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Un peu d’histoire avec Claude Petit La peste à Saint Geniez (1721/22)
« Cito, longe, tarde » (Pars vite, va loin, reviens tard), telle est la devise censée protéger de la peste, fléau qui terrorisait nos ancêtres. La peste Noire, quitoucha le Rouergue et décima la population en 1348 fut suivie d’autres épidémies, moins violentes, mais toujours redoutées. Il fallut attendre le XVIIIe siècle pour trouver une parade efficace, l’isolation des zones infectées. La peste de Marseille fut la dernière à toucher la France et la première combattue grâce à cette méthode.
La peste de Marseille, dernière peste en France
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Le 25 mai 1720, un navire marchand accosta à Marseille. Ce navire, mal contrôlé, répandit la peste dans la ville. Elle se répandit rapidement en Provence, faisant des milliers de morts, malgré la construction d’un mur, dont de nombreuses parties sont encore visibles, pour empêcher sa propagation. Malgré cette mesure, il fut difficile de confiner la Provence. Le 3 octobre 1720, Sambucy, subdélégué de l’intendant à Millau écrit aux consuls de la Cavalerie : « Je viens d’être informé depuis un moment que cinq ou six forçats ou matelots ayant quitté la Provence sont entrés dans le Languedoc, et que sur l’avis que Monsieur le Duc de Roquelaure en a eu, ce sage commandant de cette province a d’abord envoyé partout ses ordres, pour faire arrêter ces malheureux et pour cet effet a fait mettre sur pied toutes les milices bourgeoises du Languedoc qui courent après eux ; tous ces mouvements ont obligé les forçats ou matelots qui avaient passé quelques jours dans la garrigue de Gignac, d’aller passer à gay la rivière qui est entre led. Gignac et Montpeyroux et de se réfugier dans les vignes de ce dernier lieu, où, ayant esté découverts, ils ont d’abord gagné le Larzac, sans pouvoir estre arrêtés, ce qui me fait craindre, avec beaucoup de raison, qu’ils pourraient bien passer dans votre lieu ou dans les villages qui en dépendent par où vous risqueries beaucoup de vous voir infectés1.
1 - A.D. 12, 2 E 109-17.
D’après la relation d’Etienne Veyron, bourgeois de Marvejols, c’est par un galérien en rupture de ban, qui, passé par Millau et Sévérac-le-Château, s’arrêta à Saint-Laurent-d’Olt que le mal atteignit le Gévaudan. On était en septembre 1720. Là, cet homme fit la rencontre d’un habitant de Correjac, paroisse de La Canourgue, qui, lui ayant acheté quelque harde, ramena le mal et le communiqua à sa famille ; toute la famille succomba au mal2 . De La Canourgue, où plus de la moitié de la population devait aussi succomber, le mal s’étendit rapidement, touchant au printemps, Marvejols, Banassac et Saint-Germain-du-Teil au pied de l’Aubrac. A La Canourgue, on comptera 853 décès soit 60 % de la population, à Marvejols 1596 décès.
Devant cette situation, une nouvelle ligne de défense est établie aux frontières du Rouergue. Le 5 août 1721, une ordonnance royale ordonne l’isolement du Gévaudan. Des troupes d’infanterie sont stationnées aux frontières du Rouergue sous les ordres du maréchal de camp, M. de Bonas3, qui s’établit à Saint-Geniez. Elles interdisent toute communication entre les deux provinces. Des abris sont construits pour abriter les soldats. Ceux-ci ont ordre d’interdire tout passage, sauf en quelques lieux, à Aubrac sur la montagne, à Huguiès et Bellas, près de Sévérac-le-Château où se déroulaient les transactions entre Rouergats et « Gabaches ». Le marquis de Bonas donne consigne de tirer sur ceux qui tenteront de franchir la frontière sans un certificat délivré par les autorités. Ce n’était pas paroles en l’air. Le 9 mai 1722, Jean Vigouroux, de Montgros, est fusillé à Born où il venait rendre visite à sa famille, « après avoir confessé, pour avoir passé la ligne qui a été faite entre le Gévaudan et le Roergue à cause de la contagion ». En 1817, des paysans indiquaient encore, près la fontaine des Douze, au pied du Mailhebuau, les tombes de deux de ces malheureux qui furent abattus sur la montagne de Cazalets. Près de là, l’on signale des burons détruits où avaient logé les soldats4.
2 - Nous renvoyons les lecteurs curieux à l’ouvrage de Henry Mouysset « La peste en Gévaudan, 1720-1722 », Nouvelles Presses du Languedoc, très bien documenté qui donne diverses versions de l’introduction de l’épidémie en Gévaudan.
3 - 1721Antoine de Pardailhan Gondrin marquis de Bonas maréchal de camp et armées du roi, commandeur de l’ordre militaire de St Louis, commandant en Rouergue sous les ordres de monsieur le maréchal de Berwick.
4 - A.D. 12, 21 P 1-1. Témoignages relatifs à la limite des communes d’Aurelle et de Trélans.