LPH Magazine

DOSSIER

LE GRAND SAUT : OSER SE LANCER VERS L’INCONNU

Jeudi 31 mars 2022 28 Adar II 5782 Nº 984 | Mensuel

PESSA'H CALENDRIER DU OMER

Michael Greilsammer LE GÉNIE DE LA WORLD MUSIC INTERVIEW EXCLUSIVE

GUERRE EN UKRAINE :

VERS UNE ACCÉLÉRATION DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?

PRÉSIDENTIELLES : POUR OU CONTRE ÉRIC ZEMMOUR

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L'heure du renouveau a sonné

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‫מנכ''ל‬ Directeur de la publication Ariel Kandel

ous le sentez, ce petit air de liberté qui flotte imperceptiblement autour de nous ? Après ce trop long hiver, êtes-vous prêts à vous laisser emporter par la douceur du printemps, à vous éveiller aux couleurs qui surgissent dans les champs, aux fleurs qui donnent aux bords des routes un peu de poésie ? L’heure d’été est là, les chabbats s’allongent et une nouvelle perspective du temps nous est enfin offerte.

‫עורכת ראשית‬ Rédactrice en chef Anne-Caroll Azoulay caroll@actualitejuive.com

Contributeurs : Jonathan Aikhenbaum Stéphanie Weill Gilles Bernheim Yohan Habib Gaelle Hanna Serero Nathalie Hirschprung Yoel Benharrouche Correctrice Carine Brenner Direction artistique Studio Actualité Juive contactisrael@actualitejuive.com

Service commercial et publicitaire Daniel Ohnouna pubil@actualitejuive.com 058-530-0174 Service abonnements contactisrael@actualitejuive.com Secrétariat LPH/AJ Tsipora Malka 058-461-6262

‫אביב היגיעה‬ ‫פסח באה‬

édito

Journalistes : Eve Boccara Nathalie Sosna-Ofir Pascale Zonszain Richard Darmon

Adresse 10-12 rehov HaRav Agan, Jérusalem Contact petites annonces pubil@actualitejuive.com LPH Supplément mensuel de l’hebdomadaire Actualité Juive ‫ הפצה‬Distribution

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Aviv higuiya, Pessa'h ba !

Oui, bien plus qu’une fête de famille, bien plus que des matsot, des recettes traditionnelles ou des habits neufs, Pessa'h donne le ton et insuffle une folle énergie. L’heure du renouveau a sonné.

Celle des bonnes résolutions, des ménages de fond en comble, des changements de direction et des grands départs, à l’instar de celui des Hébreux qui sortaient d’Égypte il y a deux mille ans.

C’est ce qui nous a inspiré la thématique de ce dossier intitulé « Le grand saut », dans lequel nous nous interrogeons sur les motivations de ceux qui, soudain, choisissent d’avoir le courage de changer d’itinéraire professionnel, géographique ou personnel pour se rapprocher de leur identité profonde.

D’autres y sont contraints, comme les Ukrainiens que l’horreur de la guerre pousse sur les chemins de l’exode.

Certains pensent pouvoir changer le destin de leur pays, tels les candidats à l’élection présidentielle française, tandis que ceux qui se soucient de l’environnement appellent à une profonde transformation de notre façon de consommer.

Lecture en ligne sur Cafeyn.co

« Sois le changement que tu désires voir en ce monde », disait Gandhi. Et vous, quel changement seriez-vous ?

Liste des points de vente :

Bonne lecture, et 'Hag samea'h!

La direction décline toute responsabilité quant au contenu des textes et des publicités, qui n'engagent que leurs auteurs.

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EN COUVERTURE : © Oz Barak

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ARRÊT SUR IMAGES

sommaire N°984

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ÉRIC ZEMMOUR : POUR OU CONTRE ?

Le sociologue Simon Levy et le journaliste Malahie Tebol nous expliquent les raisons du choix de leur vote aux prochaines élections présidentielles françaises.

L’INTERVIEW

40 Éliane Amado Levy-Valensi

CARTES SUR TABLE

42 Calendrier du Omer

ÈRE 2.0

44 La kippa tricotée s'effiloche

RÉGION

46 Nissan : la libération du verbe

BINATIONAL

48 • Institut français : la médiathèque La Closerie et la

8 Michael Greilsammer, le génie de la world music 12 Se souvenir et agir

24 Le web3 : la décentralisation par temps de guerre 26 Aller vers le Sud 28 Une autre France ?

SILVER

34 Comment retarder le vieillissement cérébral ?

DÉVELOPPEMENT DURABLE

36 Gerre en Ukraine : une redéfinition de notre façon de penser l'énergie ?

UNE PENSÉE JUIVE MODERNE PESSA'H

LE KLING DU MOIS 'HODECH TOV

BOUILLON DE CULTURE

plateforme Culturethèque • Expo : Notre Tourisme • Expo : Annette Messager au Musée d'Art de Tel Aviv

52 COIN LECTURE 53 JEUX

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VOIR AILLEURS SI J'Y SUIS

LA PSYCHOLOGIE DU CHANGEMENT Entretien avec Sophie Cohen Timestit

TÉMOIGNAGES

Leur regard en dit long sur l’incompréhension qui les habite.

Personnes âgées, femmes et enfants devenus soudain des réfugiés – ce terme qui désigne ceux que l’on expulse, que l’on chasse, qui n’ont pas d'autre choix que de quitter leur foyer, leur famille, leur travail, leur pays. Cette vielle femme, cette maman et ses enfants sont arrivés les 6 et 9 mars à bord d’avions affrétés par l’IFCJ et le Keren Hayessod. Les autorités israéliennes estiment à environ 100 000 le nombre d'immigrants juifs qui pourraient venir d'Ukraine et de Russie en raison du conflit.

Le Premier ministre Naftali Bennett a déclaré qu’Israël devait « ouvrir ses portes et son cœur » aux réfugiés juifs ukrainiens fuyant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et il a officiellement annoncé le lancement de l’opération « Olim HaBaïta » (« Retour à la Maison »), visant à aider les Juifs d’Ukraine et d’autres pays de l’ex-URSS à immigrer en Israël. « C’est un moment important, un moment auquel nous étions destinés et pour lequel l’État d’Israël a été créé », a dit Naftali Bennett.

LE PEUPLE JUIF, ADEPTE DU GRAND SAUT ?

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L'INTERVIEW

L'INTERVIEW

Michael Greilsammer, PROPOS RECUEILLIS PAR EVE BOCCARA

© Oz Barak

« C’est un café qui est ouvert chabbat, cela ne vous dérange pas ? » Il réfléchit au lieu du rendez-vous et, avec une immense gentillesse, il envoie même le plan par WhatsApp pour qui ne connaîtrait pas Jérusalem comme sa poche, comme lui.

Michael Greilsammer est né en Israël en 1981 de parents français et belge. Contraint de composer avec les névroses ashkénazes familiales, les projections parentales et ses désirs d’homme, de père et d’artiste, il raconte sans filtre son parcours, à la veille de la sortie de son nouvel album.

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LPH. Les titres de votre nouvel album allient le violon et la guitare, le français et l’hébreu, des inspirations du classique, du rock et de la world music… Qui êtes-vous, Michael Greilsammer ?

Michael Greilsammer. Je suis né à Jérusalem en 1981, d’une mère bruxelloise et d’un père parisien qui avaient fait leur alya en 1972. Ma mère a très tôt décidé de « faire jouer » de la musique à ses enfants.

J’ai commencé le violon à cinq ans, mon grand frère David est devenu chef d’orchestre, Benyamin joue du cembalo et Itamar est un poète. Elisha est la brebis galeuse de la famille : il est médecin ! Mes parents, eux, sont tous deux professeurs d’université. Mes grands-parents maternels étaient enfants durant la Shoah. À l’époque, l’art était un luxe ; et quand ma mère est née, la famille était trop pauvre pour acquérir un piano. C’est pourquoi elle a voulu que ses enfants jouent de la musique – c’est en tout cas le mythe qui circule dans la famille pour expliquer cette volonté, qui relève presque de l’obsession…

A-t-elle bien fait ou non ? Je ne sais pas, mais moi je laisserai mes enfants choisir leur vie, c’est une certitude !

© Avec l'aimable autorisation de M. Greilsammer

le génie de la world music

Photo de famille : Michael (au violon) avec trois de ses frères

Quelle enfance avez-vous eue ?

M.G. Mes frères et moi avons fréquenté des écoles religieuses. En France, mon grand-père paternel était le président de la communauté libérale de la rue Copernic. Après leur alya, mes parents, qui à l’origine étaient plutôt laïcs, sont devenus orthodoxes, mais à leur manière ; à la maison, l’art et la culture n’étaient pas moins importants que la religion.

Mes parents avaient projeté pour moi une carrière de violoniste classique. Mais moi, j’étais attiré par le rock, la pop, les instruments acoustiques et les bois – sans compter que les amis et la vie sociale me préoccupaient beaucoup plus que le violon, dont la pratique était très exigeante (et mon professeur était dur avec moi)... Alors, à l’armée, j’ai arrêté : j’ai posé mon violon et j’ai pris la guitare. Là où le violon est soliste, la guitare est un instrument social. On en joue avec des amis, on leur demande ce qu’ils veulent entendre. C’est ce dont j’avais besoin à ce moment-là.

C’est après l’armée que votre carrière de musicien a vraiment débuté ?

M.G. Oui, on m’a assez vite proposé d’intégrer un groupe de musique celtique : le Black Velvet, qui se produisait trois fois par semaine à Tel Aviv. Pour moi, c’était totalement différent de ce que j’avais connu, de la musique classique. C’était de la musique simple, mais festive et entraînante.

Et puis, peu à peu, j’ai commencé à écrire mes propres chansons, à reprendre mon violon et à monter sur scène avec de grands chanteurs, comme Mosh Ben-Ari. J’ai découvert l’industrie de la musique et j’ai aussi rencontré ma femme, Shimrit, qui était chanteuse à Tel Aviv et qui se produisait dans des clubs. Avec elle et d’autres musiciens, nous avons formé ensemble un groupe d’inspiration rock, pop et reggae. C’est à cette époque, en 2009, qu’est sorti « Ichti HaYekara », qui a très bien marché, ainsi que « J’t’emmène au vent », la reprise d’une chanson du groupe Louise Attaque. Nous avons commencé à faire des tournées internationales. Notre premier fils avait deux ans et nous l’emmenions partout avec nous.

Cela a dû être difficile, pour vous, de conjuguer vie familiale et carrière…

M.G. Oui, lorsque nous avons eu notre deuxième enfant, puis le troisième, c’est vraiment devenu compliqué. Nous voyagions avec eux, mais sans famille sur place ce n’était pas facile à gérer. Ma femme et moi avons baigné dans la culpabilité, pris entre la musique, les enfants, les tournées… Et puis est arrivée la crise du Covid, qui a tout arrêté et nous a en quelque sorte sauvés.

Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés tous les cinq à la maison, sans tournées, sans concerts, sans obligations. Fini les tiraillements, nous n’avions plus à à choisir entre carrière et famille, et cela a été incroyablement apaisant. Mais en même temps, j’ai débuté une dépression assez sévère ; toutes mes angoisses, tous mes dénis sont remontés à la surface en moi. J’ai eu besoin de faire quelque chose, alors j’ai donné des cours de musique à des enfants handicapés et autistes dans les seules structures qui restaient ouvertes, en pleine crise sanitaire et alors que tout le pays était à l’arrêt. Et puis je me suis lancé dans l’écriture de mon nouvel album, B Mechila. Je crois que le premier single, Sherlock, reflète parfaitement mes LPH ACTUJ 984

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SÉLECTION DE BIENS À VENDRE:

L'INTERVIEW errances et ce que j’en ai tiré, d’un point de vue personnel et artistique.

La musique est au cœur de la culture israélienne. Pour autant, est-il facile d’être un musicien en Israël ?

M.G. Non, être musicien en Israël est très dur.

Beaucoup d’entre nous partent produire ailleurs, à Berlin, à New York… là où un budget bien plus important est dévolu à la culture.

D’un point de vue artistique, nous constatons que la crise du Covid a ramené le public à des valeurs « sûres » : le classique, les stars des années 1970… Les gens, aujourd’hui, achètent des billets pour les grands concerts, ils vont écouter ce qu’ils connaissent déjà…

Je voudrais leur conseiller d’accepter de se perdre un peu, de venir découvrir des artistes plus indépendants, créatifs, personnels. L’art permet au public de se connecter à ce qu’il est vraiment; et pour trouver sa propre voie, se relier à ses émotions, il faut parfois sortir des sentiers battus. n

Michael Greilsammer se produira le 3 avril 2022 sur la scène du Campus francophone du Collège académique de Netanya 1 rue HaUniversita Début du concert : 19h30 Infos : 09-8607417 Mail : francophonie010@netanya.ac.il Site web : https://www.netanya.ac.il/le-campus-francophone

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Michael Greilsammer est considéré comme l'un des meilleurs artistes francoisraéliens, et l’un des plus originaux. Son talent à multiples facettes l'amène à jouer aussi bien du rock que du reggae, de la musique folk, pop, celtique, mais également de magnifiques adaptations du répertoire de Shlomo Carlebach et du groupe français Louise Attaque.

MG Sunshine, comme on le surnomme, s'est produit dans de prestigieux festivals en France, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, au Canada, en Inde et dans les Caraïbes. Les

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médias internationaux louent unanimement ses performances uniques, démonstrations spectaculaires d'une combinaison de styles, de traditions et de cultures, pleines d'énergies positives et de rythmes magnétiques.

Après avoir signé un contrat avec la prestigieuse maison Naïve Records (qui produit aussi Carla Bruni), en 2009 Michael Greilsammer a sorti un CD international, avec des chansons en hébreu, en anglais et en français. Ses concerts et ses enregistrements lui valent une audience toujours plus large en

Europe et aux États-Unis. En Israël, il est rapidement devenu célèbre après la sortie de son premier album dans le pays, qui comprenait des tubes tels que « My Dear Wife » et « Will Not Come ». Il a collaboré avec de nombreux compositeurs israé­ liens, tels que Berry Sakharof, Mosh Ben-Ari, Alma Zohar et Yankele Rotblit, et aussi en Europe, avec son frère, le pia­niste et chef d'orchestre David Greilsammer.

