Terreur en Irak

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Table des matières

Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18

9 11

En route vers Mossoul, Irak . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mossoul, centre-ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Un fardeau commun pour l’Irak . . . . . . . . . . . . . . .

Ma vie en Israël . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Notre première rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les délices du Soudan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Intifada en Israël – Au cœur du Soudan . . . . . . . .

Retour à la civilisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Noël 2000 – Nouvel An 2001 . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La rencontre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

David, chef d’équipe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Fin de mon séjour au Moyen-Orient . . . . . . . . . . .

Une demande en mariage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La chute de Saddam Hussein . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Noël à Bagdad . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Décisions cruciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Après l’attaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le chemin vers la guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

19 33 59 69 87 103 113 125 133 149 163 173 183 201 213 219 227 249

Epilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Chapitre 1

En route vers Mossoul, Irak

15 mars 2004 «Bonjour. Pièces d’identité!» Le regard des soldats kurdes était chaleureux et amical. Lorsque nous franchissions ce dernier poste de contrôle situé en territoire kurde, au nord de l’Irak, avant de nous engager sur les routes plus dangereuses du pays, nous éprouvions comme un sentiment de sécurité. Les soldats commençaient à nous connaître; ils reconnaissaient notre véhicule et étaient au courant du but de nos expéditions.

Nous attendions patiemment tandis qu’ils effectuaient les contrôles de routine et inspectaient notre break. Ils s’efforçaient de parler kurde, mais passaient volontiers à l’arabe en entendant David leur répondre dans cette langue qui leur était plus familière. Sachant que les Blancs étaient les premières cibles des terroristes, ils se dépêchaient, en général, de nous faire passer. Ces soldats toujours si polis devaient se demander si ces cinq Américains étaient sains d’esprit pour oser quitter la sécurité du Kurdistan. Ils n’ont toutefois jamais exprimé leur inquiétude. Et, de toute façon, cela ne nous aurait pas arrêtés.

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Nous connaissions parfaitement les risques que nous encourions.

Il y avait toujours foule aux barrages. De jeunes garçons en profitaient pour vendre des bonbons, des bananes, des cigarettes et, parfois, pour proposer de l’argent étranger. Ils faisaient des affaires avec toutes ces voitures qui roulaient au pas, remplies de voyageurs qui, attendant que les soldats terminent leurs contrôles, commençaient à sentir la faim. David et moi étions devenus une «cible» habituelle.

Au retour, ils n’avaient pas à insister beaucoup, car nous avions généralement le ventre creux. Nous avions pris l’habitude de conserver de petites pièces de monnaie pour leur acheter des bonbons et des bananes. Cela remplaçait souvent un repas, lorsque, lancés dans le travail, nous avions oublié de manger. D’autres fois, nous leur achetions quelque chose simplement pour aider ces jeunes «entrepreneurs» à faire leurs premiers pas dans le commerce.

Nous avions repéré un enfant que les garçons plus âgés repoussaient toujours. Nous essayions de lui accorder la priorité. J’étais émue à la vue de ce jeune. Il portait toujours le même pull et le même pantalon. Il était là, quelle que soit l’heure. Il savait que nous l’attendions. Il se précipitait vers nous en bousculant ses concurrents. Après la vente, il brandissait fièrement son argent. Les grands se moquaient de sa joie et le chassaient pour se frayer un chemin jusqu’à nous.

C’était comme un jeu. Nous prenions plaisir à le voir si fier de son petit triomphe. Ensuite, bien sûr, nous essayions d’acheter aussi quelque chose aux autres. Toutes ces affaires se concluaient par la fenêtre de la voiture, alors que nous nous approchions lentement des soldats.

Nous aimions ces contacts, mais ce jour-là, nous voulions franchir le poste le plus vite possible. Car Larry et Jean Elliott, ainsi que Karen Watson, nous accompagnaient pour 20

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la dernière fois. Le lendemain, ils repartaient pour Bagdad.

Nous avions sollicité leur aide pour visiter un camp d’IDP1 que nous avions du mal à localiser. Leur expérience nous serait très profitable durant la visite.

Plusieurs fois, nous avions interrogé l’armée américaine pour obtenir des renseignements précis sur la situation de ce camp, mais sans succès. Il fallait apprendre à vivre avec ce genre de frustrations dans un pays déchiré par la guerre.

Parfois, la communication ne passait pas très bien. Ce jourlà, nous avions donc décidé de nous rendre directement à la base militaire américaine pour tenter d’obtenir des indications exactes sur l’emplacement du camp.

L’attente au poste de contrôle nous semblait interminable. Tous très fatigués, nous désirions vivement terminer ce projet pour passer à autre chose. Les voyages de reconnaissance entrepris à Mossoul et dans la région, au cours des semaines précédentes, nous avaient épuisés.

Une fois les contrôles terminés, nous nous sommes retrouvés dans le désert, sous un soleil torride. Nous étions au début du printemps, et la fraîcheur du matin ne tardait pas à disparaître. Les collines arrondies de cette région du nord de l’Irak s’élevaient en petites montagnes et s’étendaient jusque vers les pays avoisinants: la Turquie, la Syrie et l’Iran.

