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2.1 Résolution concernant la situation en Libye
Gouvernement
Date d’adoption en séance plénière
Leterme II (affaires courantes)
21 mars 2011
Procédure parlementaire Article 76
Rapporteur Bert Maertens (NVA)
Commissions Défense nationale et Relations extérieures
Cette résolution a véritablement marqué un tournant en matière d’implication parlementaire26 de notre pays étant donné le régime d’affaires courantes et la longue crise politique qui prévalaient alors dans le cadre de la formation d’un gouvernement.
Celle-ci a été adoptée sous le régime des affaires courantes en vertu de l’article 76 du Règlement de la Chambre.
Cet article – inscrit dans le Règlement en 2003 et surnommé procédure « missile »27 dans le jargon parlementaire – prévoit que la Conférence des présidents28 qui organise les travaux de la Chambre peut charger une commission de débattre d’un problème relevant de sa compétence et de faire rapport via un ou plusieurs députés en séance plénière. La proposition de résolution pouvant être adoptée par la commission en conclusion de ses travaux est ensuite soumise à la séance plénière et peut être amendée.
Pour autant qu’un consensus puisse être atteint au sein de la Conférence, cette procédure a l’avantage de raccourcir grandement les délais parlementaires : la proposition de résolution ainsi adoptée par une commission ne doit pas recevoir d’autorisation d’impression et de distribution et ne doit pas être prise en considération. En séance plénière, un seul orateur par Groupe peut intervenir et le temps de parole est fixé par la Conférence des présidents.
Cette procédure a ainsi permis un vote en séance plénière le 21 mars 2011 alors que la Conférence des présidents avait activé cet article le 18 mars.
La résolution29 issue du rapport de Bert Maertens (NVA)30 a ainsi été adoptée en séance plénière par 125 voix et 1 abstention sur les 126 députés présents. Aucun vote contre n’a donc été exprimé.
Celle-ci est caractérisée par sa brièveté avec 4 considérants et 4 positions de la Chambre se basant sur la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée le 17 mars 201131 et qui visait à interdire tous les vols dans l’espace aérien de la Libye afin d’aider à protéger les civils des exactions du régime Kadhafi. Cela s’est traduit par la mise en place d’une coalition internationale avec un cadre onusien clair expliquant sans doute le soutien quasi unanime de la séance plénière.
26 E. Vadenbossche, op. cit., pp. 212-213
27 M. Van der Huslt et K. Muylle, op. cit, pp. 481
28 BAT_prem_appr_regl_2019.pdf (lachambre.be), pp. 8
29 ip024.pdf (lachambre.be) pp. 44
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31 Résolution 1973 (2011) du Conseil de Sécurité des Nations unies, Ftpu (un.org)
Sa 4ème position indique ainsi que la Chambre « exprime par conséquent son soutien à une participation du gouvernement belge à une action en conformité avec le mandat du Conseil de sécurité et demande au gouvernement fédéral de garantir en permanence l’implication du Parlement, et de reprendre la concertation si de nouvelles circonstances venaient à modifier la nature de l’engagement de la Belgique. ».
Cette formulation, qui prend la forme d’une position de la Chambre, est fort différente de la forme classique d’une résolution qui reprend généralement des demandes au gouvernement, celui-ci étant en l’occurrence en affaires courantes.
Cette formulation tient donc compte d’un mandat/cadre issu de la communauté internationale mais demande également de garantir l’implication de la Chambre – et non uniquement son information vis-à-vis de cette opération et de ses évolutions potentielles.
2.2 Résolution concernant la situation au Mali
Gouvernement Di Rupo
Date d’adoption en séance plénière
17 janvier 2013
Procédure parlementaire Article 76
Rapporteurs Christophe Lacroix (PS) et Peter Luyckx (NVA)
Défense nationale et Relations extérieures
Cette résolution se situe clairement dans la lignée de la précédente mais avec une différence de contexte politiquement majeure : elle a été adoptée sous le gouvernement Di Rupo de plein exercice.
Ici aussi, la procédure choisie fut celle de l’article 76 avec une résolution32 et cette fois deux rapporteurs, l’un francophone de la majorité, Christophe Lacroix (PS), et l’autre néerlandophone de l’opposition, Peter Luyckx (NVA).
Cette procédure a permis un vote en séance plénière le 17 janvier 2013 alors que la Conférence des présidents avait activé cet article le 16 janvier 2013, les commissions s’étant réunies le même jour.
L’adoption33 du texte34 en séance plénière s’est faite par 98 voix pour, 1 voix contre et 22 abstentions sur les 121 députés présents.
La forme est plus classique pour une résolution avec 14 considérants et 2 demandes au gouvernement. Ici aussi, la résolution se base sur un mandat onusien via les résolutions 2056 (2012), 2071 (2012) et 2085 (2012)35 du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette dernière ayant été adoptée le 20 décembre 2012.
Le considérant K faisant référence à la demande formulée à notre pays par les autorités françaises de participer à l’appui à l’armée malienne, la Chambre, dans son considérant M, « exprime par
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33 ip125.pdf (lachambre.be) pp. 99
34 https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/53/2605/53K2605004.pdf
35 https://daccess-ods.un.org/tmp/1101035.4757309.html conséquent son soutien à la décision du 15 janvier 2013 du Comité ministériel restreint de participer à une action en conformité avec le mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies et demande au gouvernement fédéral de garantir l’information du Parlement, notamment via une réunion régulière de la Commission spéciale chargée du suivi des missions à l’étranger durant la durée des opérations, et d’informer et d’associer sans délai le Parlement si de nouvelles circonstances venaient à modifier la nature et la durée de l’engagement de la Belgique ; ».
La Chambre soutien donc la décision prise par le Kern intervenue le 15 janvier 2013, soit 2 jours plus tôt.
On remarquera ici l’usage, concernant le rapport entre le gouvernement et la Chambre, du verbe « informer » plutôt qu’« impliquer » comme précédemment. Les demandes au gouvernement sont : « de collaborer activement à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et aux efforts européens ; » et « d’envisager également un volet humanitaire au profit des populations locales et déplacées, victimes du conflit malien ; ».
Cette résolution plus longue se veut donc aussi plus « globale36 » que la précédente dans son message au gouvernement.
2.3 Résolution sur la situation en Irak et la participation de la Belgique à la coalition internationale contre l’EI
Gouvernement Di Rupo (affaires courantes)
Date d’adoption en séance plénière 26 septembre 2014
Procédure parlementaire
Article 76
Rapporteurs Gwenaëlle Grovonius (PS) et Peter Buysrogge (NVA)
Commissions Défense nationale et Relations extérieures
Alors que le gouvernement était en affaires courantes, le 23 septembre 2014, la Belgique reçu formellement, via l’Ambassadrice américaine Denise Campbell Bauer, la demande des Etats-Unis d’une participation belge à la coalition internationale contre Daech.
A nouveau, cette résolution a été adoptée dans le cadre de l’article 76 du Règlement.
La Conférence des présidents a chargé, le 24 septembre 2014, les commissions réunies des Relations extérieures et de la Défense nationale d’organiser un échange de vues sur la situation en Irak et la participation éventuelle de la Belgique à la coalition internationale. A l’issue de ce débat, une résolution a été adoptée ici aussi via deux rapporteurs, l’une francophone, Gwenaëlle Grovonius (PS), et l’autre néerlandophone, Peter Buysrogge (NVA).
36 Cette approche globale était notamment définie par le projet de loi relatif à la politique belge de développement (Doc 54 3423)
– non adopté suite à la chute du gouvernent Michel I – comme étant « la méthode qui vise à maximaliser l’efficacité de toutes les interventions belges dans un pays déterminé ou concernant un thème déterminé, en introduisant plus de cohérence dans l’organisation de la politique belge en matière, entre autres, de défense, de diplomatie, de développement international, de police, de justice et de migration, ainsi qu’en assurant que les différents efforts se renforcent mutuellement et se complètent dans le cadre d’une approche intégrée ».
Le texte37 a été adopté38 en séance plénière le 26 septembre 2014 par 114 voix, contre 2 et 10 abstentions sur les 126 députés présents.
La résolution se compose de 9 considérants, de 6 demandes au gouvernement et d’une position (point 2) : « exprime par conséquent son soutien à l’engagement de F-16 en Irak avec l’appui au sol nécessaire et demande au gouvernement d’assurer au maximum la sécurité du personnel militaire belge engagé ; ».