Son dernier projet s’inspire de Neil Young, de Leonard Cohen et de Johnny Mitchell pour nous entraîner dans un tourbillon de mélodies envoûtantes.

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CARTES SUR TABLE

Se souvenir et agir

PAR ARIEL KANDEL

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que faut-il faire des photos des trois enfants qui ne sont plus parmi nous ? » Je lui ai raconté qui était l'éducatrice qui avait inventé l’idée de la photo audessus du porte-manteau de chaque enfant, y voyant un moyen pédagogique pour donner de l'importance à chacun. Cette éducatrice vivait en Pologne, à Varsovie, et elle assistait un des plus grands éducateurs juifs de l'histoire : Janusz Korczak. Elle s'appelait Stefa.

Comme Korczak, elle fut déportée à Treblinka par les nazis et y fut exterminée avec lui et les enfants orphelins qu'ils avaient pris sous leur protection.

Comme Korczak, Stefa croyait dans la capacité des enfants à faire leurs choix, à prendre leurs propres décisions pour leurs propres vies. C’est en pensant à cela que j'ai dit à l'éducatrice de faire comme elle le sentait, l’important étant de continuer à tout mettre en œuvre pour que les enfants qui avaient perdu trois de leurs camarades à un si jeune âge puissent poursuivre leur route malgré ce traumatisme. Marchant seul dans la cour, j’ai alors réalisé qu’Arié, Gabriel et Myriam n'y courraient plus, que leur chemin s'était brisé. Les larmes coulaient toutes seules… Les pensées étaient nombreuses et les actes devaient suivre. À nous, aujourd'hui, de permettre à leur mémoire de survivre. À nous d'agir pour perpétuer leur souvenir. Pour cela, à la demande d’Eva Sandler, je me permets de joindre ici un lien au moyen duquel vous pourrez, chers lecteurs, contribuer à l'action du Beith Sandler de Jérusalem, lieu d'étude et de bonnes actions qu’Eva Sandler a créé à la mémoire de Jonathan, d’Arié, de Gabriel et de Myriam. L'occasion se présente pour nous de soutenir cette initiative. Ne la ratons pas. n https://www.charidy.com/beitsandler/KandelAriel

Vaknine ms

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l y a dix ans, les vies de mes amis Eva et Samuel Sandler basculaient, ainsi que celles de mes amis Yaakov et Yaffa Monsonégo.

Tout ou presque a été dit et écrit sur ce drame durant les dix dernières années. Ce jour-là, c'est peut-être la vie de toute la communauté juive de France qui a changé.

Depuis, beaucoup de questions se posent autour de la vie collective et individuelle de chacun et chacune.

40 000 personnes ont fait le choix de l’alya. Certains ont choisi l'exil vers d'autres pays. Pour ceux qui restent, il est important de réfléchir au sens de son identité juive et de celle de ses proches. Chaque jour, il faut déployer des efforts pour assurer un quotidien qui lutte contre l'assimilation et pour un renouveau du militantisme juif et sioniste des jeunes et des moins jeunes. Le laisseraller, le confort, ne peuvent être une option. La simple consommation de « produits identitaires » n'est pas suffisante. Chacun doit jouer son rôle afin de renforcer un mouvement de jeunesse, un mouvement étudiant, une école… Et se poser la question de l'aide pragmatique à apporter à l'avenir du peuple juif.

C'est le combat des Monsonégo et de beaucoup d'autres depuis longtemps, bien avant les attentats de 2012. C'était aussi le combat de mon ami Jonathan Sandler, qui avait décidé de s’absenter quelques années d'Israël où il vivait avec sa famille, afin d'offrir ses grands talents d'éducateur aux enfants juifs toulousains. Nous partagions ensemble cette passion de la transmission des valeurs de l'histoire juive et du judaïsme. Il y a dix ans, alors directeur de l'Agence juive en France au moment de l'attentat, je me suis retrouvé de nombreuses fois sur les lieux après les tragiques événements. Dans l'école Gan Rachi, que fréquentaient les enfants qui ont été assassinés, se trouvait accrochée au-dessus de chaque porte-manteau la photo d'un des élèves. Un jour, une des éducatrices m’a demandé : « Et maintenant,

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Voir ailleurs

La psychologie du changement

si j’y suis

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ans le monde de la presse, il est des sujets que l’on appelle des « marronniers ». Un mar­ ronnier, c’est un thème qui ne correspond pas à une actualité brûlante et qui va intéresser le lectorat quel que soit le moment où il est publié : les francs-maçons, l’immobilier, les départs en vacances, les soldes ou la météo sont des sujets presque intemporels.

Parmi ces « marronniers » qui nous accompagnent au quotidien, une nouvelle thématique a tout balayé ces dernières années, encouragée, s’il en était besoin, par la crise sanitaire : le changement de vie. Si les Juifs franco-israéliens connaissent parfaitement cette problématique, qu’ils ont tous sans exception expérimentée de très près, elle ne leur est pas propre… Dans le monde entier, du moins dans les sociétés occidentales qui nous en offrent le luxe, on s’interroge et l’on veut refuser les carcans que la société nous impose, presque malgré elle. L’avocat devient charpentier, le startupper se fait coach, et la mère au foyer business woman. En 1987, Diane Keaton explosait dans le film précurseur Baby Boom où, femme d’affaires accomplie, elle héritait un peu par hasard d’un bébé et lâchait sa florissante carrière newyorkaise pour s’installer dans la campagne, se lancer dans la fabrication de confitures… et trouver l’amour et le bonheur. Le bonheur… Graal de ceux qui décident, un jour, de tout abandonner : confort, salaire, boulangerie de quartier, conjoint ou statut social pour tenter un autre chemin. Se trouver. Le 20 mars dernier, la journaliste Virginie Guedj publiait sur sa page Facebook un post qui racontait quelles réactions avait suscitées chez ses proches son annonce d’alya : « On m'a dit : “ça va te passer” ; “génial” ; “tu vas galérer” ; “on arrive” ; “tu donnes raison aux terroristes” ; “tu fais bien” ; “tu fais une grosse

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On souhaite toujours changer pour mieux.

ENTRETIEN AVEC SOPHIE COHEN TIMESTIT

connerie”, “on ne s'installe pas en Israël pour fuir”…

Oui, on m'a dit beaucoup de choses ! » L’expression de sentiments au fond très révélateurs de tout ce qu’un grand saut personnel déclenche en soi-même aussi d’abord : la satisfaction, la peur, l’espoir, l’angoisse.

Quitter un conjoint, un travail ou un pays n’est jamais anodin ni simple. Un bon ou un mauvais choix. Mais le changement de vie est indubitablement dans l’air du temps, celui qui pousse à la recherche du bonheur permanent. Oui, les Juifs français qui veulent faire le grand saut disposent d’un tapis rouge vers le passeport israélien. Mais le monde entier veut savoir si l’herbe est plus verte ailleurs. Les Israéliens s’en vont, eux aussi. En 2019, ils ont été, selon le Bureau des statistiques, 7500 à sauter le pas : Canada, ÉtatsUnis, Australie, pour les plus téméraires. Chypre ou Grèce pour les autres. La crise sanitaire a cristallisé une tendance déjà forte : une volonté de s’affranchir du confort matériel pour aller voir ailleurs… si l’on y est un peu mieux. Ce dossier mensuel du LPH nous permet d’y voir plus clair sur les raisons de franchir le pas… ou non. Et il donne la parole à ceux qui l’ont fait. Parce que l’on n’a pas tous en nous les ressources adaptées à un grand départ. n

LPH. Changer est-il inhérent à la nature humaine ou bien le changement s'y oppose-t-il ?

Sophie Cohen Timestit. Tout vivant est soumis à une évolution au cours de son existence. D'abord enfant, l’être humain va subir des changements physiques à l'adolescence, mais aussi des changements psychologiques à chaque expérience vécue, pour enfin, l’âge adulte atteint, vivre sa vie indépendamment de ses parents et de ce qu'il a reçu d'eux, en exprimant ses propres choix. Cette évolution se fait parallèlement et s’ajoute aux changements qui ont lieu dans son environnement et qui échappent à son contrôle.

Mais en même temps que le changement fait partie de la vie, la force de préservation qui existe en chacun de nous peut chercher à résister aux changements quand ils sont perçus comme une menace pour un équilibre maîtrisé.

Y a-t-il une peur du changement ?

S.C.T. Oui, car tout changement implique une sorte de perte, dans la mesure où il va falloir renoncer à quelque chose et affronter une part d'inconnu sur laquelle on n'a aucune maîtrise. Il faut évidemment distinguer entre les changements de vie subis et ceux que l’on choisit, où le sentiment de perte est bien sûr moindre.

La peur du changement est-elle liée à l'enfance ?

S.C.T. L'enfant est un grand amoureux de la routine et, en général, il est mal à l'aise face aux changements.

Mais plus il aura intégré une image parentale stable

© Avec l'aimable autorisation de S. Cohen Timestit

PAR EVE BOCCARA

Psychologue clinicienne, diplômée de l’Université Paris V René Des­cartes et agréée par le ministère de la Santé israélien, Sophie Cohen Timestit exerce au sein de la clinique Ahuza à Raanana et dans plusieurs établissements scolaires.

et sécurisante, plus il sera disposé, à l’âge adulte, à affronter sereinement les changements. À quelles caractéristiques psychologiques le changement fait-il appel ?

S.C.T. On peut dégager trois aspects : rationnel, émotionnel et adaptatif.

• Pour ce qui est de l’aspect rationnel, l’individu va réfléchir et conceptualiser son projet. Sa démarche est plutôt intellectuelle mais nécessite des compétences organisationnelles.

• Quant à l’aspect émotionnel, les personnes qui se lancent dans de tels projets sont plutôt de nature optimiste et enthousiaste. Elles ont le sentiment qu’elles sauront contrôler les situations futures.

• Cela nous amène au troisième aspect, qui est celui de l’adaptation et de la flexibilité. Qu’elles

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10 juillet 2017 Olim de France sur le tarmac de l'aéroport international Ben Gourion

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Le changement est-il plus sollicité en période de crise, comme celle la pandémie ?

S.C.T. Absolument ! Et toutes ces compétences citées plus haut, comme les capacités de maîtrise, d’adaptation et de flexibilité, seront requises pour mieux y faire face.

Pourquoi certains résistent-ils aux changements alors que d'autres lâchent prise ?

S.C.T. Ce sont souvent les peurs qui sont à l’origine des blocages. La peur de l’inconnu, face auquel on éprouve une perte de maîtrise, peut être très paralysante pour certains, de même que la peur de la perte immanquablement liée au changement. Ceux qui vont lâcher prise sont ceux qui, finalement, seront dans l’acceptation du changement, en utilisant leurs capacités de flexibilité et d’adaptation. À quel moment accepte-t-on le changement ?

S.C.T. Là encore, distinguons trois volets dans la démarche du changement : • d’abord la prise de décision, qui est toujours le résultat d'un calcul rationnel ; • ensuite, dans la mise en mouvement, il va se produire un détachement progressif par rapport à une réalité existante que l’on s’apprête à quitter et, de l'autre côté, une idéalisation, voire une cristallisation, de cet ailleurs qui doit apporter un supplément de bonheur et de réalisation personnelle qui manquait dans l’état préexistant ; • le troisième volet est celui de l'adaptation, qui sera d'autant plus facile qu'on se sera attaché à des éléments concrets au cours de la préparation au changement.

Pourquoi décide-t-on de changer de vie, par exemple de faire le grand saut de l’alya ?

S.C.T. En préambule, il est important de remarquer qu'il n'y a pas de profil psychologique particulier qui prédisposerait à une prise de décision en faveur d'un départ. En effet, il est assez peu aisé de dresser un profil commun aux candidats à un tel changement.

Cependant, certaines qualités personnelles 18

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© Nati Shohat - Flash 90

se retrouvent dans une situation anticipée ou non, les personnes qui ont de bonnes capacités adaptatives sont celles qui sont capables de remettre en question leurs connaissances et leurs croyances ; elles ne sont pas figées dans leurs idées. Cette flexibilité psychologique – et intellectuelle – est l’élément clé pour s’adapter et vivre le changement le plus sereinement possible.

Le discours a également son importance dans ces cas-là. Il ne faut en aucun cas nier les difficultés qui se présentent. Il est important, au contraire, de les verbaliser et d’en parler avec son entourage. Cela permet, pour la personne qui s’exprime, d’extérioriser ses peurs, mais aussi de chercher activement une solution et une réassurance. C’est encore une autre façon d’être dans l’action.

Le choix de partir est une aspiration à trouver de nouvelles opportunités de vie que l’on n’espère plus dans l’environnement familier. aideront assurément dans l'adaptation à un nouvel environnement.

Quels sont les facteurs qui favorisent la prise d'une telle décision ?

S.C.T. D’abord, un terreau familial ou/et culturel chez certains, notamment les enfants d’une génération de parents déracinés qui ne se sont pas complètement réenracinés dans un pays d’accueil vécu comme une étape temporaire. Et puis, ce sentiment peut être renforcé par des convictions personnelles, idéologiques, religieuses. Les sionistes, par exemple, sont habités par un appel à rejoindre la Terre pro­mise ; et puis, la commodité de vivre une vie religieuse plus entière et plus simple entre également en ligne de compte pour certains.

La décision est-elle consciente ou inconsciente ?

S.C.T. Elle n'est pas toujours formulée explicitement.

Certains sont capables de dire : « J'ai toujours su que je partirais, que je vivrais ailleurs, que je finirais par vivre en Israël… » D'autres semblent surpris de l'élan

avec lequel la décision a été prise et avec lequel ils ont réussi à se mettre en mouvement pour tout changer dans leur vie. Cependant, le plus souvent, on trouve aussi l’expression de déceptions, de frustrations et d’insatisfactions vécues sur le lieu de départ, comme des sources d’empêchement de se réaliser pleinement et de laisser s’épanouir toute son identité, individuelle ou collective.

