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LIONEL DE BROUX

« Le marché est un animal complexe »

Chief investment officer de la BIL depuis juillet dernier, Lionel De Broux évoque les évolutions de son métier et, surtout, sa vision du marché.

Quelle est, selon vous, la fonction première d’un CIO dans une institution financière ? Un CIO est celui qui va définir la stratégie d’investissement de la banque et l’expliquer aux clients.

Vous sentez-vous pour le moment plus un économiste ou plus un psychologue ? Les deux ! Un bon CIO doit être un psychologue par rapport aux clients, mais aussi visàvis des marchés. Le marché est un animal complexe qui demande à être compris dans ses craintes, ses espoirs et ses exubérances. Mais un CIO doit également être un économiste, parce qu’il lui faut aussi pouvoir interpréter les fondamentaux de l’économie qui sont, sur le long terme, les vrais drivers des marchés.

Aujourd’hui, les investisseurs ont-ils plus besoin d’être conseillés ou d’être rassurés ? Dans les périodes chahutées, les investisseurs ont besoin de comprendre l’environnement des marchés. Un CIO a la responsabilité de leur fournir le bon conseil. Bon conseil qui est souvent de rester investi. Nous devons rassurer les gens et leur expliquer que tant qu’une perte n’est pas matérialisée, elle n’est pas définitive. Et que leur horizon d’investissement reste primordial.

Ne sont-ils pas actuellement tentés de sortir des marchés ? Pour un investisseur, il est dangereux de se dire « je vais sortir maintenant pour revenir plus tard ». Avoir le bon market timing est quelque chose de très compliqué. Et pour ceux qui cherchent à rentrer, le faire sur un point donné en pensant que c’est le plus bas est la plus grande des erreurs. L’approche doit être séquentielle, il faut y aller au fur et à mesure.

Dans les conditions actuelles des marchés, qu’est-ce qui vous demande le plus de temps et d’énergie ? Le côté communication devient de plus en plus important. 2022 est une année réellement difficile. Mais beaucoup de nos clients sont surpris de voir une telle correction. Près de 15 % de chute sur les marchés actions et obligataires, ce n’est pas rien. À nous de leur expliquer pourquoi et ce que nous avons pu faire pour limiter l’impact de ces corrections. La période est délicate. Nous assistons à des changements substantiels tant au niveau des données économiques que des données de politique monétaire, que des phénomènes géopolitiques accentuent. Nous ne nous attendons pas à ce que les choses se normalisent à court terme, mais à moyen terme, des opportunités vont apparaître. Les marchés sont bien moins chers que ce que l’on a pu connaître et on commence à avoir des rendements intéressants sur la partie obligataire.

Jusqu’où voyez-vous les taux d’intérêt monter ? Si on se réfère aux derniers commentaires de la Fed et de la BCE, si elles ne s’interdisent pas de continuer à monter leurs taux, on peut penser que nous avons vu la plus grande partie de la hausse. On est proche du sommet aux

ÉtatsUnis, un peu moins en Europe.

Inflation ou récession ? Lequel de ces mots – ou maux – vous fait le moins peur ?

À choisir, je préfère avoir de l’inflation que de la récession. De l’inflation par une politique monétaire et parfois fiscale, on peut la maîtriser en ralentissant l’économie. Ralentir l’économie, cela ne veut pas dire tuer de la croissance, cela veut dire croître moins vite. La récession, c’est de la destruction de valeur.

L’inflation ne vous inquiète donc pas comme elle inquiète les autorités politiques ou monétaires ? Dans certains cas, l’inflation, ce n’est pas un mal. Notamment quand on a des États fort endettés. Certes, elle fait diminuer la valeur réelle des actifs. Mais elle permet aux États d’augmenter leurs revenus et crée l’occasion de diminuer la dette.

Quels seront les mots-clés des marchés ces prochains mois ? Géopolitique, inflation et politique monétaire, bien sûr. Mais aussi opportunités, parce que, clairement, il y en a qui se dessinent sur les marchés. Et flexibilité parce que cela va parfois demander de casser certains paradigmes d’investissements qui sont beaucoup plus séculaires et de se dire qu’il y a d’autres actifs à regarder.

Lionel De Broux voit de nouvelles opportunités se dessiner sur les marchés.