36 minute read

PABLO ATCHUGARRY, ENTRE TRADITION ET INNOVATION

Inscrites dans la suite d’une tradition pluriséculaire, les sculptures de Pablo Atchugarry (1954*) détonnent dans un monde où l’éphémère semble primer. Privilégiant des matériaux pérennes et des techniques de travail traditionnelles, l’artiste fait fi des effets de mode et des dictats du marché de l’art pour s’adonner pleinement à son œuvre tel qu’il l’entend, avec passion et détermination, sans jouer sur son image ou sur la valorisation commerciale de son travail. Un besoin instinctif le pousse à créer, à faire naître ses idées et à les extirper de la matière. Figure incontournable de la sculpture contemporaine, il puise l’essentiel de ses racines non pas dans la culture précolombienne de son Uruguay natal, mais dans celle de l’Europe, héritage d’une forte immigration espagnole et italienne vers son pays au XIXème siècle, comme son compatriote avant lui Joaquín Torres García1. Férus d’art, ses parents identifient très tôt chez lui le gène de la création et l’encouragent à pratiquer le dessin et la peinture. Très vite se ressent dans ses travaux graphiques, un besoin de s’échapper de la toile et du papier. C’est donc très naturellement qu’au début des années 1970, désireux d’élargir son horizon créatif, le jeune Pablo s’initie aux matériaux tridimensionnels qu’il commence à modeler et à sculpter: terre glaise, ciment, fer et bois. Sa première œuvre, un Cheval (1971) [Fig.1], annonce déjà une recherche de non-figuration, recherche qui va rapidement évoluer et se cristalliser au milieu des années 1980. Dans l’exécution de chacune de ses sculptures, Atchugarry vise à la pureté des lignes, des formes, à l’harmonie de l’ensemble et à sa dynamique. Dès l’exécution des premières esquisses sur le papier, prémices d’une œuvre en devenir, l’artiste se doit d’anticiper sa matérialisation et doit pouvoir, dans son esprit déjà, transposer les deux dimensions en se figurant la troisième qui permettra de donner corps à cette nouvelle création.

Le travail d’Atchugarry relève d’une tradition européenne fortement ancrée dans l’Antiquité, menée à son apogée à la Renaissance. Le sculpteur s’inscrit ainsi dans la continuité des grands maîtres de la sculpture que furent Polyclète, Praxitèle, Michel-Ange ou Le Bernin avant lui et l’héritage auquel il se rattache se matérialisant dans son œuvre sous différentes formes, englobant de multiples aspects de son processus créatif. La finesse des formes allongées et les torsions empruntent au maniérisme italien. Nombre de ses sculptures adoptent le traditionnel contrapposto tout en conservant un équilibre total en se dressant parfaitement proportionnées. De même, ces torsions apparaissent telles des citations à l’anatomie de corps, dont l’artiste nous fait voir des segments de muscles et de tendons. Il semble effectuer des gros plans et en isoler des éléments comme le ferait un microscope. Ceci nous amène évidemment à penser au Saint-Barthélemy écorché (1562) de Marco d’Agrate, à la cathédrale de Milan, ou encore au Transi (vers 1545) de René de Chalon (appelé aussi le Squelette ou le Décharné) où la musculature des cuisses semble reprendre les plis d’un tissu. De plissés il en est évidemment aussi question lorsque l’on se prend à détailler les sculptures d’Atchugarry. Il semble évoquer le tomber de soieries, tels des drapés qui recouvrent les corps des statues non pas pour les vêtir, mais pour en révéler sensuellement les formes2. Le sculpteur nous offre à découvrir des sortes de créatures berninesques auquel le corps aurait été soustrait et dont il ne resterait que les souples étoffes. Le regard s’engouffre entre les plis, mystérieusement happé par ces architectures galbées. L’évolution vers le monumental constitue, elle aussi, l’un de ces éléments. Après des débuts consacrés essentiellement à de petits formats, l’artiste prend confiance et la découverte du marbre est pour lui une révélation qui libérera sa main, le poussant à voir de plus en plus grand. Il apprivoise la matière et se lance dans la création de pièces de plus en plus audacieuses. Tels les colosses de Memnon, ses immenses sculptures semblent les gardiennes d’un sanctuaire et rappellent les piliers des grandes cathédrales, destinés à soutenir la voûte céleste. Plus proches de nous, on songe aussi aux prodiges de la Renaissance que sont le David de Michel-Ange et l’Hercule et Cacus de Bandinelli. Dans un même esprit, Atchugarry effectue des emprunts directs à l’histoire, s’en veulent pour preuve sa Victoire de Samothrace sculptée en 1995 ou encore son Obélisque du troisième millénaire de 2001 [Fig.2], dont le titre n’offre aucun doute sur son rattachement aux obélisques de l’Antiquité. Si le domaine profane occupe une place élémentaire dans le corpus d’œuvres de Pablo Atchugarry, il n’en délaisse pas pour autant la sculpture religieuses, genre à part entière dans la tradition artistique occidentale.

Advertisement

1 Julio Maria Sanguinetti, Un’opera con vocazione classica, cat. exp. Palazzo Isimbardi. Milan, Arti Grafiche Meroni, mai 2001, p.16.W 2 Julio Maria Sanguinetti, op. cit., p.18.

Sa Pietà (1983) [Fig.3] et sa Redemptoris Mater (1987) toutes deux inspirées de Michel-Ange, son Chemin de croix (1993) ou encore les différents Christs et Vierges s’inscrivent dans une vraie continuité, celle bien sûr du maître florentin, mais aussi de tous les artistes soutenus par Rome et le mécénat pontifical. Tout en considérant ces éléments caractéristiques de la statuaire et de ses genres particuliers, c’est vers une synthèse plus abstraite de leur utilisation que s’achemine Atchugarry. Familier des canons classiques qu’il a eu l’occasion d’étudier en détails en France, en Espagne et en Italie, il semble faire sien ce principe selon lequel il faut savoir construire pour déconstruire.

Même s’il suit la voie tracée par les maîtres anciens, l’artiste uruguayen n’en garde pas moins une réelle sensibilité pour les avant-gardes. Considérant que ses aspirations sont bien différentes de celles d’un Jean Arp, d’un Henri Moore ou d’un Constantin Brancusi, on ne peut s’abstenir d’en faire mention dans le contexte particulier de la sculpture du XXème siècle dont il est l’un des dignes descendants, tout comme le Formes uniques dans la continuité de l’espace (Forme uniche della continuità nello spazio) de 1913 du futuriste Umberto Boccioni dont il se fait l’écho. Sur un plan plus contemporain, il ne se rattache à aucune école et mène sa quête esthétique à sa guise. On peut toutefois tirer quelques parallèles, notamment avec Giuseppe Penone, chez qui le processus créatif et le geste revêtent également tout autant d’importance que l’objet fini. Ce n’est donc pas sans raison que les différentes étapes de la réalisation des sculptures d’Atchugarry sont si soigneusement photographiées et documentées [Fig.4]. Dans un autre registre, on peut penser aussi à l’anglais Tony Cragg, dont les créations s’élancent pareillement vers le ciel; contrairement à lui, l’Uruguayen ne procède cependant pas par empilement d’éléments horizontaux, mais vise plutôt à effiler la matière telle une corde dont la torsion des fibres filerait vers l’infini, renfonçant la verticalité de la perspective. A l’instar des cubistes, Atchugarry simplifie les formes qu’il épure jusqu’à n’en garder que l’essentiel. L’aspect non-figuratif des œuvres force le spectateur à en faire le tour et à s’interroger sur le message esthétique plus que sur le sens narratif du motif, chacune des faces de la sculpture revêtant une importance égale3. Ce phénomène, déjà mis en avant par Giambologna et son Enlèvement d’une Sabine (1579-1583), est porté ici à son apogée: primauté est donnée à l’infinité des points de vue. Comme Archipenko, Atchugarry se préoccupe de l’association des masses entre elles dans un souci d’harmonisation du volume dans son ensemble; de même, il accorde une grande importance au vide laissé par la matière retirée de l’ensemble sculpté qui crée le volume par son absence. Les déchirures de la pierre rappellent les coupures de Lucio Fontana dans les toiles. L’usage occasionnel de la couleur donne à certaines de ses créations l’aspect de majestueuses carrosseries d’automobiles de sport, auxquelles la vitesse ferait entreprendre une course effrénée vers le ciel; une manière élégante d’allier le passé à la modernité.

Outre le talent de l’artiste et ses qualités conceptives, un autre élément essentiel intervient dans le processus créatif: la matière. À une époque où le plastique et les résines synthétiques prennent le dessus par leur facilité d’utilisation, Atchugarry a fait le choix des matériaux nobles amenés à traverser le temps. S’il se sert aussi diversement du bois, du ciment ou du métal en fonction du rendu désiré, il privilégie le marbre, plus encore que le bronze. Dans le cas de la pierre, en effet, c’est non seulement la main de l’artiste, mais bien son corps tout entier qui agit directement, menant une sorte de combat titanesque contre le bloc inerte qu’il affronte; ceci demande une grande précision, beaucoup de rigueur et ne permet pas de repentir. L’artiste n’est pas libre de sculpter la pierre à sa guise, c’est elle qui guide le geste. Il a pour rôle de parvenir à révéler la matière et le motif qui s’y cache; le bloc brut est semblable à une chrysalide d’où Atchugarry se donne pour mission d’extraire une œuvre qui s’y trouvait dormante et qu’il libère dans un geste érosif, l’action de sa main se substituant à celle des éléments naturels que sont l’eau, l’air et le vent. Un marquage préalable de la pierre l’aide à donner une première orientation à son geste. Avant même le premier coup de meule, de marteau et de burin, il lui faut toutefois impérativement avoir en tête une vision aboutie de l’ensemble et c’est le bloc qui guide sa main, qu’il s’attaque à un marbre de Carrare, un marbre rose du Portugal ou gris Bardiglio. Le choix de la pierre dans les carrières constitue donc une étape cruciale car selon sa couleur, selon ses veines, les jeux de contrastes peuvent considérablement modifier le rendu global.