Le changement, perturbant ou stimulant ?

S.C.T. Cela dépend avant tout du type de chan­ gement : normalement, celui qui est décidé et désiré sera stimulant. En revanche, un changement imposé – guerre, pandémie, mutation professionnelle – sera forcément en partie perturbant. Mais même ceux qui sont capables d’opérer un changement de leur propre initiative pourront en être perturbés et inversement, un changement imposé pourra aussi, à terme, avoir été stimulant.

« L’ailleurs » répond-il à un appel spécifique ?

S.C.T. Certains ont besoin d'un nouveau souffle, d'une nouvelle chance, d'un nouveau départ. On quitte un réel, un existant, un passé, autant qu'on souhaite un renouveau. Le choix de partir est l'expression d'une aspiration à trouver de nouvelles opportunités de vie que l’on n’espère plus dans l’environnement familier.

Le peuple juif qui, tout au long de son histoire, a été contraint à la fuite par les pogroms, les expulsions, les exterminations, a-t-il développé une plus grande aptitude au changement ?

S.C.T. Tout à fait ! D’ailleurs, le premier livre de la Torah relate les pérégrinations des Patriarches, avec des changements de lieu et de vie choisis ou subis ; et les quatre livres suivants évoquent la mise en marche du peuple hébreu vers sa liberté et la réalisation de son destin. Comment y rester insensible quand on relit la Torah chaque année et que l'on célèbre les fêtes associées aux étapes de ce parcours dans le désert ?

La culture juive est imprégnée de remises en question – comme à Kippour où l’on s'interroge régulièrement sur sa conduite – et d’actions qui en découlent.

Comment savoir si l'on est prêt pour le changement ?

S.C.T. C’est la mise en mouvement qui prouve que l’on est prêt. Elle se fait après la prise de décision. Mais on peut avoir pris une décision et mettre beaucoup de temps à agir. Certaines inhibitions peuvent d’ailleurs être expliquées par un manque de conviction par rap­ port à notre projet, ou des peurs que l’on n’ose pas s’avouer.

Et les Israéliens, sont-il des adeptes du changement ?

S.C.T. Les Israéliens ont dû faire face à de nombreux défis au cours de leur jeune existence et ils ont fait preuve à de nombreuses reprises de qualités de rési­lience face aux attaques subies. Ils s’adaptent continuellement. C’est une société qui embrasse les nouvelles technologies et semble se sécuriser grâce aux changements technologiques, toujours perçus positivement.

Comment ne pas subir le changement mais le vivre ?

S.C.T. Pour ne pas le subir, il faut le décider. Cependant, si le changement nous est imposé, comme cela a été le cas pendant la pandémie, il faut parvenir à reprendre le contrôle ne serait-ce que d’un aspect minime de ce qui est train de se passer, afin d’avoir le sentiment d’être à nouveau acteur dans une situation où l’on n’a pas la maîtrise des événements ; donc là encore, cela relève de capacités organisationnelles et adaptatives.

Le changement est-il forcément une quête du bonheur ?

S.C.T. Oui, il l’est dans les cas où les personnes le désirent. On souhaite toujours changer pour mieux, afin d’atteindre un idéal et un épanouissement personnel, qu’il soit matériel, émotionnel ou relationnel. n Propos recueillis par Nathalie Sosna-Ofir

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Le grand saut de Sarah

I

l était une fois une voie toute tracée. Et Sarah Mostrel la suit parfaitement, jusqu’à ses 18 ans où, après un bac scientifique et une année à l’École Polytechnique Féminine de Sceaux, elle décide de partir en Israël pour réaliser son idéal. Elle y fait un oulpan, apprend quelques mois l’hébreu à l’Université de Beer-Sheva, dans le cadre du programme pré-académique Taka, puis elle entre au Technion, le fameux Institut de technologie de Haïfa. Elle en ressort avec un diplôme d’ingénieur en électronique-informatique et commence à travailler à Tel Aviv. Cinq ans s’écoulent, elle se marie et décide de rentrer en France. Sa famille lui manque, elle a passé dix ans en Israël, elle a envie d’autre chose. Pendant un temps, elle songe à s’installer aux États-Unis, mais elle débute un travail à Paris, dans l’informatique industrielle.

Rapidement, elle ne se sent pas à sa place. Elle qui, dans son enfance, a fait dix ans de piano au conservatoire, a besoin d’exprimer sa sensibilité. Mère de deux enfants, elle se sépare, se cherche et décide de changer définitivement de voie. L’écriture s’impose, d’abord par le biais de la poésie : elle écrit 500 poèmes en un an. Elle n’arrêtera plus d’écrire. Depuis les années 2000, Sarah a publié près d’une vingtaine d’ouvrages, tous genres confondus : roman, essais, recueils de nouvelles, de poèmes, livres d’artiste. Elle suit une formation de journaliste, métier qu'elle continue d'exercer ; d'autres passions s’ajoutent au fil du temps, comme la peinture, et la musique revient à elle par le biais de ses textes mis en chansons qu’elle interprète sur scène. L’ingénieure est devenue journaliste et artiste.

Et enfin s’épanouit. n Nathalie Sosna-Ofir

Le grand saut de Jehan

J

ehan grandit à Bruxelles dans une communauté laïque de descendants – ou ce qu’il en reste – du Bund, dans laquelle il ne se trouve pas.

Il rejoint alors le mouvement sioniste de l'HaChomer HaTzaïr et, à l'âge de 16 ans, commence à penser au grand saut : aller vivre en Israël. C’est ce qu’il fait quatre ans plus tard, en juillet 2001, en pleine deuxième Intifada. Jehan a 20 ans et fait son alya sans un sou, sans soutien familial, sans savoir l'hébreu et en ne parlant qu'un anglais médiocre. Seul avec son idéal, il passe de son confort bruxellois à la réalité éprouvante de Jérusalem où il suit une année préparatoire à l'Université hébraïque. Les attentats se multiplient et il échappe de justesse à celui de la place Zion, alors qu'il se trouve à vingt mètres d'un des kamikazes.

Un an et demi après son arrivée, pour être proche de cette terre qui lui est si chère, il choisit de s'installer au kibboutz Nir Oz, dans le conseil régional d'Eshkol, où il s'intègre très bien : « Quel changement ce fut pour moi de quitter enfin la ville, de passer de SDF à 'haver kibboutz, de quitter l'enfer des attentats pour

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le paradis d'Eshkol et, finalement, d’arriver là où je voulais arriver depuis que j'avais rejoint l'HaChomer HaTzaïr ! » Jehan s'engage dans les rangs de Tsahal en tant que combattant au sein de la Brigade 50 du Na'hal et sert sous les drapeaux jusqu'à ce que son dos se brise ; il termine l'armée handicapé, quasiment paralysé des deux jambes pendant six mois, jusqu'à son opération de la colonne vertébrale, après laquelle il reste tout de même encore lourdement handicapé. Jehan continue à vivre au kibboutz, où il rencontre l'amour de sa vie. « La réalité, à Nir Oz, c'était côtoyer des Palestiniens de Gaza, mais aussi vivre sous les tirs de milliers de missiles, le démantèlement, quatre guerres, des centaines d'alertes, des ballons incendiaires… » Jehan a été l'avant-dernier blessé de l'Opération « Bordure protectrice », fin août 2014. De surcroît, une grande partie de ses serres ont été incendiées par des ballons explosifs lancés depuis Gaza. Depuis, Jehan est en situation de post-trauma, ses douleurs sont constantes et il est encore plus handicapé qu'auparavant, ce qui ne l'empêche pas de donner des conférences dans les lycées israéliens sur les façons de gérer le post-trauma. « À côté de tout cela, je suis devenu papa pour la première fois, racontet-il, et malgré tout, je suis incapable d'imaginer une autre vie que celle d'agriculteur dans le Néguev occidental. Chaque jour est un nouveau grand saut pour moi ! » n Nathalie Sosna-Ofir

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adepte du grand saut ?

A

PAR NATHALIE SOSNA-OFIR

près la destruction du Temple, le peuple juif ne se fige pas dans la désolation mais s'oblige à se mettre en mouvement pour continuer à exister. Il accepte souvent de plonger dans l’inconnu et de se réinventer. C’est la remise en question et le renouvellement qui sont au cœur du judaïsme qui ont permis à la civilisation juive de survivre là où toutes les autres ont disparu. Nous sommes le peuple du nouveau départ. Tera'h quitte Ur pour gagner le pays de Canaan, pays que, à cause de la famine qui y règne, son fils Avraham quitte pour l'Égypte, suivi ensuite par ses fils. Que dire de Job, que Dieu met à l'épreuve en faisant s'abattre sur lui toute une série de malheurs destinés à ébranler sa foi et qui trouve toujours le courage de se relever ? Ou de Ruth qui, après la mort de son beaupère, de son mari et du seul frère de son époux, décide de ne pas rester avec son peuple moabite mais de partir avec sa belle-mère Naomi vers Juda, un pays inconnu ? Et du nouveau départ des Juifs fuyant les pogroms et se réinventant dans la Palestine mandataire ? Et des survivants de la Shoah, épuisés, affaiblis, décidant de ne pas regarder en arrière mais d'aller de l'avant, en Palestine ou ailleurs, construire une nouvelle vie, une suite de vie ? S'exiler, partir, mais toujours se réinventer.

Trouver coûte que coûte les ressources pour amorcer un nouveau départ : réflexe de survie ? Recherche d'un avenir meilleur ? Quête spirituelle ? Le peuple juif ne cesse de se poser des questions, de faire son introspection. Dans la Genèse, Dieu demande à Adam : « Où es-tu ? » Cette question n’est nullement d'ordre 22

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géographique, mais bien existentielle. L'Éternel le contraint à l'introspection, à une remise en question.

Le récit de la sortie d'Égypte que nous retraçons le soir du Seder de Pessa'h n'est pas seulement l’histoire d'un exode mais celle d'une profonde mutation.

Ce récit, d’une incroyable modernité, témoigne du courage phénoménal qu’il a fallu aux Hébreux, mus par l'espoir de la liberté insufflé par Moïse, pour s’affranchir de l’esclavage.

Comment ne pas faire le parallèle avec le grand saut de ceux qui font leur alya, par exemple ? Là aussi, il s’agit de se mettre en mouvement pour exister, que ce soit à titre individuel ou collectif. André Neher, rabbin émérite, écrivain et philosophe qui lui-même avait fait son alya à Jérusalem au lendemain de la guerre des Six Jours, non pour s’échapper mais pour se retrouver, parlait de « l'exigence intérieure, l'oscillation permanente entre Israël qui nous appelle et la Diaspora qui nous retient ». De nombreux intellectuels juifs français, à son instar, ont réalisé ce grand saut : parmi tant d’autres, André Chouraqui, Robert Gamzon, Claude Vigée, mais aussi la philosophe et psychanalyste Éliane Amado Levy-Valensi, qui écrivait qu’elle s'installait sur « une terre où l’on vient pour se dépasser et non pour se fuir ».

Dans « Discours de clôture », Neher, encore, disait : « Après les Hébreux, nous sommes sortis d’Égypte, nous avons tourné le dos à l’exil, définitivement, nous avons franchi un point de non-retour, nous nous sommes délibérément coupés de nos arrières. » Le mot « déli­ bérément » illustre ce libre arbitre dans lequel le grand saut vers l'ailleurs, quel qu'il soit – spirituel, professionnel, conjugal, géographique… –, trouve sa quintessence.

Mais on ne peut parler de départ sans évoquer l’exil des Juifs d'Ukraine qui, eux aussi, même s’ils sont poussés par les événements tragiques auxquels nous assistons, prennent la décision de l'exode de leur plein gré. Une mise en mouvement propre au peuple juif pour continuer à vivre, à exister. n

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L'ÈRE 2.0

Le Web3 :

L'application du mois :

la décentralisation par temps de guerre PAR DAVID SCHIFFERS

A

u début des années 2000, le Web 2.0 a marqué un tournant dans l’usage d’Internet : désormais, ce sont les internautes, et non les créateurs de sites, qui animent la toile. C’est ainsi que sont nés YouTube, Facebook, Wikipédia et autres plateformes de gestion de contenus. La libération du contenu a donné une ampleur bien plus importante à Internet. Le Web3 voudrait aller encore beaucoup plus loin dans l’esprit social et participatif. Imaginons que les plateformes elles-mêmes deviennent des biens communs ; imaginons que Facebook soit le fruit d’un code, produit par des millions d’internautes, dont la propriété serait publique, au sens très large du terme, et dont la gestion se ferait par vote et consentement majoritaire.

La technologie pour le faire existe déjà : c’est la fameuse « blockchain », celle qui gère les cryptomonnaies telles que le Bitcoin.

Son principe est simple : chaque participant de la « blockchain » est un maillon ayant un droit de parole et de vote. Ainsi, plus besoin 24

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de dirigeants ni d’institutions.

Chaque acteur constitue un maillon de la chaîne et seule la majorité décide. C’est le principe de la décentralisation. Cette application technologique a même un nom : c’est la DAO (Decentralized Autonomous Organization). La DAO a été testée et validée technologiquement par l’entreprise Slock.it avec The DAO. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, où les géants d’Internet sont mis à contribution, la question de la décentralisation devient épineuse. D’une part, un Web décentralisé ne permettrait plus aux gouvernements ou aux entreprises de stopper les abus et la désinformation. Mais d’autre part, la communauté serait peut-être plus efficace et plus juste dans son appréciation de ce qui est acceptable ou non.

Ce débat, éthique autant que technologique, est très clivé, entre les adeptes et les opposants du Web décentralisé. Elon Musk, fondateur et patron de Tesla, a écrit : « Je ne pense pas que le Web3 soit réaliste ; il s’agit d’un buzzword marketing. » Et Jack Dorsey, le cofondateur de Twitter : « Le Web3 est une entité centralisée, mais avec une étiquette différente. » Cependant, les fans du Web3 sont nombreux et la technologie semble aller dans leur sens.

