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CLAUDE STRASSER

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Les équipes de Post prendront bientôt possession du nouveau siège et de son fabuleux escalier monumental.

« Il n’y a pas plus belle entreprise que Post à diriger »

Interview THIERRY LABRO Photo ROMAIN GAMBA

Claude Strasser est à la tête de l’un des plus importants employeurs du pays, Post, depuis exactement 10 ans. Retour sur un parcours marqué par son envie de voir les projets concrets se réaliser, sur fond de profonde transformation numérique.

Cela fait 10 ans que vous êtes à la tête de Post. Cela a été un sacré challenge, l’Entreprise des postes et télécommunications avait déjà 4.000 collaborateurs ! J’avais 39 ans. C’était une énorme responsabilité, mais c’est exactement ce que j’avais envie de faire. Je rêvais d’être à la tête d’une société active, pas forcément dans ce domaine, mais qui a un poids, un impact sur la société. C’est ce qui me passionnait. Je dirigeais une structure nettement plus petite mais très variée, et qui couvrait tout le spectre des responsabilités. Sans mon passage à la Société électrique de l’Our, je n’aurais pas été préparé à prendre ces fonctions. Ce qui m’a marqué, c’est cette ouverture au changement de la très grande majorité de nos collaborateurs. Je ressentais aussi une certaine forme de méfiance de leur part parce qu’ils ne savaient pas trop ce que j’allais faire. J’ai dû m’habituer à cette exposition du directeur général de Post face à l’opinion publique, aux politiques, à la concurrence. Tout un chacun connaît Post. Se balader le samedi matin dans la Grand-Rue n’était plus la même chose. C’est humain, chacun me faisait part de ses petites doléances. Chaque décision, chaque déclaration, chaque affirmation de ma part est aussi analysée par la sphère politique.

Est-ce que le patron de Post est un patron politique ? Non.

Est-ce que le patron de Post peut ne pas être un patron politique ? J’ai une vue relativement précise. Le job du patron de Post ne doit pas être politique. Ce qui figure dans mes attributions est de gérer les relations avec la politique. Nous avons des missions de service public qui sont toutes très bien encadrées par des conventions, comme la distribution nocturne des journaux ou la gestion de la trésorerie de l’État que nous avons opérée pour le compte de l’État via Post Finance. Et nous assumons certaines missions que le public ou encore le politique voient comme un service public, alors qu’aujourd’hui, nous sommes dans un marché totalement libéralisé. Le meilleur exemple, ce sont les bureaux de Post, qui ne sont plus un service public selon la loi depuis 2012. Il y a l’obligation de distribuer le courrier, et ces boîtes jaunes pour récolter le courrier font partie du service universel – qui n’est pas rémunéré, d’ailleurs, j’insiste là-dessus –, mais les bureaux de Post ont été sortis du service universel. Le fait que nous conservions un point de vente ouvert relève de la pure responsabilité.

C’est plutôt bon signe de voir que les gens tiennent à leur bureau de Post, non ? Je suis en flagrant désaccord avec beaucoup de ce qui est écrit sur les bureaux de Post. Nos clients nous demandent des heures d’ouverture élargies et des services innovants, comme BIO EXPRESS

Naissance 27 septembre 1972 à Ettelbruck.

D’Arthur Andersen à Post Expert fiscal chez Arthur Andersen en 1995, Claude Strasser devient expert financier et contrôleur de gestion chez DuPont Teijin Films ; puis secrétaire général – l’équivalent de directeur général – de la Société électrique de l’Our.

Le joker de Schneider Alors que Post se dirigeait vers la nomination d’un homme du sérail en la personne de Joseph Glod, comme auparavant avec Edmond Toussing puis Marcel Gross, l’EPT « hérite » d’un directeur général externe, Claude Strasser, le 22 mars 2012. Étienne Schneider et lui ont fréquenté ensemble les bancs de l’Institut catholique des hautes études commerciales (Ichec) à Bruxelles.

Trois premières missions délicates Le nouveau directeur n’a pas 40 ans et doit redéfinir une stratégie et faire face à la libéralisation qui interviendra le 1er janvier 2013. Aidé par MindForest (comme Enovos, Creos, Luxair, l’Adem ou Kneip), il décide de renommer l’Entreprise des postes et des télécommunications en « Post », qui était déjà le nom donné par la rue à l’EPT.

les stations PackUp. Ceux qui demandent le maintien des horaires d’ouverture réduits à des endroits peu accessibles sont très peu nombreux. Je ne conteste pas que la personne qui a un bureau de Post à proximité n’est pas contente quand il disparaît. Mais celui qui en a vraiment besoin a toujours le facteur comme personne de proximité. Sans exception, chaque personne a un facteur.

Pardon, mais si on peut revenir encore un instant sur votre première année, vous arrivez et vous décidez de changer le nom de l’entreprise en Post (P&T Luxembourg avant, ndlr). C’est votre patte, n’est-ce pas ? Oui, clairement. Ce n’est pas anodin. Rétrospectivement, ça prend encore plus de sens. En 2010, c’est un peu passé inaperçu dans le grand public, la marque LuxGSM, émanation de Mobilux et CMD, était la marque qui représentait l’avènement du mobile. Post était toujours déterminant pour le fixe. Avant mon arrivée, le fonds de commerce de Post, en termes de télécommunications, avait été transféré à LuxGSM, qui, de fait, détenait tous les clients au Luxembourg. C’était très important, mais cela constituait aussi la source de nombreux problèmes chez Post. Il faut réaliser que l’opérateur historique avait cédé son fonds de commerce à une société qui avait à peine 10-15 ans, et cela créait énormément de frustration. Il y avait une grosse attention apportée à la manière dont nous allions gérer cela. Sous un autre angle, mon conseil d’administration me demandait de revoir la stratégie sur cinq ans. C’était un peu une chance. De là est venue la décision d’abandonner la marque LuxGSM au profit de Post. Personne ne s’y attendait. Mon objectif était de fédérer les équipes autour d’une seule marque. Il y avait une grande symbolique attachée à cela.

Je peux me tromper, mais j’ai aussi l’impression que votre première année coïncide avec le premier rapport RSE de l’entreprise. Quelle est l’évolution quand on voit le poids vous avez donné à votre rapport intégré, cette année, dans le cadre d’un bon bilan 2021 ? L’impulsion ne venait pas de moi, mais cela fait quelques années que nous accordons une vraie importance à ce rapport. Cela a commencé à vraiment prendre son sens en 2020 et plus encore, pour moi, en 2021. Ça va encore beaucoup changer dans les deux années à venir. Le reporting est plus authentique. Nous avons l’embarras du choix pour illustrer, dans notre rapport, ce que nous voulons faire. Si vous regardez ce que cherchent les jeunes quand ils se demandent où ils ont envie de travailler, vous comprenez que la société est en train de changer. En tant qu’entreprise, nous devons avoir une longueur d’avance.

Ce sont vos collaborateurs qui incitent à adopter des comportements plus porteurs de sens ? Dire qu’il y a une demande de nos collaborateurs serait probablement un peu exagéré, mais quand on leur propose ces sujets ou de contribuer à des projets, nous n’avons plus besoin de les convaincre. Il y a toujours des moments-clés dans une telle évolution, et l’arrivée d’Isabelle Faber a été un déclic il y a un an et demi. Nous avons bien fait de saisir le conseil d’administration. Il y a eu une prise de conscience presque spontanée. Je n’en reviens toujours pas, mais ça a changé la donne.

Comment cela se matérialise ? Vous avez un exemple d’un de ces projets ? Parmi ceux qui me plaisent le plus, il y a ce qu’on fait avec les déchets. En principe, on ne veut

« Le job du patron de Post ne doit pas être politique. »

Matic Zorman Photos LE RÉSEAU DE POST EN SIX CHIFFRES

plus qu’un client achète un nouveau téléphone sans qu’il rende l’ancien, pareil pour les box. Il y a quelques mois, nous avons lancé un projet pilote ensemble avec la ligue HMC pour optimiser le tri des déchets d’équipements électroniques en interne, et nous avons aujourd’hui six personnes en situation de handicap mental et un superviseur, à la Cloche d’Or, dans nos locaux, pour ce projet. Ça fonctionne à merveille, et tous sont enchantés. Cela a créé un vrai enthousiasme. L’idée, à la base, est écologique. À la fin, on trouve une occupation rémunérée à des gens qui sont souvent hors du circuit. Nous recréons de la valeur avec ces appareils.

