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AGENDA Des réglementations pleines d’opportunités

Un cycle réglementaire s’achève, ouvrant la porte à de nouveaux chantiers axés sur la finance durable et la finance digitale. Autant de réglementations qui devraient permettre au secteur financier de créer de nouveaux positionnements et développements stratégiques.

Auteur BENOÎT THEUNISSEN

LAURENT BERLINER Partner & EMEA FSI risk advisory leader Deloitte

« Dora sera une réglementation impactant fortement le secteur financier, et tout particulièrement l’industrie bancaire. »

L’agenda réglementaire aura largement marqué le secteur financier en 2022 avec la finance durable. « Quand on demande à un banquier ou un asset manager comment s’est passée cette année, il répondra que ça a été un énorme défi, car il devait se préparer aux échéances de début 2023 liées aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) », explique Benoît Sauvage, director et membre de la team RegWatch chez Deloitte. C’est sans compter que les professionnels ont déjà dû se mettre en conformité avec de nombreuses règles, telles que les premiers reportings relatifs au règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et à la taxonomie européenne, ainsi que l’intégration des préférences de durabilité dans le profil des clients.

Le chantier réglementaire en matière de finance durable n’est pas pour autant terminé. Il se poursuivra encore au cours des trois premiers trimestres de 2023 avec les prochaines étapes du règlement SFDR et d’autres éléments de la taxonomie qui seront à prendre en compte. Une fois que le secteur financier sera équipé de règles ESG robustes, ce seront les entreprises de plus de 250 employés, tous secteurs confondus, qui seront soumises aux obligations de rapports non financiers. En fonction de l’état d’avancement des textes, l’échéance pourrait être fixée aux alentours de 2024.

Si le travail de mise en conformité s’est avéré riche en 2022, il le sera encore davantage en 2023. En effet, le législateur européen est sur le point d’amorcer un nouveau cycle de production réglementaire de trois ans, dont 2023 sera une année charnière. « Tous les textes réglementaires européens finalisés sont entrés ou entrent progressivement en vigueur », indique Benoît Sauvage, pointant « l’arrivée d’une nouvelle vague réglementaire ».

Cap sur la finance digitale Le paquet européen sur la finance digitale, initié en septembre 2020, prendra ainsi vie en 2023. Son but étant de soutenir la transformation digitale de l’industrie et le développement de nouveaux produits à travers toute l’Europe. La pierre angulaire en sera le règlement Dora (Digital Operational Resilience Act), qui devrait entrer en vigueur au premier trimestre 2023 et être entièrement applicable en 2025 après une période d’implémentation de deux ans.

« Dora sera une réglementation impactant fortement le secteur financier, et tout particulièrement l’industrie bancaire »,

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Photo souligne Laurent Berliner, partner & EMEA FSI risk advisory leader chez Deloitte. Et cela en raison de la place centrale et stratégique occupée par les systèmes d’information, dont l’automatisation et la robotisation sont au cœur du fonctionnement du secteur bancaire. « Cela expose l’ensemble des institutions financières à des risques numériques croissants dans un contexte marqué par la multiplication des cyberattaques, qui sont de plus en plus sophistiquées », rappelle Laurent Berliner. Ce à quoi Benoît Sauvage ajoute : « Dora vise à s’assurer que tout type d’institution financière du secteur financier à travers l’Europe ait la capacité de survivre du point de vue de la cybersécurité et de la résilience. »

Première pierre à l’édifice du paquet de la finance digitale, Dora n’en est pas moins la pièce maîtresse. « Dora est la clé de voûte des réglementations orientées business, telles que Mica et le DLT Pilot Regime, qui nécessitent un filet de sécurité », précise Benoît Sauvage. Le règlement est d’ailleurs très anticipé par l’industrie, selon Laurent Berliner, au regard « des très fortes demandes de la part de clients pour les aider à s’y préparer ».

De la création de valeur Les nouveaux chantiers réglementaires en vue annoncent-ils une hausse du coût de la mise en conformité ? Pour Laurent Berliner, la réponse n’est pas aussi binaire que la question : « Les efforts réglementaires et de conformité seront importants dans les prochains mois et prochaines années, mais s’accompagneront d’opportunités et de positionnements stratégiques à la clé. » Une analyse entièrement partagée par Benoît Sauvage qui observe, par ailleurs, une spécificité particulière dans les nouveaux thèmes réglementaires : « Il est inévitable que les coûts de la mise en conformité continuent à augmenter comme c’est le cas depuis 20 ans, mais nous arrivons sur des réglementations qui offrent des possibilités de développement et qui ne nécessitent pas de coûts additionnels liés, par exemple, à la mise en place de reportings spécifiques. »

A contrario de certaines réglementations passées, le cadre réglementaire encadrant la digitalisation de la finance devrait

BENOÎT SAUVAGE Director et membre de la team RegWatch Deloitte

« Nous arrivons sur des réglementations qui offrent des possibilités de développement. »

créer des opportunités métiers, notamment par la réorganisation des chaînes de valeur. Avec des économies et un gain d’efficience en bout de course, tout en optimisant le respect de la conformité. « Face à l’afflux de réglementations diverses, volumineuses et complexes, les entités financières s’équipent technologiquement », note Laurent Berliner. De la sorte, les sociétés compensent les coûts réglementaires avec une digitalisation de leurs processus de compliance.

L’antiblanchiment toujours présent L’anticipation des thèmes réglementaires ne constitue pas un enjeu uniquement pour les entités financières, mais aussi pour une Place, telle que Luxembourg, dans son ensemble. « Chaque réglementation donne l’opportunité à la Place et à ses acteurs de se positionner et de développer des avantages compétitifs », met en avant Laurent Berliner. Pour ce faire, un dispositif de veille réglementaire ne constitue que le début du processus. Un dialogue régulier entre les associations du secteur financier, les entités et les autorités locales reste indispensable. En l’absence d’un tel mécanisme, une place financière risque de manquer l’occasion de se positionner et de mettre en valeur ses avantages, ainsi que ceux de ses acteurs.

Ainsi, l’encadrement futur de la lutte contre le blanchiment d’argent illustre particulièrement bien l’intérêt de chaque place financière à anticiper l’agenda réglementaire. Alors qu’une autorité européenne (AMLA) aura la charge de la lutte contre le blanchiment et que la matière sera régulée par un règlement d’ici 2025, « chacune des autorités nationales veut que son marché soit perçu comme robuste quand l’AMLA arrivera », relève Benoît Sauvage. Cela s’ajoute aux diverses communications réalisées auprès des régulateurs nationaux par l’European Banking Authority (EBA), qui prépare le terrain de l’AMLA et défend la qualité de son travail réalisé au cours des dernières années avant de passer le flambeau. En tous les cas, l’antiblanchiment n’est pas près de disparaître des radars réglementaires, au même titre que la pression sur les entités du secteur financier.

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