pour les garçons, traîner avec des filles garantissait l’absence d’ambiguïté pour moi.
Gabrielle Richard, sociologue du genre, autrice de « Hétéro, l’école ?* »
« Une société qui place l'hétérosexualité comme une norme, mais aussi comme l'idéal vers lequel chacun devrait tendre fait comprendre aux jeunes gays comme Lucien que leurs sentiments sont inappropriés. En “grossissant le trait” comme il dit, il s’adapte en quelque sorte au regard négatif porté par son entourage sur l’homosexualité, et anticipe le rejet en se rejetant lui-même. »
* éditions du Remue-Ménage, 2020.
Fatigué de refouler ce que je ressentais, j’en ai parlé à une amie de ma sœur, ouvertement lesbienne. Elle a super bien réagi et m’a envoyé des messages qui m’ont bouleversé.
En parallèle, j’avais découvert une appli de rencontres gays. Je savais que ça pouvait être un espace dangereux : des hommes de 50 ans envoient des dick pics* et il y a un culte du corps et du sexe très intense.
Puis j’en ai parlé à quelques amis, mais pas à n’importe qui. Ainsi qu’à mes s�urs, avec qui ça s’est très bien passé.
En rentrant, ma mère m’a accusé de disparaître des heures sans prévenir. Pris de peur, j’ai désinstallé l’appli et coupé court à la relation. J’avais une immense angoisse de tomber sur des gens que je connaissais, et que ça se sache.
Mais moi ça me permettait de rencontrer plein de gays de mon âge et de parler. C’était rassurant. à 16 ans, je suis allé dans un parc retrouver un garçon avec qui j’échangeais via l’appli.
* des photos de leur pénis.
C’est vraiment à la fac que j’ai découvert la vie et que j’ai commencé à m’émanciper.
J’ai finalement décidé d’écrire une lettre à mes parents.
J’étais en colère, je sentais que c’était inutile d’attendre qu’ils changent d’avis d’eux-mêmes sur l’homosexualité.
J’ai beaucoup pleuré en la rédigeant, mais ça me faisait du bien.
tu sais, Lucien, t’es notre fils, on t’aime énormément.
J’ai prévenu mes sœurs que je m’apprêtais à faire mon coming out à distance. Elles ont toutes déboulé dans la maison familiale pour accompagner la réaction des parents. De mon côté, après avoir envoyé la lettre, je suis parti me baigner dans l’océan.
Le soir même, j’ai reçu un message vocal de ma mère. C’était super beau. Il y avait plein de trucs hyper maladroits.
mais au fond, ce qu'elle disait, c’est
C'était hyper positif, j'étais étonné.
Depuis, j’ai presenté Mathias, mon copain, à mes parents. Mathias est vraiment rassurant pour eux, car ils voulaient quelqu'un de stable dans ma vie.
Tout le monde l’adore dans la famille.
Lucie, 17 ans, Les Lilas (93)
J’étais très timide et pas du tout à l’aise avec mon corps. Je souffrais d’anorexie. Je n'avais pas vraiment d'autres amis et j’étais harcelée au collège à cause de mon physique.
J’ai toujours parlé vraiment librement de ma sexualité.
Quand j'avais 12 ans, je suis tombée amoureuse d'une amie qui, elle, était déjà ouvertement lesbienne.
Elle était extravertie et sociable, et elle m'a toujours soutenue face à ça.
Je suis restée secrètement amoureuse d'elle pendant trois ans.
mon attirance pour les filles ne faisait aucun doute. ça ne me dérangeait pas du tout.
Je savais que ça existait, alors ça n'a pas été un choc.
Je me souviens de mon coming out à ma mère. Je sortais du collège, on était dans la voiture. Je lui parlais de mes notes et puis d'un coup, j'ai dit :
en fait, j’aime les filles.
Comme ça. pour mon père et mes trois grands frères, pareil.
Ils l'ont tous accepté.
ma famille a toujours été hyper ouverte, c'était rien de grave, quoi.
Des histoires...
Après une première pro Accompagnement, Soins et Services à la Personne (ASSP), j’ai quitté l’école. J’avais besoin d’une pause. pour le moment, je m’occupe de mes animaux, c’est ma passion.
je revis, je profite de ma vie, de ma jeunesse.
Je me ressource auprès d’amis LGBT. On se comprend mieux.
Je lis beaucoup de thrillers et de romances gays, et j’adore la série « Young Royals ». Les acteurs qui jouent dedans sont gays et je les suis sur les réseaux.
Les réseaux peuvent aussi être un outil pour faire des rencontres. Les gens mettent leur drapeau lgbt dans leur bio, c’est pratique, car dans la vraie vie on n'a pas de drapeau sur la tête !
Surtout que moi, je suis plutôt féminine, j’ai l’impression d’être moins reconnaissable en tant que queer. Après, ça m’arrive quand même de me faire emmerder pour ça.
Un jour, je faisais un câlin à une amoureuse dans le métro, et on nous a dit de dégager, qu’on était bizarres.
Un autre jour, un mec m’a balancé des miettes de pain car j’avais mon sac arc-en-ciel.
il me regardait trop mal ! ce sont des trucs qui arrivent un peu tout le temps. Ça ne m’a pas découragée d’utiliser mon sac, mais je fais quand même attention.
J’ai déjà vécu une vague de haine en ligne.
J’avais juste fait un Tiktok à propos de la mort accidentelle d’un de mes chats, pour faire de la sensibilisation.
Et je ne sais pas pourquoi, ma vidéo a buzzé, il y a eu des millions de vues et des centaines de milliers de commentaires, hyper violents.
Puis certains de ces haters ont remarqué que j’étais LGBT, et c’est devenu un sujet de menaces.
Ça m’a beaucoup angoissée.
Entre amis LGBT, les liens sont plus profonds et on ne prend pas le risque d’être ami avec quelqu’un susceptible de rejeter notre identité.
Viergena, 17 ans, terminale professionnelle à Pantin (93)
Au lycée, j'ai rencontré mon meilleur ami, qui est gay. C'est une trop belle personne.
Tout au long du collège, j'étais dans le déni. Je me disais que ce n'était pas possible, que ce n'était pas réel. et Puis les gens me disaient qu'ils me voyaient plus avec un mec qu'une meuf. En 3e, je suis tombée amoureuse d'une amie, et ça a été un déclic.
Il m'emmène dans des soirées à Paris avec plein de personnes LGBT. C'est beau parce qu'on sent que tout le monde se kiffe, il n'y a pas les garçons d'un côté et les filles de l'autre.
Avec eux, je suis moins dans ma grotte, je n'ai pas peur d'être jugée.
même si J’ai du mal à accorder ma foi chrétienne avec ma bisexualité.
J’aimerais en parler à mon pasteur, mais j’ai peur d’être reniée.
Depuis deux ans, j’assume être bi.
Hé, Viergena, t'es LGBT ?
Au lycée, les filles de ma classe m’ont grave jugée quand elles ont vu que j’avais un drapeau arc-en-ciel dans ma bio Instagram.
Alors, déjà, je ne suis pas lesbienne, bi, gay, et trans en même temps.
Et, oui, je suis bi.
mais t'inquiète, je ne vais pas t'aimer, toi.
« Sex Education », c'est une série qui m'a beaucoup apporté, car il n'y a pas juste deux lesbiennes à un moment, il y a des bis, des personnes transgenres... C'est réel, quoi.
On les voit s'épanouir, être dans leur univers, tout le monde se respecte. Ça donne l'impression que tout est possible.
Je me suis pas mal identifiée au personnage d'Éric, car même s’il est d'origine nigériane, et moi haïtienne, Comme lui, je n'arrive pas à dire à mon pasteur que je suis « dans le péché », mais que je m’ouvre quand même à Dieu.
Son personnage m'a poussée à me dire que ma sexualité ne m’éloigne pas forcément de Dieu. Mon lien à la foi est important. J’ai grandi là-dedans, ça m'a toujours plu d’aller à l’église.
Je kiffe trop. C'est un moment important pour la communauté haïtienne.
On parle, on mange ensemble. Mais j’ai peur d’être reniée, ou qu’on me voie différemment.
Parfois, quand je regarde une fille passer... ... des filles de ma classe me disent « elle est hétéro, hein ! »
Ça fait super mal de voir des gens changer de vision sur moi à cause de ça.
Avec mon meilleur ami, un jour, on était posés à Pantin, et une meuf de ma classe a appelé plein de gens pour qu'ils viennent voir le "zemel*".
Quand je suis avec lui, parfois j'ai peur qu'à tout moment il puisse se faire frapper.
Au lycée, je n'ai pas vraiment fait de coming out. Juste en traînant avec "le """« gay du lycée », ils m'ont mise dans le même sac.
Pour moi, le coming out, ce n'est vraiment pas une obligation. Je l'ai dit à mes deux grandes sœurs, qui me soutiennent, mais pas à ma mère.
* Mot dérivé de l’arabe qui désigne de manière injurieuse un homosexuel.
Un jour, quand ma copine est venue à la maison, ma mère a cru que c'était juste une amie, et elles se sont bien entendues !
J'ai l'impression qu'elle se doute de quelque chose, mais qu'elle est dans le déni.
On n'a jamais été proches elle et moi, alors j'ai du mal à me confier.
je pense que je vais attendre de ne plus habiter avec elle pour lui en parler.
C'est vraiment une mère à l'ancienne. Par exemple, pour elle, 20 heures, c'est tard.
Toutes mes ex, je les ai connues grâce aux réseaux. je mets les hashtags wlw (woman love woman), LGBT, et Paris, Et je tombe sur des personnes qui me correspondent. Il y a aussi des groupes instagram avec des personnes LGBT.
Au lycée, j'ai rencontré une surveillante lesbienne avec qui je sens que je peux parler librement. C'est génial de connaître quelqu'un de plus âgé, avec plus d'expérience et qui s'assume à 100 %.
Plus j'avance et plus j’ai l’impression de remarquer les autres personnes LGBT. Parfois, avec des inconnues, on échange des regards complices dans la rue.
« Longtemps, l’homosexualité était soit absente des fictions, soit représentée exclusivement sous le prisme de la douleur et du rejet vécus par le ou la protagoniste. Aujourd’hui, on retrouve plus facilement (mais c’est encore rare !) des personnages dont l’orientation sexuelle est un pan de leur vie, parmi d’autres. Dépeindre différents groupes d’amis, de religions, d'origines, différents styles de vêtements et de passions permet aux jeunes gays, bis et lesbiennes de mieux se projeter. Plus il y aura de récits diversifiés de l’homosexualité, moins les clichés homophobes seront tenaces. »
Justine, 18 ans, étudiante à Rennes (35)
j’étudie à Sciences Po Rennes et je voudrais me spécialiser en droit de l'environnement.
À partir de la 5e, j'ai commencé à dire que j'aimais bien les meufs.
À l'époque, j'étais fan du groupe Indochine, C'est un vieux groupe, mais j'ai découvert que leur jeune fanbase était extrêmement queer !
J'ai commencé à faire des rencontres en ligne avec des filles, et à réaliser que je développais des sentiments. Ça coulait de source j'aimais les meufs.
Quand je m’en suis rendue compte, je me suis mise à arpenter Netflix pour regarder tous les potentiels films lesbiens !
J’avais besoin d’imaginaire.
Dans mon collège privé de campagne, les personnes queers n'étaient pas encouragées à exister.
Puis en 4 e, je suis tombée amoureuse d'une fille de mon collège. Elle avait un an de plus, et je n'avais pas les clés à l'époque pour le voir, mais elle avait une vraie dégaine de lesbienne.
Mais j’y ai rencontré une fille qui allait devenir ma meilleure amie. Elle avait grandi dans un milieu très à gauche, très ouvert.
Sa mère, pour parler de ses potentiels partenaires, précisait toujours Il ou elle.
Ma mère l'a très bien pris.
Mon père m'a dit qu'il ne me rejetait pas, mais que ce n'était pas tout à fait ce qu'il voulait pour moi.
C'est elle qui est venue vers moi, car elle a senti que je l’étais aussi.
Et même si ça n'a pas marché entre nous, elle a beaucoup compté, car c'est cette relation qui m'a décidée à en parler à mes parents.
Il avait besoin de temps pour digérer l'information. Aujourd'hui, ça va beaucoup mieux.
Une fois arrivée à Rennes pour les études, mon identité s'est déployée encore plus. Il y a beaucoup plus d'espaces où on se sent en communauté LGBT. J'en avais besoin. j'ai toujours été à la recherche de représentations, de supports pour me projeter.
J'écoute des podcasts comme « amicalement gouine » ou « lesbien .nes au coin du feu ».
Je me demande souvent comment on vieillit quand on est queer ? J'ai l'impression de voir très peu de personnes de plus de 50 ans qui ne sont pas hétéros.
je suis d’abord tombée sur le film « La vie d'Adèle », qui ne m'a pas trop plu.
Mais après, j'ai lu la BD, qui était formidable.
« Le Portrait de la jeune fille en feu » m’a beaucoup marquée.
L'engagement de son actrice Adèle Haenel m'inspire dans mon militantisme féministe.
Aujourd'hui, je suis dans mon microcosme où les gens sont OK avec ça, mais si j'ai envie de retourner habiter à la campagne ?
Ça m'angoisse d'avoir une relation longue avec une meuf, de passer par des étapes comme avoir un appart', un taf, un enfant...
... et d'envisager de devoir tout le temps m'imposer en rupture, car je ne pourrai pas juste suivre les schémas qu'on m'a transmis.
Théo, 20 ans, étudiant en communication à Reims (51)
J’étudie Le jour et je passe mes nuits à organiser des soirées queer. La scène LGBT est quasi inexistante en Champagne, alors on a un grand espace de création.
j'ai des souvenirs en primaire où je savais de façon innée que j'étais attiré par les garçons. J'ai compris que c'était un enjeu seulement au moment où on me l'a foutu en pleine tronche.
Je suis fan d’hyperpop. Ce style musical émane de personnes queer, qui, même au sein de la communauté, sont considérées comme chelous, mais qui l’assument.
Cette musique offre aux personnes queers un espace pour explorer leur identité en modulant leur voix, ils et elles bouleversent les normes de genre qui leur sont assignées.
Certains m’ont pointé du doigt, m'accusaient d'être « bizarre ». C'est fou, je me souviens de l'assumer totalement, d'être fier de répondre aux questions, content de mettre, moi aussi, des mots dessus.
Et en même temps, j'avais toujours cette volonté de rentrer à tout prix dans le moule.
Des histoires...
J'ai l'impression d'avoir été out toute ma vie ! à 12 ans, mon père a surpris ma correspondance sur facebook avec Florent.
C'était mon premier petit copain, et pour discuter avec lui, j'utilisais l'ordi familial. mon père a attendu que ma mère rentre du travail et m'a forcé à avouer. c'était horrible !
Il m’a insulté, m’a dit que j’étais malade, qu’il fallait que je voie un médecin...
Je pleurais et Ma mère, impassible, ne prenait pas ma défense.
Après ça, silence radio. Ils ne me regardaient plus, ne me parlaient plus. C'était hyper violent.
Dans le même temps, j’ai subi une vague de harcèlement au collège, des insultes, des menaces, des bousculades...
Un jour, j'ai eu peur de me faire tabasser, alors je suis allé voir l'infirmière, avec qui on a pu régler ça.
au fond de moi, je n'arrivais pas à comprendre leur acharnement.
« Les violences homophobes en milieu scolaire sont très répandues. Les injures peuvent cibler non seulement les jeunes en cheminement sur leur sexualité, mais aussi les autres, car elles se basent avant tout sur un soupçon d’homosexualité. Ce qui est problématique, c'est que les adultes considèrent souvent que c'est une affaire de jeunes entre eux. Or, des programmes scolaires de lutte contre les discriminations, ainsi que des adultes vigilants et à l'écoute au sein de l'école sont clés pour lutter contre ces violences. »
Quelques années plus tard, ma mère m’a proposé de rouvrir le sujet pour que je puisse le présenter avec mes propres termes.
Après une full dépression au collège, Je me suis inscrit à un atelier d'écriture slam, où j'ai composé un texte pour me moquer des normes dans les couples.
Le titre était « qui doit payer le premier rendez-vous ? »
J'ai parlé d'alcool, de sexe gay, alors que j'avais 14 ans !
Je pense qu’elle s’en était fait une raison, même si elle ne l’acceptait pas vraiment.
mais Le climat devenait brutal à la maison, mon père m’insultait, et s’est mis à me frapper.
il m'a foutu à la porte. j’ai été à la rue Pendant deux mois.
à la fin de l'année, j'ai pu présenter mon texte devant un parterre d'élèves et de parents, mais l'école avait coupé quelques mots, par peur de choquer.
ça a été mon introduction au militantisme.
Les années lycée ont marqué un tournant. J'ai commencé à aller dans plein de manifs, surtout dans des cortèges féministes. Je me suis aussi investi longtemps à Amnesty International.
Je me rends compte que malgré tout ce qui m’est arrivé, j’ai toujours ressenti de l’espoir et de la fierté pour qui j’étais. Alors, c’est important pour moi d'offrir un espace de fête safe aux personnes comme moi.
J'en avais trop marre d'encaisser, je me disais simplement « je suis queer et je vous emmerde ! »
Pourtant, je déteste faire la fête ! Trop de bruit, trop de gens. Mais quand je suis en coulisses, je suis tellement épanoui que c'est comme un espace safe que je me crée pour moi.
Joan, 15 ans, en classe de première générale à Parempuyre (33)
ma mère est d'origine irakienne...
Tout au long du collège, j'étais dans le déni.
Je me suis même forcé à sortir avec une fille !
Je ne me sentais pas seul.
Dans mon collège, en plus de tous les refoulés, il y avait plusieurs autres gays et lesbiennes.
... et mon père est français. En primaire, j’ai ressenti pour la première fois de l'attirance pour un garçon de ma classe.
Mais c'était compliqué, je ne lui ai jamais parlé de ce que je ressentais.
J’ai fait mon premier coming out, sur un coup de tête, à ma meilleure amie Alice, en 3e.
Oui, je m'en doutais, et, tu sais, je m'en fous un peu !
Une fois out, j'ai commencé à parler avec eux, Mais la plupart étaient emos et fans de mangas, et je ne m'identifiais pas trop à tout ça. En fait, on n’avait rien en commun à part le fait de ne pas être hétéros.
Ensuite, j’en ai parlé à ma mère. Elle m'a dit qu'elle était fière de moi, qu'elle m'aimait quoi qu'il arrive. Pour une maman arabe, c'est rare, je trouve !
Aujourd'hui en première, J’ai un groupe d'amis qui me correspond bien. Ça matche bien, on aime les mêmes dessins animés et les mêmes délires, comme Hello Kitty.
En revanche, j’aime attirer les regards avec mes outfits. J'aime impressionner avec les accessoires. Pour moi, c'est ce qui fait toute la tenue.
Du côté de mon père, l’échange n'a pas été aussi bienveillant. Il est dans le déni. Il est bizarre, il m'ignore.
Mais, qu'ils soient hétéros ou LGBT, je ne me confie pas trop sur ma vie sentimentale.
Quand J’ai voulu me procurer le livre « Heartstopper* », mon père me l’a interdit. Je lui avais dit que c’était très hétéro, mais il ne m’a pas cru, il s’était renseigné.
Je n'y vois pas trop d'intérêt, et puis si j'en parle trop en détail à n'importe qui, j'ai peur qu'on me porte l'œil.
Pour le moment, je ne cherche pas à séduire. Une fois, un mec a demandé mon insta à ma pote, et on a commencé à se voir un peu. Mais j'ai l'impression qu'il s'attendait à ce qu'on couche ensemble, et ça ne me disait pas.
* À l’origine de la série, qui raconte la rencontre de deux garçons.
Lucas, 19 ans, vendeur chez Zara à Paris, habite à Drancy (93)
très jeune, j’ai eu droit à des réflexions, comme "« pourquoi tu t'habilles en rose ? » ou « pourquoi tu écoutes ça ? », « pourquoi tu joues avec des poupées ? »...
ça me rend ouf !
Mes parents sont homophobes, alors avec eux je tente de passer inaperçu. Quand je rentre à la maison, je cache les manches de mon crop top en résille qui dépassent de mon t-shirt et je retire mon piercing à l'oreille.
Ça fait un an ou deux que je m’exprime vraiment niveau look.
toute ma garde-robe est au rayon filles, Surtout les pantalons. je kiffe, parce que ça fait un sacré boule !
Quand je me suis retrouvé en première pro de mécanique, ça a été un peu dur, il n'y avait que des machos. Heureusement, la seule fille de la classe est devenue une super pote, ça m’a aidé.
J'ai pris l'habitude de facilement créer des masques. Les seuls moments où je n'en mets pas, c'est avec mes copines.
Seul, je n’aurais jamais pu montrer ma sexualité et ma personnalité aussi librement.
Des histoires...
dès que j'ai commencé à parler, les adultes disaient que je faisais des manières, que je criais trop dans la rue pour un petit garçon.
Mon homosexualité s'est confirmée à la puberté, quand j'ai découvert le porno.
Les gens projetaient des trucs sur moi.
« Bah ouais, je suis gay, t'as un problème ? »
Au collège, on me faisait déjà pas mal de remarques, et, au fur et à mesure, j'ai commencé à répondre :
Je savais bien que, pour eux, un garçon devait être avec une fille, mais je ne m’y retrouvais pas.
Une fois sur les sites, je me dirigeais exclusivement vers le porno gay.
Et d'un coup, ils ont fermé leur gueule.
Les remarques se sont intensifiées en première pro de mécanique, où un groupe de mecs avait vraiment pris l'habitude de m'insulter.
Mais j'ai été super bien accompagné. Un jour, une prof de français les a vus et m'a proposé d'en parler avec la CPE.
Elles ont été super attentives, et m'ont dit : « ça ne va pas se passer comme ça. » Avec les surveillants, elles ont sorti tous les dossiers des élèves et m'ont aidé à retrouver qui c'était.
Puis je suis allé déposer une main courante contre ces lycéens au cas où. Tout le monde m'a dit que j'étais courageux, mais je trouve ça hyper normal.
Tout ce harcèlement m’a rendu particulièrement méfiant.
Sur mes réseaux, j’ai très peu d’abonnés : que mes amis proches. Je ne veux pas risquer de recevoir des insultes dans les commentaires.
C'est mon safe space. J’utilise très peu Grindr, surtout depuis que j'ai entendu parler des guets-apens homophobes. Ce sont des tarés qui vont sur des applis de rencontres gays, et qui donnent des rendez-vous pour aller frapper la personne, c'est horrible !
Joanna, 17 ans, étudiante en Arts plastiques à Paris, vit à Pantin (93)
Quand j’étais petite, je posais tout le temps des questions.
J’ai grandi en Guyane, et suis arrivée en France au début du collège. Petite, j’avais un corps de garçon, j’aurais aimé être plus féminine.
Dans le ventre de ma mère, j’avais un jumeau, mais il est mort in utero.
jusqu’à aujourd’hui, je me demande ce que ça veut dire. Est-ce que ça a influencé le fait que je ne sois pas hétérosexuelle ?
J'étais musclée du dos, des bras, des jambes. En même temps, je kiffais le sport je faisais du foot, du badminton...
Dans mon groupe de copains, j’étais la seule fille. Je rentrais tout le temps pleine de taches à la maison. mes parents étaient furieux, ils disaient que je me prenais pour un garçon. du volley... du tennis... du basket... de la boxe... de l'escrime... de la danse... de l'athlétisme.
À la fête de l'école en fin de primaire, J'avais prévu de venir avec le masque de la série « Casa de Papel ».
Au même moment, je me suis sentie grave proche d’une fille de ma classe.
Mais ma mère m’a imposé de m’habiller en princesse Jasmine ! Ce qui m'a le plus dégoûtée, c'est de voir le regard de mes amis garçons changer à ce moment-là.
Un événement traumatique m’a rajouté plein de questions. Un cousin dont j'étais assez proche m'a violée quand j'avais 10 ans, alors qu’il en avait 15.
Je me suis dit que je détestais les hommes. Je me demandais « est-ce que je ne serais pas plus attirée par les filles que par les garçons ? »
Je les ai sentis se dire : « ah ouais, mais c'est une fille, elle peut être belle. » Moi, je voulais être leur égale, et là, ils me considéraient comme une potentielle amoureuse. Je voulais éviter ça à tout prix.
On se tenait tout le temps la main. Elle avait des mains archi fines ! Et moi, des grosses mains de mec. Ça nous faisait rire.
Mais en vrai, ça m'a surtout dégoûtée. je ne me voyais pas coucher avec qui que ce soit après.
Des histoires...
Au collège, j’ai rencontré Victoria. On était tout le temps ensemble et j'ai commencé à avoir des sentiments pour elle.
J'essayais de m'en dissuader, mais on est quand même sorties ensemble.
Ça a duré un petit temps, puis elle m'a brisé le cœur !
les filles, plus jamais !!
Ensuite, j’ai eu un crush sur un garçon. J'ai vite réalisé qu'il était gay.
mais ça ne me dérangeait pas du tout.
En 3e, Grâce aux réseaux sociaux, j'ai appris plein de différents termes, comme pansexuelle, et je m’y suis identifiée tout de suite.
ça voulait dire que je pouvais aimer n'importe qui, quel que soit son genre ou sa sexualité.
J’ai aussi découvert la multitude de drapeaux qui existent.
un jour, je vois quelqu'un comparer l’homosexualité à la zoophilie, sur x.
Direct, je fais des recherches et je comprends que c’est juste les homophobes qui font le rapprochement, mais ça n’a rien à voir avec nous. eux, c'est des zinzins !
Quand ma mère est tombée sur mon historique...
Heu... c'est pour un DM de SVT.
Avant d'être out au lycée, je m'habillais de manière plus féminine, je mettais du make-up alors que je détestais ça, et je me rapprochais des garçons.
C'est drôle car, avec mes meilleurs potes, on s'est juste rapprochés au feeling.
ce n'est que plus tard qu'on a capté qu'on était tous les trois pas hétéros. On a eu un fou rire les pédés* se retrouvent !
Dans chaque lycée, il y a un compte « crush » sur instagram, où des personnes partagent leurs crushs de manière anonyme. On a vu qu'il y avait plein de gays cachés.
Au point qu’on m'a prise pour une grosse dragueuse !
Mais je ne voulais pas que les gens sachent que je n'étais pas hétéro. à partir du moment où j'ai rencontré Léo, qui était le seul mec gay de ma classe, j'ai pu me laisser aller, m’habiller comme je voulais. Je me sentais moins seule.
comment c'est possible ?
Est-ce que notre lien était dû à ça dès le départ ?
Ça m'a motivée à plus me montrer. je me suis dit qu'en assumant ma sexualité, peut-être que d'autres le feraient aussi.
* Utilisé dans ce contexte, « pédé » n’est pas une insulte, mais un retournement de stigmate.
BOUFFONS
Pour concurrencer le marché du snacking, les ostréiculteurs ont développé de nouvelles gammes d’arômes pour LES HUÎTRES :
À Paris, afin de mettre en avant le patrimoine gastronomique, les stations de métro vont être rebaptisées avec des NOMS D’ALIMENTS.
Tu prends le métro à Fromage, tu changes à Merguez et là tu prends la ligne Haricot, et tu descends à Flageolets.
Si personne n’avait consommé de viande de vache, les hommes l’auraient chassée jusqu’à son extinction. Partant du constat que la consommation d’une espèce provoque sa croissance, un groupe industriel austro-hongrois est parvenu à sauver les éléphants de l’extinction en bâtissant des élevages pour en faire des GROS STEAKS
Les premières fermes d’organes sont en cours d’ouverture en France. Elles sont tenues par des ÉLEVEURS PORCINS en raison de leur connaissance profonde de la charcuterie.
Aux États-Unis, le nom de LA VILLE DE PERSIL, en Origan, vient de la plante le persil. Tout comme la mayonnaise, qui vient de la Mayonne, en France.
Les oiseaux descendent des dinosaures. De récentes études sur des crânes ont prouvé que les puissants TYRANNOSAURUS REX du Crétacé pouvaient, à l’instar des perroquets, imiter la voix humaine.
QUEL EST LE POURCENTAGE D’ORANGE DANS LE JUS ?
A. Il n’y en a pas.
B. Pourcent.
C. Du jus d’citron !
D. La réponse D.
La technologie est parvenue à décrypter LE LANGAGE DES ARBRES : ils ne parlent que de la pluie et du beau temps.
PALABRES
ASSISTANAT
VICTOR HUGO ne connaissait pas une seule de ses poésies par cœur. Quand il devait les réciter, il avait toujours avec lui un complice qui lui soufflait ses textes.
Casey Thomson, l’homme le plus riche du monde, a en permanence à ses côtés un employé qui s’attribue LES FLATULENCES de son employeur.
C’EST DOMMAGE
Il y a plein de gens qui s’appellent Romain, mais personne qui s’appelle Gaulois, et je trouve que C’EST DOMMAGE.
À cause de la pollution, les oiseaux ont tendance à perdre leur bec, et je trouve que C’EST DOMMAGE.
LES TRISTOONS sont les Toons apparus pendant la Grande Dépression des années 1930.
DIVERS
À l’aide d’algorithmes, on peut désormais calculer le degré de CONFIANCE à accorder à nos amis. Pour info, la valeur médiane en France est seulement de 19 %.
À cause du trou dans la stratosphère dû à LA FRACTURE NUMÉRIQUE, l’eau s’écoule par gouttes de la taille d’un pixel hors de la surface de la terre vers l’espace, et on ne trouve AUCUNE SOLUTION pour la retenir !
LE NOMBRE DE « HA » dans les rires varie selon les régions du monde.
CHINE FRANCE SÉNÉGAL MEXIQUE
Editing et maquette en cours, texte pas encore finalisé
Les bombardements israéliens sur la bande de Gaza qui ont débuté au lendemain des attaques terroristes du 7-Octobre 2023 se sont poursuivis dans une logique génocidaire terrifiante. Leur traitement médiatique mérite un travail de décryptage et d’analyse à bien des égards. Mais ce qui choque et révolte avant tout, c’est la déshumanisation flagrante des Palestiniens à l’œuvre dans les grands médias de masse - dits “mainstreams”.
Les victimes palestiniennes (femmes, enfants, hommes et familles entières décimées) n’existent quasiment qu’à travers des chiffres. Toujours - ou presque - sans que l’on ne connaisse ni leurs noms ni leurs visages, encore moins leurs histoires. L’asymétrie de traitement avec les victimes israéliennes des massacres du 7-Octobre est flagrant.
