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INTERVIEW Matthieu Guesné

MATTHIEU GUESNÉ, FONDATEUR ET PDG DE LHYFE

«Notre modèle de circuit court garantit des prix compétitifs»

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Pour produire un hydrogène 100 % vert, la solution modulaire de Lhyfe se connecte directement aux ressources naturelles et renouvelables : éolien, photovoltaïque, hydraulique, biomasse solide, biogaz, géothermie… Propos recueillis par Grégoire Hamon

«Nous travaillons également sur notre future solution de production d’hydrogène en mer. »

Bus & Car Connexion : Quel est le positionnement de

Lhyfe et quelles sources d’énergie utilisez-vous pour produire de l’hydrogène?

Matthieu Guesné : Lhyfe a pris le parti de n’utiliser que des sources d’énergie renouvelables pour produire de l’hydrogène pour la mobilité, ce qui est actuellement impossible en France. À partir du printemps prochain, l’hydrogène de Lhyfe sera disponible et produit à partir des ressources de chaque territoire : ainsi, nous aurons plutôt recours à des éoliennes au nord de la Loire, ainsi qu’au sud Aquitaine, mais nous pourrons faire appel à d’autres sources comme le solaire, la biomasse ou l’hydroélectrique. Nous travaillons également sur notre future solution de production d’hydrogène en mer, à partir d’éolien offshore. L’idée, c’est de produire au large, tout comme l’industrie pétrolière, et de ramener la production par bateau dans un premier temps. Nous avons d’ailleurs déjà été associés à la conception d’un bateau à hydrogène. À terme, l’hydrogène pourrait aussi être transporté par pipeline, à condition qu’il y ait une grosse production en mer et que cette solution existe, ce qui n’est pas encore le cas.

BCC: Cet engagement se traduit-il

également dans le cycle de production globale?

M. G. : Nous veillons à avoir l’impact le plus faible possible sur l’environnement. Ainsi, les éoliennes que nous utilisons actuellement sur notre site vendéen datent de plus de quinze ans, elles ont donc déjà été amorties d’un point de vue environnemental. Nous utilisons également de l’eau de mer, de rivière, ou encore de l’eau non destinée à la consom mation, que nous purifions, sachant que l’impact est faible : il faut un litre d’eau pour produire 1 litre d’hydrogène (à

20 % près). Cette eau est en quelque sorte restituée puisque les véhicules hydrogène (du préfixe hydro, qui veut dire « eau », et du suffixe gène, qui veut dire « engendrer ») ne rejettent que de fines gouttes d’eau à l’échappement. De même, pour livrer notre hydrogène vers la Roche-sur-Yon et Le Mans, nous utiliserons un camion diesel transformé en camion hydrogène par une entreprise spécialisée dans la reconversion de véhicules thermiques.

BCC: Quel est votre business-model? M. G. : Nous nous définissons comme un acteur industriel qui travaille avec les territoires, avec la volonté de nous associer avec des collectivités et des entreprises. Pour que l’hydrogène soit accessible à des prix compétitifs, il est préférable qu’il soit consommé par un écosystème local qui nécessite peu de transport. Non seulement parce que le transport coûte assez cher et que nous ne souhaitons pas qu’il impacte trop significativement le prix, mais aussi parce que nous tenons à ce modèle de circuit court et de création locale de valeur. C’est un effet collatéral totalement bénéfique.

BCC: Quel prix le prix à la pompe proposé? M. G. : Nous arrivons à un prix de 10 euros le kg, ce qui permet par exemple pour une berline de faire un plein pour 70 euros, soit pratiquement le même prix que l’essence. L’objectif est également de proposer pour les bus un prix qui ne sera pas prohibitif par rapport au diesel. Il s’agit d’un tarif non subventionné, qui pourra bien sûr être abaissé selon les aides éventuelles.

BCC: Quel est votre plan de production? M. G. : Nous avons prévu d’installer 20 sites sur quatre ans, en France et en Europe. Nous avons ouvert notre bureau en Allemagne-Benelux fin juillet, dont l’équipe sera notamment composée d’un ancien directeur de la société NEL, entreprise norvégienne leader de la fabrication d’électrolyseur dans le monde. Les dix premières unités seront essentiellement destinées à des collectivités et des délégataires de services publics. Elles serviront à approvisionner des bus, des bennes à ordures ménagères et des flottes de petits véhicules ou d’utilitaires. La seconde vague d’unités de production, qui va démarrer en 2021-2022, pourra également intégrer des transporteurs de marchandises qui sont de plus en plus intéressés par cette solution, car l’offre de véhicules est en train de s’étoffer vers des camions plus lourds. ■

Première ville allemande à avoir opté pour un monorail suspendu, Wuppertal innove à présent avec ses bus à hydrogène.

Allemagne: Wuppertal mise sur l’hydrogène

MODÈLE. Située à l’est de Dusseldorf, la ville de Wuppertal a choisi de s’équiper de 20 bus A 330 Fuel Cell de Van Hool, comparables au

Fébus de Pau. L’hydrogène utilisé est produit par traitement des déchets ménagers. Nathalie Versieux

La compagnie des transports en commun de WupperLa compagnie de transports en commun de Wuppertal produit tal, WSW (Wuppertaler Stadtwerke), a commandé son propre hydrogène, par le biais de la compagnie de traitedix bus à hydrogène au constructeur belge Van Hool. ment des déchets locale, AWG. Depuis l’hiver dernier, un élecLes véhicules, longs de 12 mètres et pesant 14 tonnes, trolyseur équipé d’une station à hydrogène se tient à l’ombre de peuvent transporter 75 passagers. Les premiers d’entre eux ont l’usine de traitement des déchets. L’hydrogène et l’oxygène sont été mis en circulation le 20 juin, après une phase d’adaptation et produits par électrolyse de l’eau grâce à l’énergie dégagée lors de formation du personnel. Ces bus de type A 330 Fuel Cell ont la combustion des déchets. «Le modèle de Wuppertal est plus un moteur de 210 kW et sont équipés d’une cellule à hydrogène qu’une solution intelligente au niveau local, souligne le ministre de 85 kW ainsi que d’une batterie LTO. La cellule à hydrogène est des Transports de la région. Le projet commun à WSW et AWG est installée sous la plateforme voyageurs. Les bus Van Hool affichent une innovation qui développe l’économie de recyclage. » AWG une autonomie de 350 à 400 km, et coûtent 650000 euros l’unité, entend s’équiper rapidement de bennes à ordures roulant elles soit trois fois le prix d’un bus conventionnel à moteur diesel. Totaaussi à l’hydrogène. Un test à cet effet a déjà été effectué l’an lement silencieux, ils permettent d’économiser 700 tonnes de passé avec un prototype du constructeur Faun.

CO2 par an, selon la compagnie. Dans cette région vallonnée, la Le modèle de Wuppertal est soutenu par l’Union eurodifférence sur la qualité de l’air se fera tout particulièrement senpéenne, l’État Fédéral et le Land de Rhénanie-du-Nord-Westtir sur les trajets en montée. «Comme beaucoup d’autres villes, phalie qui ont investi ensemble 6,5 millions d’euros sur les 12milnous nous sommes d’abord intéressés aux bus électriques à batlions qu’a coûté le projet. ■ terie, rappelle Andreas Meyer, responsable du projet hydrogène de la compagnie. Mais sur les parcours vallonnés, les bus électriques ont vu leur autonomie réduite à 150 km, alors que les bus en circulation doivent accomplir 300 km par jour en moyenne. »

20 bus hydrogène l’an prochain

La flotte à hydrogène de WSW doit doubler d’ici la fin de 2021 pour compter alors 20 véhicules. Wuppertal, déjà novatrice pour avoir été la première ville d’Allemagne à s’équiper d’un monorail suspendu, mise de longue date sur l’hydrogène, au point qu’on parle de « modèle de Wuppertal », dès qu’on aborde la question de l’usage de l’hydrogène dans les transports en commun.

Mis en service fin 2019, le BHNS palois Febus fonctionne avec huit bus Van Hool à hydrogène.

Le bioGNV affirme ses atouts

KOTOYAMAGAMI ©

TRAJECTOIRE. Réduction de la pollution de l’air, recours aux circuits courts, démarches transversales… La crise sanitaire n’a pas fait passer au second plan les enjeux liés à la transition énergétique, bien au contraire. Et la sensibilité croissante à la maîtrise de la chaîne de valeur plaide en faveur du bioGNV. Sandrine Garnier

Prévue par la Loi sur la transition écologique et la croissance verte, le verdissement des flottes de transport public est entré en vigueur cette année. Dorénavant, la moitié des véhicules commandés doivent être classés à faible émission. C’est le cas du GNV. Et, à partir de 2025, cette obligation portera sur la totalité des achats de véhicules. Cette disposition concerne les transports publics dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants, ainsi que dans la petite couronne francilienne. D’autre part, la Lom a lancé la concrétisation des zones à faibles émissions,

Immatriculations bus et cars

7500

5900 4900 3808

2200

fév. 2020 PPE 2023 PPE 2028 Elec PPE 2023 Elec PPE 2028

dans lesquelles la circulation des véhicules diesel doit être progressivement interdite. Les moteurs GNV bénéficient de la vignette Crit’air 1.

La vague verte issue des dernières municipales vient compléter une conjonction de facteurs qui plaident en faveur du recours accru aux motorisations alternatives, GNV en tête. Contrairement au véhicule léger, pour lequel l’offre au gaz est restée marginale en France, le segment des minibus, bus et même cars GNV offre une large gamme. Et le développement des flottes GNV en urbain apporte un retour d’expérience conséquent. « Le nombre de bus et cars GNV immatriculés en France est de 3800 aujourd’hui. Dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le Gouvernement prévoit une augmentation à 4 900 en 2023, puis 7500 en 2028. À cette échéance, le nombre de cars et bus électriques devrait atteindre, quant à lui, 5900unités, souligne Gilles Durand, secrétaire général de l’Association française du GNV. Malgré la crise, la demande reste forte, et les tensions sur les capacités de production allongent les délais de livraison. Beaucoup de collectivités veulent agir, y compris en zones rurales avec la multiplication de projets de méthanisation. »

Fiscalité attractive

De plus, la fiscalité du GNV est attractive, avec une TICPE fixée à 0,076 euro du kilo (sachant qu’un kilo permet de parcourir environ la même distance qu’un litre de gazole), et le suramortissement sur les véhicules GNV est prolongé jusqu’en 2022. Les Régions s’impliquent de plus en plus dans

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