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L’histoire portuaire de Foyal, ou l’ambition d’une capitale monde

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Le Ramboutan

Le Ramboutan

Texte : Corinne Daunar

Une île de la Caraïbe, une terre de colonies et de productions exotiques, une ville bientôt chef-lieu et construite en baie. La nécessité d’aménager la côte de Fort-de-France est sans doute aussi ancienne que la première pierre qui y sera posée. Foyal la portuaire, étend au fil de son trait de mer de multiples et profonds récits.

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Du tracé de l’histoire au dessin de côte

Ils sont nombreux, les marqueurs historiques qui font sursauter la narration au long de la baie de Fort-de-France… Parmi les plus vieux témoins des ambitions maritimes de Foyal, se dresse le fort Saint-Louis, hôte immuable des pavillons militaires de la République. Féroce défenseur de la baie des Flamands, il constitue, pour le gouverneur Blénac, un outil important de pérennisation de la nouvelle capitale à l’époque, monarchique. Autre dessein unique, deux siècles plus loin, né des aspirations napoléoniennes et de ses visées sur le Mexique : le creusement d’un bassin de radoub des plus modernes, au cœur de la ville. Déclaré d’utilité publique, il doit venir soutenir la marine impériale et la guerre dans la péninsule : son chantier sera lancé en grande pompe en 1864, où près de 140 ouvriers se relaient sur un ouvrage d’une ampleur colossale. Pourtant, Fort-de-France n’a pas toujours été le centre de la vie maritime de l’île. Avant sa brutale chute, Saint-Pierre se démarque par un mouillage grouillant d’activité et engloutit les échanges de la Martinique. Une explosion volcanique et la ville ne gardera guère plus que ses fantômes, dont les carcasses se découvrent aujourd'hui en fond de baie.

Des organisations révélatrices de leurs époques

À mesure de temps, Foyal accapare finalement sa destinée portuaire. Les quais de la Compagnie Générale Transatlantique en sont d’ailleurs un autre emblème puissant. Au-devant des monstrueux navires à vapeur dont la société tient le monopole, c’est un ballet incessant de charbonnières et lavandières qui essaime, en ce début de

XXe siècle, dans les cales et autour de la belle clientèle de ces liaisons hebdomadaires vers la France. Dans ce flot anthracite, l’immaculé des ballots de linge amidonnés croise prudemment les visages de suies des femmes engouffrées dans les réserves de charbon. A cette époque, le port de Fortde-France est déjà devenu le cœur battant économique et incontournable de toute l’île : dès la moitié du XIXe siècle, le profil de la baie se réorganise et entame une constante mutation, entre bâtiments de dédouanement, entrepôts et multiples petites mains d’un écosystème intégré. Outre le bassin de radoub, régulièrement modernisé, c’est en 1953 que la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Martinique reçoit délégation pour structurer la concession portuaire de la ville. Les vraquiers s’engouffrent dans la baie des Tourelles, dont l’hydrobase, créée cette décennie reste le clin d’œil des majestueux hydravions des premières liaisons aériennes entre l'île et le vieux continent. Le commerce ne cesse de grossir, et les installations se noient sous le flot des conteneurs et navires de croisières.

L’apogée, le Grand Port Maritime de la Martinique

Pensé dès les années 1980’, le quai de la Pointe des Grives doit y remédier : près de 2 km d’infrastructures mouillées, trois grues mobiles, une vaste aire de déchargement d’une capacité de 150 000 conteneurs, le ton est donné pour engranger un trafic de marchandise toujours croissant et normalisé. Et, à la confluence des activités, la nouvelle gare maritime inaugurée en 2010, anime les liaisons quotidiennes vers la Dominique, SainteLucie ou la Guadeloupe et met à portée de Caraïbe tout le centre de Foyal. Le terminal de croisière du quai des Tourelles et l’appontement de la Pointe Simon complètent l’arsenal touristique du port. Et pour pleinement inscrire l’île dans la mondialisation des échanges et le dynamisme des routes commerciales maritimes internationales, la Martinique s’est dotée en 2013 du statut impulsé sur tout le territoire français : celui de Grand Port Maritime, qui regroupe sous une administration unique et plus efficiente de multiples compétences, infrastructures et techniques. Accueille de passagers, traitement de marchandises en vrac, en conteneurs, de véhicules, d’hydrocarbures, réparations navales… le service se veut global et à la pointe Objectif du Grand Port à l’horizon 2023 : poursuivre le développement d’une offre diversifiée et adaptée, préserver l’environnement et entamer une transition énergétique, tout en s’assurant d’un parfait dialogue social avec les différentes parties prenantes !