Au-delà des victimes, cette invisibilisation se retrouve également dans les personnes à qui les médias audiovisuels (mais pas que) donnent la parole. Il ne s’agit pas seulement des reportages. La quasi-absence des voix palestiniennes sur les plateaux de télévision ou de radio est flagrante ! Mis à
part la députée francopalestinienne de la France Insoumise, Rima Hassan (qui est d’ailleurs moins invitée que commentée et critiquée), quasi aucune personne palestinienne ou francopalestinienne.
Cette déshumanisation s’appuie aussi sur une permanentesuspicion
Ici encore, le traitement à géométrie variable est particulièrement criant si l’on compare la présence médiatique de l’ambassadeur israélien Joshua Zarka et celle de l’ambassadrice de la Palestine en France, Hala AbouHassira.
Cette déshumanisation s’appuie aussi sur une suspicion permanente qui pèse sur le peuple palestinien. Lorsqu’ils ne sont pas tous désignés comme coupables (après tout, ils ont voté pour le Hamas en 2006 !), ils sont au moins complices.
ICI QUOTE FOUREST OU CÉLINE PINA
Les discours de propagande israéliens qui accusent presque systématiquement les soignants, humanitaires ou journalistes qu’ils tuent d’être des terroristes, se retrouvent dans les propos des éditorialistes, ces commentateurs invités et souvent payés pour donner leur avis (rarement contradictoires) sur tous les sujets d’actualité.
exemple “terroriste” à la place de “prisonniers” sur RMC / janvier 2025 ou exemple Israël ment après avoir tué 15 secouristes palestiniens mars 2025
La suspicion permanente est parfois plus insidieuse. Elle se retrouve, par exemple, dans le fait de mentionner “chiffre du Ministère de la santé du Hamas” ou de mettre en doute les bilans de victimes communiqués par les institutions palestiniennes, comme pour le minimiser, ce alors que les ONG et l’ONU elle-même, leur accordent fiabilité et estiment même qu’ils sont sousestimés (puisqu’ils ne prennent pas en compte les personnes restées sous les décombres ni toutes les morts par répercussion). La
suspicion généralisée visant les Palestiniens s’exprime enfin dans les accusations de “Pallywood” (contradiction de Palestine et de Hollywood) utilisées par les soutiens d’Israël pour disqualifier les vidéos devant de Gaza d’être des des fausses scènes avec du faux sang, des faux morts.
le blocus que l’Etat hébreux fait subir aux deux millions d’habitants de la bande de Gaza depuis 2007.
Cette déshumanisation s’appuie aussi sur une permanentesuspicion
D’autres mécanismes contribuent indirectement à cette déshumanisation. La décontextualisation et la dépolitisation de cette guerre à Gaza en faisant tout démarrer au 7-Octobre (via l’utilisation de termes comme “réponse”, riposte” ou “représailles”) sans contextualiser ce qui peut expliquer (sans justifier) ces massacres et ceux perpétrés par Israël depuis, permet de soutenir la rhétorique israélienne (“Israël a le droit de se défendre”) et confère une légitimité à ces bombardements sur Gaza. Cette “déshistoricisation” qui consiste à taire le contexte historique et politique de la région et notamment la colonisation et le régime d’apartheid qu’Israël impose aux Palestiniens des territoires palestiniens occupés, comme le dénonce des ONG comme Amnesty International, ou encore
On retrouve cette tendance dans la qualification “guerre Israël - Hamas”, très majoritairement utilisée dans les médias. Elle colle aux éléments de langage d’Israël qui martèle que son objectif est d’ “anéantir le Hamas”, que les victimes civiles sont des “dommages collatéraux” que l’armée fait tout pour éviter. Alors que les chiffres de l’ONU rapportent précisément le contraire : 70% des victimes à Gaza sont des femmes et des enfants.
La voix passive (“ont été tués”) et ses équivalents (“sont morts”) utilisés pour rapporter les massacres de Palestiniens fait partie des nombreux outils rhétoriques utilisés. Parmi de multiples procédés linguistiques, la qualification de celui qui “tue” ou qui “tire” qui est parfois esquivée (volontaires ou pas). « la photojournaliste Fatima Hassouna et dix de ses proches ont été tués par un missile qui a frappé leur maison » déclarait en mai 2025 l’actrice Juliette Binoche, en ouvrant le 78e Festival de Cannes dont elle présidait le jury. Comme si les
Conclu : Conclu : - black out médiatique - racisme de la société - médias indé
missiles tombaient du ciel.
Nous l’occupons et il nous occupe. Nous voudrions ne pas être résumé à son apparence, mais nous la travaillons. Au cas où. Il est exigeant, fragile, surprenant. Il change, grossit ou maigrit. Nous le nourrissons ou nous le sculptons, nous le laissons aller, nous n’y pensons plus ou nous ne pensons qu’à lui. Nous regardons ceux des autres avec envie, désir ou dégoût. Le sujet est vaste, culturel, économique, intime. Des Kardashian à notre miroir, de nos muscles à notre regard, qu’est-ce qui se joue derrière le corps ?
Par Constance Vilanova et Leïla Courtillon
Le 14 octobre 2007, sur la chaîne E! Entertainment, les États-Unis découvrent le quotidien d’ultra-riches de Los Angeles qui montrent tout, sans pudeur.
Je meurs de faim.
T’as pas un shooting demain?
Arrête de manger!
Je crois... ... que Kim a pris des fesses! Du coup...
... elle roule du cul!
Kim a toujours eu du boule. Tu crois que ça vient d’où, Maman?
Elle n’a pas fait assez de cardio!
Hahaha!
Haha!
KHLOÉ
KRIS
ROB
KYLIE
BRUCE
KIM
LES KARDASHIAN
Portrait de famille:
D’abord il y a Kris Jenner, la mère. De son premier mariage avec Robert Kardashian, un célèbre avocat, naissent ses trois premières filles, et son fils.
LA MOMAGER (maman manager)
Kris Jenner veut à tout prix être célèbre. Elle transmet cet appêtit pour la notoriété à ses enfants
En 1991, Kris se remarie avec Bruce Jenner, un athlète de haut niveau, champion oympique de décathlon et trois fois recordman du monde de la discipline. De cette union naissent deux filles. Bienvenue dans ma famille!
KIM
KOURTNEY
Comment expliquer qu’une émission de téléréalité soit consacrée aux Kardashian-Jenner? Grâce à Kim (ou à cause d’elle).
Je crois que Kim devrait faire une couverture de « Playboy ».
Bien sûr! Comme ça, tu auras tes 10 %.
Encouragée par sa mère dès l’adolescence, la deuxième de la fratrie a un désir irrésistible de gloire.
Quelqu’un peut filmer ça?
Comme ça on pourra me voir quand je serai vieille et célèbre et se souvenir de cette jolie fille.
L’argent a toujours été l’objectif, mais j’étais obsédée par la célébrité, obsédée de manière embarrassante.
KIM, FILMÉE PAR SON PÈRE
ROBERT KARDASHIAN, EN 1994
KIM, DANS « VOGUE ARABIA », 2019
KHLOÉ KOURTNEY
Au début des années 2000, Kim a 20 ans. Elle fait quelques apparitions dans l’ombre de Paris Hilton, une célèbre héritière à l’affiche de sa propre émission de téléréalité « The Simple Life ».
Tu prévois d’y aller?
J’adore ce dressing, il est trop bien!
Ça, c’est un ensemble pour si jamais un jour je vais en Inde.
En octobre 2002, en voyage au Mexique, Kim et son petit-ami se filment pendant un rapport sexuel. Quatre ans plus tard, en 2007, la vidéo intime est diffusée à leur insu.
C’était avec mon petit ami, avec qui j’ai été pendant trois ans, et dont j’étais vraiment amoureuse.
KIM, DANS LA SAISON 1 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN »
Peu importe ce qu’on fait dans notre vie privée, c’est notre vie privée.
Kim revend finalement la sextape pour 5 millions de dollars et signe sa première saison de téléréalité avec la chaîne E! Entertainment. Depuis, sa vidéo a généré plus de 50 millions de dollars.
Quand j’ai entendu parler de la sextape de Kim, en tant que mère, je voulais la tuer.
Mais en tant que sa manager, je savais que j’avais un job.
Et ce que je voulais vraiment pour elle, c’est qu’elle avance.
C’est cette année-là, dans la foulée de la vente de ces images intimes, qu’est lancée l’émission « L’Incroyable famille Kardashian ».
Kim tire des bénéfices de son corps nu et exposé malgré elle.
Kim devient connue pour être connue.
Oui!
PARIS
KIM
Le corps
Les Kardashian forment un clan, un matriarcat (l’inverse du patriarcat dans lequel les hommes dominent). Ici, les femmes fixent les règles et les hommes s’effacent.
Vous devez vous réveiller, croire en vous, y travailler. Soyez intelligent et authentique et toutes les choses que vous voulez être.
C’est Kris, la mère, qui est cheffe de famille. Pas le père. Le frère Rob est quasi inexistant dans l’émission et les médias.
Pour les 67 ans de Kris, ses filles lui ont organisé une fête surprise dont le thème est... Kris.
Hey, girls!
Oh mon dieu!
Mon dieu! Oh, arrêtez!
Je n’aurais jamais imaginé marcher vers des dizaines de versions de moi!
EXTRAIT DE L’ÉPISODE 7 DE LA SAISON 3 « LES KARDASHIAN »
MARY JO
KHLOÉ KRIS
KENDALL KYLIE KOURTNEY
KRIS
KRIS
KYLIE
KRIS
NORTH
KHLOÉ KYLIE
KOURTNEY
KIM
KRIS
(LA MÈRE DE KRIS)
Depuis presque vingt ans, la famille dévoile son intimité dans un programme de téléréalité d’abord baptisé « L’Incroyable famille Kardashian », puis « Les Kardashian ». En tout, déjà 26 saisons, où la famille montre tout...
On est prêts à dévoiler le sexe du bébé! Ici, c’est la tête.
... de la grossesse de Kourtney à la transition de genre du père, Bruce, qui devient Caitlyn Jenner.
Tu vas faire quelques changements sur ton visage...
Oui, ce sera de plus en plus difficile defaire semblant.
À l’aube des années 2010, un nouvel objet s’incruste dans les mains de toute la famille : le smartphone
Tu sais ce qui me ferait plaisir?
Ce serait des vacances comme celles d’avant...
Sans portable!
Sans lire ses messages!
J’ai le droit de parler avec des gens! Je veux que Kim soit dans le moment présent, avec la famille!
Sans parler à ses collègues ou checker ses mails.
Cette révolution numérique va renforcer la « kardashianisation » du monde.
Kim, tu veux bien arrêter de te prendre en photo !
Dans chaque épisode, désormais, les sœurs enchaînent les selfies avant de les publier sur une application dernier cri: Instagram, créée le 6 octobre 2010.
KRIS SCOTT
KOURTNEY
KIM KYLIE
KYLIE
KENDALL BRUCE ROB
KRIS
KIM
KENDALL
CAITLYN
KYLIE
KOURTNEY
KRIS
KIM
KRIS
KIM
Le 20 février 2012, Kim Kardashian poste sa première photo sur Instagram: un baiser envoyé à ses fans.
kimkardashian
My first Instagram pic... Kisses for Instagram!
sirjoseph322
Queen K
nurlovesdollar
Love!!
134975 likes 20 février 2012
Bouche en cul de poule Filtre épais Yeux fermés
Kim s’appuie sur cette nouvelle plateforme pour développer sa puissance. Des marques la repèrent. Elle fait ses premiers placements de produits et développe une nouvelle profession: influenceuse.
Hey, tout le monde!
Aujourd’hui, je suis avec Kim Kardashian et je vais vous montrer comment vous maquiller en utilisant seulement des produits de pharmacie!
EXTRAIT D’UN TUTO VIDÉO AVEC SON MAQUILLEUR MARIO DEDIVANOVIC, EN 2015
Avec les 356 millions d’abonnés de Kim et les presque 400 millions d’internautes qui suivent sa sœur Kylie, la famille Kardashian a fortement contribué au succès de l’application.
Sans les Kardashian, pas d’Instagram et, sans Instagram, pas de Kardashian.
KIM
KYLIE
KYLIE
Très vite, avec les filtres, mais aussi la médecine esthétique, les visages des sœurs comment à se ressembler.
KHLOÉ KYLIE
Les pommettes hautes, les lèvres gonflées, les sourcils dessinés.
Comme si elles ne formaient plus qu’un visage, et qu’un corps, devenu leur instrument de travail.
KIM
Leurs silhouettes se modifient au fil des clichés et selfies, elles s’uniformisent, tout en fixant des nouveaux standards de beauté dans le monde.
KOURTNEY, KHLOÉ ET KIM À LA SOIRÉE DE LANCEMENT DE LA SAISON 2 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN » À HOLLYWOOD EN 2008.
KOURTNEY, KHLOÉ ET KIM LORS DE LA PROMOTION DE LEUR PARFUM « DIAMONDS » EN 2019.
Le corps
Le 30 avril 2022, l’association des correspondants de la Maison-Blanche organise son dîner annuel à Washington en présence du président des États-Unis, Joe Biden.
Sur le tapis rouge: Kim Kardashian. L’influenceuse pose. Les photographes hurlent son nom pour décrocher un regard.
Elle se retourne dans sa robe argentée. La photo innonde Twitter et Instagram et les internautes deviennent fous. Tous s’interrogent:
Mais où sont passées les fesses de Kim Kardashian?
Depuis 2014, Kim Kardashian a fait de son fessier sa marque de fabrique. Elle le montre en maillot de bain très échancré, en legging cycliste, en pantalon moulant. Elle lance même sur son site de produits dérivés une bouée gonflable à l’effigie de ses fesses.
Pour obtenir ce derrière rebondi, l’influenceuse a subi un Brazilian Butt Lift ou BBL, une opération de chirurgie esthétique très lourde.
Il s’agit de prélever de la graisse dans une partie du corps, souvent les cuisses ou le ventre, pour l’injecter dans les fesses.
Cette pratique est l’une des plus dangereuses en chirurgie avec une patiente sur 3000 qui meurt. Le risque: une embolie. La graisse pénètre le système sanguin, bloque une veine et donc l’oxygénation.
En plus d’être très risquée, cette pratique est très douloureuse et très chère. Il faut compter entre 3500 et plus de 10000 euros.
KIM !
KIM !
KIM !
AVANT BBL
APRÈS BBL
Le corps de Kim est tellement influent que, selon plusieurs magazines américains, 2014 devient « l’année des fesses ». Rapidement, ses sœurs Kourtney, Khloé et Kylie suivent le mouvement.
Dans les cabinets de chirurgie, les patientes veulent toutes la même silhouette que les sœurs Kardashian. Une étude de 2018, publiée par la Société américaine de chirurgiens plastiques, indique que les procédures d’augmentation du fessier ont bondi de 256 % depuis 2000.
En 2018, Nabilla, célèbre candidate de téléréalité française et influenceuse aux 9,5 millions d’abonnés, se serait rendue à Miami pour bénéficier d’un Brazilian Butt Lift réalisé par Simon Ourian, le même chirurgien que Kim Kardashian. En 2020, elle s’explique en live sur Instagram:
Je vous ai déjà dit : j’avais fait des injections il y a très longtemps.
Alors, je voyais des commentaires sur mes fesses.
Je me suis dit: « Les gens, ils veulent vraiment pas se mêler de leur cul! »
Et c’est tout, en fait. Depuis, rien n’a changé.
Les chanteuses Nicki Minaj et Jennifer Lopez passent aussi par la case BBL. Mais cette obsession pour les fesses mène aux pires dérives.
Je comprends pas pourquoi vous faites les choqués.
KHLOÉ
KYLIE
KIM KOURTNEY
En mai 2021, pendant une fête à Dubaï. Luna Skye, ex-candidate de téléréalité alors âgée de 25 ans, se fait injecter par un chirurgien reconnu 40 seringues d’acide hyaluronique dans chaque fesse. La promesse de cette intervention : le même effet qu’un BBL mais sans opération.
@Lunaskye
Quelques mois plus tard, dans une blouse de l’hôpital Tenon à Paris, Luna raconte le parcours du combattant qui a suivi.
@Lunaskye
J’ai passé la nuit à essayer d’aller mieux pour pas venir aux urgences, mais là, j’ai trop trop mal.
SNAPCHAT LIVE, OCTOBRE 2021
Atteinte d’un staphylocoque et d’une septicémie, celle qui habitait Los Angeles a d’abord passé trois mois dans un hôpital américain, avec un séjour en réanimation, avant de se faire rapatrier en France.
Aux États-Unis, j’ai frôlé la mort, j’ai l’impression d’avoir été un cobaye. On a testé plein de traitements et dès qu’on les interrompait, je refaisais une infection. Je suis devenue dépendante à l’oxycodone.
Cet antidouleur très puissant est responsable d’une grande vague d’addictions aux États-Unis.
Chaque jour, elle décrit l’avancée de son infection en story sur Instagram. En France, elle multiplie les opérations douloureuses. Mais le produit reste dans le muscle et ne se résorbe pas
Je suis à l’hôpital j’ai dû prendre je ne sais combien d’anxiolytiques pour arrêter mes crises d’angoisse
Je fais la forte mais je suis humaine et j’ai aussi peur.
On m’a demandé de montrer un peu plus ce qu’il se passe... C’est pas rigolo, mais c’est la vérité.
Émilie Amar, ex-candidate de téléréalité est suivie dans une chambre voisine. Elle aussi a reçu des injections du même chirurgien. En pleurs, elle explique en story sur Instagram s’être fait injecter 33 seringues du produit.
Bon, alors j’essaie d’en parler.
Depuis le mois d’août, je suis à la troisième récidive
11 DÉCEMBRE 2021
Je ne suis pas la seule, on est quatre dans ce cas-là.
d’une grosse infection due à une bactérie qui serait un staphylocoque doré.
On n’a pas de solution, car la bactérie se loge certainement dans le produit, et le produit met deux ans à se résorber.
Sauvées, les deux jeunes femmes restent traumatisées. Les fesses de Luna ne retrouveront jamais leur forme originelle.
J’ai toujours pensé que mon corps n’était qu’une enveloppe, que je pouvais en faire ce que je voulais. Cette impulsivité, je la remets en cause.
ÉMILIE
LUNA
Kim n’est pas la seule à standardiser les corps.
La cadette, Kylie, a transformé les visages du monde entier.
En avril 2015, le hashtag #KylieJennerLipChallenge s’empare d’Instagram. En photo et vidéo, des adolescentes montrent des lèvres incroyablement gonflées, prêtes à exploser.
Le principe: placer un verre ou une bouteille sur sa bouche et aspirer. Avec l’afflux de sang, les lèvres grossissent. Problème: cette pratique peut déclencher des douleurs, des hématomes.
Parents et experts s’inquiètent.
Okay, alors je vais utiliser un verre comme ça.
Et attendre 15 minutes.
Si ces jeunes internautes prennent ce risque, c’est pour ressembler à leur idole Kylie Jenner. Aperçue dans les premières saisons de « L’Incroyable famille Kardashian », elle est d’abord la mal-aimée des réseaux sociaux où elle est comparée à ses sœurs.
Si tu veux être mannequin tu dois avoir une bonne nutrition.
Un book? Avant qu’on regarde, tu veux bien demander à ta sœur comment s’est passée son audition aujourd’hui?
Ah! Coucou, ma chérie.
J’ai fait un book de photos!
Elle essaie de voler mon moment de gloire!
Tu veux bien te concentrer sur mon book? Comme tu l’as fait pour Kendall?
DANS LA SAISON 4 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN »
On moque le « vilain petit canard », jamais assez jolie, jamais assez mince, surtout comparée à Kendall, qui commence sa carrière de mannequin et défile pour les plus grandes maisons de haute couture.
Alors, entre 2013 et 2015, les lèvres de l’adolescente se mettent à gonfler.
Le visage de la lycéenne se métamorphose.
LE STREAMER SPEED SUR SA CHAÎNE TWITCH
KENDALL MAMAN! KRIS
KYLIE
Sur ses réseaux ou en interview, elle nie toute intervention esthétique... Comme ici, sur E! Entertainment en 2015.
Tout le monde se demande : Kylie, comment vous faites pour avoir ces lèvres incroyables?
Tout le monde pense que c’est parce que j’utilise une couleur particulière, mais j’utilise genre six couleurs différentes.
Elle parie même sur la polémique pour lancer sa marque de maquillage: Kylie Cosmetics qui propose un kit spécial avec un rouge à lèvres liquide et un crayon. Lancés en mars 2016 sur Internet, ces « Kylie Lip Kits » à 26 euros sont épuisés en quinze minutes.
Kylie Jenner est sa propre publicité. Son corps et son visage sont une marque à eux seuls. Une marque qui la rendra milliardaire à 19 ans. En mai 2016, elle révèle s’être fait injecter des « fillers » temporaires dans les lèvres, lors d’une émission dérivée de « L’Incroyable famille Kardashian ».
Oui, je me suis fait injecter des « fillers ». C’est juste une insécurité dont je souffre. Mais avant, je n’étais pas prête à parler de mes lèvres à la presse.
Les « fillers » ou « produits de comblement » sont des substances injectables, généralement de l’acide hyaluronique ou du botox. Cette tecnhique de rajeunissement ou de remodelage ne nécessite ni chirurgie ni anesthésie. Il s’agit de médecine esthétique.
La plus grosse idée fausse à propos de moi, c’est que j’étais une enfant fragile et que j’ai eu recours à la chirurgie pour refaire tout mon visage.
C’est faux. J’ai seulement fait des injections et je ne veux pas que ça fasse partie de mon histoire. J’aimerais que les gens s’aiment tels qu’ils sont.
Juste après la diffusion de l’épisode, les demandes de clientes pour la même procédure ont explosé. Au Royaume-Uni, des médecins ont raconté avoir reçu en 24 heures 70 % de demandes supplémentaires.
2023, DANS LA SAISON 4 DE L’ÉMISSION « LES KARDASHIAN »
Le corps
À 19 ans, Kylie se fait refaire la poitrine, elle est aussi soupçonnée d’avoir, comme sa sœur, remodelé ses fesses. Modèle pour des millions d’adolescentes, elle devient un produit d’appel, une publicité pour les cabinets de chirurgie esthétique du monde entier. Sur Instagram, des chirurgiens postent des avants-après sur Kylie Jenner pour lister toutes les interventions auxquelles elle aurait eu recours.
L’objectif: interpeller des fans de l’influenceuse et leur faire franchir le cap de la chirurgie.
Qu’a fait Kylie?
La partie haute des joues apparaît plus pleine, c’est probablement dû à un filler
Elle continue de s’injecter des fillers dans les lèvres, et possiblement du botox au niveau du front.
Les Kardashian-Jenner ressemblent à des filtres Instagram et tout le monde veut leur ressembler. Sur leurs photos: impossible de savoir ce qui relève du maquillage, des retouches ou des filtres qui, eux aussi, restructurent le visage et boostent le tracé des lèvres.
En 2018, des chercheurs de l’unité de dermatologie de l’université de Boston théorisent « la dysmorphophobie Snapchat »: les filtres pour nos selfies, renforcés à grands coups d’application de retouches, déforment la façon dont on se perçoit.
En 2019, pour la première fois, les 18-34 ans ont davantage recours à la chirurgie et à la médecine esthétique que les 50-60 ans. Cette hausse vient de l’évolution du secteur: les techniques sont moins invasives et comportent moins de risques qu’avant.
La faute aussi à une « kardashianisation » des standards de beauté.
DOCTOR GARY LINKOV, SUR YOUTUBE EN 2025
DOCTOR YOUN, SUR YOUTUBE EN 2023
Certaines jeunes femmes n’ont pas les moyens d’atteindre les idéaux de beauté fixés par les Kardashian-Jenner et vont se tourner vers des « fake injectrices », de fausses professionnelles, sans diplôme, qui proposent des injections d’acide hyaluroniques beaucoup moins chères qu’en clinique.
Sur les réseaux sociaux, ces escrocs promettent des interventions à moitié prix avec parfois des codes promo relayés par des influenceuses.
Aujourd’hui, je vois des patients et des patientes qui arrivent défigurés, déformés, avec des effets secondaires.
Parce qu’ils ou elles se sont faits injecter, traiter, ou fait faire du laser même, par des gens qui ne sont pas médecins.
DOCTEUR JÉRÉMY ALLAFORT SUR YOUTUBE EN 2025
Fin 2021, Feliccia, révélée dans « Les Princes et les Princesses de l’amour », propose à ses abonnés un jeu pour gagner des injections aux fesses d’une valeur de 2000 euros.
Même si les pratiques des fake injectrices sont illégales, leurs comptes sont omniprésents sur Instagram, TikTok et Snapchat. Leurs victimes aussi...
Des jeunes femmes défigurées, qui n’osent pas porter plainte, honteuses de s’être fait avoir.
Le corps
Comme si, à grands coups de séances de sport et de pinceaux à maquillage, il était possible d’avoir ce corps et ce visage ultra lisses.
Je l’ai dit de nombreuses fois: je n’ai pas fait de chirurgie, je n’ai pas eu d’implants aux fesses, les gens écrivent juste ce qu’ils veulent.
Les sœurs Kardashian-Jenner restent volontairement floues sur le nombre d’interventions esthétiques auxquelles elles ont eu recours.
Ce manque de transparence leur permet aussi de vendre des produits qui portent leur nom et qui font miroiter de leur ressembler.
Comme les rouges à lèvres « Kylie Cosmetics » qui promettent d’avoir la même bouche que la petite dernière sans passer par les injections.
Ou les gaines et la lingerie de la marque Skims lancée par Kim qui promettent d’affiner la taille et de réhausser la poitrine sans passer par le bloc opératoire.
Les sœur passent d’une silhouette et d’un visage à l’autre en l’espace d’un événement mondain.
KIM, EN 2011, DANS LA SAISON 6 DE « L’INCROYABLE FAMILLE KARDASHIAN »
KYLIE
Au milieu des années 2010, le concept d’appropriation culturelle se développe. De nombreuses personnalités sont montrées du doigt dans les milieux artistiques.
Le créateur japonais Junya Watanabe pour sa collection printemps-été 2016 appelée « African », où des mannequins, tous blancs, défilent avec des cornrows ou des cicatrices traditionnelles des Karamojong, une population qui vit au nord-est de l’Ouganda.
Madonna pour le port d’une coiffe et d’une tenue traditionnelle berbère, en août 2018, à la soirée des MTV Video Music Awards
Coiffe de la tribu Ait Baamrane Vêtements et bijoux Imazighen (Maroc)
En 2018, Kim Kardashian pose avec des tresses. Elle s’approprie tellement cette coiffure que le hashtag #KimBraids (#TressesDeKim) envahit les réseaux sociaux.
Il s’agit d’une coiffure millénaire répandue dans de nombreuses communautés afro-descendantes qu’elle s’approprie et que ses fans pensent qu’elle a inventée.
JENNIFER PADJEMI, JOURNALISTE SPÉCIALISTE EN POP CULTURE*.
* Autrice de « Selfie : comment le capitalisme contrôle nos corps », éditions Stock, 2023.
Le corps
Kim n’est pas la seule de la famille à se faire épingler pour appropriation culturelle. Le 6 mars 2020, Kylie Jenner, poste une photo sur Twitter (depuis devenu X).
@KylieJenner
BEYONCÉ
@jupitergirl
POURQUOI TU TE DÉGUISES EN BEYONCÉ????
@mariah
Rends sa perruque à Beyoncé immédiatement.
Le problème? Sa peau: foncée par du maquillage et des retouches. Et ses cheveux: elle porte une longue « wig », une perruque, cet accessoire qui a toujours fait partie de la culture des personnes afro-descendantes.
En utilisant des artifices pour jouer sur une ambiguïté raciale alors qu’elle est blanche, l’influenceuse est accusée de « blackfishing ».
Théorisé en 2018 par la journaliste américaine Wanna Thompson, le blackfishing consiste à se faire passer pour une personne noire pour en tirer des bénéfices, mais sans vivre les discriminations que les personnes noires subissent.
Ces dernières années, Instagram est devenu un terreau fertile pour les femmes blanches qui souhaitent tirer parti de l’usurpation d’identité de femmes métisses ou noires à des fins monétaires et sociales.
Avec des remplissages de lèvres, des bronzages foncés et des tentatives de manipulation de la texture de leurs cheveux, les femmes blanches portent les traits des femmes noires comme un déguisement.
WANNA THOMPSON, « PAPER MAGAZINE », 2018
En appliquant du fond de teint plus foncé que leur peau naturelle, en se tressant les cheveux, les internautes pensent ainsi copier les Kardashian plutôt que les communautés noires.
Kylie et Kim sont aussi épinglées pour avoir augmenté la taille de leur fessier grâce à la chirurgie.
Les grosses fesses étaient cool bien avant que les personnes blanches décident qu’elles l’étaient.
LA JOURNALISTE WHITNEY ALESE
DANS UN BILLET DE BLOG.
Entre 2014 et 2022, Kim Kardashian est en couple avec le rappeur noir Kanye West avec qui elle a quatre enfants: North, Saint, Chicago et Psalm.
Jennifer Padjemi préfère parler de « »
Sa relation avec Kanye West et le fait d’avoir des enfants métis a permis à Kim de se présenter dans un look plus streetwear. On ne savait plus si elle était blanche ou métisse.
Pendant des années, elle n’a pas usé de son influence pour défendre les communautés afro. Si Kim a des origines arméniennes par son père, Kylie Jenner a deux parents 100 % américains et blancs.
Et c’est ça le race fishing, c’est le lundi choisir d’être un peu métisse, le mercredi latina, le jeudi se dire que c’est moins à la mode et revenir à sa première identité de femme blanche occidentale.
C’est choisir ce qui n’est pas de l’ordre du choix chez d’autres.
KANYE
CHICAGO
KIM
NORTH
PSALM
SAINT
KIM
KYLIE
Le corps
En perdant plusieurs kilos, et en « enlevant ses fesses », Kim et ses sœurs se sont aussi trouvés des petits amis plus blancs que blancs.
L’humoriste Pete Davidson pour Kim.
L’acteur Timothée Chalamet pour Kylie (après être sortie avec deux rappeurs noirs, Tyga et Travis Scott).
Leur corps et leurs copains ne sont que des accessoires.
Après Kim qui apparaît au dîner des correspondants de Washington le 30 avril 2022, avec des fesses moins volumineuses, Kylie Jenner dévoile à son tour une silhouette beaucoup plus fine sur TikTok en mars 2024.
La même année, Khloé Kardashian, qui a enchaîné les régimes, pose en lingerie rose sur Instagram.
Après l’âge d’or des grosses fesses et du teint foncé, les Kardashian apparaissent sur les tapis rouges plus maigres que jamais.
Selon les experts, c’est le retour de la silhouette « » du début des années 2000. Un corps maigrissime.
Les Kardashian passent d’une silhouette à l’autre.
On injecte, on enlève selon les injonctions.
KYLIE KENDALL KHLOÉ
NAOMI CAMPBELL KATE MOSS
KYLIE
Le corps
Sa chanson « Beautiful Things » a cartonné en 2024, propulsant le jeune chanteur américain
Benson Boone parmi les artistes les plus écoutés de la planète. Encore inconnu il y a quelques années, l’Américain s’impose aujourd’hui sur le devant de la scène.
Son ascension fulgurante s’est aussi accompagnée d’une transformation physique.
On l’a découvert en 2021 lors du programme « American Idol », modèle de l’émission « Nouvelle Star » en France. Benson Boone arbore alors un look passepartout d’étudiant lambda. Aujourd’hui tout a changé : combinaisons à paillettes au décolleté vertigineux, gilets sans manches mettant en valeur ses biceps saillants ou encore chemisiers de dentelle assumant la transparence font partie de son vestiaire de scène. Dans la lignée d’une masculinité détendue avec laquelle on ne craint plus de jouer, telle qu’on l’a par ailleurs vue chez Harry Styles, c’est aussi un clin d’œil à des stars plus anciennes comme David Bowie, Elton John ou encore Freddie Mercury, qui, au siècle dernier, jouaient déjà à déconstruire la virilité. Benson Boone a d’ailleurs rendu hommage au leader du groupe britannique Queen en reprenant le titre « Bohemian Rhapsody » lors du festival Coachella en avril 2025.
Pauline Auzou et Fabien Roché
Ici, sur la pochette de son deuxième album American Heart, son torse musclé est exhibé sans détour. C’est une image très sexualisée du chanteur. Après les rollers enflammés de son premier album, que nous racontent ces abdominaux affûtés ?
Benson Boone veutil promouvoir les vertus du sport, de l’effort physique, du dépassement de soi, valeurs clés de la culture américaine ? Ou veut-il nous parler d’un modèle épuisé qui ne sait pas où il va ?
Les boucles brunes tombant sur le visage, les bras ouverts en croix convoquent, eux, de façon immédiate, une interprétation religieuse. De surcroît, cette posture christique sert à faire flotter un drapeau étatsunien, symbole patriotique évident.
Ou, dans le contexte politique américain actuel, ces codes patriotiques et religieux qui flottent autour du jeune homme au regard fuyant invitentils à s’interroger sur la vanité épuisante d’un mythe fatigué ?
Quelle est la place du corps du chanteur dans cette mise en scène ? De ce torse sculpté, sali comme celui d’un ouvrier.
En le regardant, estce l’Amérique et sa conquête, la ruée vers l’or et la construction d’un mythe que l’on contemple ?
Quoi qu’il en soit, la vision de la masculinité de Benson Boone associée à ces symboles risque de susciter beaucoup d’interrogations, d’un côté comme de l’autre. Le roi des saltos tente-t-il de concilier l’inconciliable ?
Par Renée Greusard et Axel Ruch
Le corps
Le corps
Le corps
Par Martine Abat et Félix Auvard
LE « MALE GAZE », C’EST CE REGARD MASCULIN QUI IMPRÈGNE LE CINÉMA, LES MANGAS, LA PUB, LES JEUX VIDÉO OU LA TÉLÉ. CELUI QUI SEXUALISE LE CORPS DES FEMMES ET EN FAIT UN OBJET DE DÉSIR.
L’EXPRESSION EST NÉE EN 1975 DANS L’ARTICLE « PLAISIR VISUEL ET CINÉMA NARRATIF »*, ÉCRIT PAR LAURA MULVEY, CRITIQUE ET RÉALISATRICE ANGLAISE.
TRÈS ENGAGÉE DANS LES MOUVEMENTS POUR LES DROITS DES FEMMES DANS LES ANNÉES 1970, ELLE S’EST MISE À REGARDER LES FILMS HOLLYWOODIENS SOUS LE PRISME DU GENRE, C’EST-À-DIRE EN AYANT À L’ESPRIT LES INÉGALITÉS ENTRE LES SEXES. ET CETTE DÉMARCHE EST TOUT À FAIT NOUVELLE.
ELLE PREND ALORS CONSCIENCE QUE LES FEMMES NE SONT PAS FILMÉES COMME LES HOMMES. LEUR APPARENCE, LEUR CORPS ET LEUR SEXUALITÉ SONT MIS EN AVANT, SOUVENT AU DÉTRIMENT DE LEUR PERSONNALITÉ ET DE LEUR RÔLE NARRATIF.
Pitoyable, l’écriture du perso féminin…
Y avait un perso féminin ?
ELLES DEVIENNENT DES OBJETS ÉROTIQUES.
Le corps
La question du moment
AVEC, PAR EXEMPLE, DES TRAVELLINGS DES PIEDS À LA TÊTE, LA CAMÉRA DESHABILLE LA FEMME ET SE MET AU SERVICE DU DÉSIR DES HOMMES HÉTÉROSEXUELS.
Le langage cinématographique est utilisé pour activer le voyeurisme du personnage masculin et le transmettre au public.
Les spectateurs et spectatrices partagent cet instinct voyeuriste.
UNE FAÇON DE POSSÉDER LA FEMME PAR LE REGARD.
LAURA MULVEY
ON CONNAÎT LA SCÈNE EMBLÉMATIQUE DE « SEPT ANS DE RÉFLEXION » (BILLY WILDER, 1955)
OÙ LA ROBE DE MARILYN MONROE SE SOULÈVE SUR LA BOUCHE D’AÉRATION DU MÉTRO AVEC LA CAMÉRA QUI SE CONCENTRE SUR SES JAMBES, SA CULOTTE EXHIBÉE EN PUBLIC.
Hihhiii Richard ! T’es un gros porc, mais je n’ai comme seule personnalité que celle d’être sotte, alors ça me va !!!
SON PERSONNAGE, BEAUTÉ BLONDE UN PEU NAÏVE, N’A MÊME PAS DE NOM. LE HÉROS, QUI PROFITE DE VACANCES LOIN DE SA FEMME ET SES ENFANTS POUR FANTASMER SUR LES FEMMES QU’IL RÊVE DE SÉDUIRE, LUI ARRACHE DES BAISERS.
DANS « MEURS UN AUTRE JOUR » (LEE TAMAHORI, 2002), QUAND L’ACTRICE HALLE BERRY APPARAîT, C’EST D’ABORD VIA LES JUMELLES DE JAMES BOND QUI L’ESPIONNE.
C’est bon, James ? Tu t’es bien rincé l’œil, ça va ?
MÊME PRATIQUE POUR NOMBRE DE MANGAS ET JEUX VIDÉO.
NAMI dans « ONE PIECE » (1997)
MOMO YAOYOROZU dans « MY HERO ACADEMIA » (2014)
LARA CROFT dans « TOMB RAIDER » (1996)
LE MALE GAZE, C’EST LE REGARD DU RÉALISATEUR, DU HÉROS, DES PERSONNAGES MASCULINS,
MAIS AUSSI LE NÔTRE, SPECTATEURS ET SPECTATRICES QUI SUIVONS LE MOUVEMENT DE LA CAMÉRA.
IL ORGANISE L’HISTOIRE, LES RÔLES, ET LES REPRÉSENTATIONS.
LES PERSONNAGES MASCULINS AGISSENT ET SONT AU CENTRE DE L’INTRIGUE.
Je dois sauver le monde, cela est ma destinée, je suis le SEUL à pouvoir y arriver grâce à ma PUISSANCE D’HOMME.
Force à toi, beau gosse !
LES PERSONNAGES FÉMININS SONT DE PETITES CHOSES PASSIVES, SANS DÉFENSE, QUE L’HOMME DOIT PROTÉGER COMME DES ENFANTS. ELLES SONT INCAPABLES DE PRENDRE DES DÉCISIONS.
Merci d’avoir sauvé le monde car je vis également dedans, hihi ! En plus, t’es vraiment pas mal…
Tu veux aller boire un verre, maybe ?
Sinon, je peux faire ta vaisselle, chépas…
QUESTIONNER LE MALE GAZE, C’EST ÊTRE ATTENTIF À LA MANIÈRE DONT ON REPRÉSENTE LES RÔLES DE CHACUN DANS LA SOCIÉTÉ, CAR IL PARTICIPE À LA CONSTRUCTION DES INÉGALITÉS DE GENRE.
Attends, c’est tout ? Ça finit comme ça ?
Elle a juste attendu dans dans son coin pendant tout le film ?
On ne sait même pas, vu qu’on ne l’a pas suivie pendant que l’autre guignol sauvait le monde…
La question du moment
Le corps
LES RÉCITS SONT SOUVENT CENTRÉS SUR LES DÉSIRS, LES PEURS ET LES FANTASMES MASCULINS.
J’ai vraiment peur à l’idée d’aller seul au BAL DE PROMO…
LES JAMES BOND GIRLS EN SONT L’ARCHÉTYPE !
Moi aussi MEC… J’espère que JESSICA ne va pas me mettre un RÂTEAU…
LES FEMMES ONT PEU DE RÉPLIQUES, ELLES NE FONT PAS AVANCER L’ACTION, ELLES EN SONT LE BUT.
Tu es tellement sexy Jessica, tes yeux, tes cheveux et tes énormes nénés…
C’est absolument dégueulasse de dire ça. Laisse-moi finir.
Je disais : tes énormes nénés…
MÊME SI ELLES ONT BEAUCOUP ÉVOLUÉ DANS LES DERNIÈRES AVENTURES DU CÉLÈBRE AGENT OO7, QUI LUI-MÊME A COMMENCÉ SA DÉCONSTRUCTION.
LES JAMES BOND GIRLS AUSSI VONT SE TRANSFORMER.
Je… je peux AGIR ???
Oui, mais soyez quand même un peu plus nulle qu’un homme, SVP !!!
AINSI QUAND DANIEL CRAIG REPREND LE RÔLE, DANS « CASINO ROYALE », SORTI EN 2006, IL EST MIS EN SCÈNE DANS UN REMAKE TRÈS FIDÈLE DE LA SCÈNE DE SORTIE DE L’EAU DE HALLE BERRY DANS « MEURS UN AUTRE JOUR », QUATRE ANS PLUS TÔT.
Bonne baignade, James ?!
D’UN COUP, PAR CE PIED DE NEZ, ON COMPREND QU’ON A CHANGÉ D’ÉPOQUE.
L’AGENT 007 CESSE DE LES AGRESSER SEXUELLEMENT COMME LORSQU’IL ÉTAIT INCARNÉ PAR SEAN CONNERY DANS LES ANNÉES 1960 ET 1970. ET, MIRACLE ! IL N’EN EST PAS MOINS VIRIL !
C’est quand même cool de pouvoir buter des gens et pas uniquement d’attendre que vous rentriez à l’hôtel pour me sauter dessus…
On peut faire les deux, vous savez…
Vous êtes relou, James…
SI L’HOMME EST SUJET, LA FEMME, ELLE, EST OBJET.
ON A AUSSI PARLÉ DE SYNDROME DE LA SCHTROUMPFETTE POUR DÉSIGNER CES SCÉNARIOS
OÙ LA NARRATION EST PORTÉE PAR UNE PLURALITÉ D’HOMMES, UN GROUPE D’AMIS, UNE BANDE DE LASCARS, QUI ONT CHACUN LEUR PERSONNALITÉ PROPRE, LEUR PASSÉ, LEUR SECRET, LEUR MISSION À ACCOMPLIR.
TANDIS QU’UNE FEMME, LA SCHTROUMPFETTE SI FRAGILE, SEULE, NOYÉE AU MILIEU DE CE BEAU MONDE, N’EXISTE QU’EN TANT QUE FEMME. C’EST LA FEMME STÉRÉOTYPÉE. À LA FOIS FIGURE IMPOSÉE ET OBJET.
CETTE FEMME STÉRÉOTYPÉE ET CETTE FAÇON SEXISTE
D’ENVISAGER LES PERSONNAGES FÉMININS, SE TROUVENT AUSSI DANS DE NOMBREUX MANGAS.
UNESEULEMEUF DANSL’ÉQUIPE!
COMME TOUS LES MODES D’EXPRESSION, ELLES SONT LE RÉVÉLATEUR DE LA SOCIÉTÉ.
ET LA SOCIÉTÉ JAPONAISE (COMME D’AUTRES) EST RESTÉE TRÈS CONSERVATRICE SUR LE RÔLE DES FEMMES.
CERTES, LES FEMMES HYPER SEXUALISÉES QUI Y SONT REPRÉSENTÉES SONT AUSSI PARFOIS DES FEMMES DE GRAND POUVOIR QUI SE DÉBROUILLENT TRÈS BIEN SANS LES HOMMES !
BON… DONC, PAS TOUJOURS FACILE DE S’Y RETROUVER !
« MY HERO ACADEMIA » (KOHEI HORIKOSHI, 2014)
Le corps
La question du moment
LE MALE GAZE CHARRIE TOUS LES PROBLÈMES DONT IL EST LE FRUIT. AINSI, LE CONSENTEMENT N’EXISTE TOUJOURS PAS ET LA CULTURE DU VIOL S’ÉPANOUIT.
ON SE RÉJOUIT QUE LE DERNIER AVATAR DE L’ESPION AIT APPRIS À DEMANDER, VOIRE À S’AUTORISER DES SENTIMENTS.
I love you, bébé d’amour.
T’as dit quoi ?
Euh, je dois TUER le méchant… Ah oui, oui !
DANS LES PREMIERS JAMES BOND, LES FEMMES N’AVAIENT SOUVENT PAS TROP LE CHOIX, ELLES ÉTAIENT CONTRAINTES DE CÉDER À JAMES.
DANS LE PREMIER ÉPISODE DE LA SÉRIE « GAME OF THRONES » (2011), LA PRINCESSE DAENERYS, 13 ANS, EST MARIÉE DE FORCE À KHAL DROGO, UN PUISSANT SEIGNEUR DE GUERRE.
LA NUIT DE NOCES EST TRAGIQUE : TERRIFIÉE, EN PLEURS, ELLE EST DÉSHABILLÉE PAR SON MARI, QUI FAIT MINE DE NE PAS ENTENDRE SES PROTESTATIONS, ET LA VIOLE.
DANS LES ÉPISODES QUI SUIVENT, DAENERYS APPREND À « DOMESTIQUER » LA SEXUALITÉ DE SON MARI ET À S’ÉPANOUIR DANS SON COUPLE.
Pas bien, Khal ! S…Sumimasen !
UNE REPRÉSENTATION PAS DU TOUT RÉALISTE, QUI BROUILLE LES PISTES QUANT À LA RECONNAISSANCE DU VIOL.
LES REPRÉSENTATIONS CONSTRUISENT NOTRE REGARD ET ELLES PEUVENT AUSSI INFLUENCER NOTRE RAPPORT AU RÉEL, NOS COMPORTEMENTS.
Tu ne trouves pas qu’on ferait un super couple ?
Comme Daenerys et Khal Drogo dans « Game of Thrones » !
LES IMAGES FAÇONNENT NOS IMAGINAIRES ET NOS VIES. ELLES INFLUENCENT LA MANIÈRE DONT LES FEMMES SONT PERÇUES ET SE PERÇOIVENT ET DONT ELLES SONT TRAITÉES DANS LA SOCIÉTÉ.
C’EST COMME ÇA QUE LE MALE GAZE CONTRIBUE À PERPÉTUER LES NORMES PATRIARCALES ET LES STÉRÉOTYPES SUR LE RÔLE DES FEMMES.
LES NORMES DE BEAUTÉ VÉHICULÉES SONT SOUVENT IRRÉALISTES ET PAS DU TOUT DIVERSIFIÉES. CE QUI CONTRIBUE À ACCENTUER LES COMPLEXES DES FEMMES,
DÉSORMAIS, EN AYANT CONSCIENCE DU MALE GAZE, ON PEUT PLUS FACILEMENT ANALYSER CE MALAISE QU’ON ÉPROUVE PARFOIS DEVANT CERTAINS FILMS.
C… c’est normal, ça ?
MAIS AUSSI CEUX DES HOMMES.
JUGER LES IMAGES POUR CE QU’ELLES SONT PARFOIS : LA PERPÉTUATION DES INÉGALITÉS DE GENRE.
POUR AUTANT, IL FAUT GARDER CETTE GRILLE D’ANALYSE COMME UN OUTIL. CERTAINS FILMS S’AMUSENT D’AILLEURS AVEC SES CODES POUR OPPOSER AU MALE GAZE UN « FEMALE GAZE* » INATTENDU. COMME « PROMISING YOUNG WOMAN » D’EMERALD FENNELL (2021), OÙ UNE ÉTUDIANTE VEUT SE VENGER DU VIOLEUR DE SA MEILLEURE AMIE.
UNE SATIRE SUR LE CONSENTEMENT, LE HARCÈLEMENT, LA CULTURE DU VIOL OU LA MASCULINITÉ TOXIQUE.
CE FILM FÉMINISTE, RÉALISÉ PAR UNE FEMME, A ÉTÉ RÉCOMPENSÉ DE L’OSCAR DU MEILLEUR SCÉNARIO.
Le corps
La question du moment
UNE AUTRE GRILLE DE LECTURE DES FILMS EST VENUE PROLONGER CELLE INITIÉE PAR LE CONCEPT DE MALE GAZE. ET CETTE GRILLE D’ANALYSE EST VENUE D’UNE BD !
Comme quoi, la BD peut être vectrice de RÉFLEXION ET DE DÉCOUVERTE !
Hein ?
Pas vrai ?
ALISON BECHDEL EST UNE AUTRICE AMÉRICAINE. EN 1985, ELLE PUBLIE UNE BD INTITULÉE « L’ESSENTIEL DES GOUINES À SUIVRE »* QUI TRAITE D’HOMOSEXUALITÉ FÉMININE AUX ÉTATS-UNIS.
NOUS SOMMES DANS LES RUES DE NEW YORK, DEUX FEMMES PASSENT DEVANT UN CINÉMA. SUR LES AFFICHES DES FILMS, « RAMBO » ET « CONAN LE BARBARE ». ELLES ÉCHANGENT :
Tu veux aller voir un film et manger du pop-corn ? Hm, je ne sais pas trop… J’ai une règle, tu vois : je ne regarde que des films qui répondent à trois exigences.
Un : qu’il y ait au moins deux femmes. Deux : qu’elles dialoguent l’une avec l’autre. Et trois : qu’elles parlent d’autre chose que d’un homme.
Plutôt strict, mais c’est une bonne idée.
Tu parles ! Le dernier que j’ai pu voir comme ça, c’était « Alien »…
CE DIALOGUE EST DÉSORMAIS DEVENU UN OUTIL DE CLASSEMENT DES ŒUVRES SELON LE DEGRÉ D’ATTENTION QU’ELLES PORTENT AUX PERSONNAGES FÉMININS ET AU SEXISME DE L’INTRIGUE.
Ce semestre, on va étudier « Le Rouge et le Noir » de Stendhal. Alors, pas du tout…
Il ne passe pas le test de Bechdel, madame…
Donc, c’est mort.
Mais…
Je propose « Hunger Games » de Suzanne Collins.
Oh, de ouf. Un bon Virginia Woolf, sinon… Pas mal, ça !
LE MALE GAZE PERMET D’ANALYSER TOUT TYPE D’EXPRESSION CULTURELLE, CAR TOUS SONT SUSCEPTIBLES DE TOMBER DANS SES TRAVERS.
OBS, LE DIFFUSEUR OFFICIEL DES JEUX OLYMPIQUES DE PARIS 2024, A DEMANDÉ FORMELLEMENT À SES CAMÉRAMEN (MAJORITAIREMENT MASCULINS) DE FILMER LES ATHLÈTES DE LA MÊME MANIÈRE, QU’IL S’AGISSE D’HOMMES OU DE FEMMES.
Il y a un biais inconscient qui pousse les cadreurs à montrer plus de gros plans de femmes que d’hommes, d’une manière stéréotypée et sexiste.
YIANNIS EXARCHOS, PATRON D’OBS
Pourtant, les femmes athlètes ne sont pas là parce qu’elles sont attirantes ou sexy.
Elles sont là parce qu’elles sont des athlètes de haut niveau.
LE POINT DE VUE FÉMINISTE IMPOSE UNE AUTRE VISION. DE PLUS EN PLUS DE FILMS, DE SÉRIES, DE MANGAS MONTRENT LES FEMMES AUTREMENT, EN MOUVEMENT, RÉFLÉCHISSANT ET AGISSANT, S’EXPRIMANT AVEC HUMOUR, INTELLIGENCE ET PERTINENCE.
DES RÉALISATEURS ET DES RÉALISATRICES PRODUISENT UN CINÉMA QUI S’AFFRANCHIT DES CONVENTIONS DE GENRE ET LIBÈRE LE REGARD. UNE AUTRE CULTURE VISUELLE APPARAÎT.
ATTENTION
! IL Y A TOUJOURS EU, PLUS OU MOINS, UNE AUTRE PROPOSITION, UNE AUTRE MANIÈRE DE RACONTER LES HISTOIRES. LA DIFFÉRENCE AUJOURD’HUI, C’EST QUE LA CULTURE POPULAIRE, MAINSTREAM – CONSCIENTE DU FAIT QUE LE PUBLIC EN A ASSEZ DES CLICHÉS ET DES STÉRÉOTYPES – EST PLUS ATTENTIVE.
On va voir un film et manger du pop-corn ?
C’EST LOIN D’ÊTRE PARFAIT, MAIS ON PROGRESSE !
Le corps
La question du moment
IRIS BREY, CRITIQUE DE CINÉMA, MILITE POUR LE FEMALE GAZE.
Les femmes pendant des décennies n’ont pas eu de mal à s’identifier aux héros masculins. Il est temps que les hommes s’intéressent aux films centrés sur des femmes et valorisent l’expérience féminine.
« WONDER WOMAN » (PATTY JENKINS, 2017)
Quand Diana se transforme en Wonder Woman, son apparition est filmée d’une manière opposée à une James Bond girl.
Pas de panoramique de haut en bas, elle sort de terre et entre dans le cadre par sa propre force.
Les gros plans montrent son lasso et ses bottes, pas ses fesses.
POURTANT UNE FEMME PEUT FAIRE UN FILM EMPREINT DE MALE GAZE ET UN HOMME RÉALISER UN FILM QUI EN SOIT TOTALEMENT DÉNUÉ. IL FAUT DONC CONTINUER À RÉFLÉCHIR À UN NOUVEAU LANGAGE SYMBOLIQUE EN DEHORS DU PATRIARCAT.
Je rejette l’idée qu’un regard féminin soit simplement un regard masculin inversé.
LAURA MULVEY, EN 2024
Nous devons créer d’autres formes de regards féminins, qui n’ont rien à voir avec le fait d’être un homme ou une femme.
Mais pour cela, nous avons aussi besoin de plus de femmes derrière la caméra et dans tous les métiers du cinéma.
Les femmes peuvent raconter des histoires que la conscience masculine n’aurait jamais racontées et que la culture patriarcale n’aurait pas trouvées intéressantes.
Fin dossier avec une citation sur le corps
L’Académie française, dont la mission est de contribuer au perfectionnement et au rayonnement des lettres, s’efforce aussi de s’adapter à l’esprit du temps. Consciente que la langue se renouvelle sans cesse pour mieux refléter son époque, elle a demandé à TOPO une liste des mots nouveaux les plus employés. Ceux-ci feront leur entrée dans le prochain dictionnaire de l’Académie. Voici en exclusivité les mots élus et leurs définitions.
ACCROBBITE n. m. Se dit d’une personne obsédée par les hobbits du Seigneur des anneaux : Il suffisait à cet accrobbite d’entendre « Bilbo »pourqu’il devienne Gollum. (Boris Cyriknul, 2019)
BUGUETTE n. f. Québécisme. Phénomène informatique inattendu et comique, bug mineur souvent survenu lors d’un évènement numérique : Lesystèmeaffichaunebuguette siabsurdequ’ellefitéclaterderiretouslesdéveloppeurs, provoquantlelicenciementdel’équipeaucomplet. (Xavier Gnole, 2025)
ANTOINER v. t. Du prénom Antoine utilisé comme verbe transitif : Marine s’était bien fait antoiner. (Michel Houellebranque, Idylle High-Life, 2025)
CALEMBROUTE n. m. Spécialité fromagère enrobée dans du PQ : Lorsdudîner,l’arrivéeducalembroutedécouragea passablementl’assemblée. (Philippe Escabèche, 2016)
BOULOMANIE n. f. (fam.) Besoin excessif de boule, obsession pour l’activité boulique, assimilable à une addiction : Atteintdeboulomanie,ilculpabilisaitdèsqu’ils’accordait un instant de repos, comme si chaque minute sans boule étaitdutempsperdu. (Emmanuel Ferrari, 2017)
CROÛTTION n. m. État d’une croûte après une longue série de grattage et de recroûtage : Ma chute datait de six mois, etunabominablecroûttionm’empêchaitdeplierlegenou avec souplardise. (Kevin Mbotté, 2023)
CLODOCRATIE n. f. Système de gouvernance dans lequel des décisions sont confiées aux gens les plus pauvres : Ilnousfautéviteruneclodocratieaveugleoùdespauvres décideraientdubiencommunànotreplace. (François Filou, 2019)
POULPITO n. m. Petit poulpe domestique terrestre de la taille d’un chat et revêtu d’un duvet doux : Un poulpito, c’estuncœuravecdupoilautour. (Biiba, 2016)
ÉCHAPADE n. f. Fuite légère et joyeuse d’un pet involontaire et inattendu : Jecommisalorsuneéchapade qui nous fit oublier la grisaille urbaine quelques minutes. (Homer Ci, 2018)
NÉCROBSESSION n. f. Définit l’obsession de voir un cadavre au moins une fois dans sa vie : Habitéeparunevéritable nécrobsession,elleécumaitleshôpitauxetlesautoroutes. (J. G. Balourd, 1973 – trad. 2021)
GROUÊTTE interj. Mot apparu en 2022, en France, sans nulle autre trace dans aucun écrit précédent, il se définit comme le parfait synonyme de « areumg » : Grouêtte! (Anonyme, 2022)
INTERGAMBADE n. f. État d’excitation extrême où la raison cède la place à une frénésie exaltée : Acculé, le Premier ministre entra en intergambade nerveuse, rapidement contenue par les agents. (Le Figaro, 2025)
AREUMG interj. Terme ayant fait son apparition dans l’hexagone il y a trois ans, sans que nul n’ait jamais pu retrouver d’occurrence antérieure. Il est décrit comme ayant exactement la même signification que le mot « grouêtte » : Areumg! (Anonyme, 2022)
MAMYFOOT n. m. Le babyfoot des femmes matures : Enzo et Dylan feraient volontiers un mamyfoot avec Martine et Françoise. (Florence Abenos, 2018)
n. m. Définit un objet indéfini de petite taille : Kevin a sorti son machin, c’était vraiment un tittruc. (Kaylis de Merangal, 2025)
VACHQUIRISME n. m. Thérapie consistant à martyriser des vaches pour réduire le stress et favoriser le bien-être, ainsi qu’à boire leur sang afin de rajeunir : En pratiquant le vachquirisme, certains citadins en burn-out retrouvent un sourire au contact du troupeau. (Madame Loïc, 2023)
TITTRUC
Ce matin de janvier 2023, au premier rang du défilé haute couture de Schiaparelli, s’alignent cinq célébrités.
Enfin, la star de téléréalité
De la tête aux pieds
Les organisateurs des défilés préfèrent toujours les grands espaces.
Les plus de soixante ans reconnaissent l’actrice Marisa Berenson, le visage lifté, très chic en tailleur blanc.
Les cinéphiles identifient Diane Kruger et Rossy de Palma.
Au centre, la rappeuse américaine Doja Cat est méconnaissable, rouge et recouverte de cristaux de la tête aux pieds.
Ils peuvent y installer les chaises sur une seule ligne. Ainsi, tout le monde est au premier rang.
Tout commence environ six semaines avant le jour J. Les attachés de presse d’une marque évaluent d’abord le nombre d’invités et de rangs possibles.
Qui positionner à quel endroit ?
Le «« seating »», comme on appelle cet art, est une affaire délicate et de première importance !
Certains fabriquent un simulateur en ligne. D’autres préfèrent bricoler une maquette en 3D à l’aide de post-it.
Sur chaque siège, ils disposent les noms des invités : seront conviés, outre la famille du créateur et le propriétaire de la maison, des journalistes, des acheteurs de grands magasins, des influenceurs et des célébrités.
Bref, des gens influents dont les critiques ou les posts sur les réseaux sont susceptibles d’avoir un impact sur de futurs clients de la collection.
De la tête aux pieds
Les organisateurs des défilés préfèrent toujours les grands espaces.
Ils peuvent y installer les chaises sur une seule ligne. Ainsi, tout le monde est au premier rang.
Si la salle, au contraire, n’est pas longue, les voilà contraints d’ajouter plusieurs rangs et de manœuvrer.
Avant de faire passer la pilule en expliquant que «« le seating est très restreint cette saison »» et que les gradins, surélevés, garantiront une bonne vision.
Il arrive que des maisons, pour ne fâcher personne, préviennent certains invités l’avant-veille du défilé par SMS : «« Chère XXX, tu seras au cinquième rang. »»
C’est à partir de la deuxième moitié des années 1960 que le premier rang devient un enjeu d’image. Jusque-là, les défilés se tenaient dans des salons de couture, à l’abri des appareils photo.
Le défilé Yves Saint Laurent printemps-été 1967 parvient, par exemple, à rassembler les actrices Elsa Martinelli et Catherine Deneuve, la chanteuse Françoise Hardy et la danseuse Zizi Jeanmaire, des superstars pour l’époque.
Le cliché de cette ribambelle reste aujourd’hui mythique.
Mais c’est vraiment au début des années 2010 que le front row mute.
On commence à diffuser en streaming le défilé en ligne, et de nouveaux invités y font leur apparition : les blogueuses (qui écrivent des articles sur leurs blogs personnels), puis les héroïnes de téléréalité à la Kim Kardashian et les influenceuses, comme Léna Situations.
