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Etienne Rayssac.Ornemaniste

EtienneRayssac Ornemaniste

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Ornemaniste : un drôle de nom pour un formidable métier, qui, depuis les années1990, a mené Etienne Rayssac des plus beaux châteaux aux plus belles marques du luxe, en France et dans le monde. Du dessin à main levée à l’objet fini, il sait tout faire. Et il le fait vraiment bien. Faire revivre le patrimoine, restaurer, créer de toutes pièces avec les techniques et les outils du passé, l’Atelier Rayssac est invité dans des lieux d’exception, publics et privés, par des maisons de luxe et des architectes d’intérieur, pour reproduire et créer des boiseries, des décors muraux, des meubles, copies d’ancien et pièces uniques, et contribuer ainsi aux plus somptueux décors.

Ornemaniste, c’est quoi ? C’est sculpter le bois. J’ai aussi le titre de maître d’art sculpteur, qui m’a permis de prendre récemment un apprenti et de le former.

Comment avez-vous appris ? Le seul moyen pour ce métier, c’est d’avoir vu, vu faire, et fait. Après les Beaux-Arts à Bordeaux, où j’ai eu l’impression de ne rien apprendre, je suis venu à Paris, et j’ai eu la chance d’entrer à l’atelier Fancelli. Il n’existe plus, mais c’était le plus bel atelier de France, puisqu’il avait le quasimonopole des Monuments historiques pour la boiserie. Les six premiers mois, j’étais dans un coin, ils m’ignoraient. Puis, j’ai commencé à participer à des travaux. Dans la boiserie, les aînés sculptent, et les plus jeunes font les finitions avec des racloirs, ça donne de plus jolies vibrations que le ponçage.

A quel moment avez-vous été sûr de

votre choix professionnel ? Tout de suite. C’était naturel, j’étais dans mon élément. Pour des restaurations, nous allions sur place, pour faire l’étude, prendre des photos, à Versailles, à Chambord, dans des musées… Je me suis formé comme ça pendant onze ans. Fancelli avait un ego surdimensionné, mais c’était le meilleur de son époque. J’ai terminé chef d’atelier. Je m’occupais de toute la chaîne, du dessin jusqu’à la réalisation, je voulais avoir toutes les cordes à mon arc.

Comment avez-vous commencé à travailler pour d’autres que les Monuments

historiques ? Quand j’ai installé mon premier atelier, au début des années 1990, un ami architecte m’a proposé de répondre à un concours pour la boutique Shiseido au jardin

«Je n’ai pas d’éditeur, ce sont des pièces uniques. Souvent, les gens pour qui je travaille considèrent que ce que je fais pour eux, je ne le fais pour personne d’autre… C’est de la haute couture»

du Palais-Royal. Des bas-reliefs en corniche représentant les signes du zodiaque. J’en ai eu cent à faire. J’étais capable de faire tous les métiers que ça impliquait, mais quand ils venaient à l’atelier, j’appelais des copains pour faire croire qu’on était trois ou quatre…

C’était lancé ? Pas vraiment : quand l’année s’est terminée, il a fallu que je démarche. J’ai appelé deux ou trois décorateurs, dont Pinto… J’ai été reçu par la documentaliste. Je lui montrais mon travail, quand, par chance, à l’autre bout de la pièce, Alberto Pinto passe. Il s’approche, il regarde mon book, et il dit à la documentaliste : «Faites descendre tout le monde, pour qu’ils voient ce que fait monsieur.» Le coup de chance. L’histoire dure depuis…

Comment êtes-vous arrivé au monde du luxe ? L’aventure a commencé par un appel de Cartier : «On a un problème sur un cadre en résine sur lequel on a du mal à faire tenir la dorure.» Un problème technique, une bricole. Je le fais. Ça marche. Ça leur plaît, il m’en commande une vingtaine par an. Après plusieurs années à ce rythme, ils me demandent si je peux reproduire un motif tiré d’un de leur modèle célébrissime de joaillerie, la panthère, pour un bas-relief. Pas de problème. On a mis au point ensemble ce qu’on appelle un «maître modèle». Et depuis je fais les dix tirages en plâtre de chaque, qu’on installe dans leurs boutiques dans le monde.

Ce métier vous satisfait ? Quand je vois la liste de mes références, oui, mais… Pendant deux ans, avec un cabinet d’architecte, on a rempli un palais à Londres de 3000m2 avec du mobilier, des objets, des boiseries… A la fin, j’ai demandé : «Alors, ça vous plaît, ce que j’ai fait?» On m’a répondu: «Etienne, si ça n’avait pas été, on vous l’aurait dit.» Deux ans de travail et pas un compliment, j’étais fou. Alors, parfois, j’aime bien créer, sur commande, un pied de lampe ou un petit meuble, pour un particulier, avec qui je suis en contact direct, pour voir le plaisir pur s’inscrire sur un visage.

Vos créations sont éditées ? Non, je n’ai pas d’éditeur, ce sont des pièces uniques. Souvent, les gens pour qui je travaille considèrent que ce que je fais pour eux, je ne le fais pour personne d’autre… C’est de la haute couture. Si vous me commandez une pièce, vous n’avez pas envie de la voir ailleurs. Propos recueillis par ELLEN WILLER

Étienne Rayssacis an ornemaniste– or ornamentalist – who, since the 1990s, has worked in the most beautiful chateaux around France and for the most prestigious luxury houses. His talent is in sculpting and working wood: renovating and recreating paneling, wall decorations and creating unique objects and sumptuous interiors. “It’s a job you can only learn by seeing it done and then doing it yourself,” he says. “I began in a workshop called Fancelli and I knew immediately that it was for me. Fancelli had a massive ego, but he was the best at the time. I finished head of his workshop and worked on every stage of the process, from drawing to finishes.” He began collaborating with luxury brands after a call from Cartier: “They said, ‘We have a problem with a resin frame.’ I solved it and they ordered 20 a year. Still, I sometimes like to take small personal commissions – a lamp stand, a small piece of furniture – so I can work directly with customer and see their satisfaction. Everything I do is unique, like haute couture. If you order something from me, you don’t want to see it anywhere else.”

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