Quel est le futur de Post Finance ? Peut-on imaginer qu’un jour, Post Finance disparaisse ? L’imaginer, oui, probablement.

Ça arrivera ? Je ne crois pas. Ce n’est pas souhaitable. Nous avons une vraie carte à jouer. Nous donnons accès à des produits financiers à des gens qui n’en ont pas dans d’autres banques. C’est une réalité. Il y en a plus qu’on croit. C’est un vrai sujet d’inclusion financière. La nouvelle stratégie commerciale que nous avons adoptée l’année dernière a été un énorme succès. La question de la disparition de Post Finance ne se pose pas.

Il y a beaucoup de solutions technologiques qui arrivent sur le marché. Ce que vous proposez, même à un bon prix ou avec transparence, risque de ne pas être suffisant. Tout à fait. Mais j’insiste, c’est une réalité à laquelle nous étions déjà confrontés il y a huit ou neuf ans. Apple Pay n’existait pas encore. Tout le monde parlait du wallet qui allait venir et s’imposer très rapidement. Tous les consultants nous disaient d’oublier le paiement. Aujourd’hui, il y a Apple Pay, Google Pay et tous les autres, et nos paiements ne font qu’augmenter.

Comment interprétez-vous cela ? C’est parce que la société luxembourgeoise a davantage de besoins d’inclusion financière qu’il y a cinq ou dix ans ? C’est un phénomène général. Le Luxembourg n’y échappe pas. Il y a peut-être beaucoup de gens qui sont riches, mais aussi beaucoup de gens qui ne le sont pas. C’est le reflet de la situation économique de pas mal de ménages.

À propos de la constellation des investissements de Post dans d’autres sociétés, matérialisée par cette infographie ronde dans le rapport annuel… Elle évolue dans le détail…

… Justement, peut-on en avoir, des détails, au sujet de la stratégie d’investissement qui se cache derrière ?

57

Points Post

49

Bureaux de Post

14

Shops et espaces Post

131

Stations PackUp

93%

Des ménages à moins de 5 km d’un point de vente

95%

Des ménages à moins de 5 km d’un PackUp

Il y a une simple logique. Le noyau dur où il y a le logo Post dessus sont les trois activités historiques : Courrier, Télécoms et Finance. Les trois métiers ont quelque chose en commun : ils traversent, depuis dix ans, une grosse phase de transition. Post Finance, on est en train, vous et moi, de se demander si on ne s’en passerait pas. Le déclin des activités de Post Courrier ne peut que s’accélérer. Post Telecom est dans une phase de transition pour encore cinq à dix ans. D’ici là, trois métiers que nous connaissons depuis des décennies n’existeront pratiquement plus dans leur forme actuelle. Post a, bien avant mon arrivée, entrepris l’effort de se diversifier et de s’accaparer les compétences qu’il fallait. Un exemple facile à comprendre : en tant qu’opérateur postal, nous étions presque exclus, à l’époque, du marché des colis. Nous avons pris une participation dans Michel Greco, qui avait développé ses volumes. Ce que Deutsche Post a fait à plus grande échelle avec DHL. Aujourd’hui, nous sommes – et de loin – l’acteur numéro 1 du secteur du colis, on ne connaît pas exactement les parts de marché, qui ne sont pas publiques, mais c’est plus de 50 %. Rien qu’avec notre décision de 2001 (la prise de parts chez Michel Greco, ndlr). Je vois mal comment, rien qu’avec notre réseau de facteurs et de distributeurs de journaux, nous aurions réussi à développer ce volet-là. Dans la logistique, nous l’avons fait de manière un peu différente : Mme Stahl, quand elle nous a rejoints, a eu comme objectif de développer un troisième pilier. Nous sommes allés chercher de la compétence en externe et nous l’avons développée en interne.