De la tête aux
De la tête aux pieds
De la tête aux pieds
Pour donner de l’écho à un défilé, les marques font en sorte de faire venir des stars afin qu’elles postent sur les réseaux ou se laissent photographier.
Ce n’est pas un hasard si, chaque saison ou presque, Victoria Beckham installe bien en évidence, au premier rang de ses shows, son très populaire footballeur de mari avec leurs enfants : succès garanti sur Instagram !
Les organisateurs des défilés préfèrent toujours les grands espaces.
Les griffes qui n’ont pas d’époux célèbres s’assurent, elles, de signer des contrats d’ambassadeur imposant une présence aux défilés.
Ils peuvent y installer les chaises sur une seule ligne. Ainsi, tout le monde est au premier rang.
Mais attention à ne pas commettre d’impair dans le seating !
En 2014, lors d’un défilé Valentino, les organisateurs avaient transpiré à grosses gouttes en voyant Anna Wintour, la puissante patronne du magazine Vogue, s’asseoir au…
Il faut s’assurer que le voisin d’une Rihanna ne l’importunera pas, qu’une rédactrice importante ne sera pas assise à côté d’une rivale, que le critique d’un grand quotidien verra correctement les vêtements…
Anna Wintour n’a pas piqué de colère en public. Elle a néanmoins fait savoir qu’elle avait été conviée au premier rang, mais que les sièges étaient si resserrés qu’ils étaient inconfortables…
… deuxième rang ! Sacrilège ! Sa façon à elle de dire : votre seating laisse à désirer !
Cher Louis,
Difficile désormais d’échapper à ton visage barbu, à tes chemises cintrées à mort et aux phrases châtiées où tu glisses parfois un : « J’en n’ai rien à foutre. » Ça te donne un style aristo-canaille, qui émoustille un peu plus la presse. Je crois qu’elle t’aime. Très fort même. À la télé, on t’interroge sur tous les sujets. La politique, la guerre, l’immigration. Parfois, tu te surpasses. En évoquant l’Algérie sur LCI, tu as laissé libre cours à ton inspiration : si tu étais « aux manettes », tu aurais… « brûlé l’ambassade ». Pour moins que ça, des gens ont été bannis du débat public, déjà si compliqué. Mais toi, c’est différent. Tu es le fils de Sarko, l’ancien président. C’est si drôle ! En République, te voilà traité, à 28 ans, tel un Prince Martin Bouygues, à qui LCI appartient, est ton parrain. T’a-t-il au moins grondé ?
On ne choisit pas ses parents, son parrain ou encore le poids de son livret A. Tu es né privilégié et pourquoi pas ? D’autant que tu assumes, sans jouer l’affreuse comédie de ces riches qui voudraient qu’on les plaigne. Tu as passé ton enfance dans la soie et joué aux Lego à l’Élysée. Ton bac à sable, c’était le ministère de l’Intérieur où Papa a officié. Comme on t’offre beaucoup de temps dans les médias, on a des détails à gogo. De ton propre aveu, tu fus jadis un petit gars bouboule et réservé. Et longtemps, tu n’as accordé ton amitié qu’aux policiers d’élite, qui protégeaient ta famille.
Tu as goûté très tôt à ce doux breuvage qu’on appelle immunité. Ado, tu as visé une policière avec une tomate et un pistolet à billes. Elle n’a pas déposé plainte, évidemment. Tu es le Prince ! Ça passe comme une ânerie de cour de récré, et pourquoi pas ? N’a-t-on pas le droit de commettre des erreurs ? Néanmoins, tu imagines si tu avais été minot des quartiers populaires ? (Si tu as imaginé cramer une ambassade, ce n’est pas très compliqué.) Des chaînes d’info – comme LCI – auraient rassemblé des éditorialistes zélés et les amis de ton père pour fustiger les parents démissionnaires, l’autorité en berne et l’influence néfaste de l’immigration. Toujours en quête de solutions, ils auraient proposé un référendum pour interdire les tomates dans les cités.
Par Ramsès Kefi et Aline Bureau
Lorsque tes parents ont divorcé, tu es parti avec ta mère aux États-Unis, où tu as étudié dans les grandes écoles et suivi une instruction militaire – l’armée te fascine. Là-bas, tu as travaillé pour une banque, lancé une marque de mocassins, vanté l’œuvre de Trump et récemment écrit un livre sur Napoléon, l’Empereur. Cela fait quelques mois que tu es de retour chez nous, chez toi, ici. D’Amérique, tu as rapporté quelques idées, que tu distilles tel du gros sel lors de tes apparitions sur nos écrans. Comme si nous n’avions pas assez d’ennuis, tu préconises le port d’arme pour tous. Et comme tu es le Prince, des journalistes te demandent si tu te sens de sauver la droite française, dont tu te réclames. Ton projet a l’avantage d’être simple. Un breuvage d’immunité à volonté pour les puissants, un majeur (voire deux) pour les autres et l’extrême droite comme copine.
Au printemps, il paraît que tu cherchais une mairie où te présenter et commencer ta carrière politique. Le Roi l’avait débutée à Neuilly-sur-Seine, à deux pas de Paris. Toi, ce sera peut-être Menton, cette jolie ville du Sud-Est où tu as ta propriété. À certains de mes confrères gagas de toi, tu as d’abord précisé que tu aimais la moto et le soleil. Puis tu as laissé planer le suspense. De toute façon, tu feras ce que tu veux, car tu es le Prince .
Cher Louis, ne vois dans ces mots aucune attaque personnelle. À la vérité, nous devrions te remercier. Ton traitement médiatique raconte tout un système qui fait le poirier. Des scientifiques émérites, des artistes magiques ou encore de vaillants militants pour de nobles causes n’auront jamais un millième de ton exposition. Certains sont même sur liste noire pour des prises de position bien moins radicales qu’un projet d’incendie d’ambassade.
Bien à toi, le Prince
Ramsès
PS : Au fait, te rappelles-tu d’Aboubakar Cissé, assassiné dans une mosquée dans le Gard ? Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur que tu apprécies tant, n’a pas trouvé une minute pour rencontrer ses proches endeuillés. Il a prétexté un agenda serré comme un café, difficile à bouger en raison de réunions et autres engagements. Malgré tout, Bruno avait dégagé du temps pour toi et ton podcast. Vous avez discuté de votre amour pour la France, de littérature et, bien sûr, de pouvoir. Un podcast de Prince
auteur de bande dessinée
Par
Joseph Safieddine et Élisa Marraudino
La loi ne serait pas la même pour
Nul n’est au-dessus des lois. En France, tout le monde – même ceux qui représentent l’État, du président de la République au simple agent de police – est censé respecter la loi. L’État ne fait pas ce qu’il veut : c’est ce que l’on appelle l’État de droit.
L’idée sent bon l’esprit de la Révolution de 1789, l’abolition du pouvoir absolu du roi et des privilèges. On pourrait croire ce principe – garant de notre égalité devant la loi – intouchable, puisqu’il est une condition à notre démocratie. Et pourtant… beaucoup de nos ministres et députés n’hésitent plus à se lamenter sur tout ce qu’ils pourraient faire si l’État de droit ne constituait pas un frein à leurs idées : comme pouvoir se glisser dans un téléphone portable, en activer le micro ou la caméra à distance, sans en informer son utilisateur, ou incarcérer toutes les personnes fichées S, même si elles n’ont commis aucun acte délictueux.
À peine nommé ministre de l’Intérieur, fin septembre 2024, Bruno Retailleau a ainsi utilisé
comme prétexte le meurtre d’une jeune femme par un étranger sous OQTF* survenu quelques jours plus
Il n’y a pas de démocratie moderne sans un respect solide de l’État de droit
tôt pour asséner dans les colonnes du JDD que l’État de droit ne serait « ni sacré ni intangible ». Bien sûr que le droit évolue (car les besoins et les intérêts de la société évoluent), mais ces modifications doivent respecter notre texte juridique suprême : la Constitution. Or, ce que le ministre a en tête est faire passer des mesures antiimmigration… contraires à la Constitution. Peu importent les molles remontrances politiques qui
ont suivi. Du point de vue médiatique, le « premier flic de France » a réussi son coup. Il a fait le buzz et laissé planer dans l’opinion l’idée que nos libertés et leur protection sont des entraves à l’action politique, policière ou judiciaire, et qu’elles devraient donc pouvoir être remises en cause – quitte à piétiner les droits des citoyens.
Les dérives possibles de ce poison démagogique sont faciles à imaginer. Alors, répétons-le : il n’y a pas de démocratie moderne sans un respect solide de l’État de droit. C’est lui qui nous protège de la tyrannie de la majorité et de l’abus de pouvoir.
On a vu comment les circonstances exceptionnelles de la pandémie du Covid 19 nous avaient conduits à accepter de réduire notre liberté d’aller et venir, du jour au lendemain. Si la
ParNabliBeligh Editing et
maquette en cours - texte pas encore
finalisé
Nawrocki en Pologne n’ont de cesse de défier le droit (des minorités sexuelles ou religieuses, des étrangers, etc.) et de s’attaquer à ceux qui en sont les garants : les juges. Comme Marine Le Pen qui, au printemps dernier, après sa condamnation à cinq ans d’inéligibilité pour détournements de fonds publics, s’en est ainsi pris à la
pas pour tous ?
justification – protéger notre santé – était pour le moins convaincante et la durée limitée, ce type de décision doit nous inviter à la vigilance tant les discours vantant moins de droits et moins de libertés se banalisent.
justice, qui n’avait pourtant qu’appliqué le droit, au nom de l’égalité devant la loi. Qu’adviendra-t-il si elle, ou une autre figure d’extrême droite, entrait à l’Élysée en 2027 ?
Quelles que soient nos opinions
Qu’adviendrait-il si une figure d’extrême droite entrait à l’Élysée en 2027 ?
Notre époque est marquée par la radicalisation de certains responsables politiques, qui rêvent de remplacer les mots de notre devise républicaine : « Liberté, égalité, fraternité », par d’autres comme « autorité » , « sécurité » ou « identité ». Cela s’illustre ailleurs par l’élection de chefs d’État et de gouvernement qui ne jurent que par cette valeur : l’autorité. Pas celle de la loi… mais la leur. Le dirigeant doit avoir les mains libres de dérouler son programme et qu’importe si ce dernier s’en prend aux principes fondamentaux de la République ou aux droits humains.
La tendance est lourde : Trump aux ÉtatsUnis, Modi en Inde, Milei en Argentine, Netanyahou en Israël, Orban en Hongrie, Erdogan en Turquie ou, récemment
politiques, une arrivée au pouvoir de l’extrême droite représente une menace pour l’État de droit. Car ses représentants ont en commun de s’attaquer aux droits et aux libertés, à celles et ceux qui les défendent – les juges –, mais aussi à tous les contre-pouvoirs, comme les associations de défense des droits humains. Rappelons que dès 2014, Steeve Briois, fraîchement élu maire Front national (devenu Rassemblement national, RN) d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, avait privé la Ligue des droits de l’Homme de ses locaux et de sa subvention. En Moselle, le
maire d’Hayange, du même bord politique, s’en prenait lui au Secours populaire, jugé « trop politisé par des militants ».
S’en prendre à l’État de droit, c’est en somme s’en prendre au socle même de la République, ouvrir la porte à l’arbitraire, tourner la page de l’égalité et de la liberté. Qui est pour ? Le glissement peut être très rapide, même si cela semble parfois difficile à croire dans des pays aux institutions solides. L’actualité en Europe – où Victor Orban, en Hongrie, a interdit la Marche des fiertés et restreint le droit d’avorter ou de manifester – comme aux États-Unis – où les personnes Trans perdent leurs droits et où des milliers d’étrangers ont été illégalement arrêtés puis expulsés – nous rappelle que pour passer d’un État de droit à un État autoritaire, il ne faut parfois que quelques mois. La démocratie n’est rien sans la vigilance de ses citoyens. Mariage pour tous, droit au logement, à la libre disposition de nos corps – de l’avortement au port du voile – libertés des personnes LGBT : défendons nos droits et nos libertés… tant que nous les avons encore.
(* Obligation de quitter le territoire français)
Complètement perché
Par Anton Stolper et Constantin Zamfiresco
MAIS IL EST COMPLÈTEMENT FOU ! QU’EST-CE QU’IL FAIT ?!
INCONSCIENT !
JE RÊVE OU JE VIENS DE VOIR UN TYPE GRIMPER SUR LES VITRES ?
MAIS ARRÊTE AVEC TES BÊTISES…
S’IL TOMBE, IL MEURT C’EST SÛR !
AVANT MÊME QUE JE SACHE LIRE ET ÉCRIRE, JE VOULAIS DÉJÀ GRIMPER.
FORÊT DE FONTAINEBLEAU, 2004
PARTOUT OÙ J’ALLAIS, JE RESSENTAIS CE BESOIN DE M’ÉLEVER.
ATTENTION, ALEXIS.
PLUS HAUT J’ÉTAIS, MIEUX JE ME PORTAIS.
ATTENTION, ALEXIS.
OUI ALLÔ ? ÉCOUTEZ, VOTRE FILS EST ENCORE EN TRAIN DE GRIMPER SUR LES MURS… !
JE VOULAIS TOUJOURS M’ISOLER ET ÊTRE LOIN DES AUTRES. JE DÉTESTAIS LES GROUPES. PAR EXEMPLE, LES CENTRE AÉRÉS ÉTAIENT UN CAUCHEMAR POUR MOI. JE NE VOULAIS PAS FAIRE COMME TOUT LE MONDE. GRIMPER ME PERMETTAIT DE M’ÉCHAPPER ET D’ÊTRE MOI-MÊME.
AU BOUT D’UN MOMENT, MES PARENTS M’ONT INSCRIT À LA SALLE D’ESCALADE. ÇA M’A FAIT DU BIEN, ÇA CANALISAIT MON ÉNERGIE ET J’ARRÊTAIS DE SALIR LES MURS. JE POUVAIS Y PASSER DES HEURES ET NE PENSER À RIEN D’AUTRE QUE ÇA.
ENFANT, J’AVAIS BESOIN DE CES INSTANTS PARCE QUE J’ÉTAIS TRÈS…
… TRÈS…
… ANXIEUX.
J’ÉTAIS TERRIFIÉ À L’IDÉE DE ME RETROUVER DANS UNE SITUATION DANGEREUSEOU FATALE DANS LAQUELLE JE NE POUVAIS AVOIR AUCUN LEVIER D’ACTION. LES ACCIDENTS DE VOITURE OU D’AVION, MES PARENTS QUI TOMBAIENT MALADES, DES TRUCS COMME ÇA.
C’ÉTAIT MALADIF. JE PASSAIS BEAUCOUP DE TEMPS À PENSER À TOUT CE QUI POUVAIT ARRIVER DE MAL.
13 e ARRONDISSEMENT DE PARIS, 2008
UN JOUR, JE SUIS TOMBÉ SUR UN FILM QUI A CHANGÉ MA VIE : « MISSION IMPOSSIBLE 2 ».
CE QUI
ÉTAIT DINGUE, C’EST QU’IL N’Y AVAIT PAS UNE SEULE CORDE POUR RETENIR TOM CRUISE.
L’IMPUISSANCE ME TOURMENTAIT COMME PAS POSSIBLE. JE CROIS QUE J’AI DÛ PENSER À CE GENRE DE CHOSES TROP SOUVENT ET TROP JEUNE. ÇA M’EMPÊCHAIT VRAIMENT DE VIVRE PAR PÉRIODES.
ALAIN ROBERT, C’EST LA LÉGENDE ABSOLUE DE LA GRIMPE URBAINE EN FREE SOLO. ÇA VEUT DIRE QU’IL GRIMPE DES GRATTE-CIEL
AUX QUATRE COINS DU MONDE SANS CORDE DE SÉCURITÉ POUR LE RETENIR EN CAS DE CHUTE. EN GROS, S’IL TOMBE, IL MEURT.
FORCÉMENT, ÇA A TOUJOURS FASCINÉ LES JOURNALISTES QUI ONT
ÉCRIT DES CENTAINES D’ARTICLES SUR LUI ET RÉALISÉ ÉNORMÉMENT DE FILMS. ET MOI JE PASSAIS DES HEURES À TOUT REGARDER ET LIRE. ALAIN ROBERT ÉTAIT MON HÉROS.
CHEZ MA MÈRE, JE POUVAIS VOIR LE HAUT DE LA TOUR ALBERT, LE PREMIER GRATTE-CIEL CONSTRUIT À PARIS À LA FIN DES ANNÉES 1950.
INSPIRÉ PAR ALAIN ROBERT, JE RÊVAIS DE L’ESCALADER UN JOUR.
AU BOUT D’UN MOMENT, JE POUVAIS IDENTIFIER LES PRISES ET IMAGINER LE CHEMIN QUE JE PRENDRAIS POUR ARRIVER AU SOMMET.
DURANT L’ADOLESCENCE, EN ESSAYANT DE ME TROUVER, JE ME SUIS PLUTÔT PERDU.
J’AVAIS OUBLIÉ MES RÊVES D’ENFANCE ET MIS EN PAUSE CE QUI ME RENDAIT VRAIMENT HEUREUX…
J’AI COMMENCÉ LE PARKOUR, UN SPORT OQUI CONSISTE À FRANCHIR DES OBSTACLES POUR SE RENDRE D’UN POINT A À UN POINT B AUSSI RAPIDEMENT QUE POSSIBLE.
MAIS CE N’ÉTAIT PAS VRAIMENT MA PASSION. CE N’ÉTAIT PAS MOI.
JE L’AI BEAUCOUP PRATIQUÉ SUR LES TOITS DE PARIS, UN PEU COMME DANS « ASSASSIN’S CREED ».
JE VOULAIS ÊTRE CAPABLE DE ME SERVIR DE MON CORPS COMME JE LE SOUHAITAIS, POUVOIR COMPTER SUR LUI.
JANVIER 2019
UN JOUR, À 18 ANS, J’AI DÉCIDÉ D’Y ALLER.
JE N’AI PRÉVENU QUE DEUX AMIS QUI M’ONT ACCOMPAGNÉ, MAIS JE LEUR AI DEMANDÉ DE RESTER LOIN ET DE NE PAS ME PARLER POUR NE PAS ME DÉCONCENTRER.
J’AVAIS DE L’ADRÉNALINE ET DU CORTISOL* PLEIN LE CORPS, MON CŒUR BATTAIT À TOUTE ALLURE.
MES JAMBES ÉTAIENT LOURDES, MES MAINS MOITES, TOUT MON CORPS ME DISAIT DE NE PAS Y ALLER.
* LES HORMONES DU STRESS.
J’AI COMMENCÉ PAR GRIMPER UN MÈTRE, LE CORPS TOUJOURS INONDÉ D’HORMONES.
J’AI REGARDÉ UNE FOIS VERS LE BAS, PUIS VERS LE HAUT…
ENSUITE, C’ÉTAIT PARTI.
J’AI TROUVÉ MON RYTHME ET JE ME SUIS SENTI BIEN.
MIEUX, JE SAVAIS QUE J’ÉTAIS À MA PLACE.
JE NE PENSAIS QU’À MES PRISES…
… PAS AU RISQUE DE CHUTE.
CE N’ÉTAIT PAS UNE GRIMPE DIFFICILE, N’IMPORTE QUI AVEC UN BON NIVEAU EN ESCALADE AURAIT PU LA FAIRE.
À MI-CHEMIN, J’AI COMMENCÉ À ME DIRE QU’IL ME FAUDRAIT QUELQUE CHOSE DE PLUS DIFFICILE POUR LA PROCHAINE FOIS…
JE L’AI ANNONCÉ
À MES PARENTS PEU DE TEMPS APRÈS. ILS N’ÉTAIENT PAS VRAIMENT SURPRIS.
MAIS JE PENSE QU’ILS ESPÉRAIENT QUE ÇA ALLAIT ÊTRE LA SEULE ET UNIQUE FOIS.
PARIS, MARS 2020
MAIS JE NE LÂCHAIS PAS MON VRAI OBJECTIF.
MES PROJETS ONT ÉTÉ QUELQUE PEU INTERROMPUS PAR LE DÉBUT DU PREMIER CONFINEMENT.
MAIS DÈS LE DÉCONFINEMENT, J’AI DÉCIDÉ DE M’ACTIVER. JE NE ME SENTAIS PAS ENCORE PRÊT POUR M’ATTAQUER À LA TOUR MONTPARNASSE. J’AI DONC COMMENCÉ PAR DES TOURS PLUS PETITES ET SURTOUT, PLUS FACILES À GRIMPER
CERTAINES NUITS, JE ME RENDAIS, EN CACHETTE ET MALGRÉ LE COUVRE-FEU, AU PIED DE LA TOUR POUR M’ENTRAÎNER DESSUS.
JE GRIMPAIS ET REDESCENDAIS LES TROIS PREMIERS CARREAUX 240 FOIS. CELA ÉQUIVALAIT À GRIMPER DEUX FOIS LA HAUTEUR DE LA TOUR. AU BOUT DE VINGT NUITS D’ENTRAÎNEMENT, JE ME SUIS SENTI PRÊT.
AVRIL 2021
J’ÉTAIS TÉTANISÉ AU DÉBUT. MAIS UNE FOIS LES PREMIERS CARREAUX SURMONTÉS LA PEUR A DISPARU.
PLUS JE GRIMPAIS, PLUS LES BRUITS DE LA VILLE PARAISSAIENT LOINTAINS ET PLUS JE RENTRAIS DANS MA BULLE. C’ÉTAIT CETTE BULLE QUE JE VENAIS CHERCHER ICI. J’ÉTAIS DANS UN ÉTAT MÉDITATIF. RIEN NI PERSONNE NE POUVAIT M’ATTEINDRE.
BIEN SÛR, SI JE TOMBAIS JE MOURRAIS. JE N’ÉTAIS PAS INCONSCIENT, JE SAVAIS TRÈS BIEN QU’IL Y AVAIT DES RISQUES. MAIS JE SAVAIS AUSSI QUE LES MAÎTRISER NE DÉPENDAIT QUE DE MOI.
J’AVAIS CONFIANCE EN MOI. JE N’AVAIS AUCUN DOUTE QUE J’ALLAIS Y ARRIVER. C’EST POUR ÇA AUSSI QUE JE N’AI PAS EMPORTÉ DE PARACHUTE OU DE MARTEAU BRISE-GLACE. LES EMPORTER, C’ÉTAIT ENVISAGER L’ÉCHEC, ET DONC PRÉVOIR UNE SORTIE DE SECOURS. JE TROUVAIS ÇA BEAUCOUP TROP DANGEREUX. QUAND JE GRIMPE, IL NE DOIT Y AVOIR QUE DEUX OPTIONS : J’ARRIVE EN HAUT OU PAS DU TOUT. COMME ÇA, JE SUIS OBLIGÉ D’Y ARRIVER.
JE COMPRENDS QUE ÇA PUISSE EFFRAYER. PARFOIS, J’AIMERAIS QUE LES GENS PUISSENT SE METTRE À MA PLACE, POUR COMPRENDRE QUE JE MAÎTRISE.
AU BOUT DE 49 MINUTES, J’AI ATTEINT LE SOMMET.
ALORS BIEN SÛR, JE PEUX ME TROMPER, UNE ERREUR ARRIVE. MAIS JE PRÉFÈRE MILLE FOIS PRENDRE CE TOUT
PETIT RISQUE CONSCIEMMENT ET SAVOURER TOUT LE PLAISIR QUI L’ACCOMPAGNE QUE PRENDRE MILLE PETITS RISQUES INCONSCIENTS SUR TERRE.
J’AVAIS PRÉVENU MON PÈRE AVANT CETTE GRIMPE, C’ÉTAIT DEVENU COMPLIQUÉ DE LE LUI CACHER.
COMMISSARIAT DU 14e ARRONDISSEMENT
QUAND MÊME, JE DOIS ÊTRE LE SEUL PÈRE RASSURÉ DE SAVOIR SON FILS EN GARDE À VUE…
TOUR MONTPARNASSE
IL A RÉUSSI SA GRIMPE.
LES POLICIERS M’ONT EXPLIQUÉ QUE JE RISQUAIS UNE GROSSE AMENDE, MAIS ILS M’ONT LAISSÉ PARTIR RAPIDEMENT.
ENSUITE, TOUT S’EST ENCHAÎNÉ TRÈS VITE, LA PRESSE S’EST INTÉRESSÉE À MOI ET VOULAIT À TOUT PRIX SAVOIR POURQUOI J’AVAIS FAIT TOUT ÇA.
SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX AUSSI, ÇA A MARQUÉ UN TOURNANT.
PARIS, SEPTEMBRE 2021
J’AI RENCONTRÉ
ALAIN ROBERT QUELQUES JOURS AVANT UNE GRIMPE DE LA TOUR TOTAL. AVEC DEUX AUTRES JEUNES, LÉO URBAN ET MARCIN BANOT, NOUS AVIONS COMMENCÉ À NOUS DISTINGUER APRÈS LE COVID. ALAIN A VOULU GRIMPER AVEC CETTE NOUVELLE GÉNÉRATION QU’IL AVAIT INSPIRÉE.
J’AVAIS L’IMPRESSION DE RÉALISER UN RÊVE…
DUBAÏ, NOVEMBRE 2023
QUELQUE TEMPS APRÈS, ON M’A CONTACTÉ POUR ME PROPOSER D’ESCALADER LA TOUR BURJ KHALIFA AVEC ALAIN.
C’ÉTAIT UN PROJET PUBLICITAIRE POUR LA VILLE DE DUBAÏ ET ÉVIDEMMENT, ON N’AVAIT PAS LE DROIT DE LE FAIRE EN FREE SOLO. ON ALLAIT DONC ÊTRE ATTACHÉS.
MÊME SI CE N’ÉTAIT PAS UNE « PERFORMANCE » DU POINT DE VUE SPORTIF, J’ÉTAIS QUAND MÊME EN TRAIN D’ESCALADER LA PLUS HAUTE TOUR DU MONDE AVEC MON HÉROS D’ENFANCE.
JE N’EN REVENAIS PAS.
MAIS MON MOMENT PRÉFÉRÉ… C’EST LORSQU’ON A DANSÉ AVEC ALAIN TOUT EN HAUT.
UNE EXPÉRIENCE INOUBLIABLE…
… MAIS JE SUIS RENTRÉ À PARIS EN ME DISANT QUE GRIMPER À PLUSIEURS ET AVEC UNE CORDE N’ÉTAIT PAS VRAIMENT CE QUE JE PRÉFÉRAIS.
C’EST NE POUVOIR COMPTER QUE SUR MOI.
PARIS, MARS 2024
MOI CE QUE J’AIME…
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Dis donc Einstein, quand t’auras fini de faire mumuse, y a mon drone à réparer et t’oublieras pas mes exos de maths.
Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir un nombre croissant de scientifiques américains sont contraint de fuir leur pays pour poursuivre leurs recherches. Leur offrir un refuge c’est d’abord contribuer au rayonnement de la France, pays des lumières et de la liberté, mais c’est aussi donner une seconde chance à un scientifique de haut niveau maîtrisant
généralement des techniques de pointe et capable de résoudre les petits problèmes du quotidien : Panne informatique, réparation d’appareils électroménagers, soutien scolaire, court d’anglais, demande-lui n’importe quoi, il ne pourra rien te refuser. Une modeste chambre d’amis, une cave ou un garage suffit pour commencer cette belle aventure.
Manger moins de viande
Par Cécile Cazenave et Pierre Thyss
Look du jour
Par
Émilie Valentin et Pochep
Dans la culture aussi, il faut séduire.
Le son électro français est souvent habillé par So Me (p. 140), pour titiller nos yeux avant de convaincre nos oreilles. Le jeu vidéo, lui, a surtout besoin d’un bon méchant (p. 150) .
Dans le doute, un nazi.
Dessin: Lionel Serre
Editing en cours sur
SO-Me: la french touch, c'est lui
Graphiste, musicien, réalisateur de publicités et de clips, styliste… Rien ne l'arrête. Il est derrière les graphismes iconiques du label Ed Banger (@edbanger),
Par Joseph Safieddine et Charlie Poppins
4 planches de bande dessinée sur l’engouement des jeux vidéo pour les nazis comme méchants
1/4
4 planches de bande dessinée sur l’engouement des jeux vidéo pour les nazis omme méchants
2/4
4 planches de bande dessinée sur l’engouement des jeux vidéo pour les nazis omme méchants
3/4
4 planches de bande dessinée sur l’engouement des jeux vidéo pour les nazis omme méchants
4/4
Par Hippolyte Jacquet
Ça n’intéresse personne
Les coulisses de la revue
Histoires d’orientation sexuelle
Léone Laali, journaliste : « Tout au long de mes entretiens avec les jeunes de la BD, le plus important pour moi était qu’ils sachent que le récit leur appartenait.
Nous avons échangé avec chacun d’entre eux à propos du texte, pour qu’ils puissent enlever ou préciser des aspects. Ils avaient la liberté de supprimer un passage entier si besoin. C’était selon moi essentiel au lien de confiance.”
Alexis Landot, complètement perché
Aton Stopler, journaliste : « J’ai rencontré Alexis en 2019. J’étais fasciné par sa passion mais aussi par le regard que les autres portaient sur lui. Est-il fou ? Il est certain qu’il ne pense pas comme tout le monde, mais je trouve que sa philosophie et son activité nous invitent à nous interroger sur notre société et notre rapport aux risques.
Les fabuleux dessins de Constantin transcrivent cette philosophie de manière plus fine que les vidéos qui, souvent, ne laissent transparaître que le danger. »
Constantin Zamfiresco, dessinateur : « Je me suis inspiré des photos et vidéos des ascensions réalisées par Alexis, afin que l’on reconnaisse instantanément les lieux qu’il a gravis, les prises utilisées, ainsi que les postures adoptées à chaque étape. Il s’agissait d’un véritable travail de dessinateur documentaliste, entièrement ancré dans le réel : chaque élément dessiné devait avoir existé, même si j’ai parfois laissé place à de la réinterprétation. Moi qui ai davantage l’habitude de naviguer dans l’univers de l’imaginaire, cette expérience m’a pourtant profondément plu. Elle m’a offert l’occasion d’explorer de nouveaux horizons, en l’occurrence découvrir cette activité sportive et de me réinventer à travers cet outil d’une richesse infinie qu’est la bande dessinée. »
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