Un instant, mon regard s’est posé sur les sommets au loin, et soudain, j’ai frissonné. Plus tard, je me suis demandé si c’était là un pressentiment. Mais sur le moment, j’ai attribué cela au spectacle de la neige qui faisait ressortir la beauté de ce paysage de printemps. Les majestueuses chutes d’eau et les splendides fleurs sauvages formaient un tableau aux magnifiques couleurs, animé par la présence 1 Internally Displaced Peoples. Camp d’accueil pour les populations déplacées dans le pays.

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de jeunes chèvres et agneaux. Mais il y avait une ombre à ce tableau idyllique: nous étions constamment conscients du danger qui pesait sur nous.

Nous avions entrepris ce voyage plusieurs fois durant les semaines et jours précédents. Karen Watson était venue chez nous pour deux semaines. Avec elle et les Elliott, nous étions allés partout, même à Mossoul. Comme cette ville se trouvait au-delà du dernier poste de contrôle kurde, le danger y était plus grand. Des groupes actifs de terroristes comme le Hamas2 et les wahhabites, un groupe radical violent3, empêchaient son développement et la mise en place d’une infrastructure durable. Le but de ma présence en Irak, comme celui de David, des Elliott et de Karen, était de travailler avec les Irakiens qui aspiraient à un retour à la normale et à une amélioration des conditions de vie dans leur pays.

Même en Irak, l’islam radical ne représente pas la majorité des musulmans. Nous n’avions donc pas aussi peur que ceux qui ne connaissaient pas bien la région, même si, depuis le début des terribles pratiques de décapitation, des enlèvements et des tueries aveugles, nos craintes étaient fondées. La plupart des Irakiens étaient reconnaissants des services que nous leur rendions et ils faisaient leur possible pour nous aider. Les Kurdes collaboraient depuis longtemps avec les ONG. Cependant, aujourd’hui encore, les islamistes radicaux ne veulent pas que les ONG étrangères obtiennent de bons résultats, quelles que soient les personnes auxquelles elles viennent en aide. Ces radicaux veulent le djihad4 et s’opposent, par conséquent, à toute orga2 Organisation islamique palestinienne issue des Frères musulmans, fondée en

1987, qui revendique la libération de la Palestine. Acteur majeur de l’Intifada.

(N.d.E.) 3 Groupe islamique militant d’Arabie saoudite. (N.d.E.) 4 Combat que mènent les musulmans radicaux pour répandre l’islam, souvent désigné en Europe par «guerre sainte». (N.d.E.)

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nisation qui favorise un rapprochement de l’Irak et des musulmans avec la communauté internationale. Ainsi, en nous dirigeant vers la base militaire, nous restions sur nos gardes, tout en étant décidés à ne pas nous laisser paralyser par la peur.

Les déplacements aux alentours de Mossoul étaient dangereux. C’est la raison pour laquelle David et moi voulions nous installer dans la ville même, afin de travailler avec les Arabes sunnites5 musulmans. Contrairement à ce que diffusent les médias, les sunnites ne sont pas tous des «monstres» coiffés de leur keffieh6. La plupart d’entre eux sont d’un tempérament généreux et accueillant. Ils ont besoin du Seigneur, et David les aimait d’un amour sans égal. Il se sentait aussi bien parmi les sunnites que dans son cher Colorado.

L’eau potable restait un sérieux problème dans la région de Mossoul. Le gouvernement n’avait jamais réussi à mettre en place une infrastructure durable: électricité et eau.

Comme l’été approchait, et avec lui, les fortes chaleurs et la sécheresse, l’eau allait vite devenir une priorité pour les personnes qui habitaient dans des logements provisoires, tel le camp IDP où nous nous rendions. Notre équipe était basée dans le Nord, précisément dans ce but: veiller à l’approvisionnement en eau potable et répondre aux besoins de ces populations déplacées.

A nous cinq, nous bénéficiions d’une solide expérience humanitaire dans ce domaine. David avait parcouru le nord et l’est du Soudan pour évaluer les besoins en eau dans les villages, et j’avais travaillé deux ans dans un foyer 5 Courant majoritaire de l’islam, qui représente 90% des musulmans. Sont fidèles

à la sunna, la tradition relative à la manière de vivre de Mahomet. (N.d.E.) 6 Coiffure traditionnelle faite d’un morceau de tissu plié et maintenu sur la tête

par un cordon, devenue l’emblème des Palestiniens. (N.d.E.)

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d’accueil en Israël. Larry et Jean Elliott avaient œuvré au Honduras pendant plus de vingt-cinq ans. Ils s’étaient spécialisés dans les systèmes hydrauliques afin d’approvisionner en eau les régions isolées. Karen Watson avait été l’une des premières missionnaires en Irak, même si elle avait dû, quelques mois auparavant, partir étudier l’arabe dans un autre pays, après avoir échappé à un attentat. A présent, elle se préparait à y revenir définitivement, et toutes ses affaires l’attendaient à Bagdad.

Ainsi, ce champ missionnaire ne nous était point étranger. Nous étions conscients des dangers que nous encourions chaque jour, surtout à cette période «post-Saddam».

Nous tenions cependant à répondre à l’appel de Dieu. Car nous pouvions aussi très bien nous faire renverser par un bus aux Etats-Unis. Dieu nous avait appelés en Irak, et c’est là que nous voulions le servir. David et moi avions rencontré les Elliott et Karen depuis peu, mais nous avions rapidement formé une véritable équipe.