Les dégradés de couleur qui ponctuent les différentes strates du marbre rappellent la peinture à l’antique des sculptures grecques archaïques: veines teintées de vert, nervures grises, rouges, pourpres, et ce sans pour autant qu’il n’y ait d’intervention humaine dans cette coloration naturelle. Sur les sculptures de fer, la rouille agit semblable aux nervures du marbre. Dans le cas du bois, matière vivante, les nœuds et les différences de tonalités entre les anneaux de croissance de l’arbre donnent un effet semblable. C’est au marbre de Carrare, matière laiteuse à l’aspect soyeux, que va toutefois sa préférence depuis 1979 déjà. Là aussi, Atchugarry s’inscrit dans la tradition des maître italiens en se servant du marbre, matériau le plus noble à la sculpture, considéré comme l’art le plus important après l’architecture. Son utilisation implique automatiquement une confrontation à ses illustres prédécesseurs auxquels il va nécessairement être comparé.

Un élément extérieur intervient dans la perception que l’on aura de la sculpture. La lumière, qui tient aussi un rôle central, est source de recherches dès les phases préliminaires de la création. Ce n’est ainsi pas un hasard si Atchugarry donne pour titre à sa première sculpture en marbre de Carrare La lumière (1979) [Fig.4], phénomène essentiel dont il a eu conscience dès ses premières approches de l’art. On ne s’étonnera donc pas qu’il ait jeté son dévolu sur ce noble matériau. L’étymologie du terme marmaros renvoie d’ailleurs directement à la lumière. La famille lexicale d’où est issu le mot oriente du côté des jeux de lumière. Le verbe marmairô signifie « resplendir, étinceler, briller de mille éclats », preuve que les Grecs ne considéraient pas le marbre comme une pierre inerte mais comme une surface vivante, jouant avec les rayons du soleil4 . Le travail sur la lumière se fait dans un premier temps par le biais des ouvertures réalisées dans la matière qui créent des jeux de pleins et vides et permettent, à l’image d’un prisme, le renvoi des rayons. Ceci accentue aussi les contrastes d’ombres et de lumières, faisant de fait évoluer les nuances de couleur des matériaux, dans une recherche semblable à celle de Jésus Rafael Soto dont les constructions cinétiques alternent vide et solide. Fréquemment destinées à prendre place à l’extérieur, ses sculptures seront sujettes à l’évolution du jour et de la nuit, aux différentes réflexions du soleil et de la lune sur la matière. L’artiste doit donc chercher à créer un rythme, de sorte à ce que les courbes renvoient les rayons. Dans un même souci, il limite les angles droits et s’assure de faire varier les formes, supportées par la matière, de sorte que la sculpture n’apparaisse pas deux fois semblable au spectateur.

La difficulté majeure de la sculpture reste le principe de transcription des idées via le travail du bois, du métal ou de la pierre; donner corps à ses idées en les sculptant sous trois dimensions nécessite de grandes capacités de synthèse et une dextérité qui n’est pas à la portée de tous, relevant de la virtuosité plastique. Ses créations se dressent, hautes silhouettes abstraites qui, contrairement aux personnages filiformes d’Alberto Giacometti, ne se meuvent pas mais prennent fermement racine. Les sculptures d’Atchugarry évoquent ainsi tantôt des végétaux pétrifiés, rappellent les grands troncs de séquoias fossilisés en Californie, tantôt ils se font totems de la modernité et laissent à voir des vols d’oiseaux ou des éclosions florales. En parfaite union avec la nature qui l’entoure, l’artiste passe ainsi du minéral au végétal. La verticalité de ses sculptures qui se dressent vers le ciel tisse aussi un lien entre deux mondes, le sol terrestre auquel elles sont solidement ancrées et l’air impalpable dans lequel elles semblent flotter. En les contemplant, notre regard est automatiquement attiré vers le haut et se perd au-delà même de la matière. Les créations de Pablo Atchugarry sont nimbées de mystère et ne se livrent pas au premier regard, nécessitant que l’on s’attarde à observer la sculpture qui se révèle à nous au gré de notre évolution autour d’elle et de la lumière qui vient la frapper. Chacun peut alors laisser libre cours à son imagination et interpréter à sa guise. Ce phénomène, favorisé par l’aspect non-figuratif des sculptures, semble d’ailleurs intentionnel de la part de l’artiste qui ne donne pas de titre à la majorité de ses créations, semblant ainsi ne pas vouloir influencer la perception de chacun. Ses œuvres deviennent intemporelles, amenées ainsi à perdurer et à s’inscrire dans une continuité historique, celle des sculpteurs hellénistiques, du génial Michel-Ange, de Giacometti ou de Brancusi.

Philippe Clerc, historien de l’art

4 Adeline Grand-Clément, L’épiderme des statues grecques : quand le marbre se fait chair, in « Images Re-vues » [En ligne], 13 | 2016, mis en ligne le 15 janvier 2016, consulté le 23 août 2020. URL: http://journals.openedition.org/imagesrevues/3932

Fig.1 - CAVALLO, 1971. Béton, 22 x 30 x 10 cm

Fig.3 - PIETÀ, 1982-’83. Marbre statuaire de Carrare, 174 x 205 x 116 cm Fig.2 - OBELISCO DEL TERZO MILLENNIO, 1999. Marbre statuaire de Carrare, 600 x 120 x 120 cm

