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COLLECTION | VINS

VALEURS LIQUIDES

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Amateur de longue date, J. s’est constitué une jolie collection de plus de 5 000 bouteilles qu’il conserve précieusement dans sa cave, et qu’il compose entre grands classiques et petits domaines qu’il déniche. Inconditionnel de Bourgogne, il nous partage sa passion.

Texte Anne Ciancanelli Photos Sabino Parente

Ce n'est pas une passion qui éclot tout petit, tout comme peut le faire la musique ou un sport, mais c'est quelque chose qui vient avec le temps, la compréhension et l'épicurisme sans doute. La passion pour le vin est quelque chose qui s'apprivoise. Fin amateur et homme de ‘paroles’, J. éduque son palais depuis longtemps. « Ça remonte déjà à une bonne quarantaine d'années. Et c'est arrivé comme ça. Comme tous les jeunes, on boit une bière ou un rosé, puis on découvre au fur et à mesure des vins qui sont un peu mieux structurés et on y prend du plaisir », nous confesse-t-il. Il englobe autour du vin toute une philosophie, notamment de partage, tant est si bien qu’il n’apprécie boire un bon verre de vin qu’en bonne compagnie, auprès de quelques amis ou lors d’un bon repas en famille. Quant à ses préférences, J. ne fait pas un pli : c'est la Bourgogne ! Il identifie la Bourgogne, son prolongement, le Mâconnais, et plus en bas jusqu'à la côte, sans aucune distinction entre le blanc ou le rouge. Et il l’assume, il n’est absolument pas Bordeaux... même s'il en détient quelques bouteilles pour le plaisir de certains de ses amis amateurs. Sans surprise, sa cave est composée principalement de vins de Bourgogne à près de 80%, parmi lesquels on trouve plus ou moins 10 à 15 % de blanc. Il explique : « Je dirais que le blanc est plus facile. On l'achète et on peut le consommer rapidement. À la différence du rouge, qui, pour certains vins, a besoin de se reposer, de mûrir encore en bouteille. C'est pour cette raison que le blanc est moins imposant dans ma cave. » Il précise d’ailleurs que, pour lui, un vin de Bourgogne se boit après 10 ou 20 ans de conservation. Quand on lui pose la question sur le pourquoi de son penchant inébranlable pour cette région, il évoque son identité, à ses yeux si particulière : « Il y a deux éléments. D'abord le goût, la composition du vin, qui est moins fort que le Bordelais. Je le trouve plus rond, plus charnu, mais c’est un avis personnel. Le second élément, que j'aime beaucoup, c’est sa proximité. Il est plutôt facile d'aller en Bourgogne. On peut se promener dans les villages et découvrir de nouveaux domaines. En tant qu’amateur, on est beaucoup plus proche du vin en Bourgogne que dans le bordelais. Je vais voir régulièrement des domaines sur place, certains qui sont des classiques dans lesquels j'achète depuis de longues années, et d'autres sur lesquels je tombe de manière hasardeuse en me baladant dans les villages et grâce auxquels je découvre de très jolies choses ». Car, depuis toutes ces décennies, son goût pour la découverte ne s’est jamais tari. Dans les milliers de litres qu’il classe (plus de 5 000 bouteilles), J. possède évidemment plusieurs pépites, des vins répertoriés, des vins âgés dont le plus vieux date des années 40. « J'ai déjà eu la possibilité d'en goûter un, mais c'est plus un vin que je conserve comme souvenir ou pour ma collection personnelle ». Car pour tout grand amateur de vin, la frontière peut être très mince entre le statut de consommateur et celui de collectionneur. Et si on lui parle justement de souvenirs, J. garde en mémoire certains crus : « J’aime bien les domaines de Méo-Camuzet ou Mugneret, les grands classiques, mais j'aime aussi les nouveaux vignerons de Bourgogne qui semblent s'adapter et proposer un goût plus contemporain » . Ce sont d’ailleurs de jeunes domaines qui ont fait l’objet de sa dernière acquisition « Comme je vais assez souvent en Bourgogne, je me suis lié d'amitié avec un caviste qui me fait régulièrement de très belles sélections. Dernièrement, j’ai donc craqué pour trois domaines que je ne connaissais pas : Corton Grand Cru, Maison en Belles Lies et Astrolab ». Pourtant, le Saint-Graal reste pour lui l’incontestée, la très grande Romanée-Conti. Notre amateur s’accorde toutefois une entorse : les vins italiens. Il admet : « Depuis 4-5 ans, je m'intéresse aussi aux vins italiens et j'y concède une armoire. Les Italiens font de très très bonnes choses. Sa particularité, surtout pour le rouge, c'est qu’on peut normalement le boire tout de suite, tandis qu'un Bourgogne doit être conservé. Si un restaurant propose un Bourgogne de 2020 sur sa carte, je le considère trop jeune pour moi ; il faut le laisser encore reposer. Contrairement à un Italien qui peut être dégusté tout de suite tout comme être gardé 4-5 ans, voire 10 ans. J’aime assez bien la Toscane, la Sicile et les Pouilles, qui, depuis le Primitivo, font un tabac. C'est un vin qui est fort, qui se boit très facilement, et qui est aussi abordable. Si quelqu’un veut commencer dans les vins italiens, il est pertinent de commencer avec le Primitivo. La Toscane est sans doute plus traditionnelle et plus forte en goût ». En grand épicurien qu’il est, J. enrichit sa cave de diversité en consacrant une étagère entière aux spiritueux sur laquelle dominent calvados, rhums et autres alcools, tous dévoués à sa première philosophie, le partage en bonne compagnie. Alors, lorsqu’on lui demande quels conseils il donnerait à quelqu’un qui souhaiterait commencer à se constituer une cave, il ne se détourne pas de sa conception du vin : le goût. « Le vin est un plaisir, donc il tient à chacun de trouver son élément. Je ne vais pas imposer un vin à quelqu'un qui ne partage pas mes goûts. Si j’aborde la Bourgogne, je conseillerais d'avoir 3-4 de Nuits-Saint-Georges et de GevreyChambertin, puis de faire un mélange entre les grands classiques et les découvertes. » La beauté de cette cave, aux nombreuses références pourtant, est qu’elle a toujours été élaborée par passion, par goût, par l’histoire parfois, mais où le pragmatisme ou la notion de placement n’ont que peu de place finalement. Elle est bien là la valeur... l'émotion.

« Le vin est un plaisir, donc il tient à chacun de trouver son élément. Je ne vais pas imposer un vin à quelqu'un qui ne partage pas mes goûts. »