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CLAUDINE SPELTZ
« Inscrire le droit des femmes à disposer de leur corps dans la Constitution »
Claudine Speltz a pris, début juin, la présidence du Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL). L’actualité lui rappelle que le combat pour les droits des femmes n’est pas un acquis, à l’instar du droit à l’avortement brocardé par la Cour suprême américaine.
Un peu moins de la moitié des communes ont désigné au moins un organe dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes, et une quinzaine d’autres se sont dotées d’un service ad hoc. Que vous inspire cette photographie de l’implication des pouvoirs locaux ? Même si la prise de conscience généralisée est notable, le nombre de commissions consultatives par commune est en forte régression, faute d’un nombre suffisant de membres. Le CNFL demande l’institution obligatoire de commissions à l’égalité dans les communes comptant plus de 1.000 habitants, d’un service à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les grandes communes ; l’élaboration d’un mode de financement de la politique d’égalité tenant compte de la responsabilité de l’État et des communes.
Vous visez « l’égalité complète », qu’est-ce à dire ? Peu importe le genre, l’origine, l’âge de la personne, ce qui compte, ce sont ses compétences, son projet de vie. En tant que société, nous n’avons pas le droit de limiter les aspirations de quelqu’un.
Comment combattre le sexisme ? Je citerais Nelson Mandela : « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde et atteindre l’égalité. » Par ailleurs, la régression flagrante qu’est la révocation par la Cour suprême américaine de l’arrêt Roe v. Wade de 1973, qui consacrait le droit à l’avortement, nous rappelle que les droits des femmes peuvent être remis en question lors de crises politiques, religieuses, sanitaires ou économiques. Dès lors, le droit des femmes à disposer de leur corps devrait être inscrit dans la Constitution.
Êtes-vous favorable aux quotas de représentation des femmes dans les organes de direction des entreprises ? Je suis opposée au principe du quota, car c’est la reconnaissance des compétences qui doit primer. Néanmoins, les quotas demeurent, pour l’instant, un mal transitoire nécessaire, car ils permettent d’ouvrir la voie à des femmes qui peuvent occuper certains postes pour la première fois et prouver ainsi leurs compétences.
Quels sont les chantiers que vous souhaitez mener en tant que présidente du CNFL qui regroupe 12 associations d’obédiences diverses ? Je m’inscris dans la continuité des actions entamées par mes prédécesseurs, avec un accent sur l’éradication de la violence envers les femmes et les filles, ainsi que le partage de biographies de femmes remarquables qui nous ont précédées. J’aimerais aussi les sensibiliser aux secteurs qu’elles délaissent encore trop souvent, comme la numérisation, la digitalisation, les nouvelles technologies, les sciences de l’ingénieur, etc.
Comment aider les femmes en détresse ou les mères célibataires aux faibles revenus qui peinent à trouver un logement ? Les mères célibataires ne sont pas toujours en mesure de rassurer les futurs bailleurs quant à leur capacité financière malgré les aides auxquelles elles peuvent prétendre. Il y a un travail de fond à poursuivre pour décortiquer les préjugés. En outre, le premier devoir de l’État est de veiller à ce que les 17 % de ses citoyens en situation de pauvreté disposent d’un logement social décent. Or, le logement social existe à peine au Luxembourg. L’introduction de la notion de droit au logement décent lors de la révision de la Constitution est une très bonne chose, encore faut-il que ce soit un droit réellement opposable.
Serez-vous mobilisées au CNFL en perspective des élections de 2023 ? Nous allons mener campagne sur l’égalité de la représentation des femmes en politique et inviter les partis à se positionner sur la question au travers d’un questionnaire que nous allons leur soumettre, afin d’entamer un débat avec eux. L’objectif est aussi de dire aux femmes : « Osez vous lancer en politique », et aux partis de supporter et d’encourager ce mouvement également.
Quelle est votre définition du féminisme ? C’est tout simplement la défense de l’égalité des droits des femmes avec ceux des hommes dans toutes les situations de la vie et leur traduction correcte, c’est-à-dire entière, dans la réalité.
Retrouvez la version in extenso de cette interview sur paperjam.lu.
Face à des situations de discrimination, voire d’agression, Claudine Speltz encourage les femmes à libérer leur parole.