PABLO ATCHUGARRY, BETWEEN TRADITION AND INNOVATION

Pablo Atchugarry’s (b. 1954) sculptures, which are part of a centuries-old tradition, stand out in a world where the ephemeral seems to take precedence. The artist, who favours sustainable materials and traditional techniques, flies in the face of the gimmicks and dictates of the art market in order to engage fully with his work, with passion and determination, and without playing on his image or on the commercial value of his work. He is driven by an instinctive need to create, to give form to his ideas and to draw them out of the material. Like his compatriot Joaquín Torres García1 before him, Pablo Atchugarry, this major figure in contemporary sculpture, draws most of his inspiration, not from the pre-Columbian culture of his native Uruguay, but from that of Europe, a legacy of mass Spanish and Italian immigration to his country in the 19th century. His parents, who were passionate about art, identified the creative gene within him at a young age, and encouraged him to practice drawing and painting. His early graphic work quickly revealed a need to escape canvas and paper. At the beginning of the 1970s, the young Pablo, eager to expand his creative horizons, therefore naturally began to work in three dimensions, sculpting and modelling clay, cement, iron and wood. His first piece, Horse (1971) [Fig.1], marked the beginning of his search for non-figuration, a search that would quickly evolve and crystallise in the mid-1980s. In creating each of his sculptures, Atchugarry aims for a purity of lines, shapes, the harmony of the ensemble and its dynamic. From the first sketches on paper, the beginnings of a work in the making, the artist must anticipate its materialisation and be able, in his mind already, to transpose the two dimensions whilst imagining the third, enabling him to give shape to each new creation.

Atchugarry’s work is part of a European tradition that is rooted in antiquity, and that reached its peak during the Renaissance. The sculptor is therefore following in the footsteps of the great masters of sculpture before him, from Polykleitos and Praxiteles to Michelangelo and Bernini, and his artistic heritage materialises in his work in different forms, encompassing multiple aspects of his creative process. The finesse of the elongated forms and twists borrows from Italian mannerism. A number of his sculptures use the traditional contrapposto, whilst maintaining total balance and perfect proportion. The twists evokes the body’s anatomy, which the artist shows in segments of muscles and tendons. He appears to create close-ups and isolate elements within them, like a microscope. This inevitably calls to mind Marco d’Agrate’s Saint Bartholomew Flayed (1562), Milan Cathedral and the Cadaver Tomb of René of Chalon (also known as The Skeleton), where the thigh muscles seem to mimic folds of material. Folds are central to the detail of Atchugarry’s sculptures. He conjures up the fall of silks, like draperies that cover the bodies of statues not to clothe them, but to sensually reveal their forms2. The sculptor presents us with Bernini-like creatures whose bodies have been subtracted and of whom nothing remains but flexible fabric. Our gaze sinks between the folds, mysteriously drawn into these curved architectures. Another key element is the evolution towards the monumental. After his first, mainly small format pieces, the artist gained confidence, and the discovery of marble was a revelation that freed his hand, driving him to think ever bigger. He mastered the medium and began to create increasingly ambitious pieces. Like the Colossi of Memnon, his immense sculptures seem to be the guardians of a sanctuary and recall the pillars of great cathedrals, intended to support the Vault of Heaven. As a more recent example, we may think of wonders of the Renaissance, from Michelangelo’s David to Bandinelli’s Hercules and Cacus. In the same spirit, Atchugarry borrows directly from history, as illustrated by his Victory of Samothrace, sculpted in 1995, and his Obelisk of the Third Millenium from 2001 [Fig.2], whose title leaves no room for doubt as to its connection to the obelisks of antiquity. Although the secular domain has a prominent place in Pablo Atchugarry’s body of work, he does not neglect religious sculpture, a genre in its own right in the Western artistic tradition. His Pietà (1983) [Fig.3] and Redemptoris Mater (1987), both inspired by Michelangelo, his Via Crucis (1993), and different Christs and Virgins follow in the footsteps of the Florentine master, of course, but also of all the artists supported by Rome and the papal patronage. Whilst taking these characteristic elements of the statuary and its particular genres into account, Atchugarry progressed towards a more abstract synthesis of their use. Being familiar with the classical canons, which he had the chance to study in detail in France, Spain and Italy, he seemed to embody the principle according to which one needs know how to construct in order to deconstruct.

1 Julio Maria Sanguinetti, Un’opera con vocazione classica, ex. cat. Palazzo Isimbardi. Milan, Arti Grafiche Meroni, May 2001, p.16. 2 Julio Maria Sanguinetti, op. cit., p.18.

Although he followed the path traced by ancient masters, the Uruguayan artist maintained a real sensitivity for the avant-garde. Whilst his aspirations were very different to those of Jean Arp, Henry Moore or Constantin Brancusi, he cannot be omitted from the particular context of sculpture in the 20th century of which he is one of the worthy descendants, much like the Forme uniche della continuità nello spazio (1913) by the futurist Umberto Boccioni, whom he echoes. From a more contemporary perspective, he is not attached to any school, and carries out his aesthetic quest as he sees fit. Some parallels can nevertheless be drawn, notably with Giuseppe Penone, for whom the creative process and artistic gesture are also as important as the finished object. It is not without good reason that the different stages in the creation of Atchugarry’s sculptures have been so carefully photographed and documented [Fig.4]. In another style, we could also mention the English sculptor Tony Cragg, whose creations stretch similarly towards the sky. Nevertheless, unlike Cragg, the Uruguayan sculptor does not proceed by piling up horizontal elements, but rather aims to fray the medium out like a twisting rope whose fibres spin towards infinity, emphasising the verticality of the perspective. In the manner of the Cubists, Atchugarry simplifies forms, paring them down to their essentials. The non-figurative aspect of the work compels the spectator to take in every angle and to think about the aesthetic message more than the narrative meaning of the subject, each plane of the sculptures being of equal importance3. This phenomenon, first put forward by Giambologna and his Rape of the Sabine Women (1579-1585), reaches its peak in Atchugarry’s work: primacy is given to the infinite number of points of view. Like Archipenko, Atchugarry is interested in the combination of masses in view of harmonising the overall volume. In the same way, he attaches great importance to the empty space left by the material that is removed from the sculpted whole, creating volume by its absence. The torn stone calls to mind Lucio Fontana’s slashed canvases. The occasional use of colour gives some of his pieces the appearance of majestic sports car bodies, speeding in a frantic race to the sky: an elegant way of combining the past with modernity.

