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Pourquoi les Asiatiques aiment les masques

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POURQUOI LES ASIATIQUES AIMENT LES MASQUES, TANDIS QUE LES EUROPÉENS PRÉFÈRENT LES LUNETTES DE SOLEIL ?

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S’il était impératif de dissimuler une partie du visage, les Asiatiques préféreraient porter des masques, et les Européens, sans doute des lunettes de soleil. Mais pour quelles raisons ?

Par Tongzi

Avec la stabilisation de l’épidémie en Chine, certains, en reprenant leur travail, remarquent que pas mal de leurs collègues, en portant des masques, semblent plus beaux qu’auparavant. Près de la moitié des internautes trouvent que non seulement les autres, mais jugent qu’eux-mêmes aussi, sont devenus « plus beaux ».

Au Japon, un pays où l’usage des masques est très répandu, nombre de femmes ont très tôt découvert la fonction esthétique du masque, avant de remplacer le maquillage par le port du masque. Les vade-mecum sur le maquillage avec un masque se sont ainsi multipliés.

Une émission de divertissement ja ponaise réalisa ainsi un questionnaire de micro-trottoir au cours duquel seules 45 femmes sur 100 acceptèrent de retirer leurs maques devant la caméra. Ces femmes courageuses étaient soit suffi samment confiantes en leur beauté faciale, soit fières de leur maquillage complet caché derrière leur masque. Néanmoins, aux yeux de nombreux spec tateurs, elles semblaient plus belles avec des masques. C’est probablement la rai son pour laquelle les 55 femmes restantes ne souhaitaient d’ailleurs pas retirer leurs masques.

Par rapport aux visages des Euro péens, les Asiatiques se targuent moins de leurs visages plats caractérisés par un nez large et plat, une bouche large et épaisse, une forme carrée qui, ensemble,

Des femmes japonaises avec et sans masques Un vade-mecum sur le maquillage avec un masque publié par un magazine beauté japonais

rendent leurs traits culturellement moins attirants, sans parler du plus grand défaut qui consiste bel et bien en des dents mal alignées.

Une étude révèle que 70% des Asia tiques souffrent de malocclusion dentaire à différents degrés. Les dents semblent mal placées lorsque l’on est su jet à une malocclusion dentaire de faible degré, tandis qu’une malocclusion den taire de degré élevé est susceptible de conduire à une occlusion croisée anté rieure, des dents proéminentes et un déséquilibre du visage.

Dans une émission de télévision sud-coréenne portant sur la chirurgie esthétique, intitulée « Let Me In », un grand nombre de candidates s’avérèrent avoir des dents mal positionnées. Ce pendant, aucune intervention chirurgicale n’était nécessaire, il suffit de retoucher les photos d’elles non maquillées en ajoutant des masques pour les rendre plus belles.

Par ailleurs, les masques sont idéals pour camoufler les taches, l’acné, les ci catrices d’acné, les petits trous, ou encore les plis nasolabiaux. Par conséquent, les masques constituent en quelque sorte « un outil magique pour parfaire le visage ».

UNE BEAUTÉ FACIALE « IMAGINÉE »

Tout le monde veut être beau. Le visage étant pour une grande partie dissimulé par un masque, cette partie masquée devient une zone « blanche » du visage, donnant alors libre cours à l’ima gination.

Lors de cette émission où il était de mandé aux femmes de retirer leurs masques, un chercheur japonais expli qua que l’acte d’imaginer automatiquement le reste du visage à partir des sourcils et des yeux d’une personne relevait de la « psychologie de la forme ». Autre ment dit, lorsque l’on voit un visage masqué, qu’il s’agisse d’une personne que

Lorsque l’on voit un visage masqué, nos cerveaux sont toujours enclins à produire un visage conforme à nos critères esthétiques.

l’on connaît bien ou non, nos cerveaux sont toujours enclins à produire un vi sage conforme à nos critères esthétiques, bien que ne soient visibles que ses yeux et ses sourcils.

Si, en fonction de nos critères esthé tiques, nous trouvons beaux un nez droit et une bouche sexy, le « système d’ima gination » du cerveau nous fera penser que cette personne masquée doit avoir,

Le rendu des photos avec masques des candidates participant à une émission sud-coréenne sur la chirurgie esthétique

sur le reste de son visage, un nez droit et une bouche sexy.

