3 minute read

Se recentrer sur l’essentiel LA THÉRAPIE D’ACCEPTATION ET D’ENGAGEMENT, OU ACT

Toutva bien pour Agathe, jusqu’à ce qu’un chauffard alcoolisé renverse son mari en grillant un feu rouge. Dans ce type de situation, le sentiment d’injustice est massif : son mari avait la vie devant lui et tout s’est terminé d’un seul coup par la faute d’un homme qui n’a pas respecté les règles. Agathe se retrouve seule avec leurs deux enfants en bas âge. Toutes sortes de pensées tournent et retournent dans sa tête : leur dernière conversation, l’idée qu’elle aurait pu éviter l’accident en emmenant son mari en voiture, celle que le chauffard est un monstre… Elle regarde sans cesse des photos du disparu et passe beaucoup de temps plongée dans leurs souvenirs communs. Elle se coupe alors progressivement de la vie réelle, de son travail, de ses amis, de ses enfants, pour vivre dans sa tête. En conséquence, elle tombe dans la dépression et dans une tristesse qui ne se résorbe pas. Nous pratiquons alors une thérapie dite « d’acceptation et d’engagement ». Agathe réfléchit à ce qui compte vraiment pour elle et apprend à ne plus laisser ces ruminations envahir complètement ses journées. Pour ce faire, elle délimite un temps pendant lequel elle s’accorde le droit de se plonger dans ses souvenirs, et s’oblige à s’engager dans d’autres choses qui lui importent le reste de la journée. Son raisonnement devient le suivant : « Certes mon mari est mort et ce type a détruit ma vie, mais je dois m’occuper de mes enfants et revenir dans le réel. Je suis encore vivante et mes enfants aussi. » Elle se concentre ainsi sur sa famille et, peu à peu, tout en gardant cette fracture en elle, elle parvient à reprendre le cours de sa vie…

Dans certains cas, toutefois, il est trop difficile de s’en sortir seul, quelle que soit l’approche adoptée – assertivité, régulation émotionnelle, etc. Gardez toujours en tête l’idée d’aller frapper à la bonne porte. Notamment dans les cas de dépression consécutifs à une injustice professionnelle –licenciement abusif, harcèlement, « mise au placard »… Après avoir été licencié sans motif, Jonathan a ainsi recruté un avocat, traîné son entreprise aux prud’hommes et obtenu une réparation substantielle, qui l’a aidé à repartir de l’avant. Josiane, quant à elle, a été mise à l’écart sans raison ; elle s’est alors appuyée sur les syndicats pour élaborer une stratégie concrète (voir l’encadré page ci-contre : « Solliciter de l’aide »)

Advertisement

UN MAÎTRE MOT : L’ACTION

Il existe enfin des situations où l’injustice est impossible à réparer. C’est le cas des maladies incurables ou des deuils, tout particulièrement d’enfants. Le maître mot est alors : action. Sur tous les plans. Celui, tout simple, qui consiste à pratiquer une activité – faire du sport (quand on en a encore les capacités physiques), écouter de la musique (les yeux fermés, en se concentrant sur les instruments ou la voix, et pas simplement d’une oreille distraite), regarder une série télévisée, lire un livre… L’objectif est ici de ne pas laisser le sentiment d’injustice monopoliser son espace mental.

Mais surtout, l’élan qui aide à surmonter ce type d’injustice est la faculté à consacrer son temps et ses efforts à ce qu’on juge important dans la vie, ce qui nous donne envie de nous lever le matin et procure un sentiment d’épanouissement. Il s’agit de sortir de la logique « Je suis une victime, on m’a fait du mal », pour se diriger progressivement vers « Je suis une victime, mais j’ai envie de mettre mon énergie sur telle ou telle chose ». Tel est un axe essentiel de la thérapie d’acceptation et d’engagement (voir l’encadré cidessus : « Se recentrer sur l’essentiel ».). Celle-ci donne de particulièrement bons résultats pour soulager l’anxiété et la dépression provoquées par les ruminations, notamment après un deuil brutal, comme l’a bien démontré en 2013 une synthèse des psychiatres français Déborah Ducasse et Guillaume Fond. Si elle est si efficace dans le cadre d’une injustice, c’est parce qu’elle permet d’accepter qu’on ne peut pas changer ce qui est arrivé, mais que l’on a prise sur ce qui va advenir, dès lors qu’on s’y engage pleinement. £

Bibliographie

E. Watkins et H. Roberts, Reflecting on rumination : Consequences, causes, mechanisms and treatment of rumination, Behaviour Research and Therapy, 2020.

J. Peters et al., Anger rumination as a mediator of the relationship between mindfulness and aggression, Journal of Clinical Psychology, 2015. D. Ducasse et G. Fond, La thérapie d’acceptation et d’engagement, L’Encéphale, 2013.

This article is from: