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Incubateur de changement social

La Faculté de droit a été créée en 1878, alors que fut inaugurée une « Succursale de l’Université Laval à Montréal », qui deviendra en 1920 l’Université de Montréal. L’inauguration solennelle de la Faculté de droit eut lieu le 1er octobre 1878 avec l’inscription d’une quarantaine d’étudiants.

DJean Hétu

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Ad. E., professeur émérite ès l’année suivante, la Faculté octroyait ses premiers diplômes à sept étudiants, dont Pierre-Eugène Lafontaine, qui sera doyen de la Faculté en 1918 et juge en chef de la Cour d’appel du Québec en 1922. Une tradition d’excellence va vite s’établir tant par les professeures et professeurs que par les diplômées et diplômés, qui vont avoir une influence considérable non seulement dans le milieu juridique, mais dans la société en général, tant au Québec qu’à l’étranger. Même si la Faculté fut créée à l’intention des Canadiens francophones et catholiques, elle n’a jamais refusé les étudiants provenant d’autres groupes sociaux. Dès les premières années, elle accepta la présence d’étudiants anglophones. Les membres de la communauté juive, discriminés notamment par d’autres facultés, ont également été admis à la Faculté. Ainsi, nous retrouvons dès 1895 Samuel W. Jacobs, premier diplômé de cette communauté. Seul juif à siéger pendant des années au Parlement d’Ottawa, il sera un leader dans la défense des droits sociaux de la communauté juive. En 1928, Juliette Gauthier est la première femme licenciée en droit. Lors de la collation des grades de mai 1931, Louis-Philippe Lainesse, un handicapé visuel, est non seulement licencié avec grande distinction mais il termine premier de sa promotion. En mai 1933, Norman Harry Saylor, originaire de Kahnawake, devient le premier diplômé autochtone. Juanita Westmoreland-Traoré (LL. L. 1966) sera la première femme de couleur à obtenir un diplôme en droit de la Faculté dans les années soixante.

Dans les paragraphes qui vont suivre, nous allons faire état de diverses réalisations de quelques diplômés qui ont eu un impact dans la société, en étant toutefois conscient que beaucoup d’autres auraient pu retenir notre attention.

Des juristes de renom

Environ 18 000 étudiants ont obtenu un baccalauréat ou une licence en droit depuis 1879. Ils font partie d’une grande famille de juristes qui ont joué un rôle important non seulement dans le milieu juridique mais également dans la vie quotidienne des Québécois. Ces juristes sont trop nombreux pour que nous puissions vraiment mentionner leurs noms mais ils sont habituellement bien connus. Par exemple, presque tous les juges en chef de la Cour d’appel depuis Pierre-Eugène Lafontaine (LL. L. 1879) jusqu’à Manon Savard (LL. L. 1985) en 2020 ont étudié à la Faculté de droit. En 1920, Édouard Montpetit (LL. L. 1904) va fonder l’École des sciences sociales, économiques et politiques. Hector Perrier (LL. L. 1919) a fait adopter une loi pour rendre l’instruction obligatoire dans la province. Gérald Fauteux (LL. L. 1925) est le fondateur et doyen de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Soulignons également le nom de Herbert Marx (LL. L. 1967), ministre de la Justice du Québec en 1985, qui doit être considéré comme le véritable responsable de l’adoption du nouveau Code civil du Québec dont l’impact sur la société n’a pas à être démontré. Il a également créé la Cour du Québec, en plus d’entreprendre la réforme des cours municipales. Il n’est pas sans intérêt de souligner que Pierre Patenaude (LL. L. 1968) fut le doyen fondateur de l’École de droit de l’Université de Moncton (1978-1980), la première au monde à enseigner la common law en français pour l’obtention d’un baccalauréat en droit. Soulignons enfin que Réjane Laberge Colas (LL. L. 1951) est non seulement la première femme au Canada nommée en 1969 juge d’une cour supérieure, mais elle est aussi la présidente fondatrice de la Fédération des femmes du Québec.

Des politiciens qui ont transformé la société Sur la scène politique, nous retrouvons deux gouverneurs généraux (Georges P. Vanier et Jules Léger), un premier ministre du Canada (Pierre Elliott Trudeau), 10 premiers ministres du Québec (Sir Lomer Gouin, Maurice L. Duplessis, Paul Sauvé, Daniel Johnson, Jean-Jacques Bertrand, Jean-Guy Cardinal, Robert Bourassa, Pierre-Marc Johnson, Daniel Johnson fils et Bernard Landry) et trois maires de Montréal (Louis-Arsène Lavallée, Jean Drapeau et Jean Doré). Ces personnages politiques, dont plusieurs encore présents dans l’actualité, ont façonné le Québec d’aujourd’hui. Leurs noms se retrouvent d’ailleurs inscrits notamment dans des édifices publics, des stations de métro à Montréal, des boulevards, des parcs. Qu’il me suffise d’ajouter que Georges P. Vanier (LL. B. 1911) a été un membre fondateur en 1920 du Royal 22e Régiment composé de Canadiens français et le premier gouverneur général francophone en 1959; que Lomer Gouin (LL. B. 1885) fut le fondateur en 1907 de l’École des hautes études commerciales de Montréal, en plus de créer en 1911 le Prix d’Europe pour permettre aux musiciens de parfaire leurs études dans le Vieux Continent; que Robert Bourassa (LL. L. 1956) est considéré comme le « père de la Baie-James »; que Jean Drapeau (LL. B. 1941) a organisé l’Expo universelle de 1967 qui a ouvert le Québec sur le monde, en plus de faire construire la Place des Arts et le métro de Montréal. Que dire maintenant de Pierre Elliott Trudeau (LL. L. 1943), qui changea à tout jamais la société canadienne en faisant adopter en 1982 la Charte canadienne des droits et libertés.