Cela existe aussi dans le domaine de l’ICT : EBRC est notre plus gros contributeur en termes de chiffre d’affaires parmi nos filiales. Si l’exploitation des data centers est un métier CHAISES MUSICALES

Du Mercier au Helix Post et un millier de collaborateurs devraient prendre possession, à l’automne, de leur nouvel emblème du quartier gare, leur siège social, le Helix dessiné par Metaform au monumental escalier doré. Plus de 250 personnes s’activent à rester dans les temps.

De l’Office au Mercier Car l’Office des publications emménagera ensuite… au Mercier, histoire de permettre à la future Cité de la sécurité sociale – 80.000 m² qui cohabiteront avec 1.700 m² de commerces et 4.200 m² de logements, en lieu et place du Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE) – de continuer à grandir. Elle accueillera dès 2023 un premier millier de collaborateurs.

Et l’Hôtel des Postes livré fin 2024 À Hamilius, le chantier de l’Hôtel des Postes va, lui aussi, vraiment entrer dans le dur. À terme, il abritera un hôtel de 85 chambres confié à Artea, un dernier étage de bureaux à louer, deux restaurants et cinq commerces. Post en restera propriétaire mais pas gestionnaire.

proche de celui des télécommunications, les compétences pour gérer un centre de données n’ont rien à voir avec celles que nous avions historiquement. Plus récemment, avec InTech, Elgon et Ainos, nous sommes plus dans des sociétés de développement. Il y a des développeurs, et on monte ainsi dans la chaîne de valeur parce que nous sommes d’avis qu’aujourd’hui, nous avons besoin de ces compétences dans le groupe. Si, il y a 15 ou 20 ans, nous avions investi dans une société de développement IT, les gens nous auraient reproché de sortir de notre trajectoire. Aujourd’hui, en tant qu’opérateur de télécoms, nous risquons d’être marginalisés si nous n’avons pas ces compétences.

Editus est issue de ce secteur des télécoms, mais l’édition des annuaires n’a rien à voir avec les télécoms, aujourd’hui. Ils relèvent du domaine de la data, de l’exploitation des données où l’on retrouve un autre aspect qui s’est aussi beaucoup développé chez Post parce qu’il y a peu d’acteurs qui disposent de plus de données que nous.

Le choix d’installer des PackUp a été une décision intelligente au moment où Amazon était prête à mettre des armoires un peu partout. Vous avez un peu fermé le marché… Je ne dirais pas « fermé le marché »… Il y a une vraie stratégie derrière, et le fait qu’il y a aujourd’hui plus de 130 PackUp dans tout le pays n’est pas un hasard. Il y a une extrême demande. Nous ouvrons nos stations aux autres opérateurs, nous ne fermons pas le marché. Évidemment, nous ne voyons pas l’intérêt d’installer d’autres armoires que les nôtres. Si Amazon décide de le faire un jour, nous ne les empêcherons pas de le faire. Ils le font partout.

Dans le rapport annuel de cette année, on a un peu l’impression que les stations PackUp ne bougent pas trop en termes de colis, alors que les livraisons de colis ont explosé depuis le début de la crise Covid. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est un phénomène que nous analysons aussi en ce moment. Il y a plusieurs choses en même temps. Il y a, d’un côté, le fait que ces stations ont eu un tel succès qu’il y en a pas mal qui sont saturées. On a encore besoin d’étendre le réseau. Il y a beaucoup de potentiel encore, notamment sur le territoire de la ville de Luxembourg. La deuxième explication trouve son origine dans la crise : les taux de remise à domicile des colis ont frôlé les 100 % en 2020 et en 2021. En 2020, ce n’est pas étonnant parce que tout le monde était à la maison. Ça se poursuit. Aujourd’hui, nous remettons plus de colis qu’avant la crise. L’attrait pour le PackUp n’est plus le même. C’est toujours plus pratique quand quelqu’un vous ramène le colis à la maison. LES PILIERS DU GROUPE POST

Répartition, en pourcentage, du chiffre d’affaires des différentes branches entre 2012 et 2021.

Télécoms Postal / logistique Finances Autres

100 %

80 %

60 %

40 %

20 %

0 %

2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

Si vous êtes à la maison… C’est étonnant combien de gens sont à la maison… Il y a aussi notre service PackUp Home, une solution que nous n’avions pas avant la crise. Quand le client nous dit « moi, je ne serai pas là, mais sonnez chez ce voisin-là, et surtout pas chez ce voisin-là », on le fait ! On a aussi le droit de déposer contre signature. Ça va redémarrer ! Nous en sommes sûrs.

Les facteurs ont distribué trois fois plus de colis à la maison qu’avant la crise. Cela veut dire que c’est aussi beaucoup plus de travail pour eux, des tournées plus longues… Oui, mais il faut aussi réaliser que les facteurs ont de moins en moins de volumes à délivrer parce qu’il y a de moins en moins de lettres. La publicité représentait encore beaucoup, mais avec la nouvelle loi sur les déchets qui va arriver, beaucoup de volume va encore disparaître. Nous avons tout intérêt à ce que les facteurs livrent les colis. C’est un revirement. À l’époque, nous étions convaincus que la distribution des colis devait être séparée de celle du courrier. C’est une décision consciente qui avait été prise avant mon arrivée. L’avenir de la profession de facteur dépend du colis. Ça peut être très efficace, notamment dans les zones rurales. objectif d’atteindre les 80 millions d’euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, on n’y est pas, malgré l’augmentation de la consommation de données et des données à gérer ? On est quand même dans une trajectoire de croissance très continue depuis des années. En interne, on s’était donné l’objectif de 100 millions d’euros, y compris la croissance externe, puisque EBRC a acquis Digora, avec une activité en France et au Luxembourg, et nous sommes sur cette trajectoire. Il peut y avoir des variations parce que, quand vous avez un gros client, qui représente beaucoup d’espaces de stockage, vous avez des frais d’installation en une fois. Nous sommes très contents de cette évolution. Quand j’ai rejoint Post, c’était un des plus gros soucis que nous avions : nous venions de construire Betzdorf, je l’ai inauguré et personne ne savait comment remplir ces data centers, parce que Kayl était plus qu’à moitié vide. Pendant de longues années, c’était une de nos préoccupations. Est-ce que nous n’avions pas été trop agressifs en construisant un troisième gros data center alors que Windhof et Kayl étaient loin d’être remplis ? Aujourd’hui, c’est chose faite, on tourne presque à 100 %. Notre problème, aujourd’hui, est qu’on n’a pas assez de possibilités d’extension pour certains clients.

Cela aide aussi à faire oublier les fermetures des agences… Il faudrait voir pourquoi les agences sont encore sollicitées aujourd’hui. Il ne reste que les colis qui n’ont pas pu être avisés ou qui n’ont pas pu être remis à domicile. L’accès à une agence ou à un Point Post devrait plutôt se faire pour des services. Il y a encore beaucoup de choses qui vous obligent à vous déplacer mais, dans quelques années, on fera ça à distance. Est-ce que vous pourriez construire un autre data center ? Avec la politique du gouvernement et de ses ambassades, que ce soit au profit de l’Union européenne ou de l’Estonie, il peut y avoir des débouchés… Les e-embassies ont une très grande valeur symbolique, voire politique. Mais en termes d’occupation et de mètres carrés, c’est trois fois rien. Ce sont surtout les institutions européennes et le secteur financier qui occupent la place. La question du nouveau data center revient régulièrement sur la table, mais nous disons « doucement », parce qu’il y a quand

Rapports annuels de Post Sources

même cette grande tendance à aller vers du cloud public qui est un peu freinée au profit de solutions territoriales.

Avec LuxTrust, on a l’impression que le départ des Italiens sonne la fin des ambitions européennes du champion luxembourgeois, non ? Franchement, nous avons longtemps eu une participation minoritaire, et je n’ai pas suivi cela de près. Le seul lien direct est Pierre Zimmer, qui est un peu le parrain de LuxTrust. Depuis que nous sommes entrés dans le capital, il y a un véritable nouvel élan, il y a quelques beaux succès à l’étranger. Ce serait exagéré de les lier à l’arrivée de Post au capital, mais il y a une réelle dynamique, et on voit un potentiel énorme. LuxTrust, dans le domaine de la confiance, a un actionnaire qui rassure les clients, ce qui est justement une bonne chose. Une société purement privée, italienne, dont on ne comprenait pas vraiment le match… Il y a des clients qui voient d’un mauvais œil le fait que l’État soit actionnaire. C’est notamment des gros clients américains, qui se méfient quand on explique qu’on a une structure étatique derrière. Cela explique le positionnement d’EBRC, très différent des autres. Ils ont des clients américains, qui sont méfiants. Au Moyen-Orient, quand on dit qu’on a cet actionnaire, ça ouvre des portes.

À la Cloche d’Or, votre branche spécialisée dans la cybersécurité a-t-elle réussi à s’imposer dans le paysage ? Absolument. Comme chaque opérateur, nous avions nos services de sécurité. Nous avons rassemblé cela, en 2015, autour de Mohamed Ourdane et Pierre Zimmer, pour regrouper toutes nos compétences dans le groupe et savoir où nous avions des besoins. Depuis 2018, nous portons ces solutions à l’attention de nos clients. Nous avons beaucoup de succès avec cela au Luxembourg et à l’international. Nous avons des clients dans le monde entier. Ce sont des solutions de cybersécurité très, très spécifiques qu’on propose à des opérateurs dans le monde pour la surveillance de leurs réseaux, en 4G, mais nous le referons pour la 5G. Notre vraie expertise est dans le monitoring. Nous avons un security operation center qui fonctionne 24 heures sur 24, nous sommes aussi dans la résolution d’attaques avec notre propre équipe, capable d’intervenir. Nous avons une des compétences les plus poussées au Luxembourg.

Vous êtes une grosse entreprise. Est-ce que vous continuez à trouver ceux dont vous avez besoin ? Nous y consacrons un gros effort, mais nous y parvenons. Post a une certaine attractivité comme employeur, et non pas parce que nous offrons des salaires plus élevés que d’autres. Mais en raison de l’environnement dans lequel nous travaillons – plus dynamique que certains ne le pensent –, et aussi pour l’intérêt que nous portons à ces collaborateurs. Un expert en cybersécurité cherche aussi des défis, et nous pouvons lui en proposer, en termes de réseaux de télécommunication, fixes ou mobiles, de centres de données… Nous avons des personnalités connues et respectées au moins à l’échelle européenne, comme M. Zimmer ou M. Ourdane.

Avant, quand on avait besoin de compétences, les jeunes venaient tout seuls, motivés. Aujourd’hui, c’est devenu plus compliqué. Mais les banquiers ont le même problème depuis 20 ans. Un bon banquier, vous l’avez, il prend de l’expérience et, au bout de trois ans, il change de banque pour 300 euros de plus, mais il revient cinq ans plus tard dans des institutions étatiques ou paraétatiques.

Avec la digitalisation, il y a une énorme demande sur le marché. Aujourd’hui, la Grande Région est épuisée. Nous sommes allés un peu plus loin, à Paris ou à Lyon. Il y a une certaine nervosité autour de l’évolution du télétravail. Le Luxembourg est très peu attractif pour les non-résidents en termes de télétravail. C’est un sacré problème.

Êtes-vous favorable à une dose de télétravail ? Je suis un peu vieux jeu. Je suis intimement convaincu qu’une entreprise est comme une famille et qu’elle a besoin d’interactions humaines pour bien fonctionner. Nous n’arrêtons pas d’organiser des formations pour inviter les gens à se parler, à arrêter d’envoyer des e-mails, à organiser des réunions… Soudainement, à cause du télétravail, tout cela serait remis en question. Mon approche est plutôt de commencer avec prudence, avec du télétravail accessible à ceux dont les fonctions sont éligibles, et nous verrons. Je ne suis pas partisan qu’on passe directement à du télétravail généralisé. Cela prend du temps de bien trouver ses marques. Parmi les problèmes très concrets et imminents, qu’est-ce qu’on fait d’un développeur qui pourrait très bien travailler de

LA CONSTELLATION POST LUXEMBOURG

L’activité de Post Luxembourg se divise en trois grands pôles: Post Courrier, Post Finance et Post Telecom. Chacun d’entre eux possède des parts – en partie ou en totalité – dans certaines entreprises.

Raiffeisen

LuxHub 19,75 % 7,6 %

LuxTrust Development SA 6,9 %

Middlegame Ventures Fund I 5 %

LuxTrust 50 % Visalux SC 8,4 %

i-Hub 80 % IP-R Holding sàrl 50 %

Digora

66,16% Global Sky Park 50 %

EBRC 100 % EarthLab 37,21 %

HotCity SA

Victor Buck

Services 100 %

VBS

Asia PTE Ltd 100 %

Infomail SA

55 % Post

courrier Post

finance

Post

telecom 100%

Post

technologies Visual Online 51 %

Elgon 100 % 49 %

Digital Tech Fund SCA 14,7 %

Digital Transformation Fund SCS 6,6 %

International Post Corporation 1 %

Eurosender 17,12 % Michel Greco 100 % Post

capital 100%

Editus

100 % InTech

100 %

Ainos 100 % Digital Tech Fund II 7,9 %

Orbital Ventures SCA 7,86 %

Post Luxembourg Source

chez lui, à Metz, et qu’on fait monter dans un train totalement bondé ou qui emprunte des autoroutes complètement bouchées pour venir ici quatre ou cinq jours par semaine alors qu’il n’a pas beaucoup de contacts ?

Êtes-vous plus favorable à l’idée d’une réduction du temps de travail hebdomadaire ? Depuis 10 ou 20 ans, j’ai du mal à comprendre la discussion autour des 40 heures par semaine. Il y a une rigidité qui s’explique historiquement, mais qui ne se justifie plus aujourd’hui. Dans les sondages, de plus en plus de gens préfèrent travailler quatre jours au lieu de cinq. Et ils acceptent de céder une partie de leur salaire pour gagner un peu de liberté. C’est un choix personnel. Vouloir décréter cela en affirmant que le standard n’est plus 40 heures n’est pas le bon débat. Prenez le week-end. Il y a des raisons pour lesquelles on ne travaille pas le dimanche, mais qui va encore à la messe le dimanche matin ? Ces discussions ne sont plus de ce siècle.

Avec 4.800 collaborateurs, la flexibilité est quand même un vrai défi ! Le client, à la fin, attend son journal, attend son facteur… C’est pour cela que je ne comprends pas le débat. Ce n’est pas aussi simple. Nous sommes habitués à cela, parce que nous avons des porteurs de journaux qui commencent à 2 h 30 du matin et qui terminent à 6 h 30; les facteurs commencent à 6 heures et s’arrêtent à 14 heures. Nous avons tellement de profils qui travaillent à des horaires fixes et à des horaires mobiles. Ce standard est juste autour des gens, comme nous, qui sont bien au chaud dans leur bureau. Ce n’est pas très correct par rapport à tous ceux qui n’ont pas ce « luxe ». Pareil pour le télétravail. C’est un souci que nous avons : les fonctions télétravaillables, chez nous, sont inférieures à 50 %. Le facteur, il n’en fera jamais, jamais de sa vie, pas un jour. Tous ceux qui travaillent dans la restauration, dans la gastronomie, dans les magasins, on ne leur demande pas s’ils veulent faire du télétravail ni quand ils veulent travailler.

Où en êtes-vous avec la promesse de la fibre ? Ça a été un gros effort pour Post ? Ça l’est depuis 25 ans ! Il y a dix ans, il y avait pas mal de voix dans l’industrie et au Luxembourg qui nous disaient que nous investissions trop pour une technologie qui serait superflue. Les opérateurs historiques misaient un peu plus sur le fixe alors que ceux qui n’avaient que le mobile ne vantaient que le mobile. J’ai même eu un doute à un certain moment, et je me suis demandé : « Est-ce qu’on fait les bonnes choses ? » Depuis trois à cinq ans, nous avons été confortés dans l’idée que nos choix étaient les bons, donc nous avons accéléré une nouvelle fois le déploiement de la fibre. Le mobile ne

FAST & CURIOUS

Électrique, hybride ou thermique ? Ça sera électrique, je l’attends ! Carte postale ou e-mail ? Je ne vais pas mentir, l’e-mail prime, mais de temps de temps à autre, une carte postale ne fait pas de mal. Appel ou SMS ? Appel, définitivement. Le forfait téléphonique, S ou Maxi ? Maxi, et cela suffit à peine ! Cash ou carte ? Le cash, je l’utilise de moins en moins. La carte bancaire va pour tout. Hôtel des Postes ou bâtiment Mercier ? La nostalgie ou le futur. J’aime les deux, mais aujourd’hui, c’est le bâtiment Mercier.

Retrouvez l’interview vidéo Fast & Curious de Claude Strasser sur paperjam.lu. va jamais se substituer au fixe ! Pour avoir un internet performant, on n’a pas forcément besoin de la fibre. On en aura besoin dans dix ans. Vous pouvez avoir une très bonne connexion à internet via le réseau en cuivre parce qu’il est en très bon état. Dans certains villages, au fin fond de l’Oesling ou ailleurs, les réseaux sont parfois plus vétustes avec des performances insuffisantes. Ça existe aussi en plein centreville, pour exactement les mêmes raisons.

Le GIE MyConnectivity va vous aider ? Ou pas ? Quand j’ai appris la nomination de Mme Knudson, j’ai demandé à ma secrétaire de prendre un rendez-vous pour que nous nous alignions. Il existe des problèmes pour lesquels ce GIE pourrait beaucoup aider.

Laquelle ou lesquelles vous voyez ? Le déploiement dans les anciennes résidences est le plus grand problème. Nous amenons la fibre jusqu’à la porte ou dans la cave. Mais nous sommes bloqués. Quand il y a un syndic, qui finance les travaux à l’intérieur de la maison ? Nous n’y sommes pas autorisés, puisque ce n’est pas notre propriété. Souvent, les propriétaires n’y habitent pas, donc c’est un locataire qui va contacter son propriétaire. Il va lui dire qu’il ne veut pas payer le raccordement. Du coup, qui paie ? À mon avis, cela ne peut passer que par du subventionnement public. Le deuxième sujet est celui de l’accessibilité. Nos produits ne sont pas trop chers pour ce qu’ils valent, mais le prix reste trop élevé. Ce GIE – c’est en tout cas ce que je comprends – a aussi vocation à garantir un accès à tout un chacun. Comme l’accès à l’eau ou à l’électricité.

L’État va garantir l’accès à internet à haut débit ? Pas garantir l’accès technique, mais financier. Comme cette aide aujourd’hui à remplir sa citerne de mazout.

Le dernier sujet, c’est peut-être vous : au bout de 10 ans, vous n’avez pas envie de passer à autre chose ? On ne s’ennuie pas chez Post. Un jour sur deux, je découvre encore des choses. Plus sérieusement, ce sont des questions que je me pose. J’ai changé plusieurs fois d’entreprise, et je suis quelqu’un qui pense que c’est malsain de faire toute une carrière au même endroit. Si on veut évoluer, il faut changer ! Avant, j’étais sur six, sept, huit ou neuf ans. Ici, j’étais relativement jeune quand j’ai pris mes fonctions, mais je n’imaginais pas prendre ma retraite chez Post. Ça fait dix ans que je suis là. Je suis très motivé parce que je vois combien de projets je veux mener à bien. J’ai vraiment le sentiment que je peux apporter de la valeur à Post. Maintenant, à quel moment cela va se terminer ? J’espère que je comprendrai moi-même avant les autres.

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