In addition to the artist’s talent and conceptual qualities, another essential element informs the creative process: matter. At a time when plastic and synthetic resins were gaining currency thanks to their ease of use, Atchugarry chose to work with noble materials that stood the test of time. Whilst he has used wood, cement or metal according to the desired finish, he has primarily favoured marble, even more than bronze. In the case of stone, it is not only the artist’s hand, but his whole body that acts directly, engaged in a kind of titanic combat against the inert block before him. This unforgiving work requires great precision and lots of care. The artist is not free to sculpt the stone as he sees fit: it is the stone itself that guides the process. His role is to reveal the matter and the hidden subject within: the rough block is like a chrysalis, and Atchugarry’s mission is to extract a work of art that lies sleeping inside it, freeing it with an erosive gesture, the action of his hand hastening the work of natural elements such as water, air and wind. A preliminary marking of the stone helps to give an initial direction to his work. Before the first touch of the grinding wheel, hammer and chisel, he must imperatively have in mind a fully-realised vision of the overall piece, and the block guides his hand, whether he is sculpting Carrara marble, pink marble from Portugal or grey Bardiglio marble. The choice of stone in the quarries is a crucial stage since depending on its colour and veins, the play of contrasts can considerably alter the overall effect.

The colour gradations that accompany the different strata in the marble call to mind the antique painting of Ancient Greek sculptures: tinted veins in green, grey, red and purple, without there having been any human intervention in this natural colouring. In his iron sculptures, rust acts in a similar way to the marble veins. In the case of wood, a living medium, the knots and tonal differences between the tree’s growth rings give a comparable effect. Nevertheless, since 1979, his preference has been for Carrara marble, a milk-white, silky medium. Here again, Atchugarry is following in the footsteps of the Italian masters by using marble, the noblest medium in sculpture, considered to be the most important artform after architecture. His use automatically implies a confrontation with his illustrious predecessors, with whom he will inevitably be compared.

An external element comes into play in our perception of sculpture. Light, which also plays a central role, is the source of research from the earliest phases of creation. It is no coincidence that Atchugarry entitled his first sculpture in Carrara marble Light (1979) [Fig.5], an essential phenomenon which he had been aware of since his first forays into art. It is therefore not surprising that he should have set his sights on this noble material. The etymology of the term marmaros refers directly to light. The word’s lexical family draws on the play of light. The verb marmairô means “to sparkle, to gleam, to shine with a thousand brilliant shards”, proof that the Ancient Greeks did not regard marble as an inert stone but as a living surface, playing with the rays of the sun4 . The work on light is first approached by way of making openings in the material which create plays of full and empty spaces and reflect the rays of light like a prism. This also accentuates the contrast of light and shadows, effectively developing nuances of colour in the material, in a quest that recalls that of Jésus Rafael Soto, whose kinetic constructions alternate between solids and voids. Frequently intended to be exhibited outside, Atchugarry’s sculptures are subjected to the cycles of night and day, and to different reflections of the sun and moon on the material. The artist must therefore seek to create a rhythm, so that the curves reflect the rays. For the same reason, he limits the use of right angles and makes sure to vary the forms, supported by the material, so that the sculptures never appear to the spectator the same way twice.

The key challenge in sculpture is the principle of transcribing ideas by means of wood, metal or stonework. Giving shape to one’s ideas by sculpting them in three dimensions requires great synthesis skills and uncommon dexterity, amounting to brilliant craftsmanship. His creations stretch up, such are high abstract silhouettes that, unlike Giacometti’s filiform characters, do not move but firmly take root. Atchugarry’s sculptures evoke permineralised plant matter, calling to mind the great fossilised redwood trunks in California, but they are also totems of modernity, alluding to birds in flight or flowers in bloom. The artist, in perfect union with the nature surrounding him, therefore moves seamlessly between the mineral and plant worlds. The verticality of his sculptures, that stretch up to the sky, also creates a link between two worlds: the earthly floor in which they are firmly anchored and the impalpable air in which they appear to float. Contemplating them, our gaze is automatically drawn upwards and loses itself beyond the matter. Pablo Atchugarry’s creations are shrouded in mystery and do not give everything away at first glance, requiring us to take the time to observe the sculptures revealing themselves to us as we walk around them, and as the light strikes them. Each spectator can therefore give free rein to their imagination and interpret them as they please. This phenomenon, enhanced by the non-figurative aspect of the sculptures, seems intentional on behalf of the artist, who gives no titles to the majority of his creations, seemingly unwilling to influence different spectators’ perceptions. His pieces are timeless, made to last and to be part of an historical continuity, that of the Greek sculptors, of the genius Michelangelo, of Giacometti and of Brancusi.