Pourtant, un visage humain est créé de façon « aléatoire », et le reste du vi sage à découvrir ne correspond pas forcément à nos attentes. Le plus décevant est peut-être que pour certaines per sonnes, chacune des parties du visage est belle, alors qu’ensemble, elles semblent désagréables. Ces per sonnes-là voient alors une lueur d’espoir dans le port du masque.

L’HISTOIRE DU MASQUE

Bien entendu, embellir le visage n’est qu’une fonction secondaire du masque, et son vrai usage consiste à nous proté ger contre le virus.

Le premier masque chirurgical fut inventé aux alentours de l’année 1896 par un pathologiste allemand, amélioré ulté rieurement par des médecins britanniques et français. Le masque antipeste que l’on connaît bien aujourd’hui est, quant à lui, né en Chine.

En 1910, lorsque la région du nordest de la Chine fut ravagée par la peste, le jeune médecin Dr. Wu Lien-teh, diplômé de l’Université de Cambridge, alors di recteur adjoint de l’école de médecine de l’armée de terre à Tianijn, transforma en masques antipeste les simples masques de protection chirurgicaux alors utilisés, avant d’exiger des habitants et des per sonnels médicaux de les porter. Sous sa direction, la peste fut jugulée 4 mois plus tard dans la région du nord-est avant de disparaître définitivement. En 1935, il fut nommé pour le prix Nobel de physiolo gie et de médecine en vue de récompenser son « engagement dans la lutte contre la peste pulmonaire ».

Le masque devint un produit d’usage courant à partir de 1918, l’année marquée par la « grippe espagnole » emportant environ 20 millions de personnes dans le monde. Face à la propagation du virus, tous les pays exigèrent à leur population de porter un masque, y compris aux Etats-Unis. A Philadelphie, se dressèrent dans la rue des panneaux d’affichage de messages d’alerte tels que « Cracher tue » et tous les passants durent porter des masques achetés ou fait-maison. A San Francisco, la mairie, en collaboration avec des organisations, publia une décla ration conjointe informant le public de l’efficacité du masque à 99% contre la grippe. Malheureusement, en dépit des dégâts colossaux provoqués par l’épidé mie, de vives voix s’élevaient encore contre le port du masque, et pour nom breux, ce geste allait à l’encontre de la croyance des Américains en la liberté et l’individualisme.

En Occident, l’usage du masque sera de moins en moins courant après la Se conde Guerre mondiale. Un historien allemand explique à Vision Chine que cela est dû au fait que les pays occidentaux ont mis l’accent sur les soins médicaux sans que des épidémies d’envergure

Le premier masque antipeste au monde, inventé par le Dr. Wu Lien-teh, était en gaze, plié, avec un morceau de coton absorbant inséré au milieu

Un masque ne change rien sur le visage d’un Européen, alors qu’avec des lunettes de soleil, le look semble beaucoup plus cool

n’aient lieu ces dernières décennies, d’où la « confiance sur le plan médical ».

Les pays asiatiques, en revanche, ont connu une histoire du masque entière ment différente. Selon Huang Wei, chercheuse au centre de recherches historiques de la Bibliothèque de Shanghai, après l’éclatement de l’épidémie de peste en 1910 dans la région du nord-est, ce fut la première fois, pour un grand nombre de Chinois, qu’ils se protégèrent d’une maladie infectieuse avec des masques, et le masque inventé par Wu Lien-teh, simple et facile à faire, fut abordable pour presque tout le monde.

Pendant près d’un siècle, les « masques Wu » et les masques ultérieure ment améliorés furent largement utilisés sur le territoire chinois. A l’époque de la République de Chine, le pays étant sou vent ravagé par le choléra, la variole, la fièvre typhoïde et le paludisme, le geste barrière le plus simple et le moins coû teux était le port du masque. Ce n’est qu’en 2003, l’année où la Chine établit ses normes nationales vis-à-vis des masques de protection médicaux, que les masques traditionnels en tissu furent retirés du champ de la protection médicale.

Pour la population chinoise, le port du masque, une geste barrière simple et pratique, s’est progressivement répandu lors de la lutte contre les épidémies et ce, depuis de nombreuses années. A l’heure actuelle, avec l’amélioration du système de santé publique, les masques sont de plus en plus utilisés sur les différents lieux de vie : les coiffeurs au salon de coif fure, les membres de famille rendant visite aux patients à l’hôpital, les enfants faisant du nettoyage à l’école, etc. La pro tection offerte par les masques s’avère ainsi être la plus simple et la plus rassu rante.