Alors que le Web 2.0 est le nom qui a été donné à une évolution constatée, le Web3 est une projection dans un futur incertain, voire une prophétie. À l’instar des cryptomonnaies, qui ont été adoptées sans pour autant toucher un public très large, le Web3 devra franchir la barre psychologique de la décentralisation, ou rester utopie. n

Les transports en commun en Israël sont une véritable institution. On se déplace principalement en bus, mais aussi en train et en tramway, et il n’est pas toujours évident de s’y retrouver pour arriver d’un point à un autre. Il est encore moins évident de payer son voyage si l’on ne dispose pas de la fameuse carte Rav-Kav, qu’il faut recharger régulièrement.

L’application Moovit apporte une solution simple et efficace à tous ces problèmes. De la planification du voyage jusqu’au règlement, tout y est intégré. Même les réductions, lorsqu’on y a droit. Il suffit de renseigner les coordonnées de sa carte de crédit dans l’application… et de courir pour ne pas louper le bus !

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LES NEWS TECH * Qualcomm annonce le wifi 7, cinq fois plus rapide que le wifi 6E et avec une très faible latence. C’est la technologie idéale pour les lunettes de réalité virtuelle.

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* Qualcomm (encore) annonce une nouvelle version de Bluetooth, moins énergivore et permettant une meilleure qualité audio. * TikTok permet désormais de publier des vidéos de dix minutes. Encore un pavé dans la mare de YouTube. * Oppo annonce de nouvelles batteries avec des chargeurs à 150 W, capables de charger 50 % en cinq minutes et 100 % en un quart d’heure. En laboratoire, Oppo a présenté un chargeur à 240 W capable de recharger 100 % d'une batterie en seulement neuf minutes. * Le Covid et le télétravail ayant boosté le marché du PC, Samsung, Nokia et Huawei se lancent désormais dans la fabrication de PC.

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RÉGION

PAR NATHALIE SOSNA-OFIR

C'est le défi lancé par David Ben Gourion quand il devient le premier Premier ministre de l'État d'Israël. Son rêve est de repeupler et de faire fleurir le Néguev.

Un défi en partie relevé.

« C'EST DANS LE NÉGUEV QUE LE PEUPLE D'ISRAËL ET SA TERRE SERONT MIS À L'ÉPREUVE – CAR CE N'EST QU'EN S'UNISSANT ET EN COLLABORANT EN HARMONIE QUE NOUS POURRONS ACCOMPLIR CETTE IMMENSE TÂCHE DE FLEURIR LE DÉSERT ET D'Y HABITER. CET EFFORT DÉTERMINERA LE SORT DE L'ÉTAT D'ISRAËL ET LE STATUT DE NOTRE PEUPLE DANS L'HISTOIRE DE LA RACE HUMAINE. »

E

n 1935, Ben Gourion, alors président de l'Agence juive, se rend pour la première fois dans le Néguev. « Il manque deux choses : de l'eau et des Juifs », constate-t-il. Trouver de l'eau semble une mission impossible : les précipitations sont insuffisantes. On tente de forer des puits et de pomper de l'eau, mais les quantités sont faibles et la salinité trop élevée pour prétendre travailler la terre. Il faut donc faire venir l'eau douce via des conduites. La première est mise en place en 1947 26

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© Nathalie Sosna-Ofir

DAVID BEN GOURION, SDE BOKER, 1955

Morrison-Grady qui prévoit de répartir la Terre d'Israël en trois : 17 % pour l'État juif, 40 % pour l'État arabe, et 43% pour un district britannique qui inclurait le Néguev. Un plan rejeté par les dirigeants arabes et par l'Agence juive qui espère que ces établissements de facto convaincront l'ONU d'intégrer le Néguev dans les frontières du futur État d'Israël – ce qu'elle fera finalement.

Depuis l'époque du royaume de Juda, les Juifs ne s'étaient pas installés de façon permanente dans le Néguev, et alors que 50 000 personnes y vivaient en 1948, elles sont aujourd'hui 750 000, dont 210 000 Bédouins majoritairement originaires du Hedjaz, au nord de la péninsule arabique, qu'ils ont

© GPO

« Aller vers le sud »

© Nathalie Sosna-Ofir

depuis les puits du nord-ouest du Néguev, où les eaux souterraines sont plus abondantes, vers le Sud plus aride. Après la création de l'État d'Israël, on fait s'écouler l'eau du fleuve Yarkon, au centre du pays, jusqu'au Néguev, et dès 1964 celle du lac de Tibériade. À partir du moment où le manque d'eau est en partie comblé, reste à amener des Juifs ! L'Agence juive, toujours dirigée par Ben Gourion, force le destin et… l'ONU. Dans la nuit du 5 au 6 octobre 1946, onze implantations sont créées, en réaction au programme

quitté au XVIIIe et au XIXe siècle pour aller nomadiser dans une zone englobant la Transjordanie et les déserts du Néguev et du Sinaï. Ces Bédouins, qui traversent actuellement une phase de transition, passant d'un cadre traditionnel et tribal à une forme de vie sédentaire, sont de plus en plus diplômés et intègrent progressivement le marché du travail.

Cependant, leurs conditions de vie ne sont pas optimales, et le gouvernement, conscient des lacunes, a adopté une politique visant à les améliorer et à régulariser les localités illégales.

Si le Néguev est devenu la vitrine de l'AgriTech, il est aussi celle de la cybersécurité, grâce au CyberSpark de Beer-Sheva qui rassemble quatre-vingts sociétés parmi les plus prestigieuses au monde, ainsi que des centres de recherche. Face à lui, l’Université Ben-Gourion offre chaque année au pays un tiers de ses ingénieurs, et c’est là que sont conçues de nombreuses innovations blanc-bleu. C'est également dans le Néguev que s'élève, à 240 mètres, la tour Ashalim, la plus haute tour solaire au monde, entourée d’un champ de 300 hectares de miroirs qui redirigent les rayons du soleil vers le sommet de la tour, surmonté d'une ampoule géante.

Mais avant tout, le Néguev, jalonné de sites historiques et archéologiques ainsi que de sources, est l'une des destinations touristiques les plus populaires en Israël. À découvrir : les vestiges de la Route de l'Encens, qui s'étendait du Yémen à l'Est vers le port de Gaza en traversant le Néguev.

Rendez-vous sans faute à Mitzpe Ramon, une petite localité située à 800 mètres d’altitude, pour admirer

le spectaculaire cratère Ramon, le plus grand cirque naturel d'érosion au monde. À son point le plus profond, la source d'eau naturelle Saharonim attire une grande partie de la faune, notamment des onagres et des bouquetins, des ibices de Nubie, des gazelles dorcas, des hyènes rayées et quelques léopards d'Arabie.

Les plus téméraires sillonneront le Néguev en jeep – attention, c'est plein de bosses ! Et les plus romantiques admireront les étoiles dans ce lieu éloigné de toute pollution lumineuse et devenu, sur décision de l'Association internationale Dark Sky, la première réserve étoilée du Moyen-Orient, rejoignant 54 autres réserves étoilées disséminées à travers quinze pays. On peut aussi choisir de répondre à l'appel du désert, dormir sous une tente bédouine, faire des randonnées à pied, en voiture tout terrain, à vélo, à dos de chameau, dévaler les dunes – ou préférer l'appel des hôtels de luxe à flanc de cratère.

Si l’homme a réussi à dompter le désert du Néguev et à en faire un laboratoire technologique de pointe, cette immensité ocre sculptée à la plume du vent nous impose l'humilité. Laissez votre regard s'évader au loin, vous devriez apercevoir les silhouettes des patriarches Abraham, Isaac et Jacob sur leur route, à la recherche de la Terre promise.

Une chose est sûre : allez vers le Sud ! n Photo en exergue : David Ben Gourion en visite dans le jardin du kibboutz Sde Boker en compagnie du secrétaire général des Nations Unies Dag Hammarskjold (à droite)

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BINATIONAL

Une autre France ?

PAR PASCALE ZONSZAIN

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© Flash 90 - Marc Israel Sellem

V

ue d'Israël, la campagne présidentielle française confirme un profond bouleversement des repères politiques, encore accentué par la guerre en Ukraine.

Il est toujours instructif de considérer une campagne électorale sous une autre perspective. Traditionnellement, l'angle de vue des FrancoIsraéliens était plutôt celui du rapport de la France à Israël, dans sa politique proche-orientale.

Le reste était secondaire, dans la mesure où le lien se faisait plus ténu au fil des années. Dans l'esprit de ceux qui l'avaient quittée, la France demeurait une démocratie riche et stable, une référence culturelle, un attachement familial ou encore une source de revenus pour ceux qui touchaient leur retraite ou leur pension du pays où ils avaient passé l'essentiel de leur vie active. Mais depuis une vingtaine d'années, ce lien s'est progressivement modifié. L'alya de France est devenue moins une rupture qu'une forme de « transnationalité ». Certains olim ont conservé une activité professionnelle en France – c’est la fameuse « alya Boeing » –, les voyages, en tout cas jusqu'à la pandémie, sont devenus plus faciles et plus abordables, les technologies de communication ont effacé les distances, permettant de conserver un contact permanent à travers les

montantes aux extrêmes, a été de nouveau bouleversée par l'irruption d'une guerre en Europe.

Dans un sondage Ipsos publié début mars, les électeurs français disaient être d'abord préoccupés par leur pouvoir d'achat – à 52 % – et ensuite par la guerre russe en Ukraine – 33 % –, sachant que les deux facteurs sont évidemment liés.

Un événement d’une telle ampleur a nécessairement un effet direct sur le déroulement de la campagne. D'abord parce qu'il donne un avantage au président en place, qui brigue sa réélection.

Emmanuel Macron, chef des armées, est celui qui a le plus d'expérience, et la priorité de la guerre lui évite d'avoir à défendre le bilan de son quinquennat.

Ensuite et pour la même raison, il devient plus difficile aux autres candidats de faire entendre leur programme et d'imposer leur ordre du jour.

Quant à la vision d'Israël des douze candidats, elle n'occupera guère les électeurs franco-israéliens qui iront aux urnes. Celle de l'immigration et de l'identité peut-être davantage, comme leurs concitoyens de France. Mais aussi la vision d'une France jalouse de ses valeurs démocratiques et républicaines, qu'elles soient de gauche ou de droite. L'union des droites jusqu'aux extrêmes est incompatible avec la nature du paysage politique français, comme le fut en son temps l'union des gauches avec le parti communiste.

Et pour la deuxième fois, les candidats républicains de droite et de gauche devraient être absents du second tour.

Pourtant, cette France qui subit les coups de boutoir les plus violents qu’elle ait connus depuis la Seconde Guerre mondiale a aussi ses capacités de résilience. L'une d'elles passe par son processus démocratique. n

22 janvier 2020 : le président français Emmanuel Macron à la résidence du Premier ministre de l'époque, Benyamin Netanyahou. Son salut viendra-t-il du vote des Franco-Israéliens ?

Emmanuel Macron, chef des armées, est celui qui a le plus d'expérience, et la priorité de la guerre lui évite d'avoir à défendre le bilan de son quinquennat.

médias et les réseaux sociaux.

Tout cela a influé sur le regard des Franco-Israéliens, auxquels les enjeux franco-français ne sont plus étrangers.

Que penser, alors, de cette campagne présidentielle dans laquelle les repères familiers des clivages idéologiques semblent voler en éclats, où le quinquennat centriste d'Emmanuel Macron, secoué par les crises successives des Gilets jaunes et du Covid, a vu la gauche se recroqueviller jusqu'à la fossilisation, l'écologie incapable de se muer en projet politique cohérent, et la droite républicaine impuissante à endiguer une poussée nationaliste et identitaire ?

La campagne, déjà dominée par le discours des forces populistes LPH ACTUJ 984

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Pourquoi ?

BINATIONAL l’innocence de Dreyfus. Et en instillant ce doute, Zemmour légitime toutes les paroles antisémites, car « si Zemmour, un Juif, a dit que Dreyfus n’était peut-être pas innocent, alors… ».

© DR

l La violence de Zemmour a choqué de nombreux Français, comme ses propos sur les handicapés, ainsi que ses condamnations pour haine raciale et la présence dans son entourage de nombreux membres d’anciens groupes pronazis.

Je ne voterai pas en faveur d’Éric Zemmour

L

a communauté juive française souffre depuis des années d’actes antisémites et vit dans l’insécurité. Une grande partie des attentats antisémites ont été commis par des Musulmans se réclamant du djihad et la communauté a l’impression que l’État ne prend pas les mesures nécessaires. Un candidat, Éric Zemmour, dénonce l’incurie des responsables politiques depuis quinze ans, en expliquant qu’il faut prendre ce problème à bras-le-corps et lutter contre l’islam, notamment en limitant l’entrée d’immigrés qui seraient des terroristes en puissance. Évidemment, ce discours séduit une partie de la communauté.

Néanmoins, voici les raisons pour lesquelles il est impossible de voter Zemmour : l L’immigration zéro : les solutions proposées par Zemmour ne sont ni réalistes ni 30

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efficaces. Aucun pays au monde n’y est parvenu. La France, comme les autres, a besoin de main-d’œuvre étrangère. Tous les immigrés ne sont pas des terroristes, loin de là, même s’ils viennent de pays arabes. l En outre, la position d’Éric Zemmour est contraire aux valeurs du judaïsme. Dieu a détruit Sodome car ses habitants ne voulaient pas accueillir l’étranger et partager leurs richesses avec lui. Si la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, elle doit en accueillir une partie, et manifester empathie et compassion aux étrangers qui sont dans une situation dramatique.

