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INTERVIEW

STÉPHANE ESPINASSE, PRÉSIDENT D’IVECO BUS «Le véhicule industriel ne doit pas être oublié par les plans de relance»

Après plus de six semaines à l’arrêt, la production a repris sur l’ensemble des sites Iveco Bus. Mais pour le constructeur, il est encore un peu tôt pour tirer le bilan de la crise, dont les conséquences se poursuivront au-delà de l’année 2020.

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Bus&Car Connexion: La production a repris pour

l’ensemble des sites Iveco Bus. Quel est le premier bilan après cette période de confinement?

Stéphane Espinasse: Après un arrêt de production de plus de 6 semaines, nos capacités ont repris quasiment à leur niveau nominal. Nos clients ne sont pas tous prêts à assurer les réceptions ou les définitions de véhicules, donc les choses redémarrent doucement. La période d’arrêt de production ne se traduira pas par un retard équivalent sur l’ensemble des commandes. Certains dossiers ne sont pas impactés, et les décisions se prennent au cas par cas avec nos clients. On n’est pas à l’abri de difficultés d’approvisionnement ou de cas de Covid, donc il faut rester prudent, mais les retards de production devraient être rattrapés dans les prochaines semaines, au plus tard entre septembre et décembre.

BCC: Quelles sont vos anticipations

concernant l’évolution du marché?

S. E. : L’incertitude domine, et il est encore extrêmement difficile d’avoir de la visibilité sur le plan de charge. Sur les véhicules de tourisme, la baisse de la demande a été immédiate et forte, de l’ordre de 40 %. La tendance est à confirmer, puisque l’année n’est pas terminée… Dans l’urbain, où le marché passe avant tout par des appels d’offres, l’activité de consultation est restée importante, mais l’on peut s’attendre à une baisse de la demande d’environ 10 % au niveau européen. Sur l’interurbain, on s’oriente vers un léger infléchissement de la demande, qui devrait rester à un niveau soutenu.

BCC: Estimez-vous que les

conséquences économiques de cette crise pourraientelles remettre en question la dynamique engagée en matière de transition énergétique?

S. E. : On observe une volonté du secteur des transports publics de continuer la transi tion énergétique engagée. Nous sommes prêts à accompagner cette transition avec notre offre GNV, électrique ou hybride. Dans certaines régions, des plans d’investissement ont été actés et pourront contribuer à relancer les investissements. Auvergne-Rhône-Alpes et la région Sud sont très volontaristes. Mais d’autres niveaux de collectivité s’interrogent, dans l’urbain notamment, en raison de l’impact de la crise sur les recettes du versement mobilité. La baisse des recettes issues du versement mobilité pourrait impacter les capacités d’investissement des collectivités locales, © CREALIS

« Les retards de production devraient être rattrapés dans les prochaines semaines, au plus tard entre septembre et décembre »

ce qui pourrait avoir des conséquences sur notre activité en fin d’année et en 2021. Nous sommes très vigilants sur la situation des autorités organisatrices et des opérateurs de transport. Le gouvernement travaille sur différents plans de relance, pour le tourisme, l’automobile ou l’aérien. Il ne faudrait pas que le véhicule industriel et le transport routier de voyageurs soient les grands oubliés dans ces dispositifs de soutien. Nous avons besoin de prendre des commandes, de produire et de facturer pour continuer à travailler sur la transition énergétique, continuer à faire de la R&D pour contribuer à faire évoluer les flottes. Nous sommes très fiers de notre implantation européenne, et française pour le siège mondial d’Iveco Bus.

BCC: Comment avez-vous géré l’arrêt de la

production?

S. E. : Depuis le début de cette crise sanitaire, notre priorité est allée à la

« Sur les véhicules de tourisme, la baisse de la demande a été immédiate et forte, de l’ordre de 40%. La tendance est à confirmer, puisque l’année n’est pas terminée… »

sécurité de nos salariés, de nos fournisseurs et de nos clients. Nous avons réagi dès la fin février, en demandant d’abord à nos collaborateurs de suspendre leurs déplacements, puis en mettant en place le télétravail. En dernier ressort, mi-mars, nous avons décidé d’arrêter la production au sein de nos usines, sur les sites français d’Annonay, Rorthais, Bourbon-Lancy, ainsi que Visyoke Myto, en République tchèque, et Brescia, en Italie. Je tiens à souligner que les services après-vente ont continué à fonctionner, étant considérés comme des activités prioritaires. La livraison de pièces et la maintenance ne sont pas arrêtées durant le confinement.

BCC: Comment vous êtes-vous préparés au

redémarrage?

S. E. : Une fois que les productions se sont trouvées à l’arrêt, nous avons commencé à préparer les protocoles sanitaires nécessaires au redémarrage. Nos propres protocoles étaient prêts dès la mi-avril, mais il a fallu ensuite deux bonnes semaines pour examiner la supply chain, de façon à nous assurer que les modalités d’approvisionnement respectaient bien les mesures barrières. Nous avons travaillé avec 660 fournisseurs, sachant que la situation

réglementaire était différente selon les pays. Dès le 27 avril, nous avons été en mesure de préparer certains sites industriels. Par exemple, à Annonay, nous avons organisé à cette date les formations pour les équipes de direction, avec une vingtaine de personnes, et le jeudi 30 avril, nous étions plus de 200 sur ce site pour continuer à former les personnels d’encadrement aux protocoles de sécurité.

BCC: Et ensuite, quelle a été l’organisation pour la

reprise du travail?

S. E. : Les salariés ont d’abord reçu le protocole chez eux. Ils ont ensuite été formés au protocole général en arrivant sur le site; avant de suivre une deuxième formation plus spécifique sur leur poste de travail. Nous avons créé un mode opératoire sanitaire, avec la mise à disposition d’équipements de protection individuels si nécessaire, en plus des gestes barrières qui s’appliquent à tous: gel hydroalcoolique, port du masque, distanciation. Notre objectif est que les salariés se sentent davantage en sécurité au travail qu’à l’extérieur de l’usine. À Annonay, nous avons redémarré le 4 mai avec 600 personnes, sur une partie de la chaîne d’assemblage mécanique, puis on a rajouté progressivement des parties de chaîne de production ou d’atelier pour arriver au 12 mai, avec l’ensemble de nos salariés, des intérimaires, des fournisseurs ou des prestataires, soit plus de 1 500 personnes sur le site. Le processus de reprise a été similaire sur l’ensemble de nos sites.

Propos recueillis par Sandrine Garnier

À l’instar du Crealis, l’ensemble des véhicules construits à Annonay bénéficient depuis 2013 du label Origine France Garantie.

« On observe une volonté du secteur des transports publics de continuer la transition énergétique engagée. Nous sommes prêts à accompagner cette transition avec notre offre GNV, électrique ou hybride »

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