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Terre outre-mer

LA BIOMASSE, UNE ÉNERGIE VERTE ?

L’électricité à partir de la biomasse est présentée en France comme une énergie verte. Sauf que même si dans « biomasse », il y a « bio », ce n’est rien d’autre que brûler du bois pour faire de l’électricité. 

Les outre-mer mettent actuellement les bouchées doubles en matière de transition énergétique, pour atteindre les 100 % d’électricité d’origine renouvelable en 2033. La Guyane espère y arriver dès 2028 et, pour l’île de La Réunion, la bascule est en cours avec 92 % d’énergie renouvelable produite en 2024, contre 31 % en 2019 [source : EDF 2025).

Pour les aider, la France a adopté deux dérogations. Elles permettent de brûler à La Réunion des plantes exotiques envahissantes et, en Guyane, du bois issu des friches agricoles ou des plantations à vocation énergétique. Pourtant, brûler du bois ou des plantes émet plus de gaz à effet de serre que brûler du pétrole ou qu’une centrale à charbon. Théo Bonnet, de l’association Maiouri Nature Guyane : « Il faut avoir en tête que quand on brûle du bois dans une centrale, cela émet 1,5 tonne de CO2 par mégawattheure. Le pétrole, c’est moins d’une tonne. Donc quand on brûle du bois directement, on pollue plus qu’avec une centrale à pétrole. Par contre, on mise sur le fait que dans 25 ans, des arbres auront repoussé et qu’on pourra à nouveau les utiliser et petit à petit, venir atténuer cette dette. »

Une centrale à biomasse est donc considérée comme une énergie verte, et également comme une énergie renouvelable, car les arbres sont censés repousser. Alors qu’à l’instant où on les coupe, ces arbres n’ont pas encore repoussé et rien ne garantit qu’ils vont effectivement repousser. « En coupant les forêts, c’est sûr que l’argent va rentrer tout de suite dans les caisses des industriels. L’énergie va pouvoir sortir tout de suite. Mais est-ce que derrière, ça va repousser dans un contexte de changement climatique en plus, où on parle de “savanisation” de l’Amazonie ? Est-ce que ces arbres pourront repousser ? Est-ce que la dette sera remboursée ? Nous avons de sérieux doutes. Et même la communauté scientifique – j’ai épluché un paquet d’articles – n’est pas d’accord sur le sujet. Typiquement, au moment où la RED II [directive européenne sur les énergies renouvelables] a été écrite, 800 scientifiques ont produit une lettre en disant : “Ne faites pas ça, n’encouragez pas tout simplement les centrales à biomasse dans le cadre de l’Europe” ».

En Europe, les centrales à biomasse sont donc considérées comme de l’énergie verte car, dans la loi, il est écrit qu’elles n’émettent pas de gaz à effet de serre. Le relargage de CO2 est comptabilisé lors de la déforestation. Pourtant, selon les lois de la physique, une centrale à biomasse émet trois fois plus de polluants et bien plus de CO2 , de particules fines et même de méthane que le pétrole ou le charbon. Elle n’a rien de neutre. Et la biodiversité qui disparaît lorsqu’on coupe une forêt n’est quant à elle comptabilisée... nulle part.

En Guyane, le lac de Petit-Saut est le plus grand lac d’Europe, avec environ 357 km2. Ses arbres morts inondés en font un lieu unique accueillant une biodiversité, notamment avicole, exceptionnelle. Les arbres du lac sont aussi convoités pour leur biomasse, dans le cadre d’un projet énergétique.
© Enzo Dubesset

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Ce texte est issu de la chronique radio « Terre Outre-mer » présentée par Caroline Marie à écouter sur La1ere.fr, l’offre numérique Outre-mer de France Télévisions

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