Alors que Zemmour s’était prononcé contre l’accueil de tout réfugié ukrainien, il a légèrement « rétropédalé » en concédant que l’on pourrait en accueillir quelques-uns, après

que, dans un sondage, 72 % de son électorat s’est prononcé en faveur de l’accueil des réfugiés ! l Pour de nombreux Juifs français, les propos de Zemmour sur Petain sont une insulte et une négation de leur dou­loureuse histoire familiale.

Pour­quoi Zemmour reprend-il une thèse selon laquelle c’est grâce à Pétain qu’il n’y a eu « que » 25 % des Juifs français tués pendant la Shoah ? Parce qu’il pense que la France judéo-chrétienne débarrassée de l’islam serait un pays extraordinaire, et il ne peut donc accepter l’idée qu’un Français comme Pétain soit responsable de la mort d’« Israélites » français.* l Zemmour n’est « pas certain » que Dreyfus soit innocent « l’ar­ mée ne peut pas se tromper ».

Pourtant, aucun historien digne de ce nom ne remet en cause

l La longue litanie des propos misogynes de Zemmour (« les femmes ne sont pas faites pour assumer des responsabilités »,

C

public. Ce faisant, il justifie une odieuse comparaison entre le judaïsme et l’islam.

Les Juifs ont-ils été prosélytes en France ? Ont-ils commis des attentats en France ?

Enfreignent-ils la loi française, à l’instar des trois quarts des jeunes Musulmans français qui, dans un sondage, ont déclaré qu’à leurs yeux, la loi de la charia prévalait sur celle de la République ? On doit prendre des mesures pour lutter contre l’islamisme, certes, mais sans pour autant que cela n'affecte la possibilité pour les Juifs de vivre sereinement leur religion en France.

« elles sont le butin des hommes », etc.) nous rappelle à quel point cette attitude, là encore, est contraire aux valeurs portées par le judaïsme, le premier à donner l’héritage aux femmes et à valoriser de grands personnages féminins (les Matriarches, Esther, Déborah…) dans une société pourtant très patriarcale. l Zemmour représente un danger pour la vie juive en France. Il s’est prononcé contre le port de la kippa dans le domaine public en France et défend cette position en raison de sa volonté d’interdire les signes ostentatoires religieux musulmans dans l’espace

Suite page 32

Je voterais en faveur d’Éric Zemmour

l Il réussit, en France, à susciter un choc des idées et à réveiller un débat intellectuel qui était depuis de trop longues années étouffé par un politiquement correct dogmatique et accu­ sateur, et complètement aseptisé.

l Face aux vagues progressistes, woke et LGBT qui écrasent aujourd’hui sans grande difficulté les rares personnes qui se hasarderaient à s’y frotter, il est le seul à avoir la carrure intellectuelle et politique nécessaire pour faire front, le seul qui, par la cohérence et la puissance de ses idées, peut se porter garant des valeurs traditionnelles pour l’avenir de la France, apportant enfin une réponse forte à la perte profonde d’identité et de valeurs qui pèse sur le monde occidental.

l Il ressuscite en France la ferveur politique en insufflant une dynamique populaire puissante et en organisant des meetings de masse à faire pâlir ses concurrents, révélant au sein de la population une profonde attente d’un discours de convictions et sans fauxsemblants.

l Le succès incroyable du « Z » chez les jeunes est la revanche jubilatoire d’une génération frustrée car éduquée au politiquement correct. Ils voient en Zemmour celui qui leur permet à nouveau d’être fiers d'être français, fiers de leur culture et de leur tradition, et libres d’exprimer leurs idées et leurs opinions.

royant en l’auto­d éter­ mination des peuples, je ne pense pas voter aux prochaines élections d’un pays dans lequel je ne réside pas.

Cependant, l’envie de voter Éric Zemmour ne me manque pas, et en voici la raison en dix points.

l Le programme économique, social et écologique de Zemmour réussit le pari d’être cohérent avec son corpus idéologique de droite, tout en proposant de réelles solutions aux problématiques économiques, sociales et écologiques actuelles, jusqu’à présent chasse gardée de la gauche. La relance de la filière nucléaire en est le meilleur exemple. l Dans la situation géopolitique actuelle, Zemmour est le seul à être assez clairvoyant pour pouvoir entamer de réelles discussions avec Poutine. Il ne se gargarise pas d’arguments humanistes, perçoit les vraies dynamiques qui sont à l’œuvre et est capable de parler le langage de Poutine. Il comprend qu’on ne peut pas tenir le monde seulement par des discours moralisateurs.

Suite page 32

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BINATIONAL

Suite de la page 31 (Je ne voterai pas en faveur d'É. Zemmour)

Dans tous ses discours, Zemmour se prononce pour l’assimilation. Or, pour un Juif, l’assimilation signifie l’abandon des pratiques et de l’identité.

Nous sommes pour le vivreensemble, le respect des droits de chacun, mais certainement pas pour l’assimilation.

de l’histoire. Plus grave : il a expliqué à la télévision israélienne que l’Iran est un grand pays et que, de ce fait, il a droit à la bombe atomique, en ajoutant que cela ne doit pas inquiéter Israël, si puissant militairement ! On se souvient également que les rares fois où il a évoqué Israël, c’était pour souligner que les enfants

l Zemmour n’est pas un ami d’Israël et ne lui a jamais manifesté son soutien. Il reconnaît son existence comme un état de fait, mais semble penser qu’il ne s’agit que d’un accident

l Il est beaucoup plus au fait de la conception juive qu’on ne le croit. Comme il l'a dit sur BFMTV : « Le peuple juif, c’est un Peuple, une Loi, une Terre. » Il est conscient de ce que la nature du peuple juif appelle à réaliser comme projet collectif. Si un Juif veut réaliser pleinement son identité, sa place est en Israël 32

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Il est donc impossible de voter pour un candidat condamné par la justice pour haine raciale, dont le discours est à l’opposé des valeurs du judaïsme et qui représente un danger pour la pratique de la religion juive en France. n

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Suite de la page 31 (Je voterais en faveur d'É. Zemmour)

l Si sa rhéto­ rique sur l’identité, le peuple et la nation fait tellement débat en France, elle est pourtant le discours naturel de l’Israélien moyen, ces notions étant infiniment plus présentes et intégrées dans la société israélienne. D’ailleurs, est-ce vraiment un hasard si un Juif imprégné d’une tradition séfarade et sioniste prétend réapprendre aux Français comment être un peuple ?

Sandler avaient été enterrés en Israël, ce qui montrait que leur famille ne se percevait pas comme française !

en tant que peuple. Lui a choisi l’assimilation au peuple français et l’assume. Grand bien lui fasse, mais cela a le mérite d’être plus clair que le « en même temps » macronien ambiant.

Par son discours qui met l’accent sur l’identité et la dimension historique des peuples, il réveille le questionnement identitaire des Juifs de France, fortement affaibli par un multiculturalisme déresponsabilisant. Les Juifs de France se posent à nouveau la question de savoir à quel peuple ils appartiennent fondamentalement et historiquement. Serait-ce le déclencheur d’un profond retour à l’identité juive et d’une alya massive ?

Thèse démontée de manière très convaincante, notamment par Jacques Semelin et Laurent Joly, deux historiens reconnus.

l Bien que je lui reproche sa maladresse doublée de provocations, les buzz médiatiques autour de ses propos sur Vichy et sur Toulouse sont des procès d’intention orchestrés qui dévient ces propos de leur sens afin de coller à Zemmour l’étiquette d’antisémite et ainsi jouer sur la corde sensible de l’électorat juif qui serait naturellement favorable à son discours.

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l Éric Zemmour reconnaîtra Jérusalem comme capitale d’Israël, rompant net avec la tradition française à ce sujet.

En effet, souverainiste, il laisse à chaque peuple le droit de choisir sa capitale ainsi que la liberté de ses diverses décisions politiques et militaires, sans se poser en perpétuel moralisateur et donneur de leçons. n Malahie Tebol LPH ACTUJ 984

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SILVER Fatalement, avec l’âge, les cellules de notre cerveau vieillissent et meurent… En vieillissant, le cerveau subit une atrophie : sa taille diminue de 2 % par décennie. « Le nombre de neurones diminue mais leurs connexions augmentent et de nouveaux neurones sont créés dans certaines régions du cerveau. » (HappyNeuron Activ') Le cerveau ne perd pas en capacités intellectuelles, il est même capable de renouveler ses connexions neuronales, de les réorganiser et de créer de nouveaux chemins. C’est ce qu’on appelle la neuroplasticité.

Pour favoriser cette neurogénèse et éviter de voir son cerveau ralentir, plusieurs méthodes s’offrent à vous.

Comment retarder le vieillissement cérébral ?

I

l est d’abord vivement conseillé d’éviter tabac, alcool et alimentation trop riche en gras et en sucre, qui peuvent entraîner une inflammation de l’hippocampe et perturber le bon fonctionnement de la mémoire.

Une mauvaise alimentation peut aussi être la cause de maladies cardiovasculaires et de diabète, provoquant, là encore, des troubles de la mémoire.

Pour booster notre cerveau, il est fortement recommandé de favoriser les aliments riches en antioxydants, comme les fruits rouges, les poissons gras et les légumineuses.

Quand bien manger rime avec bien bouger, tous les ingrédients sont réunis pour protéger au mieux notre cerveau. Dans une étude parue dans Alzheimer’s & Dementia, des chercheurs de l’Université de Californie-San Francisco expliquent que le sport a un effet protecteur sur le cerveau. Une activité physique régulière facilite les échanges d’informations entre les neurones.

D’autre part, l’exercice physique diminue le stress et augmente l’apport sanguin au cerveau.

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La vitamine D – « vitamine du soleil » – nourrit les cellules cérébrales en préservant la bonne santé des neurones.

Un peu de marche à pied, des randonnées, du vélo ou encore de la danse permettent de bouger facilement et sont source de bienêtre.

Encore faut-il se stimuler intellectuellement de façon régulière pour améliorer ses capacités de concentration et de traitement de l’information ainsi que sa mémoire. Donnez à votre cerveau de la matière pour réfléchir, raisonner et se surpasser. C’est en lui en apportant de nouveaux défis que le cerveau va développer de nouvelles compétences – par exemple en apprenant à jouer au sudoku. Les débuts sont un peu difficiles, mais avec de l’entraînement vos résultats ne seront que meilleurs !

En choisissant le ou les loisirs que vous appréciez : lecture, cuisine, bénévolat, bricolage, tricot, musées, concerts, vous favoriserez l’équilibre de votre réserve cognitive et un bon fonctionnement intellectuel.

La vie sociale, affective et amoureuse est également essentielle pour le bien-être individuel. Elle contribue à

diminuer le stress et les risques de dépression liés à l’isolement.

Le cortisol sécrété lorsque le niveau de stress est trop élevé peut affecter la mémoire, et générer de l’anxiété et de la dépression.

Il ne faut pas négliger le pouvoir de la musique : écouter de la musique au quotidien peut être bénéfique et avoir des effets durables sur le cerveau. L’écoute répétée de musiques ayant un sens pour chacun d’entre nous a un impact significatif sur les patients atteints de troubles cognitifs légers ou de la maladie d’Alzheimer à son stade précoce, en induisant un effet positif sur la plasticité cérébrale (d’après des études publiées dans le Journal of Alzheimer’s disease). Alors, continuez à écouter la musique que vous avez aimée toute votre vie, vos chansons préférées, et faites-en votre gym cérébrale !

nettoyer des déchets et des toxines accumulés au cours de la journée. Au contraire, le manque de sommeil nuit à notre attention et à notre vigilance, réduit nos capacités à ressentir, à imaginer et à créer, affecte notre humeur et nos émotions. » (Fédération pour la recherche sur le cerveau)

N’oubliez pas d’accorder du temps à votre sommeil et de respecter votre rythme, car « le sommeil participe à la consolidation de la mémoire et permet au cerveau de se

Un peu de nou­ veauté, pour terminer : une étude préliminaire de l’Académie

Enfin, au cours des dernières années, la vitamine D – « vitamine du soleil » – a fait l’objet de nombreuses études scientifiques qui ont démontré qu’elle nourrit les cellules cérébrales en préservant la bonne santé des neurones. Elle agit également comme antioxydant et antiinflammatoire. Elle préserverait donc du déclin cognitif. On la retrouve dans l’alimentation, en s’exposant au soleil ou en supplémentation (après avoir consulté son médecin !).

Américaine de Neurologie publiée le 23 février 2022 nous rapporte que posséder un animal de compagnie, en particulier un chien ou un chat, pendant cinq ans ou plus, serait lié à un déclin cognitif plus lent chez les personnes âgées. « Des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour confirmer ces premiers résultats et mieux comprendre les mécanismes sousjacents. » (https://www.eurekalert. org/news-releases/944442) Après ce tour d’horizon des méthodes prouvées scientifiquement pour éviter le déclin cognitif, il ne vous reste plus qu’à établir le meilleur plan d’action pour vieillir dans les meilleures conditions ! n

Stéphanie Weill, psychologue psy.sweill@gmail.com

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DÉVELOPPEMENT DURABLE

Guerre en Ukraine :

une redéfinition de notre façon de penser l’énergie ?

Vue générale de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, dont l'armée russe a pris le contrôle début février

L

’invasion de l’Ukraine par la Russie bouleverse l’agenda international et n’est pas moins qu’un Big Bang géopolitique qui redessine nombre de postulats de la vie internationale. L’un d’eux est notre rapport au monde de l’énergie. À ce sujet, la guerre d’Ukraine, comme on l’appellera peut-être un jour, va redéfinir notre façon de penser l’énergie – pour trois raisons essentielles :

réalité dénoncée depuis longtemps mais refoulée : la sûreté du nucléaire repose sur un climat politique très stable que personne, n’en déplaise aux naïfs, ne peux garantir sur le long terme.

Ensuite, l’envolée des prix de l’énergie. Alors qu’il y a deux ans, l’épidémie de Covid et les confinements à travers le globe amenaient le pétrole à des prix négatifs, et qu’il fallait même payer pour le stocker, on voit maintenant le baril atteindre des niveaux records et l’économie du monde entier va en être affectée : l’énergie fossile peut coûter très cher.

