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1. Introduction
La réduction du temps de travail (RTT) au profit d’autres temps sociaux (loisirs, famille, amis, culture, engagement citoyen, etc.) est une revendication historique des travailleurs et de leurs représentants, qu’ils appartiennent aux organisations syndicales ou aux partis politiques.
Elle a été et reste encore aujourd’hui un enjeu essentiel pour le mouvement des travailleurs. Ainsi, les statuts de la Première Internationale1 de 1866 prévoyaient : « Nous déclarons que la limitation de la journée de travail est la condition préalable sans laquelle tous les efforts en vue de l’émancipation doivent échouer. (…) Nous proposons huit heures pour limite légale de la journée de travail. » La Deuxième Internationale, elle, popularisa largement le mot d’ordre des « trois huit » : huit heures de travail, huit heures de loisirs et huit heures de repos. Dans Le droit à la paresse, Paul Lafargue2, cofondateur du Parti ouvrier français (POF) et gendre de Karl Marx, dénonçait le fait que les prolétaires étaient cloués au travail pendant de trop longues heures, aggravant ainsi leur propre misère physique et morale, en même temps qu’ils accroissaient la richesse de la bourgeoisie. Montrant qu’en Grande-Bretagne, la réduction de deux heures de la journée de travail n’avait pas empêché la production d’augmenter de près d’un tiers en dix ans, entre autres grâce à la mécanisation et aux nouvelles énergies, il imaginait possible dans la France de l’époque, de limiter à trois heures la journée de travail. De son côté, Jules Guesde, autre fondateur du POF, proclamait dans les nombreuses réunions ouvrières qu’il animait partout en France : « Travaillons moins, vivons enfin, cultivons-nous ! Arrachons nos huit heures ! »
La réduction collective du temps de travail (RCTT) est aussi une revendication portée par de nombreux économistes.
Ainsi, en 1930 déjà, John Maynard Keynes écrivait dans Essais de persuasion, Perspectives économiques pour nos petits-enfants3 que, dans cent ans, vu « la quantité de travail qu’il sera encore nécessaire de faire, nous nous arrangerons pour que le plus grand nombre d’entre nous en ait sa part. (…) Trois heures de travail par jour ou une semaine de quinze heures peuvent ajourner le problème pendant un bon moment. » Il ne voyait là qu’une période transitoire vers un monde sans travail.
Plus récemment, on peut citer Jean Gadrey4 ou encore les économistes signataires du manifeste Pourquoi il faut réduire le temps de travail5.
Albert Einstein expliquait, en 1933 déjà, que la mauvaise utilisation des gains de productivité provoqués par les organisations du travail inventées par Ford et Taylor dans les années 1910-1920 était la cause fondamentale de la crise de 1929 : « Cette crise est singulièrement différente des crises précédentes. Parce qu’elle dépend de circonstances radicalement nouvelles conditionnées par le fulgurant progrès des méthodes de production. Pour la production de la totalité des biens de consommation nécessaires à la vie, seule une fraction de la maind’œuvre disponible devient indispensable. Or, dans ce type d’économie libérale, cette évidence détermine forcément un chômage (…). Ce même progrès technique qui pourrait libérer les hommes d’une grande partie du travail nécessaire à leur vie est le responsable de la catastrophe actuelle. » Il en tirait la conclusion qu’une baisse de la durée légale du travail s’imposait.
Certaines entreprises ont déjà sauté le pas dans les années 30, suite à la crise de 1929. Dans son livre La fin du travail6, Jeremy Rifkin présente ces entreprises qui ont décidé de réduire le temps de travail hebdomadaire à 30 heures. Ainsi, l’entreprise de céréales Kellogg’s est passée en 1930 de trois postes de 8 heures à quatre postes de 6 heures en augmentant les salaires horaires pour compenser la perte de 2 heures de travail. Cinq ans plus tard, l’entreprise a publié une étude indiquant que les coûts généraux avaient chuté de 25%, le coût unitaire du travail de 10%, les accidents de 41% alors que les effectifs avaient augmenté de 39%7
1 L’Association internationale des travailleurs (appelée plus tard « Première Internationale ») a été fondée le 28 septembre 1864 au Saint-Martin’s Hall de Londres à l’initiative des ouvriers britanniques des Trade Unions. Cette association unit des représentants du mouvement ouvrier de divers pays (principalement des socialistes français, allemands, polonais, anglais et belges).
2 LAFARGE P., Le droit à la paresse : Réfutation du droit au travail de 1848. Première parution dans la revue L’Égalité en 1880.
3 KEYNES J. M., Essais de persuasion, Perspectives économiques pour nos petits-enfants, 1930. In : Éditions de la Nouvelle revue française, traduction française de JACOBY H., Gallimard, Paris, 1933, 278 p.
4 GADREY J., Il faut remettre la réduction du temps de travail au cœur du débat public. In : Télérama, Paris, 17/05/2016. Article disponible sur internet : http://www.telerama.fr/idees/jean-gadrey-economiste-il-faut-remettre-la-reduction-du-temps-de-travail-au-coeur-du-debat-public,142380.php#xtor=EPR-164-%5Bnewsletter_trasoiree%5D-20160517
5 Appel-Ensemble, remettons la réduction du temps de travail au cœur du débat public. In : Alternatives économiques, n°357, Paris, 03/05/2016. Article disponible sur internet : https://www.alternatives-economiques.fr/temps-de-travail/ensemble-remettons-la-reduction-du-temps-de-travail-au-coeur-du-debat-public-201605031004-00003400.html
6 RIFKIN J., La fin du travail, Editions La Découverte, Paris, 2005, 460 p.
7 Alors que Kellogg’s avait augmenté le salaire de ses employés pour compenser la perte journalière de deux heures de travail.
Ford lui-même a, en 1933 également, fait passer tous les travailleurs de ses usines à la semaine de 5 jours, sans baisse de salaire.
Ces quelques exemples soulignent la perspective historique de la question de la réduction du temps de travail. Question qui, avec la révolution numérique, le chômage de masse et la croissance fulgurante des maladies liées à une pression excessive sur les travailleurs (le burn out), est d’une brûlante actualité.
La présente étude présente la réduction collective du temps de travail dans une perspective historique et montre comment le travail se répartit aujourd’hui en Belgique. Elle expose également différentes expériences menées en Belgique et dans le monde. Elle souligne les avantages de cette mesure pour toutes les parties prenantes et explique les différentes modalités que cette RCTT peut prendre.
L’objectif de la présente note est de démontrer combien la réduction collective du temps de travail est une alternative crédible aux politiques d’emploi qui sont menées actuellement et qui visent à toujours plus de flexibilité, généralement au profit des détenteurs du capital et au détriment de la qualité de l’emploi pour les travailleurs.
2. Le temps de travail en Belgique
2.1. Le temps de travail journalier et hebdomadaire
L’histoire du temps de travail en Belgique est marquée par quelques dates clefs.
En 1889, une première loi fixe la durée de travail à 12 heures par jour et 6 jours par semaine pour les garçons entre 12 et 16 ans et pour les filles entre 12 et 21 ans. Avant cette date, la durée du temps de travail ne faisait l’objet d’aucune réglementation. Le temps de travail oscillait, en Belgique, entre 8 et 15 heures par jour et entre 50 et 80 heures par semaine.
A partir des années 1890, suite aux luttes ouvrières, certains secteurs vont progressivement réduire le temps de travail à 10 heures par jour. C’est à l’occasion d’une proposition du député socialiste Louis Bertrand que les patrons de Cockerill feront cette déclaration : « On ne peut pas fixer de limite au travail des ouvriers. Ils sont libres de l’accepter ou non. En fixant une durée de travail, on forcerait l’ouvrier fort à ne pas travailler plus que l’ouvrier faible. » Cette réponse illustre parfaitement la philosophie ultralibérale du tout au marché et le refus de la régulation de ce dernier par l’Etat.
En 1894, le Parti ouvrier belge (POB), ancêtre du Parti socialiste, revendique la journée de huit heures dans la Charte de Quaregnon8
Le début du vingtième siècle voit apparaître les premières mesures légales de limitation de la durée du travail. En 1905, la loi sur le repos du dimanche est adoptée, non sans mal. En 1909, après des conflits sociaux très durs et un débat parlementaire intense, la limitation de la durée de travail à neuf heures dans les mines. En 1921, la loi du 14 juin généralise la journée des 8 heures et la semaine de 48 heures.
La première semaine de congés payés sera instaurée en 19369. Le patronat de l’époque concède (un peu) en temps de travail ce qu’il gagne (beaucoup) en gains de productivité. La loi du 9 juillet 1936 institue « la semaine des 40 heures dans les industries ou sections d’industries où le travail est effectué dans des conditions insalubres, dangereuses ou pénibles ».
C’est le socialiste Léon-Eli Troclet qui introduit, lorsqu’il était ministre du travail, la deuxième semaine de congés payés en 1955-56 et les 45 heures par semaine dans certains secteurs.
À partir de 1964, des accords sectoriels abaissant la durée du travail à 40 heures par semaine sont négociés. En 1973, la semaine de 40 heures est généralisée par le biais d’un accord interprofessionnel. La loi du 20 juillet 1978 consolide cette réduction de la durée légale du travail à 40 heures par semaine.
A partir de cette date, le processus de réduction collective du temps de travail ralentit. Il faudra attendre près de trente ans avant qu’une nouvelle loi diminue le temps de travail de deux heures supplémentaires par semaine. C’est par une loi de 200110, signée par la ministre socialiste de l’emploi de l’époque, Laurette Onkelinx, et par le ministre des affaires sociales, le socialiste flamand Frank Vandenbroucke, que les 38 heures hebdomadaires ont été instaurées. Elle sera d’application dans tous les secteurs à partir du 1er janvier 2003.
8 La Charte de Quaregnon est la déclaration de principes adoptée par le Parti ouvrier belge lors de son Xème Congrès, à Quaregnon, en 1894.
9 Loi du 08/07/1936 concernant les congés annuels payés.
10 Loi du 10/08/2001 relative à la conciliation entre l’emploi et la qualité de vie.
Depuis cette loi de 2001, les luttes syndicales et politiques se sont davantage concentrées sur des formes individuelles de redistribution du travail (par exemple, les prépensions avec embauche compensatoire, les interruptions de carrière avec embauche compensatoire, etc.). Par contre, des avancées ont été recensées dans certains secteurs, où les travailleurs sont passés sous la barre des 38 heures par semaine. C’est par exemple le cas du secteur de la chimie ou des carrières qui sont passés à 36h par semaine.
Depuis quelques années maintenant, le balancier est reparti en sens inverse. Les mesures prises récemment par l’actuel gouvernement fédéral, largement dominé par des partis de droite, favorisent une augmentation de la durée hebdomadaire du travail. Par exemple, la loi sur le travail faisable et maniable11 remet en cause la semaine des 38 heures. Le gouvernement fédéral augmente aussi le temps de travail par la remise en cause des prépensions et des crédits-temps et par le recul de l’âge de la retraite.
2.2. L’évolution globale du temps de travail en Belgique
Depuis 1950, le temps de travail connaît une baisse très marquée en Belgique. Ainsi, alors qu’en 1955, un Belge travaillait 2.200 heures par an en moyenne (salariés et indépendants confondus), le nombre d’heures de travail est descendu à 1.551 heures en 2015 selon les données de l’OCDE12 (1.423 heures pour les seuls travailleurs salariés13).
Toutefois, l’essentiel de la réduction annuelle moyenne du temps de travail se situe entre 1955 et 1975. Cette diminution très marquée est due, selon Gérard Valenduc et Patricia Vendramin14, à une conjugaison de deux facteurs. D’une part, la productivité du travail qui augmente et qui permet à la négociation collective de redistribuer les gains de production sous la forme de pouvoir d’achat et de réduction collective du temps de travail ; d’autre part, l’expansion de l’emploi salarié au détriment de l’emploi indépendant, ce qui réduit le nombre total d’heures travaillées.
A partir du premier choc pétrolier de 1973, la tendance se poursuit mais change de forme. Outre l’augmentation des gains de productivité, on assiste à une réduction des heures supplémentaires, à une augmentation du nombre de jours de congé et aux premières mesures de réduction négociée du temps de travail.
Selon les chiffres de l’OCDE, depuis 2003, date de la dernière loi sur le temps de travail, le nombre d’heures annuelles moyen stagne. Ainsi, la moyenne des heures prestées par les salariés n’a diminué que de 25 heures entre 2003 et 2015, passant de 1.448 à 1.423 heures.
2.3. Le temps de travail sur l’ensemble de la carrière
Le temps de travail journalier a donc considérablement diminué depuis la fin du 19e siècle. Il faut en outre remarquer qu’un mouvement parallèle s’est opéré concernant le temps de travail sur l’ensemble de la vie. D’une part, la carrière professionnelle débute de plus en plus tard. En 1889, la loi limitant le travail à 12 heures par jour et à 6 jours par semaine prévoyait également l’interdiction du travail des enfants de moins de 12 ans. La loi du 26 mai 1914, quant à elle, a interdit aux enfants de moins de 14 ans de travailler dans n’importe quelle entreprise. Depuis, la loi prévoit l’interdiction, à de rares exceptions près, du travail des enfants en âge d’obligation scolaire. Enfin, l’enseignement supérieur s’est largement démocratisé, même si des progrès restent encore à réaliser en la matière.
D’autre part, la carrière professionnelle finit plus tôt. En effet, même si la fin du 19e siècle voit se créer les sociétés de secours mutuels qui ont pour objectif principal d’assurer les travailleurs en cas d’incapacité de travail due à l’âge, ce n’est que dans les années 1920 que la pension a été réellement rendue obligatoire, via deux lois, respectivement en 1924 (pour les ouvriers) et en 1925 (pour les employés).
La carrière professionnelle est donc devenue plus courte au fil du 20e siècle. L’espérance de vie en Belgique, elle, n’a eu de cesse d’augmenter : elle n’était que de 50 ans au début du 20e siècle ; elle dépasse aujourd’hui les 80 ans. Ces vingt dernières années, l’espérance de vie en Belgique a augmenté en moyenne de plus de deux mois chaque année15. Le temps de travail sur l’ensemble de la vie s’est donc largement réduit.
11 Loi du 05/03/2017 concernant le travail faisable et maniable.
12OCDE, heures moyennes annuelles ouvrées par travailleur.
13 1.426 heures en 2016 pour l’emploi salarié.
14 VALENDUC G., VENDRAMIN P., La réduction du temps de travail. In : Courrier hebdomadaire du CRISP, CRISP, n°2191-2192, Bruxelles, 2013, p. 29.
15 L’espérance de vie atteint 84 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes, communiqué de presse du SPF Economie, Bruxelles, 17/08/2017, 3 p. Texte disponible sur internet : http://statbel.fgov.be/fr/binaries/CP_Esperancedevie2016_VERSION_DEF_tcm326-284342.pdf
3. Politiques néolibérales en matière de temps de travail
Alors que les politiques menées depuis la fin de 19e siècle tendaient à réduire le temps de travail, les mesures adoptées ces dernières années visent au contraire à augmenter le temps de travail.
Ainsi, le report de l’âge de la pension de 65 à 67 ans annoncé par le gouvernement fédéral actuel aura pour effet d’allonger les carrières et donc le temps de travail sur l’ensemble de la vie du travailleur.
C’est également le cas de l’augmentation de l’âge de la pension anticipée, de la suppression du crédit-temps sans motif, du durcissement de l’accès à la prépension (chômage avec complément d’entreprise). Il en va de même pour les crédits-temps et les interruptions de fin de carrière, dont l’âge d’accès a été repoussé.
La loi sur le travail faisable et maniable précitée16 par le Parlement fédéral concourt aussi à un allongement du temps de travail. C’est le cas via une l’annualisation du temps de travail non négociée, c’est-à-dire le calcul du temps de travail sur une année entière, et non plus sur un trimestre, ce qui conduit le travailleur à subir d’intenses périodes de travail à certains moments et à connaître des périodes de creux à d’autres. La loi Peeters augmente aussi le temps de travail par des mesures relatives aux heures supplémentaires : un certain nombre d’heures supplémentaires ne sont plus considérées comme telles (143 heures au lieu de 78 heures actuellement) et ne feront donc plus l’objet d’un repos compensatoire. Un quota supplémentaire de 100 heures permet à l’employeur d’exiger 100 heures de travail en plus des 38 heures hebdomadaires, sans qu’aucun motif ne doive être évoqué pour les justifier17. Aucun sursalaire ne sera dû si le travailleur preste moins de 45 heures par semaine (contre 40 heures avant cette loi). Bref, la nouvelle loi va mettre à mal la semaine des 38 heures en permettant une augmentation du temps de travail hebdomadaire.
C’est donc une évidence, les mesures décidées par le gouvernement fédéral actuel vont dans le sens inverse de l’histoire du temps de travail en Belgique.
4. Partage actuel du travail disponible
4.1. La répartition actuelle du travail
La répartition du travail en Belgique est fortement inégalitaire. Alors que certains travailleurs à temps plein prestent de nombreuses heures supplémentaires, d’autres travailleurs sont cantonnés à un travail à temps partiel, dans la toute grande majorité des cas de manière forcée18. D’autres encore sont confrontés à une multiplication de contrats de courte durée, d’intérim, de mini-jobs. Enfin, de trop nombreux travailleurs sont actuellement à la recherche d’un emploi.
4.1.1. Le travail à temps plein
D’après les données d’Eurostat19, alors que le temps de travail hebdomadaire est légalement fixé à 38 heures depuis 2003, un travailleur à temps plein en Belgique travaillait, en 2016, 41,4 heures par semaine en moyenne.
Cette durée a tendance à s’allonger d’année en année : le travailleur à temps plein de 2016 travaille plus que celui de 1995 qui, lui, travaillait 40,5 heures par semaine.
Cette différence entre le temps légal et le temps réellement presté peut en partie s’expliquer par les heures supplémentaires qui sont effectuées par les travailleurs à temps plein. Ainsi, la dernière étude Modern Times de la FGTB20 montre que 76,6% des travailleurs interrogés prestent plus d’heures que prévu dans leur contrat.
16 Communément appelée loi Peeters.
17 Actuellement, le recours à des heures supplémentaires doit être justifié. Il y a 14 motifs pouvant être invoqués, dont :
- Travail en équipes successives ;
- Travail continu ;
- Travaux d’inventaire ou de bilan ;
- Travaux préparatoires ou complémentaires à effectuer en dehors du temps de production ;
- Travaux de transport, (dé)chargement ;
- Surcroît extraordinaire de travail.
18 D’après l’étude Modern Times 2017 de la FGTB, seuls 11% des travailleurs à temps partiel indiquent qu’il s’agit là d’un choix personnel. Ces données confirment les données de la dernière enquête sur les forces de travail publiée en 2016 par le SPF Emploi qui montrent que seuls 8,2% des travailleurs à temps partiel ne souhaitent pas travailler à temps plein.
19 Office de statistiques de l’Union européenne.
20 Modern Times ?, Une 3e enquête FGTB, FGTB, Bruxelles, 2017, 10 p. Texte disponible sur internet : http://www.fgtb.be/documents/20702/289650/MODERN+TIMES+dossier+de+presse+FR.pdf/93f58088-ee46-4bb7-b704-7eb5cfec4d20
Ces heures supplémentaires sont encouragées fiscalement pour l’employeur21 comme pour le travailleur22. Mais ces heures supplémentaires sont rarement prestées volontairement par les travailleurs. L’étude de la FGTB précitée souligne que seuls 15,4% des travailleurs font des heures supplémentaires par choix personnel, contre 48,5% d’heures supplémentaires prestées parce que la direction le demande ou l’exige et 39,9% parce qu’il y a trop de travail.
4.1.2. Le travail à temps partiel
Selon la dernière enquête sur les forces de travail23, il y avait, en 2016, un peu plus de 4,58 millions de travailleurs en Belgique. En excluant les travailleurs occasionnels et les travailleurs en ALE24, notre pays comptait environ 3,9 millions de travailleurs dont 2,8 millions travaillaient à temps plein et 1,05 million à temps partiel.
La comparaison entre les chiffres de 2016 et ceux de 1985 met en exergue que la part de travailleurs à temps partiel a considérablement augmenté pendant cette période de trente ans, passant de 8,5% à 24,7%.
La Belgique se situait, en 201625, au-dessus de la moyenne de l’Union européenne (où le pourcentage de temps partiel était de 19,5%) et de la zone euro (21,6%).
La dernière enquête sur les forces de travail indique par ailleurs que le nombre de travailleurs à 4/5e temps a doublé entre 2009 et 2015.
4.1.3. Les types de temps partiel
Le tableau 1 (ci-dessous) indique que le travail à temps partiel a augmenté considérablement depuis les 15 dernières années.
Tableau
La place des femmes dans le temps partiel est préoccupante : elles y sont très largement majoritaires et elles sont de plus en plus nombreuses à travailler à temps partiel. De plus, elles représentent près de 80% des temps partiels de moins d’un tiers temps. La croissance des temps partiels entraine un autre constat significatif : les inégalités se creusent très nettement en défaveur des femmes. Alors que 29% de l’emploi total était occupé par des femmes qui travaillaient à temps partiel en 1992, ce chiffre est monté à plus de 41% en 2014.
21 L’employeur est dispensé du versement d’une partie du précompte professionnel pour les heures supplémentaires auxquelles s’applique le sursalaire légal (20%, 50% ou 100%). La dispense de versement du précompte professionnel est actuellement fixée : - à 32,19 % du salaire brut servant de base pour le calcul du sursalaire, en ce qui concerne les heures supplémentaires donnant droit à un sursalaire légal de 20 % ; - à 41,25 % du salaire brut servant de base pour le calcul du sursalaire, en ce qui concerne les heures supplémentaires donnant droit à un sursalaire légal de 50 % ou 100 %.
22 Le travailleur est dispensé du versement du précompte professionnel à raison de : - 57,75% pour les heures supplémentaires prestées avec un sursalaire légal de 50% ou 100% ; - 66,81% pour les heures supplémentaires prestées avec un sursalaire légal de 20% (CP 124).
23 Enquête sur les forces de travail (EFT), Eurostat, Bruxelles, 2016. Dernière consultation le 06/12/2017.
24 Agences locales pour l’emploi.
25 Dernières données disponibles dans les statistiques publiées sur internet par Eurostat
Graphique 1. Evolution de l’emploi féminin à temps partiel
4.1.4. Les petits temps partiels
Plus effrayant encore, le nombre de petits temps partiels, soit un horaire de 10 à 30% du temps plein, a suivi le même mouvement.
Or la loi sur le temps de travail interdit les contrats à temps partiel de moins de 13 heures (sauf exceptions dans certains secteurs, comme celui des titres-services). Ces statistiques, qui pointent que plus de 122.000 personnes travaillent moins de 13 heures par semaine en Belgique, posent donc question concernant le respect des lois par certains employeurs et révèlent que les contrats à temps très partiel, les contrats atypiques, les flexijobs, etc. se multiplient.
4.1.5. Le travail flexible
A côté des travailleurs qui prestent plus qu’un temps plein, on assiste à une multiplication du travail à temps partiel et du travail intérimaire, et aussi de la flexibilité, des horaires atypiques, irréguliers.
A la lumière des statistiques disponibles dans l’enquête sur les forces de travail réalisée en 2015, plus de 41% de travailleurs belges exercent un emploi atypique, c’est-à-dire qu’ils travaillent le samedi, le dimanche, le soir en équipe ou à domicile (et parfois en combinant ces moments atypiques).
4.1.6. Les demandeurs d’emploi
En septembre 2017, l’ONEm recensait 487.663 chômeurs indemnisés. Il faut y ajouter les jeunes en stage d’insertion, qui ne sont donc pas encore indemnisés, les bénéficiaires du CPAS ainsi que les chômeurs temporaires.
4.2. La répartition du temps de travail sur l’ensemble de la carrière
La répartition actuelle du temps de travail peut aussi être mesurée sur l’ensemble de la carrière. Alors que les travailleurs entre 25 et 55 ans travaillent beaucoup, les jeunes et les plus âgés éprouvent, eux, des difficultés à s’insérer ou à se maintenir dans le travail.
Ainsi, en pourcentage de la population totale, 22,7% des jeunes de 15 à 24 ans avaient un emploi en 2016 en Belgique. Le taux était de 45,4% chez les personnes de 55 à 64 ans et de 79,1%chez les 25 – 54 ans26