Le cadre international est constitué ici avant tout par l’article 51 du Chapitre VII de la Charte des Nations unies39 via une demande des autorités irakiennes à la communauté internationale pour lutter contre le groupe terroriste Daech.
On retrouve ici des formulations plus proches de la première résolution relative au Mali : la demande 1ère « demande au gouvernement de participer activement pour une durée d’un mois à la lutte internationale contre l’EI en Irak dans le respect de l’article 51 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies » et la demande 3 « demande au gouvernement de continuer à garantir l’implication de la Chambre et de se concerter à nouveau si des circonstances nouvelles modifiaient la durée, la nature ou le territoire de l’engagement belge ».
Même si non contraignante, la résolution cadre fortement l’action du gouvernement en termes de délai – un mois – et en termes géographiques. On retrouve la volonté de la Chambre d’être « impliquée » si la durée, la nature ou le territoire de la participation militaire belge venait à changer.
Enfin, il est à souligner que cette résolution a également une approche globale d’un point de vue international mais aussi national puisque celle-ci demande en outre (demande 4) au gouvernement d’anticiper une possible augmentation du niveau de menace terroriste en Belgique suite à cette opération.
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38 ip005.pdf (lachambre.be) pp. 58
39 « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »
2.4 Résolution relative à l’engagement de la Défense belge contre l’Etat islamique (EI ou DAECH) en Irak et en Syrie
Gouvernement Michel I
Date d’adoption en séance plénière 30 juin 2016
Procédure parlementaire
Résolution
Auteurs Karolien Grosemans (NVA), Peter Buysrogge (NVA), Dirk Van Mechelen (Open VLD), Veli Yüksel (CD&V), Peter De Roover (NVA), Tim Vandenput (Open VLD), Rita Bellens (NVA), Peter Luykx (NVA), Damien Thiéry (MR), Denis Ducarme (MR)
Commissions
Défense nationale et Relations extérieures
Pour la première fois, la Chambre a adopté une résolution a priori d’une mission militaire belge par la voie d’une résolution plus traditionnelle sans recourir à la procédure dite missile.
Celle-ci a été introduite40 par la majorité dite de la Suédoise le 8 juin 2016 pour être prise en considération en séance plénière le lendemain.
Elle sera discutée en commissions réunies de la Défense nationale et des Relations extérieures les 15 et 22 juin 2016 et sera adoptée en séance plénière le 30 juin 2016.
Cet agenda des travaux parlementaires illustre la raison pour laquelle, précédemment, l’article 76 du Règlement avait été privilégiée puisque les délais furent ici plus long.
Celle-ci41 fut adoptée42 en séance plénière par 88 voix pour, 18 abstentions et 21 contre sur les 127 députés présents. Il est notable que le soutien fut moindre que lors des précédents votes de résolutions similaires.
La portée de ce texte fut particulièrement sensible politiquement puisque celui-ci visait à étendre l’intervention des F-16 belges à la Syrie en se basant toujours sur l’article 51 de la Charte des Nations unies mais également sur la résolution 2249 (2015)43 adoptée par le Conseil de sécurité le 20 novembre 2015 concernant les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme. En commission, d’importants débats ont d’ailleurs eu lieu sur la base juridique en droit international de ce périmètre d’action étendu à la Syrie44 . L’absence d’un cadre onusien aussi clair que pour l’opération en Libye peut sans doute expliquer ces votes plus contrastés.
Cette extension était demandée par les Etats-Unis (considérant O) et se situait dans le contexte de la rotation prévue des avions de chasse belges avec ceux des Pays-Bas prévue le 1er juillet 2016 (considérant N). Symboliquement, la Chambre aura donc adopté son texte la veille du début de cette mission.
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42 ip118.pdf (lachambre.be) pp. 136
43 FTPU - Office 2010 (un.org)
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Il est à noter que notamment un important amendement de l’opposition fut adopté45 en commission concernant le cadre géographique de cette mission. L’amendement n°146 porté par Stéphane Crusnière (PS) et consorts visait ainsi à remplacer les mots « contre Daech en Irak et en Syrie » par les mots « contre Daech en Irak et en Syrie où Daech est actif ».
Le texte47 tel qu’adopté en séance plénière se composera donc in fine de 16 considérants et de 6 demandes au gouvernement dont celle « de prendre activement part aux opérations militaires de la coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie, dans les régions où Daech est actif, ainsi qu’il a été décidé le 13 mai 2016, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations Unies et en appui de la résolution 2249 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies ; ».
Cette résolution tient également à rappeler les termes de la Constitution pour expliquer la temporalité entre la décision prise par le gouvernement et le travail parlementaire (considérant P) : « considérant que les décisions en matière de participation à des opérations à l’étranger se prennent conformément à l’article 167, § 1er, de la Constitution, et que le gouvernement a expliqué, le 18 mai 2016, lors d’une réunion conjointe des commissions des Relations extérieures et de la Défense nationale, sa décision du 13 mai 2016 de revoir l’engagement de notre pays en Irak et en Syrie ; ».
Ici aussi, cette résolution aborde une approche globale et demande, dans son sixième point, de garantir l’implication de la Chambre : « de continuer à garantir l’implication de la Chambre et de se concerter à nouveau si des circonstances nouvelles devaient modifier la durée et la nature de l’engagement belge ainsi que l’étendue du territoire auquel se rapporte cet engagement. ».
2.5 Résolution concernant l’engagement opérationnel dans le cadre de l’Opération Inherent Resolve (OIR)
Gouvernement Wilmès II (gouvernement minoritaire)
Date d’adoption en séance plénière
Procédure parlementaire
25 juin 2020
Résolution
Auteurs Kattrin Jadin (MR), Christophe Bombled (MR), Hendrik Bogaert (CD&V), Georges Dallemagne (cdH), Bram Delvaux (Open VLD), François De Smet (Défi), Peter Buysrogge (NVA)
Commission
Défense nationale
Une nouvelle fois, c’est sur base d’une résolution que cet engagement a été validé a priori par la Chambre. La particularité est liée, une nouvelle fois, à la situation politique en vigueur avec un gouvernement minoritaire issu du gouvernement Michel tombé sur le « Pacte de Marrakech » (Pacte mondial sur les migrations) à la suite du retrait de la NVA de la coalition gouvernementale quelques mois avant les élections fédérales du 26 mai 2019.
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Pour être exact, deux résolutions furent déposées : une première issue de la NVA, du MR et de l’Open VLD (Doc 55 1289) et une deuxième issue du MR qui fut ensuite cosignée par le CD&V, le cdH, l’Open VLD, Défi et la NVA. C’est sur base de ce deuxième texte, déposé et pris en considération le 28 mai 2020 en lui attribuant l’urgence48, que la Chambre a entamé ses travaux en commission de la Défense nationale.
La complexité de cette procédure parlementaire est étroitement liée à la situation politique et les négociations en vue de former un gouvernement qui étaient en cours.
Il est intéressant de noter que l’option prise fut de traiter cette résolution uniquement au sein de la commission de la Défense nationale. Il faut sans doute y voir une raison pragmatique : en vertu de l’article 2549 du Règlement de la Chambre, une commission permanente ne peut se réunir que si le quorum est atteint, c’est-à-dire que la présence de la majorité des membres est requise en permanence pour examiner et surtout voter les projets de loi ou les propositions. Si deux commissions se réunissent lors d’une commission mixte à l’instar de ce qui prévalait pour les précédents textes analysés, un double quorum est donc exigé, ce qui peut évidemment ralentir les travaux parlementaires.
La commission de la Défense nationale s’est réunie les 4 et 9 juin 2020 pour voter le texte50 qui sera adopté51 en séance plénière le 25 juin 2020 par 84 voix pour, 57 contre et 1 abstention.
Cette résolution est particulièrement étoffée en comparaison aux précédentes avec 18 considérants et pas moins de 19 demandes au gouvernement.
A l’issue de débats tendus en commission, le Ministre des Affaires étrangères et de la Défense, Philippe Goffin (MR), constatera concernant la légitimité internationale de cette opération « […] que la demande d’assistance de l’Irak fait l’unanimité. En ce qui concerne une éventuelle intervention audessus du territoire syrien, le gouvernement belge estime que, dans les circonstances actuelles, la légitime défense collective justifie bien une action contre un pays tiers. »52 dans la lignée des justifications de la précédente résolution de 2016.
