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Le syndrome du déficit de la libération du calcium

Rebecca Gaspard, t.e.p.m., Institut de Cardiologie de Montréal

EN PANNE : LA RECHERCHE SUR LES ENJEUX DE LA LIBÉRATION DU CALCIUM DANS LE CŒUR

L’évolution technologique en médecine a profondément modifié notre compréhension de la cardiologie et la qualité des traitements dans ce champ. Plus précisément, dans le domaine de l’électrophysiologie, les récentes avancées et recherches ont permis des progrès significatifs dans le diagnostic et la prise en charge des maladies liées aux troubles de la conduction électrique cardiaque comme avec l’implantation d’un pacemaker ou défibrillateur cardiaque quand le cœur va trop lentement, ou bien avec un traitement par ablation cardiaque quand le cœur va trop vite.

La question de la mort subite inexpliquée reste un phénomène très complexe et encore en investigation, et ce, même après un grand nombre d’années d’études sur le sujet. L’explication qui revient le plus souvent serait celle d’une cause génétique qui se transmet dans l’arbre généalogique d’un patient victime d’un arrêt cardiaque, surtout chez les jeunes patients.

Des études ont révélé qu’une mutation génétique pourrait causer des modifications dans les structures et fonctions de certaines parties du cœur. Des recherches menées en 2022 prouveraient qu’une diminution du relâchement du calcium dans les cellules du myocarde entraînerait potentiellement une mort subite chez les patients.

Dans cette section, nous aborderons en détail plusieurs aspects du syndrome du déficit de libération du calcium (SDLC). Nous commencerons par explorer la définition du SDLC et les caractéristiques de cette maladie causée par cette mutation génétique en mettant en lumière les critères et procédures qui permettent d’arriver à un diagnostic précis. Nous discuterons également des options de traitement préventif disponibles pour gérer et minimiser les risques associés à cette condition. Enfin, nous illustrerons ces concepts à travers l’exemple d’une patiente référée à l’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM) en raison de syncopes, en détaillant le processus de diagnostic et le plan de traitement élaboré pour elle.

Qu’est-ce que le SDLC ?

L’acronyme CRDS en anglais, pour calcium release deficiency syndrome, se traduit en français par le syndrome du déficit de libération du calcium dans les cellules musculaires cardiaques (myocytes). Ce syndrome est lié à un dysfonctionnement des récepteurs ryanodines, essentiels pour l’excitabilité et la contractilité des myocytes cardiaques. En effet, ces récepteurs jouent un rôle important en libérant du calcium dans les cellules myocytaires, ce qui est indispensable pour la contraction musculaire. À ne pas confondre avec le calcium que l’on prend comme nutriment, le calcium qui est stocké dans le cœur est créé métaboliquement. Lorsque les récepteurs ryanodines ne fonctionnent pas correctement en raison de mutations génétiques, la libération de calcium est altérée. Cette perturbation peut conduire à des anomalies dans la contraction des myocytes, augmentant le risque d’arythmies ventriculaires cardiaques malignes et potentiellement fatales. En particulier chez les patients ayant des antécédents familiaux de mort subite inexpliquée, ces dysfonctionnements peuvent entraîner des arrêts cardiaques soudains, parfois fatals.

La mutation du RYR2

Pour commencer, l’excitabilité et la contractilité efficaces des cellules musculaires cardiaques nécessitent un échange précis entre les ions sodiques (Na+), potassiques (K+) et calciques (Ca2+). Le calcium, en particulier, joue un rôle important dans la repolarisation des cellules cardiaques. Ce calcium est principalement stocké dans le réticulum sarcoplasmique, une structure interne des cellules musculaires qui agit comme un réservoir pour le calcium.

Le réticulum sarcoplasmique contient des récepteurs spécifiques appelés récepteurs ryanodines (RyR2), qui sont responsables de la régulation de la libération du calcium dans le cytoplasme des myocytes (cellules musculaires cardiaques). Cette libération de calcium est essentielle pour déclencher la contraction musculaire. Il existe plusieurs types de récepteurs ryanodines, chacun jouant un rôle distinct dans différents types de tissus :

Le RyR1 : principalement localisé dans les muscles squelettiques, ce récepteur est impliqué dans la contraction des muscles volontaires.

Le RyR2 : spécifique aux muscles cardiaques, ce récepteur joue un rôle crucial dans la contraction du cœur en régulant la libération de calcium pour amorcer la contraction cardiaque.

Le RyR3 : présent dans le cerveau, ce récepteur est impliqué dans diverses fonctions neurologiques.

Des recherches ont montré qu’un dysfonctionnement ou un déséquilibre dans le fonctionnement de ces récepteurs ryanodines, notamment le RyR2, peut avoir des conséquences graves sur la santé du patient. Des anomalies dans la régulation de la libération du calcium peuvent entraîner des troubles graves du rythme ventriculaire cardiaque, y compris des arrêts cardiaques soudains. Ces récepteurs ryanodines peuvent être altérés de deux façons : une augmentation ou une diminution de leurs fonctions.

Gain de fonction

Une augmentation excessive de l’activité des récepteurs ryanodines RyR2, entraînant une libération excessive de calcium, peut provoquer des tachycardies ventriculaires catécholaminergiques polymorphes (CPVT). Cette arythmie cardiaque, souvent induite par des épisodes de stress ou une élévation des niveaux d’adrénaline dans le corps, peut produire des arrêts cardiaques soudains si elle n’est pas traitée rapidement.

En effet, lorsque les récepteurs ryanodines deviennent hyperactifs, ils libèrent trop de calcium dans les cellules cardiaques. Ce surplus de calcium perturbe le rythme normal du cœur, notamment sous l’effet du stress ou de l’adrénaline. Cette situation génère des arythmies ventriculaires potentiellement graves. Le symptôme typique de cette condition inclut une augmentation de la fréquence des extrasystoles ventriculaires (battements cardiaques précoces) qui deviennent progressivement plus fréquentes lors d’un stress physique ou émotionnel.

Lors de l’épreuve sur tapis roulant, cette arythmie est reproductible facilement. Des extrasystoles ventriculaires se manifestent de plus en plus souvent au courant de l’examen et finissent par évoluer vers une tachycardie ventriculaire. Cette arythmie peut être persistante et devenir de plus en plus sévère avec l’intensification du stress ou de l’exercice. Si la tachycardie ventriculaire n’est pas rapidement traitée, elle peut mener à des complications graves, y compris une mort subite, en raison de l’incapacité du cœur à maintenir un rythme normal et efficace pour pomper le sang vers le reste du système.

D’un patient à un autre, les symptômes peuvent varier. Les symptômes plus communs dans cette mutation seraient une syncope ou une présyncope due à un rythme trop rapide pour le patient. Les patients peuvent ressentir des palpitations à cet effet. On note une intolérance du patient à un stress ou à un exercice qui aurait comme effet de déclencher une CPVT qui peut aboutir à une mort subite si elle n’est pas traitée rapidement.

Donc, dans cette mutation génétique, le fonctionnement des récepteurs ryanodines est affecté et entraîne une susceptibilité accrue aux arythmies ventriculaires graves, surtout en réponse à des stimuli tels que l’exercice intense ou les émotions fortes.

Figure 1 : Sarcolemme sarcoplasmique, qui est l’emplacement du stockage du calcium, et les structures des fibres musculaires cardiaques.
Figure 2 : Récepteurs ryanodiques RyR2 sur les cellules musculaires. Ce sont ces récepteurs qui sont responsables de la libération du calcium dans les cellules.
Figure 3 : Rythme sinusal du cœur et rythme en tachycardie ventriculaire polymorphe, une arythmie maligne du ventricule.
Figure 4 : Rythme sinusal du cœur à l’effort chez un patient et une CPVT; un cœur à l’effort qui déclenche une tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique chez un patient.
Perte de fonction

Dans le syndrome de déficit de libération du calcium (SDLC), le fonctionnement des récepteurs ryanodines (RyR2) est compromis; or, ils sont essentiels pour la régulation de la libération de calcium dans les cellules musculaires cardiaques. Cette altération conduit à une réduction de la libération de calcium. Une déficience dans ce processus peut provoquer des anomalies graves de la contraction cardiaque, entraînant des arythmies et pouvant aussi mener à une mort subite. En effet, une quantité minimale de calcium est requise pour assurer un bon échange ionique afin de permettre une dépolarisation et une contraction efficace du myocarde. Avec une faible quantité relâchée, le potentiel d’action de la cellule est altéré et aurait comme effet de prolonger la période de repolarisation de la cellule. Cette prolongation aurait un rôle à jouer dans le déclenchement d’arythmies qui mènent à une mort soudaine.

Le diagnostic du SDLC est particulièrement difficile, car il ne se manifeste pas par des symptômes cliniques clairs et distincts. Les signes cliniques peuvent inclure une syncope (perte de conscience temporaire) ou une présyncope (sensations de vertige ou d’évanouissement imminent). Des antécédents familiaux de mort subite peuvent orienter le diagnostic, mais ne suffisent pas à eux seuls à confirmer le syndrome.

En ce qui concerne la tachycardie catécholaminergique polymorphe (PCVT), elle n’est généralement pas observée dans le contexte du SDLC, ce qui distingue celui-ci d’autres troubles similaires qui présentent cette caractéristique.

Pour évaluer ce syndrome, des analyses génétiques sont faites en laboratoire pour reconnaître des mutations spécifiques. De plus, des études suggèrent que l’électrophysiologie, une branche spécialisée de la cardiologie, pourrait jouer un nouveau rôle dans le diagnostic de cette mutation. En laboratoire, des manœuvres de stimulation, telles que des tests de stimulation en «  burst  » auriculaire et ventriculaire peuvent être réalisés pour évaluer la réponse évoquée du cœur aux stimuli et pour tester l’inductibilité des arythmies, ce qui peut aider à confirmer la présence du SDLC.

En résumé, le diagnostic du syndrome de déficit de libération du calcium repose sur une combinaison d’antécédents familiaux, de symptômes cliniques non spécifiques, d’analyses génétiques et d’évaluations électrophysiologiques. Dans le cas de cette mutation, il y a une faible libération du Ca+ due au mauvais fonctionnement des récepteurs ryanodines. Cette faible libération crée une prolongation du potentiel d’action durant la repolarisation, créant plus de risques susceptibles de provoquer une arythmie ventriculaire maligne qui pourrait entraîner la mort.

En effet, selon les recherches, ce syndrome modifie le potentiel d’action des myocytes, ce qui peut provoquer des arythmies mortelles. Voici comment un potentiel d’action normal contribue à la dépolarisation et à la repolarisation des cellules cardiaques :

Phase 0 : ouverture des canaux sodiques (Na+), permettant aux ions Na+ de pénétrer dans la cellule, entraînant ainsi la dépolarisation de la cellule.

Phase 1 : début de la repolarisation, fermeture des canaux sodiques (Na+), ouverture des canaux calciques (Ca2+), avec entrée du calcium dans la cellule. Ce processus marque la fin de la dépolarisation, les ions Na+ étant échangés contre les ions Ca2+ (avec un ratio de 3 Na+ entrant pour 1 Ca2+ sortant).

Phase 2 : repolarisation intermédiaire avec une phase plateau, où l’entrée du Ca2+ et la sortie du K+ sont équilibrées, permettant une contraction efficace des myocytes.

Phase 3 : fin de la repolarisation, fermeture des canaux calciques (Ca2+), entrée des ions potassium (K+) dans la cellule, ce qui rétablit le potentiel négatif de la cellule et marque la fin de la période réfractaire.

Phase 4 : préparation à une nouvelle dépolarisation avec une sortie lente des ions K+ de la cellule, ramenant la cellule à son état de repos prêt pour le prochain cycle de dépolarisation.

Figure 5 : Tableau représentant les différences entre le SDLC (perte de fonction des récepteurs) et la CPVT (gain de fonction des récepteurs). Sur le plan physiopathologique, les potentiels d’actions ne sont pas les mêmes. Il y a une repolarisation précoce des ventricules dans le SDLC et une repolarisation retardée dans le CPVT. Les examens diagnostiques différentiels dans le CPVT, un tapis roulant à l’effort, permettent de déclencher une tachycardie ventriculaire, tandis que pour le SDLC, des stimulations endocavitaires permettent de déclencher des arythmies ventriculaires.

Dans le cas du SDLC, les phases 2 et 3 sont prolongées. Il y a un trouble durant la repolarisation de la cellule. En effet, une modification ou une prolongation du QT pourrait être observée. Cette modification pourrait apporter un grand risque d’arythmies ventriculaires malignes telles qu’une fibrillation ventriculaire, une torsade pointes, des tachycardies ventriculaires menant à un arrêt cardiaque.

Diagnostic

Étant donné que le syndrome de déficit de libération du calcium (SDLC) est asymptomatique et ne présente pas de symptômes spécifiques permettant de le différencier, plusieurs tests sont effectués pour exclure d’autres pathologies qui pourraient conduire à une confusion dans le diagnostic. Ces tests incluent :

1. ECG et Holter : ces examens permettent de surveiller le rythme cardiaque du patient et de détecter d’éventuelles arythmies ventriculaires pertinentes, qui pourraient indiquer un changement électrique anormal du patient durant 24-48 h.

2. Épreuve d’effort (tapis roulant) : cette épreuve aide à observer si des arythmies ventriculaires se manifestent sous un effort maximal, ce qui pourrait déclencher des anomalies électriques.

3. Échocardiogramme : cet examen permet de vérifier l’intégrité des ventricules cardiaques et de rechercher une éventuelle hypertrophie ventriculaire.

4. IRM cardiaque : cet examen permet de détecter toute inflammation ou changement dans la structure du cœur.

5. Tests génétiques : ils visent à reconnaître les mutations génétiques associées au syndrome avec un code génétique très spécifique à ce syndrome.

6. Étude électrophysiologique (EPS) : au sein des laboratoires d’électrophysiologie médicale, nous menons des études sur les propriétés électriques du cœur en utilisant un cathéter diagnostique inséré par une ponction dans la veine fémorale et qui est dirigé jusqu’au ventricule droit par la veine cave inférieure. Ce cathéter enregistre les signaux intracardiaques, offrant des détails beaucoup plus précis qu’un ECG de surface et permet un diagnostic plus efficace.

Figure 6 : Courbe normale du potentiel d’action et des échanges ioniques du sodium, du potassium et du calcium. Ce potentiel est la base de la contraction et de l’excitabilité des cellules cardiaques.

Le protocole commence par la stimulation électrique en « burst » (stimulation courte en rafale) de l’oreillette droite et l’observation de la réponse « post-bursting ». Cette manœuvre est ensuite répétée pour le ventricule droit afin d’observer la réponse évoquée.

On note une prolongation ou modification de l’onde T du complexe suivant les stimuli en « burst », ce qui déclenche des arythmies ventriculaires. Ces tests permettent de recueillir des informations essentielles pour poser un diagnostic précis et exclure d’autres causes possibles des symptômes observés.

Traitements et préventions

Le traitement médicamenteux est plus souvent utilisé surtout chez les jeunes patients, pour diminuer les risques liés aux interventions en laboratoire. Deux classes de médicaments sont plus souvent prescrits pour le contrôle des arythmies.

Les bêta-bloquants : ces médicaments, comme le propranolol ou le métoprolol, sont utilisés pour réduire la fréquence cardiaque et atténuer les arythmies. Ils agissent en bloquant les récepteurs bêta adrénergiques du cœur, ce qui diminue les effets de l’adrénaline et d’autres catécholamines, réduisant ainsi la probabilité de survenue d’arythmies.

Les antiarythmiques : les médicaments antiarythmiques sont prescrits pour stabiliser le rythme cardiaque et prévenir les arythmies. La Flecainide est un antiarythmique de classe IC. La Flecainide est un médicament spécifiquement utilisé pour contrôler les arythmies ventriculaires. En bloquant les canaux sodiques, il ralentit la conduction électrique dans le cœur, ce qui peut aider à prévenir les épisodes de tachycardie ventriculaire.