Trois autres hommes politiques retiennent notre attention parce qu’ils sont les artisans de la Révolution tranquille qui sortit le Québec de la « grande noirceur » à partir des années 1960. Il s’agit de Paul Gérin-Lajoie (LL. B. 1942), premier ministre de l’Éducation en 1964; de Pierre Laporte (LL. B. 1945) ministre assassiné en 1970 par le Front de libération du Québec, et surtout de Paul-Émile Lapalme (LL. B. 1928), considéré par plusieurs comme le « père de la Révolution tranquille ». Ce dernier, premier ministre des Affaires culturelles du Québec en 1961, a rédigé en 1960 le programme politique du Parti libéral qui servit de base aux grandes réformes des institutions québécoises.

Sur la scène internationale

Sur la scène internationale, plusieurs diplômés de la Faculté ont joué un rôle important. Trois noms nous viennent rapidement à l’esprit. Raoul Dandurand (LL. B. 1883) fut en 1925-1926 le président de l’Assemblée générale de la Société des Nations, en plus d’être un des rédacteurs du Protocole de Genève, premier texte international à interdire l’utilisation des armes chimiques et biologiques. Louise Arbour (LL. L. 1970) fut notamment procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, avant d’être nommée haut-commissaire aux droits de l’homme; elle fut aussi en 2017-2018 la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour les migrations. Philippe Kirsch (LL. L. 1969, LL. M. 1972) fut le premier président de la nouvelle Cour pénale internationale, premier tribunal permanent chargé de la répression des crimes de guerre. Ajoutons le nom de Mélanie Joly (LL. B. 2001), actuellement la ministre des Affaires étrangères du Canada.

Le milieu des affaires

L’étude du droit s’avère un atout pour une personne qui veut faire carrière dans le monde des affaires. Des diplômés se sont illustrés dans ce domaine ou continuent à favoriser le développement économique du Québec. Plusieurs noms peuvent être cités, mais l’espace nous manque pour le faire. Limitons-nous à mentionner Bernard Couvrette (LL. B. 1929) fondateur de la chaîne d’épiceries Provigo; Calin Rovinescu (LL. L. 1978), président d’Air Canada;

Pierre Karl Péladeau (LL. B 1987), président et chef de la direction de Quebecor; Sean Finn (LL. L. 1981), premier vice-président et chef des affaires juridiques du CN. François-Philippe Champagne (LL. B. 1992) est le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie et, à ce titre, est une figure importante du développement économique du Québec. Ajoutons que c’est Claude Beauchamp (LL. L. 1964) qui a fondé le journal Les Affaires

Dans les milieux culturel et sportif

Plusieurs diplômés sont devenus, après leurs études en droit, des écrivains, des journalistes, des comédiens, des cinéastes, des animateurs de télévision, des pianistes, des sportifs. Ils nous divertissent et enrichissent la vie culturelle des Québécois. Mentionnons ici quelques noms selon l’année de leur diplomation : Abraham Moses Klein (LL. L. 1933), grand poète du Canada anglais; Alban Flamand (LL. B. 1935), premier animateur d’une émission à caractère juridique à la télévision; Pierre Vadeboncoeur (LL. B. 1941), essayiste et un des penseurs québécois les plus importants; Pierre Perrault (LL. B. 1952), cinéaste; Anne Claire Poirier (LL. B. 1957), première femme à réaliser des longs métrages; François Cousineau (LL. L. 1965), pianiste et compositeur; Charles Tisseyre (LL. L. 1973), animateur de l’émission Découverte à Radio-Canada; Claude Meunier (LL. L. 1973), comédien et auteur de La Petite Vie; Emmanuel Bilodeau (LL. B. 1986), comédien; Kim Thuy (LL. L. 1993), écrivaine; Sébastien Benoît (LL. B. 1993), animateur à la télévision; Julien Brisebois (LL. B. 1999), directeur général du Lightning de Tampa Bay; Anne Montmigny (LL. B. 1999), médaillée aux Jeux olympiques de Sydney en 2000; Émilie Castonguay (LL. B. 2013), assistante du directeur général des Canucks de Vancouver.

On a souvent dit que le droit mène à tout ! Nos diplômées et diplômés ont souvent compris que la formation juridique pouvait les conduire dans d’autres sphères de la société, et ce, afin de favoriser le bien-être des citoyens et d’être des vecteurs de changement social. Notre texte n’a fait cependant qu’un bref survol de la contribution de nos diplômés à l’avancement de la société. n