Ce texte se situe globalement dans la lignée de la précédente notamment en termes de cadre international (considérants B et O et demande 2) puisqu’il s’agissait d’une prolongation de cette opération. La demande 1ère est ainsi formulée « dans le cadre de la lutte contre Daech, de poursuivre son engagement opérationnel dans le cadre d’OIR au-dessus de l’Irak et du nord-est de la Syrie, où Daech est actif, avec un déploiement à partir de début octobre 2020, pour une période d’un an (du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021) ; ».
Au-delà de plusieurs éléments faisant référence à une approche globale, l’importance de l’implication voulue par la Chambre est particulièrement marquée :
- Considérant L : « vu la volonté du gouvernement d’assurer vis-à-vis de la Chambre des représentants une réelle transparence sur l’engagement militaire belge contre Daesh, conformément à l’article 167, § 1er, de la Constitution ; »
- Demande 4 : « de faire preuve d’une transparence militaire maximale vis-à-vis de la Chambre des représentants en ce qui concerne la prévention, le suivi et le rapportage des victimes civiles éventuelles suite à notre engagement militaire et en particulier de renforcer le contrôle parlementaire sur les actions du Red CardHolder national ; »
48 L’art. 51 du Règlement de la Chambre des représentants prévoit que la Chambre, en séance plénière, statue par assis et levé sur toute proposition d’urgence. Cela permet notamment de suspendre l’application des dispositions prescrivant les priorités et les délais.
49 L’art. 25.2 du Règlement de la Chambre des représentants indique : « Dans toute commission, la présence de la majorité des membres est requise en permanence pour examiner les projets de loi ou les propositions. 26 Au cours de l’examen, chaque membre peut à tout moment demander la suspension si le quorum n’est pas atteint, faute de quoi la réunion peut être pours uivie même si le quorum n’est pas atteint ». Cela revient donc à avoir en permanence 9 membres sur les 17 que compte une commission permanente.
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- Demande 6 : « à se concerter activement avec le gouvernement néerlandais pour prendre connaissance de tous les enseignements du drame d’Hawija et pour comprendre ces enseignements et à exposer ensuite à la Chambre des représentants de quelle façon ceux-ci seront exploités durant l’engagement militaire belge de façon à éviter autant que possible les victimes civiles ; »
- Demande 8 : « à fournir à la Chambre préalablement à l’adoption de la décision politique d’engagement une analyse des risques et un avis concluant de l’OCAM concernant l’impact de l’engagement de militaires belges dans la région sur la sécurité intérieure, à tenir compte de ceux-ci et à suivre de près l’évolution de la situation à cet égard ; »
- Demande 19 : « de charger la Défense à venir régulièrement présenter un rapport à la Chambre des représentants, plus particulièrement à la commission spéciale de la Chambre chargée du suivi des missions à l’étranger sur le déroulement de l’engagement de la Défense dans le cadre de l’OIR, et sous condition d’une demande de la Chambre des représentants de venir présenter un rapport à la commission de la Défense nationale et de se concerter à nouveau si des circonstances nouvelles devaient modifier la durée et la nature de l’engagement belge ainsi que l’étendue du territoire auquel se rapporte cet engagement. »
2.6 Résolution condamnant l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie
Gouvernement ` De Croo
Date d’adoption en séance plénière 17 mars 2022
Procédure parlementaire
Article 76
Rapporteurs Malik Ben Achour (PS) et Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen)
Commissions
Défense nationale et Relations extérieures
Cette dernière résolution n’est évidemment pas à confondre avec les précédentes. Les précédents textes que nous avons analysés portaient sur des missions militaires sur des territoires de pays tiers en dehors des frontières de l’UE et de l’OTAN.
Cependant, l’invasion de l'Ukraine par la Russie depuis le 24 février 2022 sur ordre du Président russe Vladimir Poutine constitue évidemment un évènement géopolitique et militaire majeur pour le continent européen depuis la fin de la Seconde guerre mondiale
Comme le souligne la Ministre de la Défense dans le Plan Star, cette invasion militaire a « engendré un changement évident de paradigme de la sécurité »53 et a conduit l’OTAN à renforcer son aide militaire bilatérale54 à l’Ukraine mais aussi ses positions militaires internes le long de la frontière de l’Ukraine et de la Fédération de Russie.
L'OTAN a ainsi adopté rapidement une série de mesures dans les domaines terrestre, aérien et maritime, visant à accroître ses activités de vigilance ainsi que sa réactivité. Dans ce cadre-ci, les
53 Plan STAR, op. cit., pp. 3
54 Voir notamment : NATO - Topic: Relations avec l'Ukraine différents déploiements belges dans le cadre de l’OTAN sont dans une posture purement défensive au sein des frontières de l’OTAN55
Suite à cette invasion, la Chambre a adopté une proposition de résolution en renouant avec la procédure de l’article 76 de son Règlement. Plusieurs résolutions avaient été déposées par EcoloGroen56, par le PS57, Vooruit et le CD&V, par le PTB58 et avaient reçu l’urgence de la séance plénière.
La résolution59 issue infinedu rapport de Malik Ben Achour (PS) et de Wouter De Vriendt (Ecolo-Groen) tous deux membres de la majorité et respectivement francophone et néerlandophone – a été débattue en commission de la Défense nationale et des Relations extérieures les 16 et 17 mars 2022 pour être adoptée60 en séance plénière le même jour par 105 voix pour, 10 abstentions et aucune voix contre sur les 115 députés présents. La durée des débats parlementaires a donc été particulièrement longue en comparaison aux précédents analysés.
Ce texte est plus fouillé en voulant se pencher sur de très nombreux aspects de ce conflit dans une approche globale mais en couvrant aussi plusieurs aspects nationaux ou européens plus politiques (Europe de la Défense, budget, énergie, sanctions, etc.). Il se compose de 36 considérants, 6 condamnations, 4 expressions, 3 appels et 24 demandes au gouvernement.
Ce texte a, de par nature, une portée beaucoup plus politique en vue notamment d’une part de condamner « avec la plus grande fermeté l’agression militaire non provoquée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, sa souveraineté, son indépendance, son intégrité territoriale et ses habitants ; » mais aussi d’exprimer « son soutien à l’action du gouvernement fédéral, qui démontre sa solidarité envers l’Ukraine ; » en lui demandant « de continuer à soutenir l’Ukraine et ses citoyens face à l’agression de la Fédération de Russie et reconnaître officiellement l’état d’agression de l’Ukraine au sens de l’article 3 de la Résolution 3314 de l’Assemblée générale des Nations Unies et d’apporter son soutien à toute résolution portée à l’attention de l’Assemblée générale des Nations Unies visant à condamner la Russie pour les attaques perpétrées et la reconnaissance unilatérale par celle-ci des régions de Donetsk et de Lougansk ; ».
Ici aussi la Chambre demande au gouvernement « de continuer à informer régulièrement et à impliquer la Chambre des représentants sur le déploiement et l’engagement militaire belge et sur les développements en Ukraine ; ».
Le cadre militaire du texte est donc beaucoup plus large et surtout diffus ce qui peut sans doute s’expliquer par la nature même de cette agression militaire russe qui s’est illustrée par l’absence de vote contre en séance plénière contrairement à plusieurs des résolutions étudiées précédemment
3 Conclusion
Nous l’avons vu, même sans modification constitutionnelle, la Chambre tient de plus en plus à exercer sa capacité de contrôle de l’exécutif a priori des opérations militaires belges auxquelles la Belgique est partie prenante.
Les textes semblent à chaque fois tenir compte des évolutions intervenues au fur et à mesure en les amplifiants et en devenant plus complet et plus long mais aussi plus complexe vis-à-vis de ses demandes au gouvernement.