Philippe Clerc, art historian.

4 Adeline Grand-Clément, L’épiderme des statues grecques : quand le marbre se fait chair, in « Images Re-vues » [Online], 13 | 2016, uploaded January 15th 2016, accessed August 23rd 2020. URL: http://journals.openedition.org/imagesrevues/3932

Fig.1 - CAVALLO, 1971. Concrete, 22 x 30 x 10 cm

Fig.3 - PIETÀ, 1982-’83. Statuary Carrara marble, 174 x 205 x 116 cm Fig.2 - OBELISCO DEL TERZO MILLENNIO, 1999. Statuary Carrara marble, 600 x 120 x 120 cm

PABLO ATCHUGARRY, ENTRE TRADICIÓN E INNOVACIÓN

Inscritas en la continuidad de una tradición plurisecular, las esculturas de Pablo Atchugarry (1954*) desentonan en un mundo donde parece prevalecer lo efímero. Privilegiando los materiales perennes y las técnicas de trabajo tradicionales, el artista se desentiende de los efectos de la moda y de los dictados del mercado del arte para dedicarse plenamente a su obra como le place, con pasión y determinación, sin jugar con su imagen ni con el valor comercial de su trabajo. Una necesidad instintiva lo impulsa a crear, a dar a luz sus ideas y a extirparlas de la materia. Figura imprescindible de la escultura contemporánea, Pablo Atchugarry se arraiga esencialmente, al igual que su compatriota Joaquín Torres García1 antes que él, no tanto en la cultura precolombina de su Uruguay natal, sino en la europea, consecuencia de una fuerte inmigración española e italiana a su país en el siglo XIX. Sus padres, que eran amantes del arte, identificaron, a una edad muy temprana, el gen de la creación en él y lo animaron a practicar el dibujo y la pintura. Muy pronto, en su obra gráfica se percibe su necesidad de evadirse del lienzo y del papel. Así es como, muy naturalmente, a principios de los años setenta, deseoso de ampliar su horizonte creativo, el joven Pablo se inicia en materiales tridimensionales que empieza a modelar y esculpir: arcilla, cemento, hierro y madera. Su primera obra, un Caballo (1971) [Fig.1], anuncia una búsqueda de la no figuración que evolucionará rápidamente y se cristalizará a mediados de los años ochenta. En la realización de cada una de sus esculturas, Atchugarry apunta a la pureza de las líneas, de las formas, a la armonía del conjunto y a su dinámica. Desde la realización de los primeros bocetos en papel, premisas de una obra en devenir, el artista debe anticipar su materialización y poder, ya en su mente, trasponer estas dos dimensiones imaginando la tercera que dará cuerpo a la nueva creación.

La obra de Atchugarry forma parte de una tradición europea profundamente arraigada en la Antigüedad, que alcanza su apogeo durante el Renacimiento. El escultor sigue así las huellas de los grandes maestros de la escultura como Policleto, Praxíteles, Miguel Ángel y B ernini, y esta herencia se materializa en su obra de diversas maneras que abarcan múltiples aspectos de su proceso creativo. La delicadeza de las formas alargadas y las curvas se inspiran en el manierismo italiano. Muchas de sus esculturas adoptan un contrapposto tradicional, al tiempo que conservan un total equilibrio y se elevan perfectamente proporcionadas. Asimismo, estas curvas aparecen como referencias a la anatomía del cuerpo, del cual el artista nos hace ver segmentos de músculos y tendones. Da la impresión de elaborar primeros planos y de ellos aislar elementos como lo haría un microscopio. Obviamente, esto nos lleva a pensar en el San Bartolomé desollado (1562) de Marco d’Agrate, en la catedral de Milán, o en el Transi (alrededor de 1545) de René de Chalon (también conocido como “Esqueleto” o “Descarnado”) en el cual los músculos de los muslos parecen reproducir los pliegues de una tela. También es cuestión de pliegues cuando uno detalla las esculturas de Atchugarry. Parecen evocar drapeados de seda que cubren los cuerpos de las estatuas, no para vestirlas, sino para revelar sensualmente sus formas2. El escultor nos invita a descubrir ciertos tipos de criaturas de Bernini de las que habría sustraído el cuerpo y de las que solo quedarían las telas flexibles. La mirada se adentra entre los pliegues, misteriosamente atrapada por estas arquitecturas curvas. La evolución hacia lo monumental constituye también uno de estos elementos. Tras unos comienzos dedicados principalmente a los pequeños formatos, el artista gana confianza y el descubrimiento del mármol es una revelación que le liberará la mano, empujándolo a pensar cada vez más en grande. Domestica la materia y comienza a crear piezas cada vez más atrevidas. Como los colosos de Memnón, sus inmensas esculturas parecen guardianes de un santuario y recuerdan las columnas de las grandes catedrales, destinadas a sostener la bóveda celeste. Más cerca de nosotros, también nos hacen pensar en las maravillas del Renacimiento, como el David de Miguel Ángel y el Hércules y Caco de Bandinelli. Dentro del mismo espíritu, Atchugarry toma prestado directamente de la historia, como lo demuestra su Victoria de Samotracia esculpida en 1995 o su Obelisco del Tercer Milenio de 2001 [Fig.2], cuyo título no deja lugar a dudas sobre su conexión con los obeliscos de la antigüedad. El ámbito de lo profano ocupa un lugar primordial en el corpus de obras de Pablo Atchugarry, pero aun así no desatiende la escultura religiosa, parte integrante de la tradición artística occidental. Su Piedad (1983) [Fig.3]

