2 minute read

Des paysages construits par la photographie

Next Article
Nature humaine

Nature humaine

En raison de ses qualités d’enregistrement, la photographie a rapidement été utilisée pour documenter les paysages. D’abord cantonnée aux sites naturels (montagnes enneigées, falaises déchiquetées, déserts arides), la photographie de paysage a progressivement intégré d’autres types de territoires, notamment les sites urbains et façonnés par l’homme. Se détournant des paysages grandioses ou bucoliques, l’exposition « New Topographics: Photographs of a Man-Altered Landscape », organisée en 1975 à la George Eastman House à Rochester, réunissait par exemple des œuvres d’artistes comme Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher, Joe Deal, Frank Gohlke ou encore Stephen Shore, qui s’intéressent aux zones périphériques urbaines et aux terres abîmées par les activités humaines. L’influence de cette exposition est considérable, ouvrant la voie à des approches moins stéréotypées de la photographie de paysage. À partir des années 1970 émergent un peu partout dans le monde de nouvelles écritures photographiques qui prennent en compte les dimensions environnementale, politique et sociale du paysage, hors de toute idéalisation. Petit à petit, la photographie investit de nouveaux pans de la création, devenant – au-delà d’un simple enregistrement à caractère documentaire ou informatif – la matière de projets artistiques sur le paysage. Il s’agira ici d’esquisser un panorama des différents usages qu’ont pu faire les artistes de la photographie de paysage et d’observer de quelles manières, depuis les années 1970, ces images ont intégré les pratiques artistiques contemporaines les plus diverses.

Approches conceptuelles

Advertisement

Dans l’histoire des relations entre art et paysage, le développement du land art à la fin des années 1960 marque un tournant majeur, car il n’est plus seulement question, désormais, de reproduire la nature par la peinture ou la photographie, mais bien d’agir aussi sur le paysage en manipulant directement les éléments qui le composent. Les interventions des artistes rattachés à ce courant ont pu être discrètes (Michael Heizer creuse des entailles dans le désert du Nevada) ou prendre la forme de constructions à des échelles gigantesques (telle la célèbre Spiral Jetty, vaste spirale de plus de cinq cents mètres de long que Robert Smithson bâtit en 1970 dans l’Utah, sur une rive du Grand Lac salé). Bien que ces œuvres relèvent généralement de la sculpture, la photographie n’est pas absente de la démarche de ces artistes. De fait, elle est un excellent moyen de rendre compte de sculptures ou de gestes réalisés en pleine nature, souvent dans des sites très éloignés des centres artistiques et de leur public. De plus, elle jouit auprès des artistes conceptuels de la réputation d’enregistrement « neutre » : son côté mécanique permettrait de mettre à distance tout maniérisme ou superflu esthétique. La photographie devient également centrale dans la pratique d’artistes européens tels que Richard Long, dont les actions dans le paysage, souvent modestes, trouvent à exister en images. Résultant de marches dans la nature, ses œuvres des années 1970 sont autant une expérience du paysage au

Photographie extraite de la série « Beautiful Landscapes », Pauline Bastard, 2007-2010.

Photo Pauline Bastard.

©

This article is from: