5 minute read

La Paroles Des Concerne.e.s : Ziyad

La Paroles Des Concerne.e.s : Ziyad

transformer la colère en réussite

Advertisement

Moi et ma famille avons toujours été engagés dans des associations qui défendent les droits de l’homme et la liberté et voir la Syrie subir des injustices et périr c’était très dur. Daesh contrôlait la ville où on habitait en Syrie, les conditions étaient critiques. J’ai très vite été descolarisé à cause de l’insécurité dans laquelle on vivait, on avait peur de faire quoi que ce soit. En tant que défenseurs de la liberté on avait du mal a accepté ce qui nous arrivait. Jusqu’au moment où certaines personnes, des connaissances venaient nous conseiller de fuir car rester là-bas était une menace pour notre vie.

J’ai quitté la Syrie alors que je n'avais que 14 ans, c’était avec mon père, on est parti en Turquie car on connaissait des personnes là-bas. Nous avions alors vendu nos biens pour pouvoir faire ce voyage. Une personne est venue nous récupérer en voiture jusqu'aux frontières turques. C ’était facile de passer les frontières car elles étaient contrôlés par des soldats de l’armée libre. On est resté 1 an en Turquie. Le silence était étouffant, on s’était habitué au bruit des bombardements en Syrie. La Turquie c’était “le calme après la tornade” le silence suscitait en nous un sentiment étrange, c’était bizarre. Il y avait d’autres syriens là bas et cela nous permettait de retrouver l’ambiance et l’atmosphère de la Syrie. On s’asseyait souvent entre nous et on se rappelait de nos vies avant la guerre. Quitter le pays c’est perdre sa langue, on ne peut plus parler comme avant à cause des barrières linguistiques. C ’est vivre comme des arbres, ce que me répétait mon père. La difficulté c’est de pouvoir tout recommencer à zéro et vivre normalement après tout ce qu’on a vécu, c’est pratiquement impossible.

Quitter le pays c’est perdre sa langue, on ne peut plus parler comme avant à cause des barrières linguistiques

Un an plus tard, on a quitté la Turquie pour arriver en France. Nous avons été accueilli dans un centre le temps d’avoir un droit de résidence. On a fait connaissance avec d’autres personnes, on s’est fait des amis puis 3 mois après on a eu le droit de résider et on a été déplacé au Pas-de-Calais. Le changement entre la Turquie et la France était brutal. On vivait dans un beau logement en Turquie puis arrivé en France on a habité dans un logement très étroit à 4 et c’était marquant. Puis à mes 16 ans on est parti pour Lyon et c’est là que tout a commencé. J’ai senti que j’étais intégré à la société, j’ai pu entrer dans un lycée et étudier, c’est là que j’ai commencé à avoir une vie. Mes parents aussi ont fait une formation pour apprendre le Français. C ’est ici que l’on a commencé à avoir une vie parallèle à celle qu’on avait avant.

Pour moi, lorsqu’on m’offre l’opportunité de m’intégrer je me dois de le faire et je ne vous cache pas que ce n’était pas chose facile. J’ai rencontré des moments difficiles, des personnes racistes et de la discrimination. Au lycée, j’ai eu affaire à deux professeurs racistes. L’une ne m’appelait pas par mon prénom mais elle disait “le syrien” et je sentais que c’était un dénigrement, une façon de me ridiculiser. Une autre fois, un professeur nous avait demandé de décrire une oeuvre dans laquelle il y avait des armes alors j’ai parlé de la guerre et la professeur n’a pas respecté ma vision des choses et m’a dit “c’est parce que tu viens de Syrie que tu ne parles que de violence”. Je me sentais tellement offensé, c’était d’une méchanceté insoutenable. Je suis sorti du cours et j’ai fondu en larmes puis je suis revenu et j’ai décidé de continuer le cours. Suite à ces deux événements j’ai décidé de porter plainte à la proviseur. Et elles se sont faites exclure. Dès lors, je me sentais défendu et pour la première fois j’ai senti que mes droits n'étaient pas bafoués. Je voulais continuer à m’intégrer et réussir pour faire passer un message et laisser une trace derrière moi. On labellise les personnes avec le mot réfugié, on entend ça comme une faiblesse mais en réalité ce n’est pas une faiblesse mais une force. Les difficultés que l’on a rencontré nous donne la force de ne pas lâcher et tout donner pour réussir.

pour la première fois j’ai senti que mes droits n'étaient pas bafoués

Le souvenir qui a changé ma vision de la vie, c'était en Syrie. Un jour je suis sorti pour rejoindre des amis et m’asseoir avec eux. Ce jour-là, les bombardements étaient massifs et sans arrêt. Mon père m’avait dit de ne pas sortir mais comme j’étais jeune, je prenais les choses à la légère. Alors assis avec mes amis on avait 13/14 ans et là une bombe tombe à 10 mètres de nous. Mes quatres amis sont morts devant mes yeux et moi j’étais blessé au genou. Je les ai portés pour les mettre dans une voiture pour les emmener au plus vite aux urgences. C ’était stupéfiant et j’étais sous le choc. Pendant 3 à 4 jours je ne dormais plus et ne mangeais plus. Et puis, j’ai vu le grand frère de l’un de mes amis décédé qui a dit “c’est la vie, on doit passer à autre chose”. Là j’ai compris qu’il fallait que j’avance, que je continue malgré mon moral à zéro, malgré mon mental détruit. J’ai accepté de voir les gens que j’aime mourir devant mes yeux. Le mal il faut l’enfouir ou le tuer au plus profond de soi-même. C ’était un grand déclin, d’un pauvre gamin de 13/14 ans je suis passé à un homme agé de 70 ans avec toute sa maturité et son vécu.

Ma colère je l'ai transformée en volonté de réussir, j’ai toujours eu à l’esprit cette philosophie. Il faut avoir toujours de l’espoir, mon père me dit sans cesse que nous avons la maladie de l’espoir. Cet espoir débouche soit sur de la réussite ou des chutes et c’est tout l’enjeu de la vie, soit on fait le challenge ou on reste sur les entraves du passé. Je ne peux pas retourner tout de suite en Syrie car je n’ai pas encore la force mentale de voir les ruines et les places vides des gens qui sont morts. Mais j’espère y retourner un jour sans menace et ne plus retrouver le chaos.

mon père me dit sans cesse que nous avons la maladie de l’espoir

Aujourd’hui, je suis étudiant en langue arabe et je travaille dans un food truck avec ma famille. On a su reconstruire une vie, faire notre projet et subvenir à nos propres besoins par nos gains et c’est une grande réussite. J’ambitionne de devenir traducteur puis travailler dans le domaine de la musique en devenant producteur de musique.

Retrouver des nouveaux témoignages chaque semaine sur nos réseaux sociaux.

Pour Une Planète Sans Frontières