Une explosion volcanique et la ville ne gardera guère plus que ses fantômes

LE GRAND PORT MARITIME DE LA MARTINIQUE, le poumon d’une île

Le port de la Martinique, c’est cette emprise de côte, qui prend racine dès la mangrove de l’Étang Z’Abricot et qui, en circonvolutions de littoral, dessine des quais, érige des grues et portiques, creuse la terre en bassins d’entretiens avant de finalement gagner, projeté au-devant du Malecon, le front de mer et le centre-ville de Foyal. Ce port, si discret et pourtant omniprésent, constitue, depuis plus de deux siècles, le quotidien des habitants de la capitale.

Un poumon essentiel, lieu d’échange, de mouvement et de vie

Les chiffres, seuls, donnent l’ampleur des installations et, surtout, de leur rôle ô combien essentiel pour l’île. Ce sont près de 98 % des marchandises débarquées sur l’île qui passent par le port et plus de la moitié des visiteurs qui débarque sur ses quais . Sur le terrain, c’est en commençant à longer le terminal à conteneurs de la Pointe des Grives que l’on comprend déjà ce qu’est le Grand Port Maritime de la Martinique (GPMLM), une connexion de l’île au reste du monde. Avant lui, il y a aussi, plus loin dans la baie, l’appontement pétrolier qui permet d’alimenter la SARA, unique raffinerie de l’île, en carburant dont la population ne pourrait pas se passer. Puis dépassant l’hydrobase, l’on traverse encore le secteur Est et le grand silo pour les céréales ou autres vracs solides. Au niveau du quai des Tourelles, ce sont les voyageurs qui s’affairent au sein du terminal de croisière qui grouille d’activité. En poursuivant vers le centreville se détachent l’immense fosse du bassin de Radoub, un ouvrage classé d’exception, et les services de réparations navales. Se présentent dans la suite la gare Inter-Iles, et le quai Ouest, l’une des plus modernes de la région et facilitateur de lien entre la Martinique et autres îles de la Caraïbe. Le port est bien comme une petite ville dans la ville, cœur battant des Martiniquais, espace de rencontre privilégié entre les

mondes, de métissage et de créolité. Et cette fourmilière ne pourrait exister sans l’armada de femmes et d’hommes affairés sur toutes les installations : une communauté portuaire d’environ 700 personnes (dont une centaine de salariés du GPMLM), sans compter tout le tissu économique qui s’y rattache. Il s’agit d’équipes dédiées à la manutention, à la gestion administrative, à la sécurité et sûreté ou à l’accueil des croisiéristes. Casqués, gantés, et motivés, les transitaires, remorqueurs, pilotes et agents s’échinent jour et nuit à garantir les flux et l’effervescence des échanges. Sans ces forces vives, pas d’énergie, pas de denrées, et pas d’économie martiniquaise !

Un port symbiotique, un port espace social, un port citoyen

Dans une osmose biologique, le port et l’île ne sont qu’un. C’est par l’île, ses aspirations, son projet de société qu’il est constitué, consolidé, et lui est devenu essentiel. En ce sens, le GPMLM se réfléchit en tant que « Port Citoyen ». De cette nouvelle définition doivent émerger un dialogue social soutenu et une prise de conscience par la population que le port est bien plus qu’un terminal ou quelques portiques : il est cette fourmilière, concentration de talents, et de savoir-faire. Le GPMLM officie un service public et œuvre à l’intérêt général. Pour s’en convaincre, il suffit de participer à l’une des visites guidées organisées, tant au niveau des écoles que des particuliers et de comprendre en deux heures l’intensité et la diversité des métiers sur site.

Mais plus encore, le port, désormais sera doté d’un espace culturel (l’espace Brudey), projette de valoriser le patrimoine culturel et maritime de l’île. En collaboration avec plusieurs associations, l’objectif affiché est, de nouveau, de rapprocher la population de son port, tout au long d’un parcours urbain et industriel, qui replacera au cœur des réflexions l’homme et la société martiniquaise et le port comme outil formidable, à leur service.

Les enjeux d’un port résilient

En termes d’inscription dans les enjeux du changement climatique, qui exposent une île bien plus profondément qu’ailleurs, les horizons sont riches et les projets multiples. Sauvegarder le port et son environnement, tant immédiat que plus éloigné, c’est garantir et préserver les intérêts de la Martinique et de sa société. Et pour faire face au enjeux de la crise climatique, de nombreuses mesures concrètes sont déjà mises en œuvre pour diviser par quatre les émissions carbone du trafic maritime. Et inscrit le port dans une réflexion globale de sobriété, à rebours des incidences portées par un accroissement de son activité. Certifié ISO 9001 et MASE, le port s’engage dans une démarche QSE ambitieuse, là où l’humain prime avant tout.

Hydrobase. Fort de France Martinique +596 596 59 00 00 contact@martinique.port.fr www.martinique.port.fr

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