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L’après COVID-19 de la filière aéronautique
Supprimer des emplois crée le désastre social. Les adapter permet d’envisager l’avenir tout en protégeant la planète.
À la lecture de l’article paru dans Le Monde.fr, en date du 21 avril 2020, titré « Ce n’est pas le moment de soutenir l’aviation coûte que coûte : le Haut Conseil pour le Climat rappelle l’urgence de la transition écologique », la CFE-CGC réagit à ces propos. En effet, si elle partage, comme beaucoup d’acteurs socio-économiques, l’urgence de la transition énergétique, il n’en demeure pas moins qu’elle souhaite rétablir certaines vérités.
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Avant l’apparition de la COVID-19 et de la crise sanitaire dévastatrice qu’il a générée, s’instaurait dans différents pays une mode dite du « Transport Aerien Bashing ». Il faut dire qu’avec le mouvement dit du « Flygskam » suédois (« honte de prendre l’avion »), et le recul du trafic de 6 % qu’il a engendré dans les 10 premiers aéroports suédois, la question n’était plus « ce genre de mouvement est-il rétrograde ou pas ? ». La question était « cette forme de résistance allait-elle gagner l’Europe ou pas ? ». Le transport aérien pollue et donc il ne faut plus prendre l’avion ! Soyons rassurés, on ne s’interroge pas de la même façon côté Amérique du Nord ou Chine et ce avant longtemps.
La COVID-19 a cloué au sol toutes les flottes des compagnies et suspendu tout déplacement aérien. En parallèle, alors que la période de confinement n’est pas encore terminée, des voix se font déjà entendre (Haut Conseil pour le Climat) arguant qu’à la reprise, l’État ne devra investir ses deniers que dans les industries privilégiant la sauvegarde de la planète. À ce titre, on croit comprendre que le soutien, « coûte que coûte », à la filière aéronautique serait jugé peu opportun. Pour la CFE-CGC, ce serait une catastrophe à la vue de ce que pèse l’industrie aéronautique dans le PIB national et dans la balance commerciale. De très nombreux emplois
sont en danger grave et imminent !
Oui, le transport aérien est pollueur, mais
un contributeur modéré aux émissions
polluantes : 2 % des émissions mondiales de CO2 et seulement 14 % de la filière transport. Oui, l’aéronautique prend sa part dans la lutte contre la pollution. Oui, la CFE-CGC milite pour une planète plus propre. Mais la CFE-CGC milite aussi et surtout pour le maintien des emplois dans la filière. C’est pour cela que la CFE-CGC s’est inscrite pleinement avant la crise dans le projet de transition énergétique lié au transport aérien. Elle s’est inscrite pleinement dans les comités de filières et au Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile. Elle s’y est investie, car préparer dès aujourd’hui les technologies de demain est le meilleur moyen de préparer « la transition des emplois ».
Faudrait-il ralentir, remettre en question les aides étatiques, les initiatives industrielles et privées qui ont déjà permis au transport aérien de diviser par 2 les émissions de CO2 en 30 ans, de réduire par 5 la consommation par passager en 60 ans, mettre en péril les programmes de recherche technologique comme Clean Sky, SESAR, ou le mécanisme de compensation carbone Corsia visant encore plus à poursuivre la diminution des émissions de CO2 et de bruit à horizon 2050 ? Que deviendraient les travaux et recherches engagés vers de nouvelles propulsions (électrique, solaire, hydrogène) pour en doter des appareils de plus en plus lourds, les biocarburants, l’optimisation de l’aérodynamique, l’allègement des aéronefs avec des matériaux composites et plus légers, l’optimisation des routes aériennes ?
Pour la CFE-CGC, la COVID-19 ne doit rien changer à cette feuille de route et nous resterons mobilisés.
Il y a désormais deux solutions : 1) Nous laissons le transport aérien à l’abandon (en Europe et France, car, soyons-en certains, la concurrence bénéficiera de plans de soutiens massifs de la part du gouvernement américain). Les plans sociaux essaimeront dans le pays leurs cortèges de nouveaux chômeurs, et la France, l’Europe seront réduites au rang de spectatrices impuissantes du rebond économique. Et la planète ne sera pas pour autant préservée.
2) Nous prenons notre destin en main.
Comment ?
• Une aide massive doit être octroyée aux compagnies aériennes. Cette aide devra, non seulement servir à relancer le trafic, mais aussi inciter les compagnies aériennes à renforcer le renouvellement de leurs flottes avec des appareils de dernière génération. Cela sera d’autant plus nécessaire qu’avec le niveau très faible du prix du pétrole, la tentation sera grande de tirer au maximum profit de l’exploitation d’avions plus consommateurs de carburant.
• Un renforcement notable des financements de recherche pour aider l’industrie française et européenne à atteindre la cible de décarbonation de 2050 avant l’heure.
• Les grands donneurs d’ordre doivent eux-mêmes procéder à des entrées au capital de certains de leurs fournisseurs afin de les soutenir et de s’assurer de la continuité de livraison de pièces indispensables. Cela passera nécessairement par une réorganisation de la supply chain. Mais ne rien faire, c’est accepter la disparition d’entreprises et des emplois et compétences associés.
• Les prêts garantis par l’État, ou d’éventuelles entrées au capital doivent absolument être conditionnés à la défense de l’emploi en France. Ainsi, quelles sont les contreparties aujourd’hui d’un prêt garanti à Latécoère ? Aucun ! Quelle garantie l’État a-t-il obtenu des actionnaires de cette entreprise sur l’emploi ? Les partenaires sociaux de Latécoère attendent des réponses. Autre exemple : l’État accorde une aide de 7 Mrds € à Air France pour renouveler une partie de sa flotte avec des avions de dernière génération. Air France se tourne vers des A220 dont la production est au Canada et les moteurs américains. Quelles retombées pour l’emploi en France ? À moins