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Wallis-et-Futuna

UNE BIODIVERSITÉ FRAGILE MENACÉE PAR LES COMPORTEMENTS ET LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Le préfet Blaise Gourtay a évoqué pour OUTRE-MER grandeur Nature les principales problématiques de l’archipel du Pacifique sud dont le fonctionnement singulier est organisé autour de l’administration supérieure ou préfecture, l’assemblée territoriale élue, et la chefferie, composée des trois royaumes. Eaux de baignade, surpêche côtière, ordures ménagères, transition alimentaire, risques naturels : tour d’horizon des défis.

INTERVIEW

BLAISE GOURTAY, PRÉFET ET ADMINISTRATEUR SUPÉRIEUR DES ÎLES WALLIS-ET-FUTUNA

Blaise Gourtay
• Comment s’effectue le partage des compétences à Wallis-et-Futuna ?

- La protection de l’environnement relève du Territoire, l’État intervient en appui, notamment sur les volets sanitaires, maritimes et climatiques. Les circonscriptions administratives sont chargées de la collecte des déchets et de l’hygiène publique. Les chefferies coutumières, détentrices du foncier, ont un rôle central dans la gestion des terres et la médiation sociale. La coordination est cruciale pour répondre aux enjeux environnementaux.

Si la culture et le lien à la nature restent forts aujourd’hui dans l’archipel de Wallis-et-Futuna, les défis environnementaux n’en sont pas moins nombreux.
© Wallis-et-Futuna tourisme
• Vous évoquez spontanément le problème des eaux de baignade, pourquoi ?

- L’environnement littoral est affecté par les rejets directs d’eaux usées, l’absence ou le manque de systèmes d’assainissement, une gestion défectueuse des eaux pluviales, les effluents agricoles comme les lisiers d’élevages porcins.

• Comment les ordures ménagères sont-elles gérées ?

- Principalement via des centres d’enfouissement techniques (CET) destinés à évoluer en centres de transfert et de valorisation.

Depuis 2017, une écotaxe encourage la collecte des contenants triés et le tri à la source. Un projet de fonderie artisanale et de ressourcerie de pièces d’occasion est soutenu. Les déchets électroniques sont stockés, en attente de solutions de valorisation ou d’exportation, les déchets dangereux – batteries, huiles usagées – sont expédiés en Nouvelle-Zélande.

DE MAUVAISES PRATIQUES PERSISTENT
• Quel est l’état de la biodiversité ?

- Riche mais très vulnérable, en particulier face aux espèces envahissantes – rat noir, cochon sauvage, liane Merremia peltata –, à la pollution et la pression humaine. Le manque de moyens pour surveiller, restaurer et protéger les milieux naturels complique la gestion durable.

De mauvaises pratiques persistent : décharges sauvages, incinérations non maîtrisées ou encore surpêche côtière. Malgré des campagnes de collecte, il existe encore des rejets illégaux d’huiles usées et de batteries. Des épaves sont laissées à l’abandon. (…) Il faut une montée en compétence des services, un meilleur maillage des points de collecte et une sensibilisation continue, en lien avec les autorités coutumières.

Si la culture et le lien à la nature restent forts aujourd’hui dans l’archipel de Wallis-et-Futuna, les défis environnementaux n’en sont pas moins nombreux.
© Wallis-et-Futuna tourisme
• Quel lien la population a-t-elle avec la nature ?

- La culture locale entretient encore un lien fort avec la nature, les terres coutumières et les pratiques vivrières, aux côtés d’habitudes de consommation plus modernes. L’archipel fait face à une transition alimentaire rapide, avec des conséquences sanitaires majeures. L’enjeu est de réconcilier traditions et santé publique, en valorisant les savoir-faire locaux, l’agriculture vivrière et l’éducation à la nutrition.

• Comment l’intervention financière de l’État estelle ventilée ?

- Elle est structurée autour de plusieurs axes essentiels destinés à garantir les missions régaliennes, le développement du territoire, et l’adaptation aux enjeux environnementaux et climatiques. Plusieurs actions relèvent directement ou indirectement de la transition écologique : la gestion des déchets (cofinancement des centres d’enfouissement techniques, collecte des déchets dangereux, écotaxe), l’assainissement, la lutte contre les espèces invasives, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, la prévention des risques climatiques ou encore l’éducation. Une part significative des financements est orientée vers les services publics essentiels, les infrastructures et la cohésion sociale. Les dépenses environnementales et climatiques sont croissantes et stratégiques.

LA MONTÉE DES EAUX SALINISE CERTAINES NAPPES PHRÉATIQUES
• Quels sont les moyens de protection de la population ?

- La préfecture décline les dispositifs classiques et dispose d’un plan ORSEC, les risques majeurs étant les cyclones, séismes et tsunamis. Il existe des centres d’accueil et de regroupement en situation de crise. Des chemins de repli sont prévus contre le risque tsunami, surtout à Futuna. Dengue et chikungunya sont les maladies présentes, ainsi que la filariose et la gratte, notamment à Futuna. Des campagnes de prévention et dépistage sont régulièrement conduites.

• Le dérèglement climatique s’observe-t-il ?

- Oui, clairement, à travers plusieurs phénomènes affectant les écosystèmes, les ressources et les infrastructures. Des phénomènes d’érosion côtière sont constatés, notamment à Wallis. La montée des eaux salinise certaines nappes phréatiques et zones agricoles littorales. Les infrastructures côtières sont de plus en plus exposées. Les températures marines plus élevées entraînent des épisodes de blanchissement des coraux. Le dérèglement climatique accentue les événements extrêmes : cyclones plus intenses, fortes pluies, périodes de sécheresse prolongées. Cela affecte l’agriculture locale basée notamment sur l’igname et le taro, ainsi que l’approvisionnement en eau et la sécurité alimentaire.

Rédaction et interview : Damien Grivois
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