Dans le cas où le patient est à risque ou à déjà présenté des épisodes de tachycardies ou de fibrillations ventriculaires, l’implantation d’un défibrillateur cardiaque est envisagée. En laboratoire d’électrophysiologie, l’implantation d’un défibrillateur est faite par un électrophysicien qui va emprunter les voies veineuses sous les clavicules pour porter la sonde de défibrillation jusqu’au ventricule, ou elle est vissée au septum du myocarde. Il existe maintenant des défibrillateurs sous-cutanés sans sondes, qu’on installe aux patients dont on veut préserver les voies veineuses ou qui ont des accès veineux difficiles. Le défibrillateur surveille en continu le rythme cardiaque du patient. En cas de détection d’une arythmie ventriculaire rapide, il peut livrer une thérapie en « burst » ou un choc électrique pour restaurer un rythme normal. Cette thérapie peut être cruciale pour prévenir la mort subite due à des troubles du rythme cardiaque.

Figure 7 : Insertion d’un cathéter diagnostique par la voie veineuse fémorale du patient pour se rendre à l’oreillette et au ventricule droit. Ceci permet de faire des études électrophysiologiques.
Figure 8 : Stimulations du ventricule avec un cathéter diagnostique; 15 stimulations sont envoyées pour entraîner le cœur à un rythme à 500 ms, équivalent à 120 bpm. À la suite des stimulations et de la pause poststimulation, il y a une anomalie dans la repolarisation du ventricule qui déclenche une tachycardie ventriculaire non soutenue.

Tests génétiques familiaux

Par mesure préventive, des tests génétiques sont effectués sur les membres de la famille pour identifier les individus qui pourraient également être porteurs de cette mutation génétique. Cela permet de détecter les risques chez les membres de la famille avant qu’ils ne présentent des symptômes. En identifiant les personnes à risque, il est possible de mettre en place des mesures préventives telles que des contrôles réguliers, des conseils sur les changements de mode de vie, et, si nécessaire, des interventions ou des traitements préventifs pour réduire le risque d’arythmies graves non déclarées.

Ces stratégies combinées visent à gérer les symptômes du SDLC, prévenir les épisodes de tachycardie ventriculaire et de mort subite pour assurer la sécurité des patients affectés ainsi que celle de leur famille.

Figure 9 : Implantation d’un défibrillateur endoveineux avec sonde de défibrillateur standard.
Figure 10 : Implantation d’un défibrillateur endoveineux sans sonde.
Figure 11 : ECG de surface, en laboratoire d’électro physiologie, d’une patiente référée à l’Institut de Cardiologie de Montréal pour syncope. Voici son ECG pré stimulations en rythme sinusal à 90 bpm.
Figure 12 : ECG de surface de la patiente lors de stimulations rapides auriculaires à 400 ms, équivalant à 150 bpm. On observe une modification et un allongement de l’onde T sur le complexe suivant les stimulations. Cette modification rend la patiente susceptible de créer des arythmies auriculaires.
Figure 13 : ECG de surface de la patiente lors de stimulations rapides ventriculaires à 400 ms, équivalant à 150 bpm. On observe une modification et un allongement de l’onde T sur le complexe suivant les stimulations. Cette modification rend la patiente susceptible de créer des arythmies ventriculaires.
Cas d’une patiente

Voici le cas d’une femme de 64 ans qui s’est présenté à l’urgence de l’Institut de Cardiologie de Montréal pour syncope. La patiente est asymptomatique (ne ressent pas de palpitations). Au début de la vingtaine, elle présente des épisodes de pertes de conscience asymptomatiques en position debout. À la fin de la trentaine, elle a présenté des épisodes de perte de conscience à nouveau, mais cette fois-ci au repos, assise aux toilettes. Les tests génétiques démontrent que la patiente a le même code génétique avec la mutation du Ryr2. La patiente ne présente aucune arythmie durant l’épreuve à l’effort. Aucune anomalie à l’IRM, ECG normale; à l’écho, les structures restent dans les valeurs normales. Aucune histoire d’antécédents familiaux de mort subite. Au laboratoire d’EPS, la manœuvre de longue stimulation/longue pause est réalisée et démontre que la patiente est positive à l’étude. À la suite de la stimulation « bursting » à l’auricule et au ventricule, on observe un prolongement et une modification de l’onde T, où l’onde P du complexe suivant est à quelques millièmes de secondes après la repolarisation du complexe précédent, démontrant le risque d’un phénomène R/T et d’arythmie ventriculaire maligne. La patiente serait en discussion pour l’implantation préventive d’un défibrillateur cardiaque interne, mais pour l’instant, le plan serait de contrôler les arythmies en ralentissant le cœur avec des bêta-bloquants (Nadolol).

Conclusion

Avec les progrès technologiques, le domaine médical ne cesse d’évoluer pour développer de nouveaux outils permettant aux médecins de diagnostiquer plus précisément les maladies et d’améliorer les méthodes de prévention et de traitement. La découverte des mutations génétiques associées au syndrome de déficit de libération du calcium (SDLC) a ouvert de nouvelles voies de recherche pour comprendre cette pathologie rare et complexe, qui aideraient à démystifier les causes des morts subites.

Le SDLC est un syndrome autosomique dominant, ce qui signifie qu’une seule copie du gène muté est suffisante pour manifester la maladie chez un membre de la famille. Ce symptôme est causé par des mutations des récepteurs ryanodines qui sont essentiels pour la libération de calcium dans les cellules musculaires du cœur. Le calcium joue un rôle important dans la repolarisation des myocytes du ventricule.

Les mutations peuvent entraîner une altération du fonctionnement des récepteurs ryanodines. Cette modification des récepteurs peut créer un gain de fonction des récepteurs ryanodines, ce qui augmente l’activité des canaux calciques. Cela peut provoquer des tachycardies polymorphes induites par l’exercice (CPTV) chez les patients ayant survécu à une mort subite. Ces tachycardies sont des arythmies ventriculaires complexes, souvent déclenchées par du stress ou un exercice physique intense. Selon de nouvelles études de 2022, une perte de fonction de ces récepteurs pourrait entraîner une modification dans la repolarisation des ventricules, qui pourrait potentiellement mener à des arythmies ventriculaires malignes suivies d’une mort subite.

En effet, dans le cas du SDLC, une perte de fonction des récepteurs ryanodines empêche la libération normale de calcium dans les cellules musculaires du cœur. Cette défaillance du récepteur peut entraîner un allongement du potentiel d’action pendant la phase de repolarisation, une période où le calcium joue un rôle essentiel dans la normalisation de l’activité électrique du cœur. Cette prolongation peut causer une instabilité électrique qui est susceptible de mener à une mort subite, même en l’absence d’arythmies typiques comme les CPTV.

Des études en laboratoire, notamment sur des modèles animaux comme les souris, ont permis de mieux comprendre le code génétique de ce syndrome et la manière dont les mutations génétiques affectent la fonction des récepteurs ryanodines. Ces recherches sont cruciales pour développer des tests génétiques capables de détecter les mutations spécifiques associées au SDLC, permettant ainsi une identification précoce des individus à risque.

Les manœuvres d’électrophysiologie (EPS) pourraient être utilisées pour évaluer la fonction électrique du cœur et effectuer un diagnostic de ce syndrome. En stimulant le cœur à l’aide de cathéters, les médecins peuvent observer les changements dans la repolarisation et reconnaître les anomalies qui pourraient provoquer des arythmies ventriculaires malignes.

Grâce aux avancées génétiques et électrophysiologiques, les médecins peuvent désormais diagnostiquer plus précisément le SDLC et différencier ce syndrome d’autres pathologies cardiaques similaires. Les nouvelles connaissances permettent de mettre en place des stratégies de prévention et de traitement plus ciblées, améliorant ainsi la prise en charge des patients et réduisant le risque de mort subite associée à ce syndrome rare. À noter que ce syndrome a été découvert très récemment, et que des recherches sont encore en cours à ce sujet. Vous avez ici une primeur dans le fait de découvrir cette rare mutation.

RÉFÉRENCES

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