55 Voir notamment le compte-rendu intégral du débat d’actualité relatif au sommet de l’OTAN à Madrid en commission de la Défense nationale du 6 juillet 2022 et les réponses de la Ministre de la Défense SÉANCE PLÉNIÈRE (lachambre.be) pp. 1-8
56 Voorstel (lachambre.be)
57 Voorstel (lachambre.be)
58 Voorstel (lachambre.be)
59 Voorstel (lachambre.be)
60 SÉANCE PLÉNIÈRE (lachambre.be) pp. 65
Cette forme de « coutume parlementaire » qui tend à s’installer depuis plus de dix ans reste néanmoins largement tributaire du bon vouloir et de l’agenda du gouvernement et de sa majorité en place ou non, de la situation politique qui prévaut et de la nature souvent très différente de l’opération concernée.
Les 6 résolutions adoptées que nous avons analysées prennent des formes parfois variées mais nous pouvons constater qu’il y a une véritable lame de fond qui s’exprime pour organiser un large débat démocratique et public sur les opérations militaires au sein de la Chambre. Et ce, que ce soit lors des affaires courantes mais aussi avec un gouvernement de plein exercice.
Cette analyse montre aussi, de manière globale, que les travaux parlementaires mené dans cette tendance permettent d’approfondir une décision prise au sein du gouvernement notamment par rapport au cadre international, géographique et à la durée d’une opération ainsi qu’aux caveats61 sur les plans humains, opérationnels et matériels.
Ces débats parlementaires – et les résolutions qui en émanent – s’ils constituent un cadre politique non contraignant pour le gouvernement trace une ligne politique donnant plus de légitimité à la décision gouvernementale. Un cadre quant à la nature, la durée ou la localisation de l’opération qui a à plusieurs reprises été modifié ou précisé par la Chambre.
Cela l’oblige certes à confronter sa décision parfois très sensible avec le Parlement mais lui permet aussi, pour autant que les conditions fixées aient été respectées, de se « couvrir » dans la conduite d’une opération militaire et de ses évolutions globales notamment sur les plans diplomatique et humanitaire, sur le plan international mais aussi sécuritaire sur le plan national.
L’analyse des votes en terme quantitatif, nous a ainsi montré que certaines opérations relèvent d’un soutien bien plus important que d’autres par les élus de la nation. Dans notre analyse des votes en séance plénière, la nature du mandat de l’ONU ou du cadre en droit international justifiant une opération est ainsi semble-t-il apparu comme un critère essentiel dans le positionnement des députés et de leurs groupes.
Force est également de constater que l’on ne peut se cantonner à analyser ces textes parlementaires pour comprendre l’ensemble du contrôle exercé par les députés fédéraux sur l’action du gouvernement. Celui-ci se compose également de nombreuses questions tant en séance publique qu’à huis-clos en fonction de la nature des opérations des informations demandées au gouvernement ou fournies par celui-ci. Via ce travail parlementaire, il revient aussi aux députés fédéraux de s’assurer que les termes de leurs résolutions sont respectés par le gouvernement. On pourrait l’interpréter comme un accord politique tacite sur le principe du « donnant donnant » entre le gouvernement et le Parlement.
Certes plusieurs aspects de ce travail peuvent encore être améliorés même sans modification de la Constitution notamment pour mieux organiser le travail parlementaire souvent à cheval entre les commissions de la Défense nationale et des Relations extérieures notamment via les Plans des opérations mais aussi des commissions spéciales se réunissant à huis-clos.
Signalons par exemple, qu’à l’heure actuelle, la commission spéciale de Suivi des missions à l’étranger n’est pas reprise explicitement dans le Règlement de la Chambre des représentants contrairement, par exemple, à la commission spéciale des achats et ventes militaires, prévue à son article 151. Cette absence62 peut probablement s’expliquer par la sixième réforme de l’État qui a totalement transféré cette commission spéciale à la Chambre alors qu’elle était précédemment organisée au Sénat et composée, alors, de sénateurs et de députés.
Cependant, malgré ces améliorations potentielles du travail a posteriori et les débats sur une éventuelle modification de l’article 167 de la Constitution pour renforcer le contrôle a priori, l’analyse de ces résolutions nous a démontré que la Chambre peut faire preuve du « pragmatisme » en termes
61 Réserve exprimée par une nation participante à une opération militaire organisée conjointement avec une ou plusieurs autres et empêchant celle-ci d’effectuer certaines actions.
62 Une proposition de modification du Règlement en vue d’instituer formellement une commission de Suivi des missions militaires a cependant été déposée par André Flahaut et consorts (Doc 55 2457).