Silencieux, nous poursuivions notre route vers la base militaire. Plus nous nous éloignions du territoire kurde, plus les routes devenaient dangereuses. Les embuscades, les terribles explosions d’EEI7 ou autres attaques terroristes étaient toujours possibles. Aujourd’hui encore, l’Irak est le théâtre d’une guerre sans front. On ne se sent vraiment en sécurité nulle part. Nous acceptions cette réalité.

L’ethnie kurde est la plus grande au monde à n’avoir pas de patrie à elle. Elle occupe un territoire, le Kurdistan, situé au nord de l’Irak. Même si elle doit encore être reconnue officiellement par les autres pays, elle est restée en bons termes avec les forces américaines et est gouvernée convenablement par ses propres partis opposés (comme, par 7 Engins Explosifs Improvisés.

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exemple, les démocrates et les républicains aux Etats-Unis).

La région a des années lumières d’avance sur les régions voisines en ce qui concerne les infrastructures publiques.

Nous espérions être de retour dans la zone kurde, relativement sûre, bien avant la tombée de la nuit.

Nous étions soulagés d’arriver à proximité de la base militaire américaine, car cela nous permettait de quitter la route principale. Les forces de la coalition assuraient la sécurité de plusieurs villes et régions, mais les routes restaient un grand problème pour l’avenir du pays.

Nous espérions obtenir les informations GPS (Global Positioning System) du camp que nous voulions visiter.

Nous utiliserions ensuite notre GPS mobile pour trouver les populations déplacées. Le Centre de Coopération CiviloMilitaire (CMOC8) est la branche de l’armée qui collabore avec les organisations caritatives et non-gouvernementales.

Depuis le départ de l’ONU, le travail des ONG avait pris de l’ampleur. Ces organisations s’attachaient à soulager les victimes des luttes internes et de la guerre qui faisaient rage dans le pays. En général, leur travail était organisé de manière indépendante par différents groupes de civils.

Mais comme le nord de l’Irak devenait toujours plus violent, il était clair que l’armée devait intervenir. Le CMOC tenait à jour une liste de toutes les activités des ONG et tentait de coordonner leurs efforts.

Comme nous n’étions que deux, David et moi travaillions en général avec des équipes en visite et assumions les tâches trop insignifiantes pour l’armée ou les ONG. Les militaires nous ont accueillis chaleureusement. Ils étaient très contents de voir que nous prenions au sérieux les besoins 8 En anglais: Civil Military Operations Center.

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des populations déplacées de la région, bien conscients que ceux-ci n’avaient pas été correctement évalués. Ils attendaient donc notre rapport avec impatience.

David les a informés que nous reviendrions prochainement leur demander des renseignements sur la sécurité à Mossoul. Nous avions toujours le désir de nous y installer, mais nous avions besoin de plus amples informations avant de nous lancer. De toute évidence, cette ville restait très instable. David et moi espérions y voir un jour un complexe sportif et un terrain de jeux pour les enfants.

Après avoir obtenu les coordonnées souhaitées, nous avons repris la route, pensant avoir largement le temps de regagner la zone kurde avant la nuit. Nous étions un peu trop optimistes, étant donné les difficultés que nous avions déjà rencontrées pour localiser l’emplacement exact du camp.

Nous cherchions une vieille usine désaffectée. Saddam Hussein avait offert de l’argent à de nombreux Arabes prêts à partir s’installer dans le nord du pays. Les nouveaux arrivants avaient ainsi servi de tampon entre Bagdad et ses ennemis du Nord. Les Kurdes qui habitaient la région avaient été déplacés sur ordre de Saddam et avaient fini par se réfugier là où ils avaient pu. Cela ressemblait au jeu des chaises musicales, mais en très violent et à une échelle nationale.

Nous nous sommes engagés sur une route goudronnée, signe évident de civilisation en Irak, et avons bientôt aperçu l’usine en question, c’est-à-dire deux bâtiments en béton, simples et gris. L’un ne comportait qu’un étage, et l’autre deux. Autour, des poules et des moutons se «promenaient». C’était pour nous, qui avions de l’expérience dans le domaine du développement, une indication que la nourriture ne semblait pas poser problème. Les vêtements suspendus à l’extérieur des bâtiments témoignaient d’une 26

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bonne hygiène de vie. Ainsi, notre première impression était: les bâtiments et les gens sont propres, et ils ont suffisamment à manger. Pour des travailleurs humanitaires, c’étaient là des signes très positifs et encourageants.

Des femmes nous observaient discrètement depuis les fenêtres. Connaissant les coutumes, Madame Elliott, Karen et moi sommes sorties les premières du véhicule. Il aurait été malvenu pour les hommes de s’approcher du camp sans être accompagnés par un membre masculin de la communauté. Une femme d’un certain âge, probablement l’épouse du cheikh, s’est approchée et a commencé à nous parler en arabe. Je me débrouillais tout juste dans cette langue. (David disait en plaisantant que l’arabe est la langue qui sera parlée au ciel, parce qu’il faut une éternité pour bien la maîtriser!) Karen arrivait aussi à comprendre, mais Mme Elliott était dépassée.

Les femmes arabes sont très belles, mais très directes.

Elles vous jettent carrément à la figure que vous êtes grosse, non pas comme une insulte, mais comme un fait.

Elles sont très affectueuses les unes envers les autres et envahiront votre espace privé sans hésitation. Mais ce que j’aime surtout, c’est leur hospitalité, qui est absolument inégalable. Si vous discutez avec l’une de ces femmes pendant cinq minutes dans la rue, elle vous invite à entrer boire un thé, et vous devenez son amie pour la vie. Tout le monde a le temps pour une visite, dans le monde arabe; et il est même extrêmement impoli et outrageant de ne pas prendre ce temps. Nous avions donc pris l’habitude d’intégrer les visites à tous les aspects de notre ministère. C’était la partie la plus réjouissante de notre travail.

Au cours de la conversation, une femme a pris place à côté de Mme Elliott. Elle semblait sentir la bonté qui émanait de cette amie. Jean respirait la paix et la chaleur 27

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humaine. Elle faisait partie des chrétiennes qui parlent un langage d’amour non verbal, langage qui transcende les cultures.

Pendant ce temps, David et Larry discutaient de l’état du camp. A l’arrivée de quelques hommes arabes, ils ont sauté hors du break et demandé s’ils pouvaient nous rejoindre, nous les femmes. L’hospitalité arabe respecte tout un protocole, et il était sage de s’y soumettre. Les Irakiens sont très propres. Leur maison doit toujours être prête à accueillir les visiteurs, car une maison sale donne une mauvaise image du mari. (Cela me rappelle le texte de Proverbes 31 où le mari est respecté lorsqu’il siège aux portes avec les anciens du pays, notamment grâce à sa femme vertueuse.)

La «maison» qui nous a accueillis ce jour-là ne faillissait pas à la tradition. Les femmes nous ont préparé quelque chose à manger et à boire. Cela m’a toujours étonnée de voir comment ces épouses arabes, qui vivent dans des circonstances très éprouvantes et qui disposent de peu de moyens, parviennent à vous servir du thé, du pain, des fruits et d’autres victuailles sur-le-champ, alors qu’en plus, vous êtes des inconnus.

Deux escaliers en colimaçon permettaient d’accéder au deuxième étage du bâtiment. Même si une partie tombait en ruines, la structure d’ensemble était en bon état et ce camp semblait assez agréable. A nouveau, nous passions intérieurement en revue nos check-lists humanitaires.

Nous (les trois femmes) avons été conduites dans la plus grande des pièces, selon la coutume. La plupart des Irakiens dorment par terre, sur d’épais matelas posés sur les traditionnelles carpettes de style perse. Pendant la journée, ils sont roulés et déposés contre la paroi. Ils servent alors de dossier pour ceux qui s’asseyent. Nous avons ôté nos chaussures et pris place sur la carpette, autour d’un genre 28

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de réchaud à pétrole. Ces engins dégagent une odeur particulière à laquelle on finit par s’habituer, au Moyen-Orient.

Les femmes nous ont servi du thé chaud et du pain plat en forme de galette, tout juste sorti du four.

Elles ne possédaient certainement rien de plus, puisqu’en général, on donne aussi des fruits aux visiteurs.

Première observation: ces réfugiés manquaient de fruits.

Cela n’était pas dû à un manque de moyens financiers, puisqu’ils avaient de l’argent pour s’acheter des cigarettes.

On nous en a même proposé. Nous avons poliment refusé, d’abord parce qu’aucune de nous ne fumait, mais surtout parce que nous savions que la cigarette était souvent le moyen de tester notre moralité. En général, les femmes arabes ne fument pas, et j’ai donc ri intérieurement en voyant la plus âgée d’entre elles se pencher vers les flammes du réchaud et allumer sa cigarette.

Toutes étaient parentes d’une manière ou d’une autre.

Notre conversation tournait autour des liens qui les unissaient: qui était l’épouse, la sœur, la cousine de qui, etc. Il y avait de quoi y perdre son latin.

– D’où venez-vous? nous a-t-on demandé en arabe.

– Des Etats-Unis. Nous sommes venus vous aider à obtenir de l’eau et de la nourriture.

– Nous avons besoin d’eau!

J’ai approuvé d’un signe de tête et répondu que j’en informerais mon mari. J’ignorais ce que David était en train de dire aux hommes à l’extérieur, et je ne voulais pas faire de promesses que nous ne pourrions tenir. Nous avons discuté pendant environ quarante-cinq minutes, parlant de notre vie et de nos familles, avant de nous décider à sortir.

Notre visite a duré plus longtemps que prévu, et il se faisait tard. Il était temps de conclure si nous voulions rentrer avant la nuit.

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Mais les hommes discutaient toujours. Nous nous sommes donc assises en cercle, de l’autre côté de la cour, et avons pris des photos des femmes devant la maison. Puis, enfin, nous nous sommes préparés à partir. Avec surprise, j’ai constaté qu’un Irakien montait dans notre véhicule déjà plein. J’ai essayé de jouer la femme soumise, mais je n’ai pu m’empêcher de demander discrètement à David: «Chéri, pourquoi est-ce que cet homme nous accompagne?» «Il a encore de la famille qui a besoin d’aide, pas très loin d’ici. Il va nous montrer où, et comme ça, nous saurons», a-t-il répondu.

J’avais une entière confiance en mon mari. Et s’il disait que cet Irakien avait de bonnes intentions, je le croyais.

Nous avons roulé environ cinq minutes en direction de Mossoul. Notre passager était très reconnaissant de notre proposition d’aider le reste de sa famille. Cependant, comme l’heure était avancée, nous avons décidé de ne pas prendre le temps d’inspecter ce campement. Seuls David et Larry iraient saluer les quelques réfugiés qui s’y trouvaient.

Lorsque nous sommes arrivés, David est sorti le premier, et il s’est empressé d’enregistrer la position géographique de l’endroit dans son GPS. Avec Larry, il a promis de revenir plus tard pour une visite officielle. L’Irakien qui nous accompagnait nous a quittés pour retourner au premier camp, et nous avons pu poursuivre notre route en direction de la zone protégée kurde, à mon grand soulagement. La nuit m’effrayait presque plus que la région où nous nous trouvions. Il est fortement déconseillé de voyager en Irak après le coucher du soleil. En fait, cela ne se fait tout simplement pas.

Juste avant Mossoul, nous aurions pu tourner et prendre une des nombreuses petites routes qui permettaient d’éviter la traversée de la ville, mais nous ne l’avons pas fait… Je dois 30

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faire confiance à la souveraineté de Dieu, sinon je deviens folle à force de faire des suppositions: «Que se serait-il passé si…?» Et si nous n’avions pas fait un arrêt supplémentaire? Et si nous avions emprunté une petite route? Et si? Et si? Personne n’avait prévu le drame qui allait se jouer ce jour-là.

La route qui traverse Mossoul est la plus directe. Elle passe devant l’université, un foyer connu de rebelles et d’extrémistes, qui a tendance à attirer la jeunesse engagée dans le djihad. Même si nous n’avions pas été avertis d’un danger particulier, nous savions qu’il se faisait tard et qu’il était donc risqué de s’aventurer dans ce quartier. Mais heureusement, en cette fin d’après-midi, les rues étaient encore bien éclairées et très animées. Cependant, lorsque nous avons pénétré dans le centre-ville, mon cœur s’est mis à battre plus vite: la circulation était très dense.

Il ne pouvait rien nous arriver de pire…

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Chapitre 18

Le chemin vers la guérison

Au fur et à mesure que je reprenais conscience, j’éprouvais un besoin irrésistible de parler. Ceux qui se trouvaient dans ma chambre d’hôpital pouvaient ainsi suivre le cours de mes pensées. C’était peut-être un moyen de fuir la réalité quotidienne, celle d’une jeune femme devenue veuve.

J’avais besoin de parler, mon entourage me comprenait.

Par ailleurs, j’ai commencé à manifester un comportement paranoïaque. J’avais le net sentiment que quelqu’un cherchait à se saisir de moi et que je ne pouvais m’enfuir, puisque j’étais clouée au lit. Je me sentais aussi vulnérable que lors de l’attaque, complètement sans défense. Les battements de mon cœur s’accéléraient au bruit de l’ascenseur, et je me réveillais parfois en sueur.

Le fait de savoir que des journalistes cherchaient à me contacter n’arrangeait pas mon état. De plus, la présence des policiers tendait à me faire croire que des gens me voulaient du mal. Bien sûr, avec du recul, cela semble totalement irrationnel, mais sur le moment, j’avais l’impression que c’était très réel. J’ai commencé à me demander si j’arriverais un jour à oublier tout ce que j’avais vu. Heureusement, j’avais fermé les yeux pendant la majeure partie de 249

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l’attaque. Mais malgré tout, de nombreuses images demeuraient gravées dans ma mémoire, et j’allais devoir vivre avec pour le restant de mes jours.

Mes visions revenaient de plus en plus souvent, et j’attendais impatiemment la visite de Beth Moore. Outre ces images que je voyais défiler devant mes yeux, une nuit, j’ai commencé à entendre des chants. On aurait dit un chœur de gospel. Je pensais tout d’abord que les voix provenaient de la pièce adjacente. En entendant ces mélodies magnifiques, je parvenais à me détendre. La conviction avec laquelle les chanteurs élevaient leurs voix m’encourageait.

Ma mère dormait à côté de moi. Je savais qu’elle était épuisée, mais je désirais tant qu’elle entende cette splendide musique. Elle pourrait aller trouver le groupe dans la pièce d’à côté et les inviter à venir me voir dans ma chambre, ou au moins les féliciter de ma part, ai-je pensé.

Je l’ai donc réveillée et lui ai demandé si elle entendait ces chants.

– Non, ma chérie, m’a-t-elle répondu.

Prêtant l’oreille, j’ai tenté de distinguer plus nettement les paroles: «Seigneur, nous te remercions pour la croix, nous te remercions pour nos vies… Seigneur, nous te louons de tout notre cœur!»

– Ouaah, comme ce groupe chante bien! J’aimerais bien les rencontrer. Maman, les entends-tu?

– Non, je ne les entends pas.

–Tu es sûre? Je sais que je ne suis pas folle! Je le sais bien!

Je lui ai répété les paroles du chant et lui ai indiqué d’où venait le son. Ma mère s’est levée et a collé son oreille contre le mur.

– Non, vraiment, je n’entends rien, je suis désolée, a-t-elle confirmé.

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Le chemin vers la guérison

– Moi aussi, parce que tu manques vraiment quelque chose! ai-je répliqué.

– Ma chérie, profites-en bien, a-t-elle dit en retournant se coucher. Le Seigneur permet peut-être ces chants pour toi.

Détends-toi et profites-en.

La musique avait vraiment l’air de venir de la chambre voisine. Je l’ai entendue durant tout le reste de mon séjour à l’hôpital, mais je suis restée la seule; personne d’autre n’a perçu quoi que ce soit. Petit à petit, j’ai appris les paroles et je me suis mise à chanter. Je crois que Dieu avait choisi ce moyen pour témoigner sa douce compassion à son enfant qui souffrait: «L’Eternel, ton Dieu, est au milieu de toi, comme un héros qui sauve; il fera de toi sa plus grande joie; il gardera le silence dans son amour; il aura pour toi des transports d’allégresse», est-il écrit en Sophonie 3:17.

Le Seigneur a donné un cantique nouveau à son enfant blessée. Dans la tranquillité de ma chambre, je battais la mesure du pied droit (celui qui n’était pas bandé) au rythme de la musique, comme si j’écoutais une cassette ou un chœur. Il était intéressant de remarquer que le chant commençait par la phrase suivante: «Seigneur, je te remercie pour la croix!» Combien ces mots étaient appropriés! Dieu voulait réjouir mon cœur par son œuvre de salut accomplie à la croix. C’était là que notre victoire avait été remportée.

Ces paroles sont devenues pour moi un chant de victoire. Et ce chant n’est pas seulement pour moi, mais pour nous tous qui appartenons à Christ. La croix est notre sujet de joie, de reconnaissance et de louange. La croix nous ramène à l’immense amour du Père. Dans cette période particulièrement sombre, triste et angoissante, il m’a ouvert les oreilles pour ce cantique nouveau.

Comme personne d’autre n’entendait cette mélodie, j’ai demandé à une de mes amies, Amy Nobles, qui est l’auteur 251

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de plusieurs chants chrétiens, de venir à l’hôpital et d’écrire pour moi la musique et les paroles. Je désirais que tout le monde puisse profiter de ce chant magnifique que Dieu m’offrait.

Puis, ma rééducation a commencé, mais je n’arrivais pas à lever les bras plus de 5 à 8 centimètres. Une nuit, j’ai rêvé que j’entendais le chant «Worship the King»1, qui dit: «Je t’adore et je te chante en élevant les mains. Les mains levées et le cœur léger, je me présente devant toi. Lorsque le monde me demandera pourquoi j’élève les mains vers le ciel, je dirai simplement que j’aime mon Roi.» A ce moment-là, j’ai levé les bras en louant le Seigneur! Je ne sais comment, mais pendant que je rêvais, mes bras ont surmonté leur faiblesse physique, et j’ai pu les lever.

Pourtant, face au kinésithérapeute, ils ont retrouvé leur inertie totale et sont restés collés au matelas.

Cela amusait bien ma mère qui m’a dit: «Pas de problème, ma fille, si tu veux faire tes exercices de rééducation avec le Seigneur durant ton sommeil; je n’y vois pas d’inconvénient!»

Après avoir parlé avec le conseiller spirituel, je me sentais chaque fois un peu plus légère. De plus, Beth Moore a finalement reçu mon message. Elle avait entendu parler de moi à la télévision, mais comme elle ne connaissait pas mon nom de femme mariée, elle n’avait pas fait le rapprochement. Je me réjouissais de la voir, car les visions continuaient toujours. Jen m’a acheté de nouveaux habits, en vue de sa visite. Il n’était pas question que je la reçoive en chemise de nuit d’hôpital! Beth, comme prévu, a donné le faux nom que nous lui avions indiqué pour passer le barrage des gardes. Puis, enfin, elle est arrivée jusqu’à moi.

1 Signifie: «Adorez le Roi.» (N.d.E.)

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Quelle joie! Je ne l’avais plus revue depuis notre rencontre en Israël.

Tant de choses s’étaient passées depuis. Je lui ai d’abord parlé de l’homme que j’avais rencontré et épousé. Cela m’a apporté un certain soulagement. Ce n’était pas pareil qu’avec ceux qui pleuraient avec moi son départ. Beth m’a adressé des paroles de réconfort qui m’ont aidée à vivre mon deuil.

Puis, je lui ai expliqué les visions que j’avais. Dans l’une, je voyais des gens courir dans tous les sens, sans direction ni but; ils ne savaient où ils allaient. Dans une autre, ils couraient vers un but précis, sans aucune crainte. Et dans une troisième, je les voyais marcher avec lassitude vers un homme que je savais être Jésus. Arrivés près de lui, certains lui tournaient autour sans s’arrêter, d’autres s’arrêtaient et laissaient Jésus les prendre dans ses bras. Il les relâchait après une étreinte et les remettait sur un nouveau chemin.

Avec des forces renouvelées, ils repartaient alors avec un nouvel objectif, sûrs de leur direction.

D’après Beth, mes visions signifiaient que Dieu a un but pour chacun de nous. Il désire que nous le connaissions et que nous marchions dans son plan. Mais la seule manière de le faire est de s’abandonner à Jésus-Christ et de le laisser nous mettre sur le chemin qu’il a choisi pour nous.

Selon elle, ces visions rappelaient que certains choisissent de suivre Jésus et courent vers un but, tandis que d’autres préfèrent faire ce qui leur paraît juste et continuent leur chemin sans lui, courant dans tous les sens. Dieu a un but pour ma vie, c’est ce que m’ont rappelé ces paroles de Beth. Il n’a pas été surpris par cette attaque terroriste à Mossoul. Il n’est pas un Dieu de désordre, il a toujours un but, même si, parfois, nous ne le voyons pas. Jésus m’avait placée sur un chemin, et c’était là que je devais poursuivre 253

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ma course, tout comme David, mon bien-aimé, avait achevé la sienne en courant d’un cœur entier sur le chemin que Christ avait choisi pour lui.

Petit à petit, j’ai pris conscience des blessures que j’avais subies. J’ai été choquée d’apprendre que j’avais reçu vingtdeux balles et éclats d’obus. Les seconds avaient provoqué plus de dégâts que les premières, car ils avaient perforé, déchiré et brûlé les tissus. Malgré les douleurs, je refusais de recevoir de la morphine, car cette substance me mettait dans un état de torpeur. Je détestais avoir le cerveau engourdi, surtout que c’était bien la seule chose que je pouvais encore maîtriser. Ainsi, devant mon obstination, l’infirmière a finalement cessé d’insister et m’a enlevé la perfusion.

Ma jambe gauche avait été touchée juste au-dessous du genou, ce qui était très douloureux. Les balles m’avaient brisé le tibia et emporté plusieurs morceaux de chair, de nerfs et d’os en ressortant de l’autre côté, laissant un trou béant. Le dispositif fixé sur ma jambe me donnait l’impression d’être un assemblage de Meccano2. L’humour m’aidait à accepter un peu plus facilement tout cet attirail métallique.

Une autre balle m’avait traversé la cuisse, au-dessus du genou. Elle avait provoqué un certain nombre de lésions musculaires, sans toutefois toucher l’artère fémorale3. Une troisième avait éraflé ma cuisse droite sans provoquer de dégâts internes. J’avais juste une petite cicatrice qui ressemblait à une griffure de chat. Quant à ma main gauche, elle avait perdu tous ses doigts, à l’exception du majeur et du pouce. Je dois admettre que cela m’affligeait plus que tout. J’avais toujours été assez fière de mes petites mains délicates, et maintenant, elles étaient abîmées par des 2 Jeu de construction composé de lames percées de trous équidistants et de bou-

lons. (N.d.E.) 3 Artère amenant du sang oxygéné vers les membres inférieurs et le bassin. (N.d.E.)

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cicatrices particulièrement voyantes. De plus, j’avais le bras droit cassé et une balle dans le coude gauche, de quoi passer toute ma convalescence avec les deux bras immobilisés.

Heureusement, la balle s’était arrêtée juste avant l’articulation, sinon j’aurais perdu complètement l’usage de ce membre.

Les médecins m’avaient posé une plaque dans le bras droit. La grande cicatrice rouge qui résulte de cette intervention ressemble à une chenille. Je sais bien que la vanité est inutile à ce stade (et n’importe quand, d’ailleurs), mais j’en suis assez complexée. Une fois, après ma guérison, alors que j’étais assise dans un aéroport, j’ai pensé à toutes les personnes qui, suite à des conflits dans leur vie, souffrent de cicatrices internes. J’aurais aimé que mes cicatrices ne soient pas aussi visibles, car elles soulèvent constamment toutes sortes de questions, et ces questions me font revivre l’horreur de ce lundi 15 mars 2004. Je comprends bien que les gens les posent, et d’ailleurs, je ne dois pas m’attendre à ce qu’elles cessent. Mais j’aimerais être libérée de la souffrance que j’éprouve à chaque fois que je raconte ce qui s’est passé. Je crois que Dieu m’accordera cette délivrance à son heure.

Outre les bras et les jambes, mon oreille droite avait été, elle aussi, sérieusement touchée. J’avais reçu deux balles et des éclats d’obus au visage. La première avait traversé ma joue; il s’agissait certainement de celle que j’avais recrachée dans la voiture. Miraculeusement, elle ne m’avait pas trop abîmé les gencives et les dents. La deuxième m’avait perforé la joue près de la bouche et m’avait brisé le septum nasal4, raison pour laquelle je ne pouvais pas respirer après

4 Cloison médiane du nez qui sépare les deux fosses nasales. (N.d.E.)

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l’attaque. Cette balle m’avait aussi fracturé la mâchoire, ce qui avait nécessité plusieurs scanners, car les médecins ne parvenaient pas à croire que je n’avais aucune lésion cérébrale.

Selon ce qu’ils ont reconnu plus tard, les cicatrices relativement discrètes que j’ai au visage tiennent vraiment du miracle. J’en ai juste une petite au-dessus de la lèvre et une sur la joue, qui ressemble à une nouvelle fossette. En me voyant, personne ne devine ce que j’ai subi. C’est vraiment un cadeau de Dieu. Dans sa grâce, il a guidé les mains des chirurgiens expérimentés qui m’ont opérée.

J’avais aussi reçu une balle dans la partie droite du thorax qui, au passage, m’avait cassé des côtes. Toutefois, elle n’avait pas touché les organes importants et était ressortie sous le sein gauche. C’était, là aussi, un véritable miracle. En Irak, les médecins m’avaient fait plusieurs radios, car ils avaient vu une tache au niveau de ma poitrine. Ceux de Landstuhl, croyant que la balle m’avait perforé la membrane autour du cœur, m’avait ouvert au niveau du sternum. J’en garde une grande cicatrice au milieu de la poitrine. La tache n’avait cependant aucun lien avec les coups de feu: elle s’est révélée être une tumeur, qu’ils ont ôtée.

Ensuite, ils ont fait une biopsie. Ma mère a décidé de ne pas s’inquiéter au sujet de ce problème-là. Elle l’a remis à Dieu et l’a laissé entre ses mains. C’est à l’hôpital Parkland qu’elle a appris le résultat de la biopsie. «Bonne nouvelle, c’est une tumeur bénigne», lui avait annoncé un médecin.

Mon état s’améliorait de jour en jour. J’attendais impatiemment le rapport de l’autopsie de David. Comme mes parents me l’avaient dit, il était mort le lendemain de l’attaque, lors de son transfert de l’hôpital militaire de Mossoul vers un autre hôpital militaire à Bagdad.

Tous les médecins avaient cru que David s’en sortirait.

Les chirurgiens qui soignent les blessés de guerre sont les 256

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meilleurs de leur branche. Ils savent ce qu’ils font. Lorsqu’ils avaient confirmé que David survivrait à ses blessures, je savais qu’ils n’en doutaient pas. Mais Dieu avait dit: «Je le reprends.» C’était son heure.

Mes cicatrices externes n’étaient rien, comparées aux balles et aux éclats d’obus qui se trouvaient encore dans ma chair. Lorsque je passe à travers un système de sécurité à l’aéroport, celui-ci s’allume comme un sapin de Noël, à cause de tout ce métal. Pendant des semaines, j’étais couverte de croûtes noires dues à ces petits morceaux, comme si une casserole d’huile bouillante s’était renversée sur moi, et mon corps rejetait des copeaux de métal. Depuis, il a continué à les éliminer, mais ils ne partiront jamais tous.

Je garderai toujours des cicatrices physiques et émotionnelles qui me rappelleront que j’ai frôlé la mort. Le pire, c’est que je vais vivre désormais sans David. Lorsqu’on traverse un deuil, le chemin est long et parsemé de souvenirs douloureux. Toutefois, il est aussi orné de reconnaissance pour le temps passé avec ceux qui sont partis.

Il me faudra prochainement subir de nouvelles opérations, dont une à la main droite, car un éclat d’obus s’est logé entre mon index et mon pouce. C’est douloureux, et ce morceau doit être enlevé. On me fera aussi une greffe au majeur de la main gauche, le seul doigt qui me reste à côté du pouce, afin de le fortifier, de faciliter ses mouvements et de lui donner une plus belle apparence. Par ailleurs, une opération à la jambe devrait me permettre de mieux me déplacer. Ma guérison physique est en vue; il ne me reste plus que quelques obstacles à surmonter.

J’aimerais pouvoir me rendre à nouveau en Israël pour revoir la famille arabe qui m’avait adoptée. Retournerai-je un jour en Irak? Peut-être, mais je n’en suis pas sûre.

J’espère parvenir à surmonter la peur qui s’empare encore 257

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de moi lorsque j’entends un bruit aigu ou que mon attention est attirée par quelque chose d’inhabituel. (Un jour, je me suis jetée à terre lorsque quelqu’un a laissé tomber un objet dans un magasin.)

Mon mari a vécu comme le roi David, avec un cœur entièrement consacré à Dieu. Comme l’apôtre Paul, il avait constamment la mission sur le cœur, et comme Daniel, il n’a pas eu peur dans la «fosse aux lions». A l’instar de ces saints d’autrefois, David a suivi son Maître même lorsque l’issue était incertaine.

Puissions-nous tous être remplis de ce même amour que David McDonnall avait pour les autres. Je crois qu’ainsi, la vie dans ce monde serait plus facile.

Nous ne devrions pas craindre la mort en Christ. Nul besoin d’avoir peur si nous servons un Dieu souverain qui contrôle toute chose. Il est temps que ses enfants commencent à vivre selon ce qu’ils croient. A tous ceux qui souffrent pour lui, j’aimerais dire que c’est une grâce de pouvoir connaître la communion de ses souffrances.

Aujourd’hui, je continue ma route sans David, mais je suis reconnaissante pour le temps que nous avons passé ensemble. Le monde n’est pas notre lieu de repos; c’est ici que nous devons travailler et suivre Christ de tout notre cœur. Une fois arrivés à la maison, nous pourrons nous reposer. Mais pour le moment, Dieu appelle ses enfants à partager l’Evangile de la croix, la puissance de notre Père céleste. Suivons-le dans l’obéissance. Puissions-nous tous vivre d’une manière digne de l’appel que nous avons reçu en Jésus-Christ. Puissions-nous vivre une vie que nous n’aurons jamais à regretter.

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