1 Julio Maria Sanguinetti, Un’opera con vocazione classica, cat. exp. Palazzo Isimbardi. Milan, Arti Grafiche Meroni, mai 2001, p.16. 2 Julio Maria Sanguinetti, op. cit., p.18.

y su Redemptoris Mater (1987), ambas inspiradas en Miguel Ángel, su Vía Crucis (1993) y los diversos Cristos y Vírgenes se inscriben en una verdadera continuidad, la del maestro florentino, por supuesto, pero también la de todos los artistas patrocinados por Roma y el mecenazgo papal. Si bien tiene en cuenta los elementos característicos de la estatuaria y de sus géneros particulares, es a una síntesis más abstracta de su utilización hacia la que se dirige Atchugarry. Familiarizado con los cánones clásicos que tuvo la oportunidad de estudiar en detalle en Francia, España e Italia, parece hacer suyo el principio según el cual hay que saber construir para deconstruir.

Aunque siga el camino trazado por los viejos maestros, el artista uruguayo conserva una verdadera sensibilidad por las vanguardias. Considerando que sus aspiraciones son muy diferentes de las de Jean Arp, Henri Moore o Constantin Brâncusi, no se puede dejar de mencionarlo en el contexto particular de la escultura del siglo XX, de la que es uno de los dignos descendientes, al igual que Formas únicas de continuidad en el espacio (Forme uniche della continuità nello spazio) de 1913, del futurista Umberto Boccioni, de la que se hace eco. En un plano más contemporáneo, no forma parte de ninguna escuela y lleva a cabo su búsqueda estética a su antojo. Sin embargo, se pueden establecer algunos paralelismos, en particular con Giuseppe Penone, quien considera también que el proceso creativo y el gesto son tan importantes como el objeto acabado. Es por esta razón que hay tantas fotos y documentos de las distintas etapas de la obra escultórica de Atchugarry [Fig.4]. En otro plano, se puede evocar al inglés Tony Cragg, cuyas creaciones también se alzan hacia el cielo. Sin embargo, a diferencia de él, el uruguayo no procede apilando elementos horizontales, sino que pretende deshilar la materia como una cuerda cuyas fibras retorcidas irían hacia el infinito, reforzando la verticalidad de la perspectiva. A semejanza de los cubistas, Atchugarry simplifica las formas y las perfecciona hasta conservar solo lo esencial. El aspecto no figurativo de las obras obliga al espectador a rodearlas y a interrogarse sobre el mensaje estético más que sobre el significado narrativo de la estructura, siendo cada cara de la escultura de igual importancia3. Este fenómeno, puesto de relieve por Giambologna en su Rapto de una Sabina (1579-1583), es llevado aquí a su apogeo: se da prioridad a la infinidad de puntos de vista. Al igual que Arjípenko, Atchugarry se preocupa por la asociación de las materias entre sí con el fin de armonizar el volumen total. Asimismo, concede gran importancia al vacío dejado por el material que quita del conjunto esculpido, material que crea volumen por su ausencia. Las resquebrajaduras de la piedra recuerdan los tajos de las telas de Lucio Fontana. El uso ocasional del color da a algunas de sus creaciones la apariencia de majestuosas carrocerías de automóviles deportivos, que, al coger velocidad, emprenderían una frenética carrera hacia el cielo; una manera elegante de combinar pasado y modernidad.

Además del talento y las cualidades de diseño del artista, hay otro elemento esencial que interviene en el proceso creativo: los materiales. En un momento en que el plástico y las resinas sintéticas ganan terreno gracias a su facilidad de uso, Atchugarry opta por materiales nobles que resistirán la prueba del tiempo. Aunque utiliza la madera, el cemento o el metal de diversas maneras, dependiendo del aspecto final deseado, prefiere el mármol, incluso más que el bronce. En el caso de la piedra, no es solo la mano del artista, sino todo su cuerpo el que interviene directamente, librando una especie de batalla titánica contra el bloque inerte al que se enfrenta; esto requiere una gran precisión, mucho rigor y no permite el arrepentimiento. El artista no tiene la libertad de esculpir la piedra como desee, es la piedra la que guía el gesto. Su función consiste en descubrir la materia y la estructura oculta en ella; el bloque en bruto es como una crisálida de la que Atchugarry se atribuye a sí mismo la misión de extraer una obra durmiente y que libera con un gesto erosivo, la acción de su mano sustituyendo la de los elementos naturales que son el agua, el aire y el viento. Marcas preliminares en la piedra le ayudan a dar una orientación inicial a su gesto. Pero antes de utilizar la amoladora, el martillo y el cincel, es indispensable que logre una visión acabada del conjunto. El bloque guía su mano, ya sea que se esté enfrentando a un mármol de Carrara, un mármol rosa portugués o un mármol Bardiglio gris. La elección de la piedra en las canteras es, por lo tanto, una etapa crucial porque, dependiendo de su color y veteado, el juego de contrastes puede modificar considerablemente el renderizado global.