Tout d’abord, l’occupation La guerre va entraîner de centrales nucléaires.

Il est sans précédent dans des politiques climatiques l’histoire qu’une guerre comprenne l’occupation beaucoup plus d’installations qui ambitieuses. produisent de l’électricité par la fission de l’atome, dont la tristement célèbre Le gaz comme arme de centrale de Tchernobyl, guerre, enfin. Un rapide qui a connu en 1986 l’un tour d’horizon des sanctions des plus graves accidents économiques susceptibles de l’histoire du nucléaire. de faire fléchir Poutine mène Les frappes russes aux abords tout droit aux industries fossiles : des installations sensibles le gaz et le pétrole. Passons-nous de cet aussi bien que la prise en otage des approvisionnement, et le maître du Kremlin n’aura équipes chargées de leur bon fonctionnement d’autre choix que de reculer. Cependant, cela reste sont source de longues insomnies à l’Agence un vœu pieux car lorsqu’un pays est dépendant à 30, internationale de l’énergie atomique, et révèlent une 36

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50 ou 100 % du gaz russe, l’embargo assure à toute économie qui va l’appliquer un KO plus ou moins rapide. À moins que… À moins que l’on n’accélère le passage aux énergies renouvelables et à une politique énergétique plus économe. Des voix se sont fait entendre, en France ou en Grande-Bretagne par exemple, pour appeler à « abaisser le chauffage de quelques degrés pour combattre la Russie ». Il y là une évidence : une politique énergétique plus ambitieuse appliquée plus tôt aurait pu rendre le monde indépendant du gaz russe.

L’intérêt de l’Europe est clair et limpide : sur le court terme, trouver des sources d’approvisionnement alternatives qui vont remplacer le gaz russe, probablement par du gaz liquide en provenance des États-Unis et d’autres pays producteurs. Sur le moyen terme, prendre vraiment au sérieux les engagements contractés pour combattre la crise climatique, en accélérant le remplacement des énergies fossiles par le renouvelable et les économies d’énergie. La proposition du président français Macron de renforcer le nucléaire devra se mesurer à la question que pose le contrôle russe des installations ukrainiennes.

Et Israël, dans tout ça ?

Pour l’heure, le ministère de l’Énergie essaie de tirer son épingle du jeu en expliquant combien le gaz israélien est une bénédiction, combien Israël est mieux protégé que l’Europe grâce à son approvisionnement et combien il peut même contribuer à remplacer un peu la Russie.

Mais c’est une vision assez étroite. Avant que la Russie n’envahisse l’Ukraine, la nécessité d’une transition énergétique rapide était posée et,

à ce jour, contraint juridiquement l’ensemble de la communauté internationale. La guerre ukrainienne va accélérer la transition énergétique par l’effet combiné de l’augmentation du prix des énergies fossiles, qui accroît la compétitivité des renouvelables, et la volonté d’accéder à un degré plus important d’indépendance énergétique, ce qui va probablement amener à voir se contracter les exportations des pays producteurs et pousser à des politiques climatiques beaucoup plus ambitieuses.

Israël, Start-up Nation, a là un rôle à jouer qui dépasse de très loin son importance démographique ou même économique. n Jonathan Aikhenbaum Directeur de Greenpeace Israel – www.greenpeace.org/israel/

Saint-Pétersbourg, Russie La tour Gazprom érigée comme une épée de Damoclès au-dessus de l'Europe

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TRANCHES DE VIE

Le paysan de Jérusalem PAR RICHARD DARMON, JOURNALISTE ET CONFÉRENCIER

L

’un des aspects positifs et plaisants du développement, ces dernières années, de la capitale d’Israël, c’est l’émergence de plusieurs quartiers – souvent assez anciens : Talbiyeh, la Mochava Guermanite, Baka-Talpiot, Katamone, Kiryat-Yovel… – dispersés sur les diverses collines de la ville comme des « villages », avec leurs rues centrales peuplées de commerces en tous genres très fréquentés : cafés, petits restaurants, boulangeries rustiques, mais aussi librairies, bijouteries et même boutiques de mode féminine.

Cet état de fait, ajouté à la sédentarisation accrue de beaucoup d’habitants d’âge moyen et mûr – due à la fois à la fréquence, dans pas mal de professions, du travail à domicile et, ces deux dernières années, à la pandémie de Covid –, a généré de mini-centresvilles très vivants, conviviaux et souvent bien approvisionnés, ce qui n’oblitère évidemment pas la nécessité et la spécificité, à la fois commerçante, ludique et administrative, du « vrai » centre-ville, situé autour du triangle des rues Yaffo-King GeorgeBen Yéhouda.

Pour ma part, bien ancré dans mon quartier de Baka-Talpiot, je suis tombé sous le charme de cette sédentarité « décentralisée », à tel point que, comme mon emploi du temps me le permet, je ne me rends tout au plus que deux fois par mois au cœur même de la ville, pour certains rendez-vous et obligations.

Soit dit en passant, ce changement d’habitudes urbaines m’a rappelé – sous de tout autres latitudes et toutes proportions gardées – un souvenir lié au petit village de Lus-la-Croix-Haute (moins d’un millier d’âmes aujourd’hui), dans les Alpes du Sud, où j’avais séjourné plusieurs mois d’hiver à la fin des années 1970 et où j’avais fait la connaissance d’un vieux couple d’agriculteurs : Léonie et Valentin Martin, qui habitaient une petite ferme isolée à l’orée d’une forêt de beaux et sombres sapins, dans la périphérie de l’un des (encore plus petits) hameaux situés autour de Lus. Comme ils devaient encore s’occuper des quelques brebis, lapins et poules qui leur restaient, 38

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m’avaient-ils raconté, ils ne bougeaient guère de leur hameau, sauf, avaient-ils précisé, « une ou deux fois par mois, pour “aller faire les vitrines” de Lus » – entendez : celles de la supérette, de la boucherie, de la boulangerie et de la mercerie, collées l’une à l’autre sur la place centrale du village… À la réflexion, il y a quelque chose de plus profond et de plus ancien dans cette dialectique d’aujourd’hui entre les différents « villages urbains » de Jérusalem et son centre-ville resté très actif. C’est ce que le rav Léon Askénazi (Manitou), citant un court verset du livre de l’Exode (XXXIV, 23), appelait « l’entre-vue » : « Trois fois l’an, tous tes hommes seront vus en présence du Souverain, HaChem, Dieu d’Israël. » « Selon ce verset, explique Manitou, tous les chefs de famille devaient se rassembler trois fois par an à Jérusalem [lors des fêtes de pèlerinage de Pessa'h, Chavouot et Souccot – ndlr] pour “se voir et être vus”. Ce rite de la “Réyia” – ou “rite de l’entrevue” […] avait pour but d’empêcher que ne disparaisse la connaissance des familles entre elles et que le peuple hébreu ne se transforme en une masse anonyme et impersonnelle. En effet, le pays était divisé en douze tribus (les “communautés” d’aujourd’hui) et chaque partie du peuple avait une tendance naturelle à s’autonomiser, à approfondir ses différences, et le temps risquait de transformer ces différences en divergences. C’était donc l’une des fonctions principales de Jérusalem et […] du Temple, de refaire, de reconstruire périodiquement l’unité du peuple. » (*) Aujourd’hui aussi, comme le troisième Temple n’existe pas encore, gageons que cet aller-retour apparemment utilitaire et pragmatique que les Hiérosolymitains ont pris l’habitude de faire, depuis leurs « villages », est bel et bien secrètement lié à ce besoin de « voir et d’être vu » au cœur de Jérusalem, leur ville « centre du monde »…

Ki Mitsion II – Le Calendrier hébraïque, édité par la Fondation Manitou, Jérusalem, 1999 (Pessa'h, « L’entrevue », p. 225-226).

(*)

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UNE PENSÉE JUIVE MODERNE

Éliane Amado Levy-Valensi Être femme et être juive « Être femme et juive, c’est peut-être apprendre lentement, de tous ses sens et de toute son âme, apprendre et enseigner ce mystère de la double et unique génialité qui fonde l’amour et le monde. » [1]

É

liane Amado Levy-Valensi (Marseille, 1919-Jérusalem, 2006) a vécu plus d’une vie, entre la France et Israël : psy­ chanalyste, philosophe, professeure de pensée juive et auteure de nombreux ouvrages clefs, parmi lesquels Les niveaux de l’être, Isaac gardien de son frère ?, Le grand désarroi, Le Moise de Freud et La poétique du Zohar. C’est le courage, l’honnêteté, l’érudition et l’audace d’une pensée forte qui caractérisent celle qui, au lendemain de la Secon­ de Guerre mondiale – une guerre dans laquelle elle a perdu sa mère et son oncle –, proclame : « Oui ! Je suis femme et je suis juive ! » Après des études de philosophie et de psychologie à la Sorbonne où elle enseignera, Éliane Amado Levy-Valensi fait partie du comité d’élaboration des Colloques des intellectuels juifs de langue française, aux côtés d’André Neher, de Manitou et d’Emmanuel Lévinas.

Elle fait son alya en 1967, après le choc de la guerre des Six Jours.

Professeure dans le Département de pensée juive de l’Université Bar-Ilan, elle en devient ensuite la directrice. Elle travaille en psychanalyse sur l’occultation consciente ou inconsciente des sources de la pensée. Face à l’existentialisme, elle défend une pensée essentialiste issue de l’ontologie biblique, et l’idée d’une complémentarité entre le masculin et le féminin qui, en tant que parties d’une unité, seraient le 40

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préalable au projet divin. L’homme et la femme se cherchent afin de fonder un lien créateur d’Histoire : le couple engendreur de l’Histoire, selon le modèle biblique, échappe ainsi au tragique grec fondé sur le conflit père-fils (Œdipe) et l’assujettissement du féminin au masculin. « Le conflit avec le père, tout droit venu de la mythologie grecque […] constitue le mythe des générations englouties […]. Au niveau chrétien on a éludé le problème, Jésus étant sans père charnel et sans épouse […].

La phrase sanglante de Matthieu : “Le frère livrera son père à la mort et le père son enfant. Les enfants se dresseront contre leur père et le feront mourir” semble ignorer le dernier verset du dernier des derniers prophètes, Malachie, qui dit significativement : “Je vous enverrai Élie le Prophète, lui ramènera le cœur des pères à leurs enfants et le cœur des enfants à leur père.” Mais cette conciliation des générations, à la verticale de l’histoire, repose sur la restauration, à l’horizontale, du couple qui engendre l’histoire […] le problème des générations se fonde sur un problème […] d’amour mal résolu. […] La thématique biblique, elle, nous fournit l’antidote – malgré le virilocentrisme des sociétés archaïques – à ces écueils. L’image du couple y émerge, on la montre, promise dès l’origine du monde, mais encore à faire, en chemin…

Elle n’est, tout simplement, pas encore advenue… » [2] Bien que masculin et féminin soient des données de départ, leur potentiel commun est à réaliser dans l’Histoire. L’unité, l’harmonie est une dynamique

À lire : L'essai de Sandrine Szwarc, docteure en histoire et enseignante-chercheuse à l’Institut universitaire Elie Wiesel, qui rend justice à la mémoire de cette femme libre et engagée, dont l’œuvre pluridisciplinaire mérite admira­ tion et reconnaissance.

qui se cherche dans le temps. Et chaque modèle biblique est une avancée vers le couple qui saura à la fois préserver et respecter le masculin et le féminin à travers l’amour authentique : le couple dans lequel chaque partie garde sa spécificité et sa liberté, où aucun des deux ne plie devant l’autre, mais, au contraire, où chacun fait face à l’autre, comme les deux chérubins du Saint des Saints, et regarde l’autre dans son entier.

Entre les deux parties du couple, comme entre les deux chérubins : la Kedoucha, la présence divine qui garantit leur intégrité physique, morale, spirituelle. Le couple modèle, pour Éliane Amado LevyValensi, était celui que formaient David et Batsheva. n

Tous les produits de Pessa’h pour des fêtes parfaites !

Éliane Amado Levy-Valensi, Oui… Je suis femme et juive, Département de l'éducation et de la culture par la Torah dans la Diaspora, Organisation Sioniste Mondiale, 1975, p. 6.

[2] Éliane Amado Levy-Valensi, Le grand désar­ roi, Paris, Éditions Universitaires, 1973, p. 7.

[1]

Gaelle Hanna Serero – Directrice des programmes du NAC, enseignante-chercheuse en Pensée juive moderne à BarIlan et au Centre Beno Gross.

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Comptez le Omer 2022-5782 Nous comptons le Omer chaque soir à la tombée de la nuit depuis le 2e soir de Pessa'h jusqu’à la nuit précédant Chavouot.

14 mai au soir

15 mai au soir

16 mai au soir

17 mai au soir

HaYom ticha veEsrim yom laOmer cheHem arbaa chavouot veYom e'had

HaYom chelochim yom laOmer cheHem arbaa chavouot ouChné yamim

HaYom e'had ouChelochim yom laOmer cheHem arbaa chavouot ouChelocha yamim

HaYom chenaïm ouChelochim yom laOmer cheHem arbaa chavouot veArbaa yamim

19 mai au soir

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16 avril au soir

17 avril au soir

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19 avril au soir

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1er mai au soir

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1er juin au soir

2 juin au soir

HaYom chelocha assar yom laOmer cheHem chavoua e'had veChicha yamim

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HaYom chicha assar yom laOmer cheHem chéné chavouot ouChné yamim

HaYom 'hamicha veArbaïm yom laOmer cheHem chicha chavouot ouChelocha yamim

HaYom chicha veArbaïm yom laOmer cheHem chicha chavouot veArbaa yamim

HaYom chiva veArbaïm yom laOmer cheHem chicha chavouot ve'Hamicha yamim

HaYom chemona veArbaïm yom laOmer cheHem chicha chavouot veChicha yamim

2 mai au soir

3 mai au soir

4 mai au soir

5 mai au soir

3 juin au soir

HaYom chiva assar yom laOmer cheHem chéné chavouot ouChelocha yamim

HaYom chemona assar yom laOmer cheHem chéné chavouot veArbaa yamim

HaYom ticha assar yom laOmer cheHem chéné chavouot ve'Hamicha yamim

HaYom esrim yom laOmer cheHem chéné chavouot veChicha yamim

HaYom ticha veArbaïm yom laOmer cheHem chiva chavouot

6 mai au soir

7 mai au soir

8 mai au soir

9 mai au soir

1er 5e 9e

13e 17e 21e

6e

10e 14e 18e 22e

3e 7e

11e 15e 19e 23e

4e 8e

12e 16e 20e

HaYom chenaïm veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot veYom e'had

HaYom chelocha veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot ouChné yamim

HaYom arbaa veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot ouChelocha yamim

10 mai au soir

11 mai au soir

12 mai au soir

13 mai au soir

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HaYom 'hamicha veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot veArbaa yamim

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HaYom chicha veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot ve'Hamicha yamim

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HaYom chiva veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot veChicha yamim

33e 37e 41e 45e 49e

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HaYom e'had veEsrim yom laOmer cheHem chelocha chavouot

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2e

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HaYom chemona veEsrim yom laOmer cheHem arbaa chavouot

Horaires de Chabbat et des fêtes

34e 38e 42e 46e

Bénédictions du Omer Si un soir vous avez oublié de compter le Omer, vous pouvez le compter toute la journée du lendemain mais sans prononcer la bénédiction. Le soir suivant, vous pourrez recommencer le compte avec la bénédiction.

35e 39e 43e 47e

36e 40e 44e 48e

Baroukh Ata Ado-naï Elohénou Mélekh haOlam acher kidéchanou béMitzvotav véTzivanou al sefirat haOmer Citez le jour concerné.

HaRa'hamane Hou ya’hazir avodat Beit HaMikdach liMekoma bimhera veYaménou. Amen

Chabbat Tazria (Chabbat Ha'Hodech) 1er avril 2022 – 29 Adar cheni 5782 Jérusalem 18:23 19:41 Tel Aviv 18:39 19:39 Netanya 18:39 19:39

Pessa'h – Chabbat 15 avril 2022 – 14 Nissan 5782 Jérusalem 18:32 19:51 Tel Aviv 18:48 19:49 Netanya 18:48 19:50

Chabbat Metsora (Chabbat HaGadol) 8 avril 2022 – 7 Nissan 5782 Jérusalem 18:27 19:46 Tel Aviv 18:43 19:44 Netanya 18:43 19:44

'Hol Ha�oed Pessa'h Du 17 au 21 avril 2022 – 16 au 20 Nissan 5782 Rappel : on commence le compte du Omer le 16 avril au soir !

Pessa'h (2e fête – vendredi) suivi de Chabbat A'harei Mot 21 avril 2022 – 20 Nissan 5782 Jérusalem 18:36 19:57 Tel Aviv 18:52 19:55 Netanya 18:53 19:55 Jeudi 28 avril 2022 – 27 Nissan 5782 Yom HaShoah

Sonnerie solennelle à 10h précises. Tout le pays s’arrête pour se recueillir pendant une minute.

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LE KLING DU MOIS

La kippa tricotée s'effiloche PAR ELIE KLING

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ans les années 1970, le célèbre humoriste et metteur en scène Ephraïm Kishon, za''l, écrivit un article qui, à l’époque, fit sensation.

Lui qui, de son propre aveu, avait pour habitude de prendre pour cible de ses récits satiriques les pratiques religieuses et leurs adeptes, se vit contraint de faire l'éloge des « kippot tricotées », entendez : des sionistes religieux. « Le bonhomme regarde autour de lui, assis dans la salle obscure du cinéma, et se demande d'où sort cette jeunesse vulgaire et criarde qui n'existait pas il y a une quinzaine d'années […] et il ne leur trouve finalement qu'un point commun : ils ne portent pas la kippa tricotée. Jamais. Ni au cinéma, ni ailleurs. Dans une société en train de perdre son visage, les leurs, sous leur petite kippa, n'ont pas changé…

Sous la kippa tricotée, il y a encore de la place pour la politesse, le sérieux. L'amour de la patrie. La sérénité… » Si Kishon devait revenir aujourd'hui parmi nous, je ne suis pas sûr qu'il écrirait le même article.

Il y a quelques temps, dans la prestigieuse yechiva Merkaz HaRav, l'établissement phare du sionisme religieux, rabbanim et élèves étaient réunis pour commémorer les quarante ans de la disparition du rav Tzvi Yehouda, le fils et continuateur du célèbre Rav Kook, à qui l'on doit, entre autres, d'être à l'origine des premières localités juives en JudéeSamarie. Le président de l'État, Yitzhak Herzog, avait tenu à honorer la cérémonie de sa présence.

Durant l'hommage soutenu qu'il a rendu à ce grand maître, il a choisi de lire un passage du Rav appelant à la tolérance envers tout être humain. C'est à ce moment que certains jeunes kippotés ont cru bon de manifester leur mécontentement. L'un d’eux a crié : « Tu devrais avoir honte ! » D'autres ont sifflé l'orateur.

Certes, nous n'étions pas au cinéma ; cependant, toute personne connaissant un peu l'esprit de cette yechiva devrait se demander comment on en est arrivé à siffler le président de l'État au Merkaz HaRav !

Mais comment en vouloir à ces jeunes, puisque l'exemple vient de leurs aînés ? Quelques jours plus

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tôt, le président d'une association religieuse (que je ne citerai pas pour ne pas dire du mal de l'association 'Hotam) refuse de serrer la main d'un ministre controversé (par ailleurs également kippoté) et se vante sur Twitter d'avoir ainsi publiquement humilié le représentant du gouvernement, coupable de ne pas partager la même la vision du judaïsme que lui.

Mais comment en vouloir à ce brave homme (par ailleurs petit-fils du célèbre rav Neria, « le père des kippot tricotées » – belle ironie), alors que l'exemple vient d'encore plus haut ?

Le rav Eliezer Melamed est un géant de la Torah.

Disciple du rav Tzvi Yehouda, rav de Har Berakha en Samarie et Roch yechiva, il est l’auteur de la fameuse série de livres Peninei Halakha, plus de vingt volumes traduits en quatre langues (dont le français) et vendus à près d'un million d'exemplaires, une véritable révolution dans le monde de la Halakha !

Du jamais vu ! Or, il y a quelques semaines, certains rabbanim ont publié une lettre sévère contre le rav Melamed. Ils lui reprochent d'avoir rencontré Delphine Horviller, rabbine française du courant libéral, et d'avoir été trop audacieux dans l'une de ses prises de position hilkhatiques. Ce sont en tout cas les raisons officielles stipulées dans la lettre ; certains pensent que le soutien qu'il apporte aux réformes proposées par le ministre controversé du paragraphe précédent y est aussi pour quelque chose.

Afficher publiquement des désaccords est une habitude rabbinique traditionnelle et absolument légitime. Ce qui l'est moins, c'est l'appel au boycott en fin de lettre : « C'est pourquoi nous appelons tout celui qui voudrait connaître le chemin de la Halakha à le rechercher dans d'autres livres, restés fidèles à la façon traditionnelle de trancher la Halakha. » Ainsi avons-nous pu voir certaines yechivot sortir les livres du rav Melamed du Beth HaMidrach ! n

klingelie@gmail.com LPH ACTUJ 984

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'HODECH TOV

Le saviez-vous ?

NISSAN

Nissan est appelé dans la Torah 'hodech haAviv – le « mois du printemps ».

Le premier jour de Nissan de l’an 2448 depuis la Création (1313 avant l’ère commune), deux semaines avant l’Exode, Dieu montra à Moïse la nouvelle lune croissante, l’instruisant de l’établissement du calendrier juif et de la mitzva de sanctifier le nouveau mois. « Ce mois sera pour vous la tête des mois, le premier des mois de l’année. » (Exode 12, 2) Cela intronisa le premier mois juif et initia le calendrier lunaire que les Juifs suivent depuis lors. Ce fut la première mitzva, le premier commandement donné à la nation d’Israël nouvellement née, avant même l’exode d’Égypte.

Nissan est l’un des trois mois juifs dont le nom est également un prénom : en hébreu moderne, Nissan est un nom assez commun pour les garçons (ainsi qu’Aviv – masculin – et Aviva – féminin). Les deux autres prénoms qui portent le nom d’un mois sont Sivan (féminin) et Adar (masculin). À noter également : Pessa'h est la seule fête juive dont le nom soit donné comme prénom (masculin).

Le rav Yoel Benharrouche nous révèle le sens de chaque mois du calendrier juif.

Un rendez-vous mensuel précieux pour nous permettre de comprendre les secrets et la force du temps selon le judaïsme.

La libération du verbe

L

e moment libérateur du printemps est une création divine depuis la nuit des temps.

Pessa'h n'est qu'une prise de conscience histo­ rique de ce potentiel libérateur existant depuis la création du monde. La puissance qui nous libère de toutes nos « prisons », celles de l'esprit ainsi que celles du corps, circule dans l'univers à cette période de l'année. L’énergie de la sortie d'Égypte existe bien avant la sortie d'Égypte historique.

Le Zohar explique que l'essence même de nos exils se trouve dans notre paralysie verbale, dans nos peurs, dans nos doutes, dans nos difficultés à réaliser nos idéaux. La difficulté d'exprimer nos problèmes, ne serait-ce que sur le plan verbal, est déjà la racine de notre emprisonnement.

Sortir d'Égypte n'est donc pas seulement un souvenir de ce que notre peuple a vécu il y a quelques milliers d'années – non, il s'agit de nous-mêmes ici et maintenant !

Ce temps que le Créateur nous a offert, celui du mois de Nissan, contient en lui le remède à tous nos maux. Si nous savions vivre au rythme de ce temps libérateur, nous saurions lire et décoder la racine de tous nos problèmes. Sortir d'Égypte, c'est aussi trouver la clef de notre libération totale. La parole divine créatrice de l'univers, la parole divine qui diffuse la vie, est emprisonnée dans l'espace-temps en attendant sa délivrance.

Le mois de Nissan et la fête de Pessa'h nous permettent de retrouver ce verbe absolu et de le diffuser à nouveau sur la terre. C'est le but même du Seder de Pessa'h.

La Haggada (du verbe « léaguid » – « raconter ») n'est ni plus ni moins que la mise en liberté du verbe créateur. Le Seder (« ordre », en hébreu) est une remise en ordre de toutes nos valeurs de vie. Ce soirlà, nous devons savoir différencier entre le nécessaire et le futile. À Pessa'h, la bouche s'ouvre et raconte l'essence divine qui nous anime et nous fait vivre.

Pessa'h libère chaque année un peu plus de valeurs divines sur terre.

La Gueoula est un processus lent et graduel. Ceux qui ont le regard clair ne sombrent pas dans les dépressions de la vie. La Gueoula est déjà en place. Il faut simplement la reconnaître et en gratifier l'Éternel.

L'identité retrouvée à Pessa'h, et elle seule, nous hisse au sommet de no­­tre rôle en tant que nation dans l’arè­­ne de la société humaine. Sortir d'Égypte, c'est se hisser au-dessus des limites de ce monde. Se libérer d'Égypte, c’est retrouver l'optimisme et voir notre monde moderne avec le regard profond dont Israël fut doté à sa création. n

Les patisseries de Michal

Ce temps que

le Créateur nous

Comme à Paris Tous les ingrédients sont CaCher Laméhadrin

a offert, celui du mois de Nissan, contient en lui le remède à

tous nos maux.

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Une boite de 4 patisseries individuelles

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Rav Yoel Benharrouche, artiste peintre, enseignant – www.orotvekelim.com LPH ACTUJ 984

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BOUILLON DE CULTURE

BOUILLON DE CULTURE

à votre disposition à La Closerie ou en ligne sur la plateforme Culturethèque

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epuis des années, l’Institut français de Tel Aviv dispose d’une médiathèque : La Closerie, entièrement rénovée en 2015 et dont l’entrée principale se trouve 6 rue Herzl. Dans un espace cosy aménagé avec de confortables fauteuils club et de petites tables d’étude, le public est invité à découvrir le meilleur de l’actualité éditoriale, des romans en langue française et traduits de l’hébreu, un très large choix de littérature jeunesse, des albums pour tout-petits jusqu’aux romans pour adolescents, vos collections préférées de bandes dessinées et de nombreux romans graphiques, un important fonds de débats d’idées, autant sur le Proche-Orient qu’autour des grands thèmes débattus en France, ainsi que de nombreuses ressources pour étudier le français. Vos amis hébréophones pourront également y trouver une très riche collection d’ouvrages français traduits en hébreu.

La Closerie, c’est aussi une collection de plus de 300 livres lus et de 2000 DVD. Pas moins de 9000 documents sont à votre disposition pour ne jamais perdre le lien avec la langue, la littérature et la culture françaises !

Et si vous n’habitez pas Tel Aviv, vous pouvez accéder à la bibliothèque numérique de La Closerie au travers de la plateforme Culturethèque : vous choisissez les livres qui vous intéressent et vous les téléchargez sur votre tablette ou votre ordinateur pour une période limitée. Vous pouvez télécharger jusqu’à cinq ouvrages par mois, pour une durée de 21 jours. Outre des livres – romans, essais, polars et

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plus encore, vous trouverez sur Culturethèque des ressources audio et vidéo, et surtout la presse : GEO, Le Point, L’Express, les grands quotidiens français – Le Monde, Le Figaro, Libération… –, des magazines comme Femme Actuelle, Psychologies Magazine ou Elle vous attendent sur la plateforme ! Des centaines de milliers de ressources documentaires sont désormais accessibles depuis votre ordinateur ou vos supports mobiles partout en Israël.

Le plus ? Les bons conseils de Stéphanie, médiathécaire, pour vous guider à travers l’ensemble des services proposés et vous conseiller sur vos choix de lecture, selon vos goûts et vos envies du moment.

Pour bénéficier des services de La Closerie et de Culturethèque, il suffit de devenir membre de l’Institut français d’Israël via le site ou directement sur place à l’Institut : la carte de membre, valable un an de date à date, vous donne accès aux deux services et vous permet également de bénéficier de tarifs préférentiels sur les activités et les événements organisés par l’Institut français et ses partenaires. n

’artiste franco-israélienne Jennifer Abessira et le cinéaste français Julien Donada présentent une exposition originale dans l’espace d’accueil de l’Institut français de Tel Aviv.

On a tous pris ces photos de vacances un peu figées devant tel ou tel monument visité lors d’un voyage.

On immortalise l’instant, histoire de se souvenir qu’on y était et de partager l’événement sur les réseaux sociaux. Reprenant la thématique de cette imagerie traditionnelle qui caractérise la photo de vacances, Notre Tourisme, l’exposition proposée par Jennifer Abessira et Julien Donada, est une série de dizaines de photographies prises à travers le monde et retouchées avec des couleurs primaires, sur lesquelles Jennifer Abessira pose, poitrine dénudée, devant des monuments architecturaux modernes et iconiques de la période de l’après-guerre. De la France à l’Angleterre, en passant par la Serbie, le Maroc, l’Italie et Israël, l’exposition convoque les grands noms de cette architecture, colossale et souvent mal-aimée, mais dont les artistes sont amoureux. Sauf qu’ici, le sujet dévoile sa poitrine,

© Jennifer Abessira et Julien Donada

© Institut français de Tel Aviv

Des milliers d’ouvrages en français

Faculté de génie mécanique du Technion, Haïfa, Israël (1964-1967).

Architectes : Zvi Hecker/ Alfred Neumann

L

La Closerie, médiathèque de l’Institut français de Tel Aviv

masquée grossièrement par des gommettes colorées.

C’est une réinterprétation ironique de ces images à la confluence de la photo de nu, du lyrisme convenu de la photo d’architecture et de la photo de vacances désuète. Un lapsus malicieux, drôle et moqueur. À découvrir. n Notre Tourisme, par Jennifer Abessira et Julien Donada Institut français de Tel Aviv, 7 boulevard Rothschild Jusqu’au 22 avril 2022 – Entrée libre Du dimanche au jeudi de 9h à 18h, vendredi de 9h à 13h

La Closerie, 6 rue Herzl Heures d’ouverture : lundi, mardi et mercredi de 9h à 13h, jeudi de 14h à 18h, vendredi de 9h à 13h, fermé le samedi et le dimanche Contact : Stéphanie Souffir, au 03-7968002 En savoir plus : institutfrancais-israel.com/fr/livres-et-numerique À consulter, le catalogue en ligne de La Closerie : institutfrancais-lacloserie.com

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BOUILLON DE CULTURE

BOUILLON DE CULTURE

L’artiste française Annette Messager

expose au Musée d’Art de Tel Aviv

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Avec l'aimable autorisation de l'artiste et Marian Goodman Gallery, New York, Paris, Londres

nnette Messager est sans conteste l’une des artistes les plus influentes dans le monde de l’art contemporain aujourd’hui. Le Musée d’Art de Tel Aviv lui consacre une rétrospective, pour la première fois en Israël. Intitulée Désirs-Désordres, cette exposition mono­graphique permet de découvrir les œuvres qui ont jalonné le parcours créatif d’Annette Messager – de ses réalisations intimistes dans les années 1970 à ses récents dessins macabres. Au cœur de l’exposition, l’installation Casino, récompensée à la Biennale de Venise en 2005, trône avec ses voiles rouges. Poupées enfantines, peluches et déguisements artificiellement Annette Messager | Casino, 2004-2005, pongé de soie, divers éléments en caoutchouc, animés par le souffle d’un ventilateur, lumières fluorescentes, système informatisé, ventilateurs, cordes, roue motrice, système de animaux empaillés suspendus sur un suspension, dimensions variables. miroir réfléchissant, transmettent la nostalgie de l’enfance perdue, le sentiment « Israël est un pays en guerre, mais je n’ai jamais vu du temps qui passe et la crainte de la mort certaine. autant de vie ! Une vie formidable, qui est justement L’ombre de la pandémie plane aussi sur l’exposition, due, je pense, au fait qu’ici, on vit dans l’instant », a avec Les interdits, une œuvre dans laquelle, dans une déclaré l’artiste, en évoquant la foule au musée et les cartographie en forme de cœur, Annette Messager terrasses de café bondées. Obsédée pour toujours, répertorie méthodiquement toutes les restrictions comme elle le dit elle-même, par la création, Annette auxquelles nous sommes désormais confrontés.

Messager – qui a été la compagne d’un autre grand « Nous sommes quand même tous obsédés par ce artiste de renom : Christian Boltanski, disparu l’été qui s’est passé, confiait l’artiste à l’AFP, par ce que dernier – livre dans cette exposition le ressenti du nous vivons grotesque de notre actuellement, existence, dont il les masques que est urgent de rire nous portons, tous pour vivre, tout les morts qu’il y simplement. a eus et qu’il y a L’exposition a encore. » Présente reçu le soutien de en Israël pour l’Institut français l’inauguration de et de la Fondation son exposition le Jacqueline de 1er mars dernier, Romilly, sous l’égide de la Annette Messager, Fondation de qui a séjourné France. n dans un kibboutz dans les années 1970, s’est Jusqu’au 3 septembre enthousiasmée 2022 au Musée d’Art de er Annette Messager au Musée d’Art de Tel Aviv le 1 mars 2022 avec Jean-Jacques Pierrat, de l’énergie qui se conseiller de coopération et d'action culturelle, directeur de l’Institut français d’Israël.

Tel Aviv, 27 boulevard ©Juliane Tritz | Ambassade de France en Israël dégage d’Israël : Chaoul HaMelekh

L'art du Je

LA RÉPÉTITION INCONNUE La salle est plongée dans le noir, la lumière monte sur la scène… C’est le moment tant attendu, les répétitions laissent enfin la place à la représentation. Le comédien entre. Il connaît son texte, la mise en scène est précise, fluide et inventive, le jeu est surprenant, captivant… C’est une très belle soirée, une grande première, couronnée d’un très beau succès.

Le plus difficile commence.

Demain, dans dix, cent, mille représentations, qu’en sera-t-il de ce si beau premier moment ?

Comment, au fil du temps, se préserver du danger souvent imperceptible qui guette tout comédien, tout spectacle : la mécanique, l’usure ?

Le quotidien nous fait lui aussi traverser des situations le plus souvent connues et répétitives.

Nos « mises en scène et interprétations » de notre vie de tous les jours sont établies, fixées en nous – figées, pourrait-on certainement dire. Nous connaissons par cœur les représentations que nous jouons jour après jour. Le public change, bien sûr : il est quelquefois nombreux, d’autres fois nous sommes seul à seul, dans la sphère professionnelle, dans l’espace privé…

Pourtant, tous ces moments ont eux aussi connu une première fois.

Alors pourquoi ? Pourquoi, si fréquemment, le jeu s’effrite-t-il au cours des représentations ? Pourquoi, si fréquemment, l’habitude s’installe-t-elle dans toute relation humaine, au risque de l’appauvrir, de l’assécher ?

Le comédien qui entre en scène le soir de la première est dans un extraordinaire état d’éveil. Le trac peut éventuellement le paralyser, ou au contraire le galvaniser ; mais dans tous les cas, le trac n’est rien d’autre que la manifestation d’une hypersensibilité.

Le comédien, ce soir-là, perçoit, reçoit de plein fouet le monde qui l’entoure : les partenaires, le public et lui-même. Il est pleinement disponible car il ne sait pas encore ce qui va se passer. Ce texte qu’il connaît par cœur, ces scènes qu’il a tant et tant répétées sont une première pour lui – en fait, une nouvelle première répétition.

Et s’il veut véritablement faire œuvre d’artiste, une fois la représentation terminée, le comédien devra travailler… à oublier. Oser oublier ce qu’il croit connaître, oublier comme il a joué. Et surtout, oublier le succès. Afin que la représentation du lendemain soit une nouvelle première répétition. Pour chercher à voir et à entendre comme il n’a encore jamais vu ni entendu.

Lorsque, dans la nuit, nous nous déplaçons dans notre appartement, toutes lumières éteintes, nous éprouvons ces mêmes sensations. Ce lieu que nous connaissons par cœur, nous nous efforçons soudain de le découvrir.

Nos sens sont pleinement sollicités car nous savons qu’autrement nous risquons la chute. Ainsi en est-il de nos relations humaines. La représentation qui fait la vie de tous les jours peut nous être apparemment connue ; il s’agit d’« assurer », de se déplacer avec certitude. Pourtant, il est évidemment impossible de savoir ce qui va se passer demain, dans une heure, dans un instant. La certitude empêche l’étonnement, elle étouffe la vie. La certitude fait de la représentation une mécanique, elle engendre l’usure.

La répétition inconnue est source de renouvellement, de toujours première fois. n

Steve Kalfa, acteur, auteur, réalisateur, coach kalfasteve@gmail.com LPH ACTUJ 984

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COIN LECTURE JEUX

Les coups de cœur

TROT OU GALOP

SERPENT SANS VENIN

FLÉCHIR

VOLATILE

PARTICULE

EXPERT

TENTA

ALLONGIONS

DE NATHALIE HIRSCHSPRUNG

JOUER EN BOURSE

BORD DE MER

PLANTE GRIMPANTE

POISSON CRU

CÉLÉBRITÉ

de Yonatan Berg. Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz Éditions de l’Antilope, 2021

VIEUX MAITRE

RAMENÉE À LA VIE VAPEUR D’EAU

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RACCOURCIT

PRÉNOM FÉMININ PATRIE DES CARIOCAS

LE 11 DU 13

ORAGE FAIT PARTIE DE LA LISTE

GÉNIE AU FÉMININ

ASSEMBLE HOMOGÉNÉITÉ

RÉPONSE À RÉFÉRENDUM

PATRIMOINE GÉNÉTIQUE

GONFLÉ ZÉNITH

HÉROS DU DÉLUGE

ILE DE FRANCE

COUSINE

Détendez-vous !

Solutions des jeux page 58

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de Benny Mer. Traduit de l’hébreu par Gilles Rozier Éditions de l’Antilope, 2021

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ENDURCI

REMET DANS L’AXE

Smotshè. Biographie d’une rue juive de Varsovie les beaux appartements du premier et les familles pauvres entassées dans une seule pièce avec toilettes sur le palier aux étages supérieurs. Les Varsoviens, juifs ou non, en avaient une image négative. Elle rimait avec « délinquance, pauvreté, maladie », elle était associée « à un mode de vie étranger, étrange ».

Une image « plus connue que la rue elle-même ».

Entre les deux guerres, les Juifs représentaient environ un tiers de la population de Varsovie. Benny Mer choisit de les faire revivre à travers la visite guidée de la rue Smotshè.

Il tente de retrouver ce qu’ils sont devenus après 1939 et parvient parfois à retracer qui a été enfermé dans le ghetto, qui y est mort, qui y a combattu durant l’insurrection.

Un livre enthousiasmant, nécessaire et émouvant. n

PÉRIODE

EMPEREUR ROMAIN

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interrogations d’un adolescent. Il s’y est senti à la fois protégé, comme dans un cocon, et oppressé par des peurs réelles et fantasmées.

Après le service militaire et la découverte de terres lointaines, Yonatan Berg prend la décision de quitter Psagot – non sans déchirement.

Ce formidable témoignage sur la façon dont un jeune homme tente de se libérer d’un destin décidé par d’autres et qui ne lui correspondait pas est aussi un appel au respect d'autrui. C’est magnifiquement écrit, subtilement construit : un livre très puissant. n

DIEU GUERRIER

DÉRACINÉ

PÉNÈTRE

C’est l’histoire d’une rue morte. Benny Mer l’a découverte en écoutant un poème chanté et l’a retrouvée en lisant des journaux parus il y a bien longtemps, en yiddish, à Varsovie.

Où est-elle ? Sur les plans de la ville d’aujourd’hui, une rue qui porte son nom polonais suit son tracé parmi des parcs et des blocs d’habitations. Mais est-ce la même ? Non. La rue Smotshè a été détruite en 1943. L’écrivain et journaliste israélien a décidé de la reconstituer, avec nostalgie. Il recrée un monde oublié et conduit ses lecteurs dans une rue juive engloutie parmi les ruines du ghetto, une rue aussi merveilleuse qu’effrayante.

C’était la rue la plus pauvre, sale, obscure, populeuse. À chaque numéro vivaient « des milliers d’individus » sur cinq étages et dans plusieurs cours intérieures, avec les propriétaires dans

PIÈCE DE HARNAIS

NOTE DU CHEF

SOLUTION

MOUVEMENT DE FOULE

Quitter Psagot Né à Jérusalem en 1981 dans une famille religieuse, Yonatan Berg a grandi dans le village de Psagot, à moins de deux kilomètres à vol d’oiseau de Ramallah. Pas toujours à l’aise dans le milieu religieux et nationaliste de Psagot, il va s’en nourrir pour écrire.

Dans Quitter Psagot, il nous y entraîne en même temps qu’il y revient, avec son histoire et les sensations qui l’ont traversé. Il nous fait pénétrer dans ce lieu peu visité, à la fois bucolique et violent, ouvert sur de lointaines collines et refermé sur un enseignement religieux pas toujours adapté aux

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JEUX Solutions des mots fléchés de la page 53

RECTIFICATIF Suite à l’article relatif à Manitou paru page 38 du numéro précédent, veuillez faire publier le rectificatif suivant : « Le totem attribué à Robert Gamzon n’est pas Chameau mais Castor soucieux.

Le totem de Chameau a été donné à Frédéric Chimon Hammel qui est monté en 1947 en Israël (kibboutz Ein HaNatziv dans la vallée de Beit Chéan).

Que leurs vies exemplaires soient une source de bénédictions. »

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