Quant au Japon, la « grippe espagnole » de 1918, un événement venu de loin, emporta entre 250 000 et 480 000 per sonnes, ce qui fit naître une sorte de culture de forte autoprotection dans le pays. Les événements récents, tels que la grippe aviaire de 2009, le séisme et l’acci dent nucléaire de Fukushima de 2011, ont tous conduit à augmenter le nombre de porteurs de masques. Les Japonais étant culturellement plus introvertis, le port du masque leur permet alors de conserver, avec leur entourage, un sentiment d’éloi gnement, une certaine « politesse ». Dans sa thèse, Mitsutoshi Horii, professeur à l’Université Shumei au Japon, explique que le port du masque par les Japonais relève de ce qu’il appelle une « politesse réciproque ». « Si vous avez le rhume, vous devez veiller à ne pas le transmettre aux autres, en couvrant votre bouche par exemple. Au Japon, cela devient une sorte de < rites du risque > et permet aux gens d’avoir le sentiment de pouvoir contrôler une situation incontrôlable. »

Selon une enquête menée par l’école de Médecine Tongji à l’échelle nationale en 2010, au moins 50% des Chinois de l’ethnie Han ont un « visage très large », 33.9% ont un « visage large », 11.4% ont un « visage moyen » et seuls 4% ont un « visage étroit » ou un « visage très étroit »

Les « Ombres Etranges » en image

LES LUNETTES DE SOLEIL QUI RENDENT LEURS PORTEURS PLUS MYSTÉRIEUX

Alors, pour quelle raison les Européens se montrent-ils si friands des lunettes de soleil ? Tout comme les Asiatiques ont découvert l’effet « embellissant facial » du masque, les Eu ropéens, ont, eux aussi, découvert la secrète raison pour laquelle le port de lunettes de soleil leur convient le mieux.

Par rapport aux Asiatiques, les Euro péens, de style caucasien, ont un visage plutôt petit, donc mieux adapté aux lu nettes de soleil. Une étude menée par des chercheurs français a réalisé des images standards simulées de femmes chinoises et caucasiennes, avant de ré véler qu’avec de mêmes proportions du visage, les Chinois ont un visage relative ment plus large et une tête plus grande.

Les Caucasiens ont en moyenne un visage ovale et droit, avec l’arche de sourcil et le pont du nez placés hauts qui mettent à l’ombre leurs yeux enfon cés dont ils sont fiers. Vanessa Brown, de l’Université Trent, a ainsi écrit dans son livre que la plupart des Caucasiens trouvent que l’ombre les rend plus beaux.

Les ombres, bien qu’elles dissi mulent les grands yeux profonds des caucasiens, masquent également les lé gères asymétries entre les sourcils et les yeux, alors que la symétrie constitue un élément important de l’attirance hu maine. En faisant penser à une symétrie, l’ombre aide à camoufler les fines rides et les taches présentes aux contours des yeux des Caucasiens, dont les visages ré sistent en effet moins bien au vieillissement.

C’est pourquoi Vanessa Brown quali fie de « Cool Shades » (Ombres Cool) les lunettes de soleil, devenant un substitut idéal à « l’ombre ».

Comme des « Cool Shades », les lu nettes de soleil voient leur bord supérieur positionné exactement au niveau de l’arche de sourcil des Européens sans séparer les sourcils et les yeux. Ici se pose la question de la distance entre les sourcils et les yeux. Un grand nombre d’Asiatiques ayant une distance éloignée entre leurs sourcils et leurs yeux, les lu nettes de soleil voient leur bord supérieur placé au milieu avant de devenir des « Ombres Etranges ».

L’attractivité humaine ne réside pas uniquement dans l’apparence physique.

Le port de lunettes de soleil permet de dissimuler immédiatement les regards plus banals, voire de suggérer un plus grand mystère.

Certes, Il y a une forte attirance dans le regard de quelqu’un qui dévoile confiance, sincérité et intelligence, tou tefois, ce genre de regard étant plus rare que la beauté physique, le port de lu nettes de soleil permet de dissimuler immédiatement les regards plus banals, voire de suggérer un plus grand mystère, ce qui s’avère également efficace pour déclencher les mécanismes de l’atti rance.

Bien entendu, les Caucasiens portent des lunettes de soleil pour protéger leurs yeux du soleil. Néanmoins, la protection des yeux s’accompagne d’effets « d’em bellissant facial » et ils peuvent ainsi faire d’une pierre deux coups.

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