Las gradaciones de color que jalonan los diferentes estratos del mármol recuerdan la pintura de las arcaicas esculturas griegas: venas teñidas de verde, nervaduras grises, rojas, púrpuras, y esto sin ninguna intervención humana en esta coloración natural. En las esculturas de hierro, el óxido actúa de la misma manera que las venas del mármol. En el caso de la madera, un material vivo, los nudos y las diferencias de tono entre los anillos de crecimiento del árbol tienen un efecto similar. No obstante, con su aspecto blanquecino y sedoso, es el mármol de Carrara su preferido desde 1979. Aquí también, Atchugarry se inscribe en la tradición de los maestros italianos utilizando el mármol, el material más noble para la escultura, considerada como el arte más importante después de la arquitectura. Su uso implica automáticamente una confrontación con sus ilustres predecesores, lo cual inspira inevitables comparaciones.

Un elemento externo interviene en la percepción que se tendrá de la escultura. La luz, que también desempeña un papel central, es un motivo de indagación desde las etapas preliminares de la creación. Por lo tanto, no es una coincidencia que Atchugarry llamara su primera escultura de mármol de Carrara, La Lumière (“La luz”, 1979) [Fig.5], elemento esencial del que era consciente desde sus primeras aproximaciones al arte. Tampoco es sorprendente que haya elegido este noble material. De hecho, la etimología de la palabra “mármaron” se refiere directamente a la luz. La familia léxica de la que proviene nos orienta hacia el juego de la luz. El verbo “marméro” significa “resplandecer, centellear, brillar con mil destellos”, prueba de que los griegos no consideraban el mármol como una piedra inerte, sino como una superficie viva, jugando con los rayos del sol4 . El trabajo sobre la luz se produce primero a través de las aberturas hechas en el material que crean efectos de llenos y de vacíos y permiten, como un prisma, el reflejo de los rayos. Esto también acentúa los contrastes de luces y sombras, modificando los matices de color de los materiales, en una búsqueda similar a la de Jesús Rafael Soto, cuyas construcciones cinéticas alternan vacíos con sólidos. A menudo destinadas a ser instaladas al aire libre, sus esculturas estarán sujetas a la evolución del día y de la noche, a las reflexiones del sol y de la luna sobre la materia. Por lo tanto, el artista debe tratar de crear un ritmo, para que las curvas reflejen los rayos. Por esta razón, limita los ángulos rectos y se asegura de variar las formas asumidas por el material, para que el espectador nunca vea la misma escultura.

La mayor dificultad de la escultura sigue siendo el principio de la transcripción de las ideas a través del trabajo de la madera, el metal o la piedra; dar forma a sus ideas esculpiéndolas en tres dimensiones requiere una gran capacidad de síntesis y una destreza que no está al alcance de todos, es una cuestión de virtuosismo plástico. Sus creaciones se yerguen, altas siluetas abstractas que, a diferencia de las figuras filiformes de Alberto Giacometti, no se mueven, sino que se arraigan firmemente. Las esculturas de Atchugarry evocan a veces plantas petrificadas, que recuerdan los grandes troncos de los secuoyas fosilizados de California y otras veces se convierten en tótems de la modernidad, revelando vuelos de pájaros o eclosiones florales. En perfecta unión con la naturaleza que lo rodea, el artista pasa así de lo mineral a lo vegetal. La verticalidad de sus esculturas, que se elevan hacia el cielo, también teje un vínculo entre dos mundos, el suelo terrestre en el que están sólidamente ancladas y el aire impalpable en el que parecen flotar. Al contemplarlas, nuestra mirada se dirige automáticamente hacia arriba y se pierde incluso más allá de la materia. Las creaciones de Pablo Atchugarry están envueltas en un halo de misterio y no se entregan a primera vista. Hace falta un tiempo de observación para que la escultura se revele a medida que uno se mueve a su alrededor y que la luz viene a golpearla. Entonces uno puede dar rienda suelta a su imaginación e interpretarla como desee. Este fenómeno, favorecido por el aspecto no figurativo de las esculturas, parece intencionado por parte del artista que no pone títulos a la mayoría de sus creaciones, por lo que da la impresión de no querer influir en la percepción de cada uno. Sus obras se vuelven intemporales y por lo tanto forman parte de una continuidad histórica, la de los escultores helenísticos, del genial Miguel Ángel, de Giacometti o de Brancusi.

Philippe Clerc, historiador de arte

4 Adeline Grand-Clément, L’épiderme des statues grecques: quand le narre se fait chair, en “Imagos Re-vues” [En línea], 13 | 2016, puesto en línea el 15 de enero de 2016, consultado el 23 de agosto de 2020. URL: http://journals.openedition.org/imagesrevues/3932

Fig.1 - CAVALLO, 1971. Hormigón, 22 x 30 x 10 cm

Fig.3 - PIETÀ, 1982-’83. Mármol estatuario de Carrara, 174 x 205 x 116 cm Fig.2 - OBELISCO DEL TERZO MILLENNIO, 1999. Mármol estatuario de Carrara, 600 x 120 x 120 cm

More articles from this publication: