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Guyane
POUR RESTER VIVABLE, LA GUYANE PRÉPARE SON ADAPTATION AU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE
Intensification des saisons sèches, phénomènes extrêmes, risque d’hyperthermie… Les prévisions climatiques pour la Guyane tendent à montrer que ce territoire pourrait être difficilement habitable à la fin du siècle. La Collectivité planche sur un Plan régional d’adaptation au changement climatique pour éviter les scénarios catastrophes.
Comment s’adapter pour que la Guyane soit encore habitable en 2100 ? C’était, en somme, la réflexion qui animait les quelque 400 participants aux premières Journées d’adaptation au changement climatique (JACC), organisées à Cayenne du 3 au 5 juin. C’est aussi l’objectif politique du premier Plan régional d’adaptation au changement climatique, initié en janvier par la Collectivité territoriale de Guyane et dont ces « JAAC » ont été une sorte d’incubateur. Ce plan se concentre sur six thématiques comme l’érosion du littoral, l’impact sur les ressources naturelles du territoire ou les leviers financiers à mobiliser pour financer l’adaptation. L’objectif ? Une meilleure prise en compte du contexte local dans la déclinaison des mesures nationales d’adaptation aux changements climatiques. Les premiers résultats du plan devraient être présentés lors de la COP 30, qui se tiendra du 10 au 21 novembre à Belém, au Brésil.
Les enjeux sont immenses, tant le climat, déjà rude, de la Guyane, risque de devenir invivable à la fin du siècle, à en lire les projections du rapport GuyaClimat.
Coréalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et Météo-France en 2022, cette étude a été la première à modéliser précisément les impacts locaux du dérèglement climatique.

DES NUITS PLUS CHAUDES
Selon les différents scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les températures maximales augmenteront par exemple de 2,5 à 4,1 °C d’ici 2100, tandis que la pluviométrie diminuera de 15 à 25 % sur la même période. Cette évolution sera particulièrement sensible pendant la saison sèche, d’août à novembre, qui sera donc plus intense et plus longue.
Sur l’île de Cayenne, « tous les après-midis dépasseront les 34 °C d’août à novembre à l’horizon 2100 pour le scénario ssp5-8.5 [échec des politiques d’atténuation et continuité des tendances de consommation d’énergies fossiles]. Le seuil des 36 °C sera dépassé une journée sur trois en octobre, alors que ce ratio concernait plutôt le seuil des 32,5 °C durant la période de référence de 1980 à 2014 », détaille Marine Bresteaux, ingénieure à Météo-France en Guyane, dans cette étude. Les températures minimales vont suivre la même tendance avec une augmentation de 3,2 ° C à 4,2 ° C d’ici la fin du siècle, ce qui empêchera les corps de se refroidir pendant la nuit, accentuant le risque d’hyperthermie. « Les températures minimales de 28 °C deviendront la norme presque tout au long de l’année, alors qu’aujourd’hui elles sont exceptionnelles », explique Marine Bresteaux.

DES PHÉNOMÈNES EXTRÊMES
Selon plusieurs spécialistes intervenus aux JAAC, dans ces conditions, poursuivre une activité sportive en plein air ou travailler dehors deviendront de véritables pratiques à risque, même pour un individu en bonne santé. Ces prévisions contraignent aussi les pouvoirs publics à adapter rapidement l’architecture des habitations – en privilégiant la ventilation naturelle et des matériaux plus respirants – mais plus globalement l’urbanisme, par exemple en végétalisant les villes et en multipliant les points d’accès à l’eau potable.
Au-delà de ce risque de surchauffe, les projections du rapport GuyaClimat confirment aussi la tendance, déjà identifiée ces dernières années, de multiplication des phénomènes extrêmes. « Sur quatre ans, nous avons connu les deux années les plus pluvieuses et les deux années les plus sèches depuis le début des relevés météorologiques. Et la tendance va continuer à aller dans ce sens », confirme Marine Bresteaux.
En effet, la baisse globale de la pluviométrie n’empêche pas la résurgence épisodique de pluies diluviennes, comme celles ayant causé de violentes inondations en 2022. De même pour les sécheresses de 2023 et 2024 qui ont complètement isolé les communes guyanaises dépendantes des fleuves pour leur transport – les pirogues ne pouvaient plus naviguer. Ces épisodes restent aussi un traumatisme pour les agriculteurs du territoire qui ont enregistré des pertes massives – 60 à 70 % des 6 100 exploitations ont été touchées par la dernière sécheresse. Autant de problématiques locales, auxquelles le Plan régional d’adaptation au changement climatique, qui se coconstruit doucement avec les élus du territoire, devrait proposer des réponses.
